Présentation sur le cancer du sein de la femme âgée (Pr

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CANCER DU SEIN DE LA FEMME AGEE (Pr. G. Freyer)
Voici tout d’abord quelques données épidémiologiques concernant le cancer du sein
de la femme âgée. L’incidence du cancer du sein augmente de façon constante avec l’âge.
Après l’âge de 60 ans, cette augmentation de l’incidence devient exponentielle. L’incidence
globale est de 2500 cas de cancers du sein pour 100000 habitants et par an. Les plus de 65
ans qui représentaient moins de 25 millions de personnes dans les années 1990, seront plus
de 50 millions dans les années 2030. Aussi, compte-tenu du vieillissement de la population,
les cas de cancers du sein de la femme âgée sont amenés à s’accroître encore. De plus,
cette tendance est accrue par une espérance de vie à la naissance plus importante pour les
femmes (82.95 ans), contre 75.7 ans chez les hommes.
Le choix thérapeutique doit reposer sur des critères pronostiques. La survie de la
population gériatrique peut être évaluée à l’aide de scores pronostiques (Walter et al.). Dans
cette étude, le score est calculé sur la base de données cliniques (sexe, comorbidités de
nature cardio-vasculaire ou néoplasique) et biologiques (insuffisance rénale, état nutritionnel
apprécié sur la valeur de l’albumine). Par sa valeur, ce score permet de prévoir le risque de
décès à un an. Ainsi, le risque de décès à un an est supérieur à 60 %, en cas de score
supérieur à 6 et inférieur à 10 %, en cas de score compris entre 0 et 1. Le choix du
traitement du cancer chez la femme âgée, va donc prendre en compte des données du
patient (notamment l’espérance de vie), de la tumeur (de nature pronostique) et du
traitement (index thérapeutique, variabilité pharmacocinétique et dynamique). L’évaluation
gériatrique de la patiente prendra en compte des données sur le statut mental et émotionnel,
des données sur le degré d’autonomie (mesurées par des échelles gériatriques), sur
l’environnement social, l’état nutritionnel et la consommation de médicaments. Au diagnostic,
il faut aussi tenir compte des comorbidités associées, telles que l’arthrose et l’hypertension
artérielle, dans environ 30 % des cas (Morère et al.). Balducci a défini un arbre décisionnel
thérapeutique, distinguant trois groupes, auxquels on proposera soit un traitement
spécifique, soit des soins de support (Balducci et al.).
A partir de la banque de données de San Antonio, Muss a pu décrire les
caractéristiques générales du cancer du sein de la femme âgée (Muss et al.). Dans 60-65 %
des cas, les ganglions ne sont pas envahis ; dans 80 à 90 % des cas, les récepteurs
hormonaux aux oestrogènes sont positifs ; dans 50 à 60 % des cas, les cellules ne sont pas
en phase de synthèse et dans 10 à 20 % des cas, les cellules expriment HER2.
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Quelles sont les options thérapeutiques en situation de traitement adjuvant ?
L’évaluation par tranches d’âge et en fonction du stade d’extension du cancer, du
pourcentage de femmes recevant une chimiothérapie, montre que plus la patiente est âgée
et moins elle bénéficie de l’option traitement adjuvant. C’est surtout à partir de 55-60 ans,
que cette tendance est marquée. Ainsi, moins de 50 % des femmes reçoivent un traitement
adjuvant, au-delà de l’âge de 55-60 ans pour un cancer de stade IIIa. Pour un traitement
adjuvant de type CMF, Crivellari (Crivellari et al.), met en évidence une plus grande
incidence d’effets secondaires sévères (grade III), chez les femmes âgées de plus de 65
ans. Ainsi l’incidence est multipliée par plus de 2, toute toxicité de grade III confondue,
passant de 7.2 à 17.1 % avant et après 65 ans, qu’il s’agisse de toxicité hématologique,
muqueuse. Dans ce même travail, Crivellari montre que la probabilité de recevoir un
traitement adjuvant à la pleine dose, diminue avec l’âge. Ainsi, le pourcentage de femmes
recevant moins de 85 % de la dose de chimiothérapie adjuvante prévue, passe de 35.4 %
avant 65 ans à 51.9 % après 65 ans. Une explication possible de ce traitement adjuvant
effectué à dose réduite chez la femme âgée, tient peut-être à la réduction de la réserve
hématopoïétique avec l’âge. Ainsi, Dees montre qu’entre le début (cycle 1) et la fin du
traitement (cycle 4), le nadir de polynucléaires neutrophiles s’abaisse chez la femme de plus
de 65 ans (et notamment devient inférieur à 100 éléments/mm3), alors qu’il reste stable entre
les cycles, chez la femme de moins de 65 ans (Dees et al.). Les données du GFEA 2008,
montrent l’avantage à utiliser la combinaison E-TAM sur le TAM, avec un bénéfice significatif
(p < 0.01) en survie sans maladie.
Une étude internationale de phase III est actuellement en cours, dans le traitement
adjuvant du cancer du sein. Cette étude compare la doxorubicine liposomale pégylée en
chimiothérapie métronomique (20 mg/m² (J1 = J14) pendant 16 semaines) versus
l’observation.
Quelles sont les options thérapeutiques du traitement métastatique ?
La présentation clinique des formes de cancers du sein métastatiques de la femme
âgée s’accompagne dans 57 % des cas de métastases osseuses et dans 27 % des cas de
métastases hépatiques. Des métastases pulmonaires s’observent dans 21 % des cas. Après
l’âge de 75 ans, il y a autant de manifestations secondaires hépatiques que pulmonaires,
mais les métastases osseuses deviennent très prépondérantes, observées dans 65 % des
cas. Les métastases cérébrales, cutanées ou ganglionnaires représentent environ 30 % des
formes cliniques au diagnostic (Freyer et al.). Le traitement de première ligne métastatique
tient principalement en compte « l’impression clinique ». Jusqu’à l’âge de 74 ans, le
traitement repose surtout sur l’hormonothérapie (55 % des cas) ou la chimiothérapie (50 %
des cas). Les soins de support représentent 34 % des cas. Plus l’âge de la patiente au
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moment du diagnostic de maladie métastatique augmente, et plus la répartition change en
faveur de l’hormonothérapie (69 %) aux dépens de la chimiothérapie (28 %). Les autres
modalités thérapeutiques (radiothérapie, Trastuzumab, soins de support) sont peu modifiées.
Concernant la chimiothérapie, jusqu’à l’âge de 74 ans, la plupart des femmes (50 % des cas)
reçoivent du FEC 75-100. 47 % des femmes bénéficient de doses réduites d’emblée dont 41
% reçoivent une dose d’anthracyclines inférieure à 60 mg/m2. Après l’âge de 75 ans, le
pourcentage de femmes recevant une dose réduite augmente considérablement (78 % des
cas, dont 69 % reçoivent une dose d’anthracyclines inférieure à 60 mg/m2. Parallèlement, le
pourcentage de femmes recevant du FEC 75-100 est réduit de moitié à 22 %.
Selon le même auteur, participent à la décision de traitement, en premier lieu
l’oncologue et le radiothérapeute, dans 80 % des cas. L’avis du gériatre n’intervient que pour
une part très modeste (2 %) dans le choix. L’âge plus ou moins avancé de la patiente ne
modifie pas les acteurs de la décision thérapeutique. Afin d’améliorer notre connaissance
des cancers du sein chez la femme âgée, différents axes de recherche devraient être
encouragés : l’abolition de la barrière de l’âge dans les essais cliniques, la mise en place
d’essais spécifiques du sujet âgé et d’études pharmacologiques et biologiques. Enfin, sur le
plan pronostique, les approches pronostiques d’oncologie et de gériatrie devraient être
croisées. Ainsi, dans deux études portant sur les facteurs pronostiques dans le cancer de
l’ovaire de la femme âgée (Freyer et al. ; Tredan et al.), l’analyse multivariée sur les 157
patientes de stade III-IV faisait apparaître des facteurs pronostiques particuliers, comme la
lymphopénie ou la dépression. Même si l’explication physiopathologique de ces facteurs
pronostiques n’est pas encore connue à ce jour, il semblerait que la dépression et l’âge
contribuent à l’érosion télomérique ainsi qu’à une diminution de l’activité télomérase,
participant à la dysfonction lymphocytaire. Même si le lien entre érosion télomérique et
lymphopénie n’est pas encore clairement établi, il suggère que le paramètre « vulnérabilité »
du patient âgé puisse être approché par des données biologiques.
L’étude CEFASEIN est une étude de phase II multicentrique non randomisée,
s’adressant à des patientes âgées de 65 à 75 ans, présentant un cancer du sein non
métastatique. Les patientes reçoivent une chimiothérapie de première ligne associant la
doxorubicine liposomale pégylée (40 mg/m² (J1 = J28)) à du cyclophosphamide (500 mg/m²
(J1 = J28)). Le critère principal de cette étude est l’efficacité, évaluée selon les critères
habituels RECIST. L’analyse sur les 35 patientes incluses montre un taux de réponse de
31.4 % (IC : 14.6-46.3). La maladie est contrôlée dans 71.4 % des cas avec une durée
médiane de réponse de 18 mois. Les critères secondaires de cette étude portaient sur des
données de tolérance : seulement 3 décès ont été enregistrés au cours de l’étude, dont un
seul était lié à une progression de la maladie tumorale. La toxicité hématologique
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(neutropénie, thrombopénie) est souvent modérée (grade III). La toxicité cutanéo-muqueuse
(syndrome main-pied, mucite) est très exceptionnellement de grade IV. La survie sans
progression (SSP) et la survie globale (SG) montrent une courbe en plateau après 30 mois,
avec respectivement une SSP de 20 % à 30 mois et une SG de l’ordre de 30 % à 30 mois.
Cette étude actuellement en cours, démontre la faisabilité de l’association doxorubicine
liposomale pégylée + cyclophosphamide en première ligne : la tolérance hématologique et
extra-hématologique est satisfaisante. La réponse est atteinte dans environ un tiers des cas
avec un contrôle prolongé dans le temps de la maladie tumorale.
Pour conclure, des essais chez le sujet âgé sont en cours comme l’essai DOGMES
(DOxil en Oncologie Gériatrique : MEtastases du cancer du Sein) s’adresse à des cancers
du sein métastatiques, en première ligne, non Her-2 et chez des patientes âgées de plus de
70 ans. Elles reçoivent la doxorubicine liposomale pégylée à la posologie de 40 mg/m2 tous
les 28 jours. Une évaluation gériatrique et pronostique a été planifiée.
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