M I S E A U P O I N T Chimiothérapie adjuvante des cancers du sein : vers une approche séquentielle ● M.Tubiana-Hulin* D e nombreux cancers du sein, apparemment localisés et ayant reçu un traitement locorégional optimal, récidivent à distance après plusieurs mois ou années et sont encore aujourd’hui responsables de décès. L’hypothèse admise est celle de l’évolution de micrométastases occultes disséminées dans l’organisme et déjà présentes au moment de la chirurgie initiale : leur destruction constitue l’enjeu des traitements adjuvants et néoadjuvants. Les traitements adjuvants ont été largement utilisés depuis les années 70 et, bien que le bénéfice absolu en termes de survie soit modeste (6 à 8 %), on leur attribue, conjointement au dépistage, une responsabilité dans la diminution du taux de mortalité par cancer du sein observée au cours des dernières décennies (1). FACTEURS PRONOSTIQUES ET PRÉDICTIFS DES TRAITEMENTS SYSTÉMIQUES ADJUVANTS Jusqu’à récemment, l’indication des traitements systémiques adjuvants était uniquement fondée sur la reconnaissance des facteurs de risque de rechute, l’intensité de ces traitements étant éventuellement proportionnelle à la gravité du risque encouru. La reconnaissance des caractéristiques biologiques des tumeurs qui président à l’efficacité probable d’un traitement devrait permettre, dans un avenir proche, d’améliorer les résultats chez les patientes “répondeuses”. Principaux facteurs pronostiques Les traitements adjuvants ont été proposés tout d’abord à des patientes chez lesquelles un envahissement ganglionnaire était mis en évidence lors du traitement de la tumeur primitive. Les indications ont été par la suite étendues aux populations sans envahissement ganglionnaire pour lesquelles un risque de rechute était établi de par l’existence d’autres facteurs pronostiques défavorables : taille tumorale importante, grade histopronostique élevé, absence de récepteurs hormonaux d’estrogènes et de progestérone dans les cellules malignes, âge inférieur à 35 ans et existence d’emboles vasculaires péritumoraux. La Conférence de consensus qui a clôturé la réunion de Saint-Gall en mai 1998 (2) a établi des recommandations définissant les indications des traitements adjuvants et de leurs *Centre René-Huguenin, Saint-Cloud. 60 principales modalités. La chimiothérapie adjuvante est ainsi envisagée dans toutes les populations avec envahissement ganglionnaire. Une hormonothérapie par tamoxifène y est associée lorsque les récepteurs hormonaux sont positifs. Dans les populations ne présentant pas d’envahissement ganglionnaire, l’existence d’un facteur pronostique défavorable peut faire envisager un traitement adjuvant. Si les récepteurs hormonaux sont négatifs, il s’agit alors d’une chimiothérapie. Le tableau I reproduit la classification des populations N– en trois classes de risque. Tableau I. Classement en risque faible, intermédiaire ou élevé chez des patientes ne présentant pas d’envahissement ganglionnaire axillaire (N–) (2). Facteurs Risque faible Risque intermédiaire Risque élevé Taille de la tumeur 1 cm 1-2 cm > 2 cm Récepteurs hormonaux d’estrogènes et/ou progestérone + + – 1 1-2 Grade Age 35 ans 2-3 < 35 ans Vers de nouveaux facteurs biologiques prédictifs de la réponse au traitement adjuvant Plusieurs facteurs pronostiques biologiques ont été récemment reconnus, parmi lesquels des marqueurs de prolifération tumorale (phase S par cytométrie en flux, KI 67/MB1 par immunohistochimie, cyclines...), des protéases (cathepsine D, UPA, PAI 1), certaines molécules d’adhésion (intégrines, adhésines), des oncogènes et anti-oncogènes (c-erb B-2, p53...) (3-6). Ces facteurs sont confrontés aux facteurs pronostiques classiques dans des analyses multifactorielles afin de définir leur poids pronostique et d’affiner leur valeur prédictive. Une voie de recherche encore plus intéressante est de définir les facteurs prédictifs de réponse au traitement adjuvant. Le seul facteur prédictif reconnu à l’heure actuelle est l’existence de récepteurs hormonaux dans la tumeur primitive, condition nécessaire – mais non suffisante – à l’efficacité de l’hormonothérapie par tamoxifène. La Lettre du Cancérologue - volume IX - n° 2 - avril 2000 Deux autres facteurs prédictifs sont en cours de validation : la prolifération tumorale et l’oncogène c-erb B-2. ✓ La relation entre chimiosensibilité et prolifération tumorale a été démontrée dans plusieurs études de protocoles de chimiothérapie néoadjuvante. La régression tumorale sous chimiothérapie (dans les tumeurs primitives à phase S élevée) est ellemême corrélée à une réduction du risque de rechute (7). Ces éléments rendent probable un surcroît d’efficacité de la chimiothérapie adjuvante dans les tumeurs à prolifération élevée, mais une démonstration claire et définitive n’est pas encore établie. ✓ La relation entre l’amplification du gène c-erb B-2 (ou la surexpression de la protéine) et les traitements adjuvants et néoadjuvants a été étudiée : – surexpression et résistance au tamoxifène (8), – surexpression et résistance à la chimiothérapie de type CMF (9), – surexpression et sensibilité aux anthracyclines, ou aux anthracyclines à “fortes doses” (10, 11), – surexpression et sensibilité aux taxanes (12), – sensibilité à la radiothérapie. Cependant, ces résultats ne sont pas tous concordants et concernent le plus souvent des études rétrospectives. La validation de la positivité de c-erb B-2 suppose que soit définie la meilleure méthode de détection (amplification du gène par Fish ou PCR, surexpression de la protéine par des méthodes immunohistochimiques comprenant divers anticorps) et qu’un contrôle de qualité soit établi afin de vérifier la réalisation technique et les seuils, pour que des études prospectives puissent confirmer les résultats des études rétrospectives. IMPACT DE LA CHIMIOTHÉRAPIE ADJUVANTE SUR LE DEVENIR DES PATIENTES Deux grands essais randomisés adjuvants débutés en 1972 et 1973 ont eu un impact considérable sur la prise en charge des cancers du sein opérables. Un bénéfice en termes de survie sans rechute était alors démontré pour les patientes ayant une tumeur avec envahissement ganglionnaire axillaire avec deux ans de melphalan dans l’étude du NSABP et un an de la combinaison CMF (cyclophosphamide, méthotrexate, 5 fluoro-uracile) dans l’étude de l’Institut du Cancer de Milan (13). L’analyse des sous-groupes montrait que le bénéfice concernait essentiellement la population des moins de 50 ans avec un envahissement ganglionnaire modéré. De nombreuses études comparant divers protocoles de chimiothérapie ont été conduites afin d’établir l’efficacité de la chimiothérapie dans différents groupes de patientes (avant ou après 50 ans, avec ou sans envahissement ganglionnaire), ainsi que les modalités optimales d’administration. La méta-analyse internationale des essais adjuvants fait la somme de 80 % des essais publiés ou réalisés dans le monde. La publication de septembre 1998 (14) porte sur 30 000 patientes traitées et incluses dans 69 études randomisées. Elle regroupe 18 000 patientes traitées dans 47 études La Lettre du Cancérologue - volume IX - n° 2 - avril 2000 ayant débuté avant 1990 et comparant une polychimiothérapie prolongée à une absence de chimiothérapie, 6 000 patientes dans 11 essais de polychimiothérapie longue comparée à une chimiothérapie de durée courte et, enfin, 6 000 patientes dans 11 essais comparant une chimiothérapie avec anthracyclines à une chimiothérapie de type CMF. L’efficacité de la chimiothérapie est ici établie quel que soit l’âge (p < 0,00001), avec un résultat néanmoins quantitativement plus important avant 50 ans (35 %) que de 50 à 69 ans (20 %). La réduction du taux annuel de décès est de 27 % (DS 5, p < 0,00001) chez les moins de 50 ans et de 11 % (DS 3, p < 0,0001) chez les patientes âgées de 50 à 69 ans au moment de la randomisation (tableau II). La réduction relative du taux de rechute s’établit dans les cinq premières années, alors que la survie globale est améliorée au long des dix premières années de suivi. Tableau II. Réduction du taux annuel de rechute et de mortalité dans les diverses tranches d’âge (14). Toutes les patientes Rechute Mortalité 23,8 % sd 2,2 15,2 % sd 2,4 < 40 ans 37 % sd 7 27 % sd 8 40-49 ans 34 % sd 5 27 % sd 8 50-59 ans 22 % sd 4 14 % sd 4 60-69 ans 18 % sd 4 8 % sd 4 Dans les deux groupes, la réduction relative du risque apparaît indépendante du statut ménopausique, des récepteurs hormonaux et de l’association ou non de tamoxifène. De plus, le bénéfice relatif s’avère identique selon qu’il existe ou non un envahissement ganglionnaire. En ce qui concerne la durée optimale du traitement étudiée chez 6 000 patientes, les chimiothérapies d’une durée de trois à six mois donnent des résultats équivalents à celles prolongées au-delà. Quant à l’éventuelle supériorité des protocoles comportant des anthracyclines par rapport au CMF, si celle-ci paraît probable en termes de réduction du taux de rechute (réduction de 12 %, DS 4, p = 0,006) et de décès (69 % versus 72 % pour la survie à cinq ans, p = 0,02), la largeur de l’intervalle de confiance ne permet pas de l’affirmer de façon formelle. Contrairement aux essais d’hormonothérapie adjuvante par tamoxifène, dans lesquels le traitement expérimental est une même molécule à des doses sensiblement identiques, les essais de chimiothérapie recouvrent des protocoles variés (drogues, doses, modalités d’administration et durée du traitement). Ces éléments ont un effet reconnu sur l’efficacité des chimiothérapies, mis en évidence en phase métastatique ou dans certains essais adjuvants comparant des protocoles différents. Les conclusions de la méta-analyse établissent la problématique d’un effet minimal obtenu avec les chimiothérapies de type CMF. En revanche, elle ne permet pas de conclure sur des modalités particulières de traitement : nouvelles drogues, fortes doses, protocoles alternés ou séquentiels. 61 M I S E A U OPTIMISATION DU TRAITEMENT ADJUVANT Apport des anthracyclines Les anthracyclines sont parmi les drogues les plus actives dans le cancer du sein métastatique. Utilisés à partir de 1974 par le groupe du MD Anderson au Texas (15, 16), dans des études non randomisées, les protocoles FAC (5 fluoro-uracile, doxorubicine, cyclophosphamide) paraissaient déjà établir un gain en termes de survie chez des patientes présentant un envahissement ganglionnaire (en particulier supérieur à trois ganglions) et ce quel que soit l’âge. En France, la majorité des protocoles de chimiothérapie adjuvante administrés depuis une quinzaine d’années comporte des anthracyclines, et ce malgré le risque de toxicité cardiaque inhérent aux doses cumulatives de ces drogues. Comme il a été dit précédemment, la méta-analyse d’Oxford établit la supériorité des protocoles de chimiothérapie avec anthracyclines, mais ceci de façon marginale (14). Tout récemment, une méta-analyse canadienne portant sur 23 essais adjuvants avec anthracyclines a conclu à leur impact significatif (17). La revue des essais des grands groupes coopérateurs permet quelques conclusions complémentaires. L’essai du NSABP B-11 a comparé l’association melphalan/5 fluoro-uracile (PF) à l’association melphalan/5 fluorouracile/doxorubicine (PAF) chez des patientes âgées de moins de 49 ans, ainsi que chez des patientes de 50 à 59 ans ayant des tumeurs à récepteurs de progestérone négatifs. L’addition de doxorubicine confère ici un avantage en termes de survie sans récidive et de survie globale à six ans. En revanche, la même combinaison à laquelle est adjoint du tamoxifène (NSABP B12), soit PFT (melphalan/5 fluoro-uracile/tamoxifène) versus PAFT (melphalan/5 fluoro-uracile/doxorubicine/tamoxifène), chez des patientes âgées de plus de 60 ans ou chez des patientes âgées de 50 à 59 ans avec des tumeurs porteuses de récepteurs de progestérone, ne met pas en évidence de différence significative en termes de survie sans récidive et de survie globale (18). Notons que les doses de doxorubicine administrées dans ces essais (30 mg/m2 par cure, pour six cures) apparaissent suboptimales. Un essai plus récent du NSABP (B-15) a le mérite d’avoir posé la question du rôle de l’association doxorubicine/cyclophosphamide par comparaison au classique CMF. Plus de 2 000 patientes avec envahissement axillaire ont été randomisées entre quatre cures de chimiothérapie de type AC (doxorubicine 60 mg/m2, cyclophosphamide 600 mg/m2) administrées sur une période de deux mois versus une chimiothérapie de type CMF classique en six cures (administrées pour une durée de six mois). Un troisième bras a évalué la séquence AC ! CMF, avec un intervalle de six mois entre la dernière cure d’AC et la première cure de CMF. Les résultats de cet essai montrent une absence de réduction du risque de récidive ou de différence en termes de survie globale (tableau III), mais une supériorité de l’association AC par rapport au CMF en termes de qualité de vie et de réduction de la toxicité (19). 62 P O I N T Tableau III. Cancer du sein opérable avec envahissement axillaire. Principales études randomisées de chimiothérapie adjuvante avec ou sans anthracyclines. Références Groupe Chimiothérapie Nombre Follow-up Survie sans Survie (années) récidive globale % % +A –A p +A –A p 707 5 51 44 0,007 65 59 0,008 Fischer 1989 (18) NSABP B-11 PF vs PAF Fischer 1989 (18) NSABP B-12 PFT vs PAFT 1 106 5 64 63 0,4 77 78 0,9 Fischer 1990 (19) NSABP B-15 CMF vs AC 2 194 3 62 63 0,5 83 82 0,8 Moliterni 1991 (20) Milan CMF vs CMF-A 486 5 72 74 0,73 86 89 NS Misset 1992 (21) Onco-France CMF vs AVCF Préménopause 249 10 54 43 0,04 67 61 0,01 61 43 0,02 76 50 0,001 Coombes 1996 (22) ICCG CMF vs FEC 760 5 61 58 0,26 79 76 0,23 Levine 1998 (23) NCI Canada CMF vs FEC 710 5 63 53 0,009 77 70 0,03 Le groupe de Bonadonna, à l’Institut du Cancer de Milan, a lui aussi testé l’impact de la doxorubicine dans deux groupes de patientes : ✓ Dans le groupe de patientes ayant un envahissement ganglionnaire limité de un à trois, pour lequel l’apport de six cycles de CMF apparaît le plus net, la doxorubicine a été administrée après six cures de CMF et comparée au CMF seul : les résultats de cette étude publiée par Moliterni en 1991 (20) ne montrent pas de supériorité du bras avec doxorubicine. ✓ Dans le groupe de patientes ayant un envahissement ganglionnaire important, pour lequel l’apport de six cures de CMF adjuvant apparaît plus marginal, la doxorubicine a été introduite dans les deux bras de traitement selon les modalités alternées ou séquentielles. Nous reviendrons en détail sur cette étude ultérieurement. L’étude de Misset, du groupe Onco-France (21), a comparé l’association AVCF (doxorubicine, vincristine, cyclophosphamide, 5 fluoro-uracile) à la combinaison CMF, et démontre, avec un long recul (dix ans de suivi), une supériorité du bras avec anthracyclines en termes de survie sans récidive et de survie globale chez des patientes préménopausées. L’étude de l’International Breast Cancer Cooperative Group (22) a comporté deux phases. La première partie a effectué une comparaison CMF versus FEC classique (FEC 1), et les résultats, avec un suivi médian de trois ou cinq ans, sont superposables entre les deux bras. Dans une deuxième partie, le protocole FEC 1 a été modifié (FEC 2) en majorant les doses de cyclophosphamide et de 5 fluoro-uracile, sans modifier l’épirubicine. On obtient alors des résultats significativement supérieurs en termes de survie sans récidive et de survie globale par rapport au protocole comportant le CMF. La Lettre du Cancérologue - volume IX - n° 2 - avril 2000 Plus récemment, l’étude de Levine, du NCI canadien (23), réactualisée en 1998, a comparé l’impact de six cures de CMF (cyclophosphamide 100 mg/m 2, méthotrexate 40 mg/m 2 et 5 fluoro-uracile 600 mg/m2) versus six cures de FEC (cyclophosphamide 75 mg/m2, épirubicine 60 mg/m2 et 5 fluoro-uracile 500 mg/m2) chez des femmes préménopausées avec envahissement axillaire. Avec un suivi de cinq ans, les résultats de cet essai sont en faveur du CEF, avec une survie sans récidive de 63 % versus 53 % (p = 0,009) et une survie globale de 77 % versus 70 % (p = 0,03). ■ Au total, trois études comparant une chimiothérapie avec anthracyclines à un CMF “classique” montrent une réduction significative du risque de rechute et de décès : l’étude OncoFrance, l’étude de l’IBCCG et l’étude du NCI Canada, avec Levine. Des doses d’anthracyclines suboptimales par cycle ou au total expliquent peut-être certaines études “négatives”. La méta-analyse d’Oxford confirme l’apport des anthracyclines par rapport à des chimiothérapies adjuvantes n’en comportant pas : réduction de 12 % du risque de rechute (p = 0,006) et de 11 % du risque de décès (p = 0,02). Durée du traitement De nombreuses études randomisées ont posé la question de la durée de la chimiothérapie adjuvante. La plus importante reste l’étude de Bonadonna, à l’Institut du Cancer de Milan (24). Avec un recul de cinq ans et sur une population de 460 patientes, les résultats de cette étude randomisée ayant comparé les durées d’une chimiothérapie par CMF (6 cycles versus 12 cycles) démontrent qu’il n’existe aucune différence significative : le taux de survie sans rechute est de 59 % avec 12 cycles de CMF et de 65,6 % avec six cycles (p = 0,17). De même, la survie globale est identique, avec un taux médian à cinq ans de 72 % (12 cycles) et 77 % (6 cycles ; p = 0,20). Dans tous les sous-groupes analysés, aucun bénéfice n’est trouvé en faveur d’une chimiothérapie adjuvante comprenant 12 cycles de CMF : pré- ou postménopause, envahissement ganglionnaire de 1 à 3 ou > 3 ganglions. Des résultats significativement inférieurs sont obtenus avec une cure unique (25). L’étude comprenait 1 229 patientes présentant un cancer du sein avec envahissement axillaire. Trois durées de traitement adjuvant ont été comparées : un seul cycle de CMF dans les 36 heures suivant la mastectomie versus six cycles de CMF versus la combinaison des deux précédentes stratégies. Le traitement par un cycle de CMF en postopératoire s’avère significativement inférieur en termes de taux de survie sans rechute à quatre ans (40 % versus 62 % versus 60 % ; p < 0,0001) et de survie globale (69 % versus 80 % versus 74 %). L’étude de l’International Breast Cancer Study Group (IBCSG) a comparé, selon un schéma bifactoriel, quatre durées de CMF chez 1 554 patientes non ménopausées avec envahissement ganglionnaire : trois cycles versus six cycles versus six cycles et réintroduction, après un intervalle libre de La Lettre du Cancérologue - volume IX - n° 2 - avril 2000 trois mois, de trois cycles supplémentaires versus trois cycles et réintroduction de trois cycles après une période de repos de trois mois. Les résultats sont en faveur d’une administration sur au moins six cycles de CMF : taux de survie sans rechute à cinq ans de 53 % (trois CMF) versus 58 % (autres bras à six cycles et plus), p = 0,04. L’étude française du French Adjuvant Study Group (FASG), récemment actualisée (ASCO 99), donne les résultats à huit ans de la comparaison de six cycles de FEC 50 versus trois cycles de FEC 50 versus trois cycles de FEC 75. La comparaison directe des deux bras traités par FEC 50 montre qu’il existe une différence significative en faveur des six cycles sur la survie sans rechute (55,5 % versus 46,1 % ; p = 0,018) et la survie globale (67,4 % versus 60,8 % ; p = 0,047). La différence de survie sans récidive entre six cycles de FEC 50 et trois cycles de FEC 75 (55,5 % versus 47 %) est aussi significative (p = 0,04), en faveur des six cycles de FEC 50, mais il n’y a pas de différence significative en survie globale (26). Outre la durée du traitement, cet essai permet de poser la question de la dose seuil d’anthracyclines. La méta-analyse des essais de polychimiothérapie prenant en compte les chimiothérapies CMF ou de type CMF et les chimiothérapies par anthracyclines établit la durée optimale probable de la chimiothérapie adjuvante entre quatre et six mois (14). La durée optimale varie suivant le protocole considéré : l’étude NSABP B-15 (19), montrant la meilleure acceptation et l’égale efficacité de quatre cures d’AC par rapport à six CMF en termes de survie sans rechute à trois ans, a fortement influencé la communauté internationale, quatre cures de chimiothérapie avec anthracyclines devenant pour beaucoup l’unité de base de la chimiothérapie adjuvante efficace. La brièveté de ce protocole et sa bonne tolérance sont les conditions requises pour l’administration précoce d’autres protocoles sans résistance croisée prescrits sur une durée identique, et dont on pourrait attendre un effet additif sans remettre en cause le dogme des quatre à six mois de traitement. Cette démarche a été entreprise par les équipes du Memorial Hospital, à New York, du NSABP, du CALGB et de la Fédération des Centres anticancéreux de France. Dose-intensité L’augmentation des doses majore les chances de détruire complètement une population tumorale sensible, lorsque la drogue utilisée a un effet-dose. La dose-intensité a été définie par Hryniuk (27) comme la quantité d’un médicament exprimée en milligrammes par mètre carré de surface corporelle et par unité de temps (semaine). Cette définition a eu le mérite de permettre la comparaison de protocoles thérapeutiques, et de laisser apparaître les modulations possibles : ✓ escalade de doses avec augmentation de la dose unitaire du ou des médicaments, en maintenant l’intervalle (habituellement trois ou quatre semaines), 63 M I S E A U ✓ réduction de l’intervalle entre l’administration de cycles, en maintenant des doses “tolérables” de chaque drogue (en limitant ainsi le temps de repopulation cellulaire entre deux cycles), ✓ augmentation de la dose totale administrée en jouant sur les deux modalités différentes et/ou la durée totale du traitement. Les doses-intensités théorique et administrée sont des paramètres pris en compte dans la comparaison des différents régimes de chimiothérapie utilisés actuellement. Études randomisées testant l’augmentation de la dose totale ou l’intensité de dose des drogues administrées Lorsque le facteur multiplicatif a été inférieur ou égal à quatre, les traitements ont été menés sans greffe de cellules souches hématopoïétiques. Deux études montrent une amélioration significative du pronostic pour les groupes recevant les “fortes doses”. Il s’agit de l’étude du CALGB 8541, publiée avec un recul moyen de neuf ans par Budman en 1998 (28) : six cures de chimiothérapie FAC en trois groupes recevant 30, 40 ou 60 mg/m2 d’adriamycine, et de l’étude du GFEA, présentée par Bonneterre en 1998 (29) avec cinq ans de recul : six cures de chimiothérapie FEC en deux groupes recevant 50 ou 100 mg/m2. Cependant, les doses d’anthracyclines administrées dans les groupes recevant les faibles doses de ces deux études apparaissent actuellement suboptimales, et n’établissent ainsi que l’effet délétère d’une réduction de dose. Le schéma de trois études récemment publiées leur permet d’échapper à cette critique. Les études B-22 (30) et B-25 (31) du NSABP et l’étude CALGB 9344 (32) comportent un traitement standard identique : quatre séquences de l’association adriamycine 60 mg/m2 + cyclophosphamide 600 mg/m2 . Les études du NSABP testent l’augmentation des doses de cyclophosphamide (même dose en deux cures au lieu de quatre cures ou en dose totale multiplication par deux ou par quatre). L’étude du CALGB teste une augmentation des doses d’anthracyclines de 50 %. Les taux de survie sans rechute et de survie globale n’ont pas été modifiés. En revanche, les toxicités aiguës ont été considérablement accrues : multiplication par dix du taux de complications dans le bras “fortes doses” du B-25 par rapport au traitement standard, malgré l’utilisation systématique de facteurs hématopoïétiques. Au total, l’augmentation des doses de la chimiothérapie adjuvante, dans la limite d’une multiplication par quatre, n’a pas fait la preuve d’un surcroît d’efficacité. Elle montre en revanche l’effet nocif d’une réduction des doses en deçà de la dose optimale. Études randomisées testant les chimiothérapies adjuvantes intensives avec greffe de cellules souches hématopoïétiques Les protocoles ont inclus des patientes à haut risque de rechute ayant habituellement plus de dix ganglions envahis. Trois études randomisées prospectives portant sur un nombre élevé de patientes ont été présentées en séance plénière à 64 P O I N T l’ASCO en 1999. Les études de Peters (33) et Berg (34) comportaient un traitement d’induction de quatre cycles de chimiothérapie de type FAC ou FEC et une cure de “consolidation” intensifiée dans le bras expérimental. Respectivement 874 et 525 patientes ont été randomisées. Avec un recul médian de trois et deux ans, aucune différence significative en survie n’est apparue. Ces résultats sont en accord avec ceux de Hortobagyi (35) et de Rodenhuis (36), comportant une induction pré- et postopératoire avec anthracyclines et cyclophosphamide, dont les séries incluent un nombre de patientes plus limité. DE L’ESCALADE DE DOSE AUX TRAITEMENTS ALTERNÉS OU SÉQUENTIELS Rationnel Les modèles de Goldie, Norton et Skipper (37-39) Schématiquement, les premiers travaux expérimentaux réalisés par l’équipe de Skipper sur des lignées cellulaires hématologiques ont établi les effets des drogues cytotoxiques sur des populations tumorales en croissance exponentielle (37). Skipper émettait alors l’hypothèse que la fraction de cellules tumorales détruites par une drogue cytotoxique pouvait être indépendante de l’importance de la masse tumorale. Selon l’équipe de Goldie et Coldman, la fraction de cellules tumorales détruites par une drogue cytotoxique croît le plus souvent avec l’augmentation des doses d’une même drogue, alors qu’une autre drogue cytotoxique peut également entraîner la destruction supplémentaire d’une autre fraction de la population tumorale. De plus, des cellules mutantes résistantes, corrélées en nombre à la masse tumorale, vont apparaître spontanément au cours de l’évolution de la tumeur. Ainsi, l’éradication complète d’une tumeur suppose une masse tumorale résiduelle faible, condition réalisée en situation adjuvante, ainsi que l’administration précoce de combinaisons de drogues cytotoxiques aux doses les plus élevées possibles (38). En pratique, l’absence de démonstration clinique du bienfondé du modèle de Skipper a conduit à une nouvelle analyse du mode de croissance tumorale des cancers du sein expliquant les échecs observés. En effet, plutôt qu’une cinétique exponentielle à temps de doublement constant, l’observation clinique des masses tumorales métastatiques est en faveur d’une cinétique de type gompertzien (39), selon laquelle le temps de doublement des cellules, rapide pour les masses tumorales faibles, augmente progressivement alors que la masse tumorale croît. La théorie de Norton permet d’expliquer la faible efficacité clinique de certains traitements. Un cancer du sein est en effet composé de plusieurs lignées cellulaires dont le temps de prolifération et la sensibilité au traitement varient. La chimiothérapie est alors susceptible de détruire certaines lignées alors que d’autres ne sont pas touchées. De plus, les cellules résiduelles de la lignée sensible peuvent conduire à une repopulation cellulaire rapide (en raison de leur temps de doublement élevé) et risquent, de ce fait, d’être moins sensibles au traitement ultérieur. La Lettre du Cancérologue - volume IX - n° 2 - avril 2000 Dose-intensité et administration séquentielle Selon Norton (39), l’administration séquentielle de plusieurs drogues ou combinaisons présente des avantages en termes de dose-intensité. L’effet cytotoxique maximal d’une combinaison de drogues est obtenu lorsque chacune des drogues est administrée à sa dose d’efficacité maximale. Or, l’administration simultanée de plusieurs drogues nécessite souvent, en pratique, une réduction des doses, en raison des toxicités additives. L’administration séquentielle comme l’administration alternée permettent de délivrer chaque agent à dose unitaire pleine. Le traitement séquentiel autorise le maintien ou la réduction de l’intervalle entre deux doses d’un même agent, ce qui limite le temps de repopulation tumorale à partir des cellules résiduelles de la lignée sensible à ce même agent. À l’inverse, le traitement alterné augmente l’intervalle séparant l’administration de deux doses d’un même agent, puisque l’administration d’un autre agent cytotoxique a été intercalée. De ce fait, la dose-intensité de cet agent est diminuée, le calcul prenant en compte l’espacement entre les cycles et le temps de repopulation tumorale. L’administration séquentielle de la chimiothérapie paraît être une modalité favorable pour optimiser la dose-intensité, car elle autorise une dose totale délivrée proche de la dose-intensité théorique et un intervalle court entre les cycles d’un même agent. Au surplus, l’utilisation d’agents ayant des spectres d’action différents sans résistance croisée peut permettre de limiter l’émergence de clones de cellules résistantes. glions envahis et tumeur 2 cm) traitées en alterné. Dans les deux bras de l’étude, la dose-intensité reçue des cytotoxiques est bonne et comparable : 0,92 pour le traitement séquentiel et 0,94 pour le traitement alterné. Cependant, en ce qui concerne la doxorubicine elle-même, l’intensité de dose de cet agent est augmentée dans le bras séquentiel (quatre cycles de doxorubicine sur neuf semaines) par rapport au bras alterné (quatre cycles de doxorubicine sur 27 semaines). Il s’agit là de l’explication avancée pour comprendre l’avantage du traitement séquentiel : la réduction du délai entre deux administrations de doxorubicine permettrait de diminuer la repopulation de la fraction cellulaire chimiosensible. % de patientes survivantes 100 Traitement alterné Optimisation de la chimiothérapie adjuvante grâce au traitement séquentiel L’essai du groupe de Milan L’étude de l’Institut du Cancer de Milan (40) comparant en adjuvant, chez des patientes avec trois ganglions envahis ou plus, un schéma séquentiel (quatre cures de doxorubicine puis huit cures de CMF) à un schéma alterné (deux cures de CMF puis une cure de doxorubicine, répétées à quatre reprises) est l’élément déterminant dans cette démonstration. Les deux bras de traitements comparés ne diffèrent que par le mode d’administration, la dose de doxorubicine (75 mg/m2) et celle du CMF étant identiques. Traitement séquentiel 50 0 5 Années 10 Figure 1. Survie sans rechute comparée entre traitement séquentiel et traitement alterné (40). % de patientes survivantes 100 Traitement séquentiel Les résultats obtenus sur les 405 patientes incluses avec un suivi sur dix ans sont en faveur de l’administration séquentielle en termes de survie sans rechute (42 % versus 28 % ; p = 0,002) et de survie globale (58 % versus 44 % ; p = 0,002). Le temps médian jusqu’à progression est double dans le bras séquentiel (86 versus 47 mois) (figures 1 et 2). Ces bénéfices sont observés dans tous les sous-groupes de la population de l’étude. En particulier, on remarquera que les patientes ayant le plus mauvais pronostic (> 10 ganglions envahis et tumeur de taille > 2 cm) ont un taux de survie sans rechute de 85 % dans le bras séquentiel, comparable à celui observé chez les patientes de meilleur pronostic (4 à 10 ganLa Lettre du Cancérologue - volume IX - n° 2 - avril 2000 50 Traitement alterné 0 5 Années 10 Figure 2. Survie globale comparée entre traitement séquentiel et traitement alterné (40). 65 M I S E A U Amélioration de la tolérance Les combinaisons de chimiothérapie classique FAC, FEC ou CMF ne délivrent pas les doses optimales théoriques de chacun des produits, du fait de l’effet additif des toxicités : médullaires, digestives et test cardiaque. La cardiotoxicité des doses cumulées entrave l’administration des anthracyclines. L’utilisation des anthracyclines à dose optimale est contrariée par leur cardiotoxicité, effet secondaire cumulatif. Pour la doxorubicine, l’incidence de la cardiomyopathie congestive est estimée à 3 % pour des doses cumulées inférieures à 400 mg/m2, mais elle est d’environ 18 % pour des doses cumulées de 700 mg/m2. Dans la revue des résultats à long terme obtenus par le régime FAC (5 fluoro-uracile, doxorubicine, cyclophosphamide) du MD Anderson, il est mentionné une incidence de cardiotoxicité de 1 % chez 222 patientes traitées en adjuvant (16). L’administration séquentielle en situation adjuvante a plusieurs avantages, liés à une meilleure gestion du profil de tolérance des agents cytotoxiques utilisés : ✓ La dose cumulée d’anthracyclines sera généralement en deçà de la dose cardiotoxique. Le risque de cardiomyopathie iatrogène sera donc réduit. Dans l’étude de Bonadonna (40), la dose cumulée de doxorubicine administrée à 75 mg/m2 pour quatre cycles atteint 315 mg/m 2, et seulement 1 % des patientes (n = 4) ont présenté une décompensation cardiaque liée au traitement. Cette dose cumulée “faible à modérée” est un point important en situation adjuvante. ✓ L’étude de Bonadonna (40) démontre l’efficacité accrue du schéma séquentiel par rapport au schéma alterné avec les drogues considérées (adriamycine et CMF). Toutefois, en l’absence de comparaison directe avec une chimiothérapie classique comportant un protocole avec anthracyclines de quatre à six séquences, elle ne permet pas d’établir l’intérêt du traitement séquentiel en soi. L’introduction des taxanes dans les protocoles adjuvants a permis d’apporter des éléments plus démonstratifs. L’apport du paclitaxel en situation adjuvante L’équipe du Memorial Sloan Kettering, à New York (41), a introduit le paclitaxel dans des schémas de traitement adjuvant séquentiel, administré à des patientes à haut risque de rechute, en augmentant l’intensité de dose et la densité de dose sous couvert de facteurs de croissance hématopoïétiques. Une première étude de phase II comportant trois cures de trois drogues administrées de façon séquentielle (doxorubicine 90 mg/m2, paclitaxel 250 mg/m 2 sur 24 heures et cyclophosphamide 3 g/m 2) a permis d’obtenir des résultats très favorables en termes de survie sans rechute chez 44 patientes, mais au prix d’une toxicité hématologique marquée (41). Ces résultats ont déterminé la mise en route de nombreuses études dont le but est d’établir le schéma optimal d’administration de ces trois 66 P O I N T drogues en termes d’intensité de dose, de variation de l’intervalle entre deux administrations (14 ou 21 jours), de modification de l’ordre d’administration et de combinaison entre elles. Les résultats préliminaires de l’étude du Cancer and Leukemia Group B (CALGB), réalisée en collaboration avec l’Eastern Cooperative Oncology Group (ECOG), le Southwest Oncology Group (SWOG) et le North Central Cancer Treatment Group (NCCTG), avec introduction du paclitaxel selon un schéma séquentiel, ont été présentés à l’ASCO en 1998 (42). Cette étude tente de répondre à deux questions : ✓ Quel est l’effet d’une augmentation de la dose-intensité des anthracyclines dans le schéma AC, lorsque celui-ci comporte une dose fixe de cyclophosphamide ? ✓ Quel est l’apport du paclitaxel en quatre cures administrées après quatre cures d’AC ? Dans cet essai, 3 170 patientes avec envahissement ganglionnaire (de un à plus de dix ganglions envahis) ont été randomisées selon un schéma bifactoriel (3 x 2) : une première randomisation avec trois doses de doxorubicine (60, 75 ou 90 mg/m2, J1) associée au cyclophosphamide (600 mg/m2, J1) tous les 21 jours pour un total de quatre cures, et une deuxième randomisation avec quatre cures de paclitaxel (175 mg/m2 en perfusion i.v. de trois heures à J1) à trois semaines d’intervalle (figure 3). Rappelons qu’aux États-Unis, l’association AC est le traitement de référence (28, 30, 43). x 4 cycles Randomisation initiale A 60 mg/m +C 2 A 75 mg/m2 +C A 90 mg/m2 +C x 4 cycles paclitaxel 0 paclitaxel 0 paclitaxel 0 Figure 3. Protocole de l’essai adjuvant de l’intergroupe CALGB 9342 (32). Chez les patientes recevant 90 mg/m2 de doxorubicine, du GCSF était administré ; en cas de récepteurs positifs aux estrogènes, un traitement par tamoxifène (20 mg/j) était prescrit pour cinq ans. Les caractéristiques des patientes étaient comparables dans chaque bras : 62 % d’entre elles étaient préménopausées ; 58 % avaient des récepteurs positifs aux estrogènes ; un à trois ganglions étaient atteints chez 46 % des patientes, 4 à 9 chez 42 % d’entre elles, et plus de 10 pour 12 % d’entre elles. Les données de l’analyse intermédiaire montrent que la dose de doxorubicine administrée est sans incidence sur la survie sans rechute et sur la survie globale. En revanche, l’addition du paclitaxel en séquentiel améliore la survie sans récidive et la survie globale de façon significative. Ainsi, à 18 mois, la probabilité de survie sans récidive est de 90 % chez les La Lettre du Cancérologue - volume IX - n° 2 - avril 2000 patientes ayant reçu du paclitaxel, versus 86 % chez celles n’en ayant pas reçu (variation absolue de 4 %, p = 0,0077). De même, la probabilité de survie globale est de 97 % versus 95 % (p = 0,039). Selon l’analyse intermédiaire, une réduction complémentaire du risque estimé de rechute de 22 % et du risque estimé de décès de 26 % a été obtenue chez les patientes recevant du paclitaxel. Ces chiffres de réduction du risque sont à rapprocher de ceux attribués à la chimiothérapie tout-venant dans la méta-analyse des essais adjuvants de chimiothérapie. Ainsi, une deuxième avancée d’une importance équivalente à celle de l’introduction de la chimiothérapie pourrait être obtenue par cette modalité thérapeutique. Tableau IV. Résultats de l’étude randomisée comparant une chimiothérapie par AC à un schéma séquentiel AC + paclitaxel. 4 cycles AC 4 cycles AC + 4 cycles paclitaxel p Survie sans récidive 86 % ± 1,2 % 90 % ± 1,0 % 0,0077 Survie globale 95 % ± 0,7 % 97 % ± 0,6 % 0,039 Les résultats de cette première analyse intermédiaire ont été confirmés à 30 mois, avec une stabilité du risque de récidive et du risque de décès (diminutions respectives de 22 % et de 26 %). La tolérance des deux modalités de traitement a été correcte, sans toxicité inattendue. Les toxicités de grade 3 ou 4 observées dans le bras AC + T ont été hématologiques dans 21 % des cas, neurologiques, algiques et hyperglycémiques dans 5 % des cas. CONCLUSION Au cours des 15 dernières années, les stratégies de traitement adjuvant ont été fondées sur la notion de l’intensité de dose et sur l’étude des diverses modalités d’administration des drogues susceptibles de remplir ce but ou d’incorporation de nouveaux agents cytotoxiques : escalade de doses, dose-intensité, traitements alternés ou séquentiels. Un schéma séquentiel permet l’administration à doses optimales de la chimiothérapie, en réduisant éventuellement l’intervalle de temps entre chaque injection d’un même agent et ainsi la repopulation de la fraction chimiosensible. Une réduction du risque de rechute et de décès a été obtenue par l’adjonction de paclitaxel après quatre cures d’AC dans l’analyse préliminaire d’une étude coopérative portant sur 3 000 patientes. Le schéma séquentiel permettant l’utilisation optimale de drogues d’efficacité équivalente et sans résistance croisée pourrait ainsi augmenter l’efficacité du traitement adjuvant. " La Lettre du Cancérologue - volume IX - n° 2 - avril 2000 R É F É R E N C E S B I B L I O G R A P H I Q U E S 1. Edwards MJ, Gamel JW, Feuer EJ. Improvement in the prognosis of breast cancer from 1965 to 1984. J Clin Oncol 1998 ; 16 : 1030-5. 2. Goldhirsch A, Glick JH, Gelber RD et al. Meetings highlights : International Consensus Panel on the Treatment of Primary Breast Cancer. J Nat Cancer Inst 1998 ; 90 (21) : 1601-8. 3. Noguchi M, Miyazaki I. Prognostic factors in breast cancer and their controversies (Review). Oncology 1994 ; 1 : 1157-63. 4. Clark GM. 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