Peut-on proposer une laparoscopie

publicité
HGE-EBM maq.
13/01/03
13:36
Page 315
Chirurgie
digestive
Peut-on proposer une laparoscopie
pour la réalisation d’une colectomie pour cancer ?
Ce qu’il faut retenir
● Dans le cancer colique! la laparoscopie
permet une exérèse carcinologique équiva"
lente à celle de la laparotomie#
● Les suites opératoires précoces sont
meilleures après colectomie pour cancer
Niveau de preuve
_
2
a chirurgie colo-rectale a longtemps eu une place à
part dans la chirurgie laparoscopique : il s’agit en
effet d’une chirurgie difficile, comprenant différents temps opératoires (dissections étendues, ligatures vasculaires, résection
intestinale, anastomoses), qui nécessite probablement une bonne
expérience à la fois en chirurgie colo-rectale et en chirurgie laparoscopique. C’est la raison pour laquelle les premiers cas de colectomies laparoscopiques datent seulement de 1991. Néanmoins,
la plus grande expérience des opérateurs, aidés en partie par les
progrès techniques, fait qu’aujourd’hui la laparoscopie est en train
de prendre une part de plus en plus importante en chirurgie colorectale. Cela est particulièrement vrai en pathologie bénigne
(diverticulite, maladie de Crohn).
Pour le cancer colo-rectal, le problème de la faisabilité technique
n’est évidemment que secondaire, et si celle-ci est clairement
démontrée aujourd’hui, les bénéfices potentiels immédiats de la
laparoscopie (morbidité, douleurs, esthétique, etc.) passent au
second plan par rapport au résultat carcinologique et à la survie
à long terme. Dans ce domaine, les premiers cas rapportés de dissémination tumorale le long des trajets de trocarts dans la paroi
abdominale, ont considérablement freiné (à raison) l’enthou-
faite par laparoscopie que par laparotomie#
● Une étude contrôlée de qualité satisfai"
sante suggère un bénéfice carcinologique
de la laparoscopie pour les colectomies
pour cancer#
siasme des équipes chirurgicales et le développement de la laparoscopie dans le traitement des cancers colo-rectaux. En effet, il
est difficilement acceptable qu’un patient ayant une tumeur potentiellement curable par une intervention traditionnelle puisse être
pénalisé sur le plan carcinologique sous prétexte de l’émergence
d’une nouvelle technique dont les avantages ne semblaient, jusqu’à l’étude de Lacy et al., concerner que la période postopératoire immédiate.
On sait aujourd’hui, grâce à de nombreuses études rétrospectives
et six études contrôlées analysant les résultats opératoires immédiats et le suivi à court terme, que la technique laparoscopique
peut être carcinologiquement équivalente à la technique par laparotomie, notamment pour la taille de l’intestin réséqué, les marges
de sécurité ainsi que le nombre de ganglions réséqués. En
revanche, les résultats carcinologiques à long terme manquaient
vraiment pour se faire une idée plus précise de la future place de
la laparoscopie dans le traitement du cancer colo-rectal. Parmi
les sept plus grands essais contrôlés en cours, l’essai de Lacy et
al. est le premier a être publié avec un suivi carcinologique médian
de 43 mois, suivi satisfaisant pour évaluer le résultat carcinologique.
L’étude a porté sur 219 patients ayant une colectomie pour cancer (rectum exlus) : 111 dans le groupe laparoscopie et 108 dans
le groupe laparotomie. Les patients du groupe laparoscopie retournaient plus rapidement à leur état antérieur que les patients du
groupe laparotomie, avec une reprise plus rapide du péristaltisme
intestinal (p = 0,001), et de l’alimentation orale (p = 0,005), et
La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 6 - vol. V - novembre-décembre 2002
315
HGE-EBM maq.
13/01/03
13:36
Page 316
Xä | w x Ç v x @ u t á x w
Å x w | v | Ç x
une durée d’hospitalisation plus courte (p = 0,005). La morbidité
était plus faible dans le groupe laparoscopie (p = 0,001), bien que
la laparoscopie n’ait pas influencé la mortalité périopératoire. La
probabilité de survie liée au cancer était plus élevée dans le groupe
laparoscopie (p = 0,02). Le modèle de cox montrait que la laparoscopie était associée de manière indépendante avec une réduction du risque de récidive tumorale (HR : 0,39 : IC 95 % 0,190,82), des décès, quelle qu’en soit la cause, (0,48, 0,23-1,01), et
de décès liés au cancer (HR : 0,38, IC 95 % : 0,16-0,91) par rapport à la laparotomie. Le bénéfice observé avec la laparoscopie
était lié aux différences constatées chez les patients avec tumeurs
de stade III (respectivement p = 0,04, p = 0,02, et p = 0,006).
La laparoscopie fait donc mieux que la laparotomie en termes de
résultat opératoire immédiat (on s’en doutait) mais, surtout, elle
améliore le résultat carcinologique, ce qui est en apparence surprenant. En fait, Lacy et al. ne font que confirmer plusieurs études
rétrospectives suggérant une amélioration de la survie à 5 ans
dans les stades III. De plus, un essai contrôlé a récemment montré que la laparoscopie entraînait une immunosuppression postopératoire plus faible qu’en laparotomie.
En conclusion, il faut sûrement attendre les résultats des autres
essais contrôlés en cours avant de se prononcer définitivement.
Mais les arguments sont aujourd’hui de plus en plus nombreux
pour penser qu’entre des mains expertes la laparoscopie peut être
proposée pour le traitement chirurgical du cancer colique.
316
R
É F É R E N C E S
1.
Lacy AM, Garcia-Valdecasas JC, Delgado S et al. Laparoscopic-assisted
colectomy versus open colectomy for treatment of non-metastatic colon cancer : a
randomized trial. Lancet 2002 ; 359 : 2224-9.
2. Slim K. La chirurgie colorectale par cœlioscopie à l’heure de l’evidence-based
medicine. Gastroenterol Clin Biol 2001 ; 25 : 1096-104.
Autres ? uestions non résolues
◆ Ces résultats provenant d’un centre expert sontils reproductibles ?
◆ Un apprentissage des colectomies laparoscopiques pour lésion bénigne est-il nécessaire avant
de réaliser des colectomies pour cancer ?
◆ Les conclusions obtenues dans le cancer colique
sont-elles transposables au cancer du rectum ?
La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 6 - vol. V - novembre-décembre 2002
Téléchargement