C O N G R È S Journées de la Société française de chirurgie digestive Vaux-de-Cernay, 12 et 13 décembre 2002 ● Y. Panis* L e 17e congrès de la Société française de chirurgie digestive (SFCD) s’est déroulé les 12 et 13 décembre 2002 à l’Abbaye de Vaux-de-Cernay (lieu propice à la méditation... mais aussi à la réflexion scientifique... et à la dégustation nocturne de très bons cigares et cognacs). Cette année, le comité d’organisation avait proposé, parallèlement aux communications libres (orales et sous forme de vidéos), sur lesquelles nous reviendrons et qui représentent habituellement l’essentiel des journées de la SFCD, trois sessions thématiques concernant tout d’abord les controverses en chirurgie digestive (cœlioscopie ou non dans le cancer colorectal, hépatectomie “anatomique” ou non dans les métastases hépatiques, renutrition précoce ou non après chirurgie digestive, cœlioscopie ou non dans les occlusions du grêle sur bride), puis la prise en charge des complications postopératoires en chirurgie rectale, et enfin une session “comment je fais” où étaient montrés des films de technique chirurgicale (cure de hernie, lobectomie gauche par cœlioscopie, cholecystectomie “pas chère”, réservoir colique en “J”). La cœlioscopie en chirurgie colorectale continue de gagner des parts de marché, et le récent article de Lacy dans le Lancet est un événement majeur, même si on peut être surpris du bénéfice carcinologique observé dans les stades III grâce à la laparoscopie (les résultats du groupe laparotomie ne sont-ils pas “curieux”, avec seulement 43 % de survie à 5 ans, et ce malgré la chimiothérapie adjuvante ?). D’autres études randomisées vont prochainement être publiées. La question posée est donc de savoir s’il faut ou non attendre ces résultats avant de se “lancer” dans les colectomies laparoscopiques pour cancer. Parfaire son apprentissage en réalisant un minimum de 30 à 40 colectomies pour lésions bénignes (pour diverticulite, notamment) semble, de toute façon, être la sagesse avant de réaliser des colectomies pour cancer. Le débat sur l’ablation précoce de la sonde gastrique et la renutrition précoce après chirurgie digestive devrait être clos depuis longtemps, car de nombreux essais et méta-analyses ont démontré qu’il était possible, sans surmorbidité, de réalimenter précocement les patients, notamment après chirurgie colorectale. Mais il est parfois difficile de vaincre les dogmes et les habitudes des chirurgiens. La présentation de Pradère (Toulouse) a sûrement fait avancer le débat dans le sens de la chirurgie “factuelle” sur ce sujet. Parmi les communications originales qui avaient été acceptées par le comité de sélection, deux concernaient la résection sigmoïdienne par laparoscopie pour diverticulite. L’équipe d’Arnaud (Angers) a montré, par une étude prospective portant sur 72 patients opérés par laparoscopie et comparés à 22 patients opérés par laparotomie, que les principes chirurgicaux établis par laparotomie (longueur de résection sigmoïdienne, hauteur de l’anastomose sur le * Service de chirurgie digestive, hôpital Lariboisière, Paris. 38 rectum) et les résultats (en termes de sténose anastomotique, de récidive de la diverticulite) sont équivalents en laparoscopie et en laparotomie. L’équipe de Mosnier (Paris) a montré, à partir de 71 hommes opérés pour diverticulite, que la laparoscopie n’a pas entraîné de complications urinaires ou sexuelles. L’ensemble de ces présentations confirme, s’il était besoin, que la laparoscopie représente aujourd’hui la voie d’abord de choix dans le traitement chirurgical de la diverticulite sigmoïdienne. Plusieurs présentations ont concerné le traitement du cancer du rectum. Parmi elles, l’équipe de Rullier (Bordeaux) a montré que la qualité de l’exérèse totale du mésorectum était équivalente en laparoscopie et en laparotomie. L’équipe de Lariboisière (Paris) a mis en évidence que la qualité de vie à long terme, plus de 5 ans après conservation sphinctérienne, était significativement diminuée par rapport à celle des témoins. Dans cette étude, seulement un tiers des patients avaient un score proche de la normale. Ce résultat montre que, même chez les patients avec un résultat fonctionnel satisfaisant et sans signe de récidive de la maladie, la qualité de vie est altérée après proctectomie pour cancer. Zeitoun et al. (Colombes) ont recherché, par une étude prospective sur des pièces de colectomie pour cancer et de métastasectomie hépatique, des facteurs génétiques prédictifs de récidive tumorale et d’évolution métastatique. Une analyse mutlivariée a montré que, chez les patients ayant une tumeur de stade II, le génotypage du 5q permettait clairement de définir la population à risque de récidive devant bénéficier d’une chimiothérapie adjuvante. La chirurgie du cancer de l’œsophage est de plus en plus débattue. Même si elle est à ce jour le traitement de référence, une résection R1 ou R2 ne semble pas apporter un quelconque bénéfice par rapport à un traitement médical. L’équipe de Triboulet (Lille) a donc recherché, chez 372 patients opérés, les critères prédictifs de résection R0. En analyse multivariée, deux critères de résection R0 étaient retrouvés : la non-déviation de l’axe œsophagien sur le TOGD et une réponse complète ou partielle à la radiochimiothérapie adjuvante. Le taux de résection R0 n’était que de 51 % et la survie de 0 % à 5 ans en présence de ces deux critères qui peuvent donc être considérés comme des contre-indications à la chirurgie. Enfin, parmi les autres communications, une a concerné le traitement par radiothérapie stéréotaxique des tumeurs hépatiques, qui se positionne en “concurrent” de la radiofréquence (Wachter et al., Orléans), et une autre les résultats à long terme du sphincter artificiel pour incontinence, autour duquel l’optimisme a un peu diminué (Lehur et al., Nantes), du fait d’un taux d’échec de 43 % et surtout d’une courbe de maintien en fonction du sphincter artificiel qui ne fait que diminuer au fil du temps, les échecs tardifs étant en effet fréquents. Rendez-vous l’année prochaine à la même époque à Lyon ! ■ La lettre du l’hépato-gastroentérologue - n° 1 - vol. VI - janvier-février 2003