Plus récemment, l’étude de Levine, du NCI canadien (23),
réactualisée en 1998, a comparé l’impact de six cures de CMF
(cyclophosphamide 100 mg/m2, méthotrexate 40 mg/m2et
5fluoro-uracile 600 mg/m2) versus six cures de FEC (cyclo-
phosphamide 75 mg/m2, épirubicine 60 mg/m2et 5 fluoro-ura-
cile 500 mg/m2) chez des femmes préménopausées avec enva-
hissement axillaire. Avec un suivi de cinq ans, les résultats de
cet essai sont en faveur du CEF, avec une survie sans récidive
de 63 % versus 53 % (p = 0,009) et une survie globale de 77 %
versus 70 % (p = 0,03).
■ Au total, trois études comparant une chimiothérapie avec
anthracyclines à un CMF “classique” montrent une réduction
significative du risque de rechute et de décès : l’étude Onco-
France, l’étude de l’IBCCG et l’étude du NCI Canada, avec
Levine. Des doses d’anthracyclines suboptimales par cycle ou
au total expliquent peut-être certaines études “négatives”. La
méta-analyse d’Oxford confirme l’apport des anthracyclines
par rapport à des chimiothérapies adjuvantes n’en comportant
pas : réduction de 12 % du risque de rechute (p = 0,006) et de
11 % du risque de décès (p = 0,02).
Durée du traitement
De nombreuses études randomisées ont posé la question de la
durée de la chimiothérapie adjuvante.
La plus importante reste l’étude de Bonadonna, à l’Institut
du Cancer de Milan (24). Avec un recul de cinq ans et sur une
population de 460 patientes, les résultats de cette étude rando-
misée ayant comparé les durées d’une chimiothérapie par
CMF (6 cycles versus 12 cycles) démontrent qu’il n’existe
aucune différence significative : le taux de survie sans rechute
est de 59 % avec 12 cycles de CMF et de 65,6 % avec six
cycles (p = 0,17). De même, la survie globale est identique,
avec un taux médian à cinq ans de 72 % (12 cycles) et 77 %
(6 cycles ; p = 0,20). Dans tous les sous-groupes analysés,
aucun bénéfice n’est trouvé en faveur d’une chimiothérapie
adjuvante comprenant 12 cycles de CMF : pré- ou postméno-
pause, envahissement ganglionnaire de 1 à 3 ou > 3 ganglions.
Des résultats significativement inférieurs sont obtenus avec
une cure unique (25). L’étude comprenait 1 229 patientes
présentant un cancer du sein avec envahissement axillaire.
Trois durées de traitement adjuvant ont été comparées : un seul
cycle de CMF dans les 36 heures suivant la mastectomie ver-
sus six cycles de CMF versus la combinaison des deux précé-
dentes stratégies. Le traitement par un cycle de CMF en post-
opératoire s’avère significativement inférieur en termes de
taux de survie sans rechute à quatre ans (40 % versus 62 %
versus 60 % ; p < 0,0001) et de survie globale (69 % versus
80 % versus 74 %).
L’étude de l’International Breast Cancer Study Group
(IBCSG) a comparé, selon un schéma bifactoriel, quatre
durées de CMF chez 1 554 patientes non ménopausées avec
envahissement ganglionnaire : trois cycles versus six cycles
versus six cycles et réintroduction, après un intervalle libre de
trois mois, de trois cycles supplémentaires versus trois cycles
et réintroduction de trois cycles après une période de repos de
trois mois. Les résultats sont en faveur d’une administration
sur au moins six cycles de CMF : taux de survie sans rechute à
cinq ans de 53 % (trois CMF) versus 58 % (autres bras à six
cycles et plus), p = 0,04.
L’étude française du French Adjuvant Study Group
(FASG), récemment actualisée (ASCO 99), donne les résultats
à huit ans de la comparaison de six cycles de FEC 50 versus
trois cycles de FEC 50 versus trois cycles de FEC 75. La com-
paraison directe des deux bras traités par FEC 50 montre qu’il
existe une différence significative en faveur des six cycles sur
la survie sans rechute (55,5 % versus 46,1 % ; p = 0,018) et la
survie globale (67,4 % versus 60,8 % ; p = 0,047). La diffé-
rence de survie sans récidive entre six cycles de FEC 50 et
trois cycles de FEC 75 (55,5 % versus 47 %) est aussi signifi-
cative (p = 0,04), en faveur des six cycles de FEC 50, mais il
n’y a pas de différence significative en survie globale (26).
Outre la durée du traitement, cet essai permet de poser la ques-
tion de la dose seuil d’anthracyclines.
La méta-analyse des essais de polychimiothérapie prenant en
compte les chimiothérapies CMF ou de type CMF et les chi-
miothérapies par anthracyclines établit la durée optimale pro-
bable de la chimiothérapie adjuvante entre quatre et six mois
(14).
La durée optimale varie suivant le protocole considéré :
l’étude NSABP B-15 (19), montrant la meilleure acceptation
et l’égale efficacité de quatre cures d’AC par rapport à six
CMF en termes de survie sans rechute à trois ans, a fortement
influencé la communauté internationale, quatre cures de chi-
miothérapie avec anthracyclines devenant pour beaucoup
l’unité de base de la chimiothérapie adjuvante efficace. La
brièveté de ce protocole et sa bonne tolérance sont les condi-
tions requises pour l’administration précoce d’autres proto-
coles sans résistance croisée prescrits sur une durée identique,
et dont on pourrait attendre un effet additif sans remettre en
cause le dogme des quatre à six mois de traitement. Cette
démarche a été entreprise par les équipes du Memorial Hospi-
tal, à New York, du NSABP, du CALGB et de la Fédération
des Centres anticancéreux de France.
Dose-intensité
L’augmentation des doses majore les chances de détruire com-
plètement une population tumorale sensible, lorsque la drogue
utilisée a un effet-dose.
La dose-intensité a été définie par Hryniuk (27) comme la
quantité d’un médicament exprimée en milligrammes par
mètre carré de surface corporelle et par unité de temps
(semaine).
Cette définition a eu le mérite de permettre la comparaison de
protocoles thérapeutiques, et de laisser apparaître les modula-
tions possibles :
✓ escalade de doses avec augmentation de la dose unitaire du
ou des médicaments, en maintenant l’intervalle (habituelle-
ment trois ou quatre semaines),
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La Lettre du Cancérologue - volume IX - n° 2 - avril 2000