La Lettre du Gynécologue - n° 325 - octobre 2007
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Le cancer du sein en chiffres
Figures of breast cancer
IP M. Espié*
* Centre des maladies du sein, hôpital Saint-Louis, 1, avenue Claude-Vellefaux, 75010 Paris.
Ne possédant pas de données elles d’incidence, faute
d’un registre national des cancers en France, les chif-
fres dont nous disposons sont, en fait, des estimations.
Les données sont donc extrapolées à partir des registres dé-
partementaux existants.
INCIDENCE DU CANCER DU SEIN
Le cancer du sein, par sa fréquence, représente un problème
de santé publique. En effet, on estime qu’entre 40 000 et 50 000
femmes sont atteintes chaque année en France (1). Le taux
d’incidence (après standardisation sur la structure par âge de
la population mondiale) est de 88,9 pour 100 000 femmes et
par an (2). Le cancer du sein représente 36 % des cancers fémi-
nins. Certaines régions ont une incidence particulièrement
élevée chez les femmes jeunes (3). Le taux reste faible avant
l’âge de 30 ans puis croît jusqu’à 60-69 ans il passe les 320
pour 100 000 femmes par an. Les taux diminuent légèrement
après 85 ans (245 pour 100 000). Lâge médian au diagnostic
est de 61 ans, et 75 % environ des cancers du sein surviennent
après l’âge de 50 ans.
Lincidence du cancer du sein augmente régulièrement (de
l’ordre de + 2,42 % par an entre 1978 et 2000). Le nombre de
nouveaux cas a doublé en 20 ans, passant de 22 211 cas en
1980 à 41 845 en 2000. Il faut noter qu’il en est de même pour
le cancer de la prostate.
En 2000 en France, on notait que les partements avec la plus
faible incidence étaient la Manche et le Tarn.
Lélévation du nombre de cancers du sein n’est pas un phéno-
mène isolé puisque, entre 1980 et 2000, le nombre de nou-
veaux cas de cancer par an en France est passé de 73 000 à
117 000 chez les femmes, soit 60 % d’augmentation. Cette
augmentation est liée pour 45 % à la croissance et au vieillis-
sement de la population et pour 55 % à une progression de l’in-
cidence liée au progrès du dépistage et du diagnostic et à une
réelle augmentation du risque. Chez la femme, les cancers qui
ont le plus augmenté entre 1978 et 2000 sont le mésothéliome
pleural (+ 6,8 %), le cancer de la thyroïde (4,8 %), le cancer du
poumon (4,4 %), le mélanome (4,3 %), le cancer du rein (3,8 %)
et le lymphome malin non hodgkinien (+ 3,5 %). Cependant,
numériquement, le cancer du sein reste de loin celui pour
lequel laugmentation de l’incidence est la plus importante
(plus de 1 000 cas par an entre 1978 et 2000) à mettre en paral-
lèle avec le cancer de la prostate chez l’homme (plus de 2 000
cas par an).
MORTALITÉ PAR CANCER DU SEIN
En termes de mortali, le cancer du sein est responsable de
plus de 11 000 décès par an (38,5 pour 100 000 femmes en taux
brut et 19,7/100 000 en données standardisées sur la population
mondiale). Ces chiffres font du cancer du sein la première cause
de mortalité par cancer chez la femme. Les taux de mortalité
augmentent avec l’âge : 10 pour 100 000 femmes entre 35 et
40 ans, 80 pour 100 000 vers 65 ans, 102 pour 100 000 entre 70
et 74 ans et 245 pour 100 000 après 85 ans. En 2000, parmi les
11 637 femmes décédées d’un cancer du sein en France, 4 000
avaient moins de 65 ans (4). Ces chiffres soulignent limportance
du probme chez les femmes ménopausées, ce d’autant que si
la mortalité est globalement stable, elle continue à augmenter
actuellement, essentiellement chez les femmes âgées.
Les départements avec la plus faible mortalité sont le Tarn,
l’Isère et le Bas-Rhin (4). Les deux cancers féminins, pour les-
quels la mortalité croît de manière importante, sont le cancer
du poumon et le cancer des voies aérodigestives supérieures.
Au sein de l’Union européenne, les taux de mortalité les plus
élevés par cancer du sein se situent au Danemark et au Pays-
Bas. Au Danemark, la mortalité par cancer du poumon a
dépassé celle du cancer du sein et cest en France que la mor-
talité par cancer du poumon s’accroît le plus.
SURVIE APRÈS CANCER DU SEIN
Létude EUROCARE a mis en évidence, en France, une sur-
vie à cinq ans de 81,4 %, ce qui la place au troisième rang en
Europe où la moyenne de survie est de 74 % (Expertise collec-
tive INSERM, éditions INSERM 2005 : Cancers. Pronostics à
long terme). La différence de survie entre les différents pays est
directement liée au stade lors du diagnostic (5-7). L’absence
d’aggravation de la mortalité par cancer du sein est très certai-
nement liée aux politiques de pistage précoce de cette affec-
tion et aux moyens thérapeutiques (8). Sant a publié en 2003
une étude européenne concernant 4 478 patientes traitées pour
un cancer entre 1990 et 1992. La survie de ces patientes a été
analysée en fonction du stade initial du cancer. Les patientes
ont été sélectionnées à partir de dix-sept registres du cancer
de six pays d’Europe (Espagne, Estonie, France, Italie, Pays-
Bas et Royaume-Uni). Pour un cancer classé T1N0M0 (28,9 %
des stades), la survie à 5 ans était de 98 % pour des tumeurs
T2-T3N0M0 (18,6 % des stades), de 87 % pour des tumeurs
T1-3 N+ M0 (31 % des stades), de 77 % pour des tumeurs T4
NxM0 (6,8 % des stades), de 55 % en cas de métastases et, dans
ce cas, la survie à cinq ans a été de 18 %. En France, des don-
nées concernant sept registres et regroupant 1 564 patientes
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ont été publiées en 2001 (9) et sont résumées dans les tableaux
ci-dessous (tableau I).
Tableau I.
Classication TNM en fonction de l’âge.
Stades < 40 ans
(%)
40-54 ans
(%)
55-74 ans
(%)
> 74 ans
(%)
Total (%)
pT1 47,2 54,2 49,5 28,2 46,7
pT2 37,1 30,0 31,0 34,4 31,6
pT3 4,6 3,7 3,7 3,9 3,8
pT4 3,7 3,5 5,5 8,9 5,4
pN0 59,3 56,8 53,9 40,0 52,4
pN+ < 4 18, 21,4 21,7 14,8 20,0
pN+ ≥4 13,9 13 12,9 11,2 12,7
M + 3,7 4,4 6,6 6,2 5,7
Lâge médian était de 60 ans (23-102 ans), les patientes de plus
de 75 ans représentaient 19,5 % de l’effectif et celles de moins
de 40 ans, 6,9 %. Les tumeurs les plus petites ont été observées
chez les femmes de 40-54 ans et les plus volumineuses chez les
femmes de plus de 75 ans. Parmi les tumeurs classées pT1, 25 %
s’accompagnaient d’un envahissement ganglionnaire et 1,2 %
étaient métastasées d’emblée (tableau II). Pour les tumeurs
classées pT2, près de 43 % s’accompagnaient d’un envahisse-
ment ganglionnaire.
Tableau II.
Corrélation entre la taille tumorale et l’envahissement
ganglionnaire.
pT1 (%) pT2 (%) pT3 (%) pT4 (%) pTx (%)
pN0M0 69,1 50,6 31,6 25,9 12,4
pN + <4 19,7 24,7 22,7 22,3 7,7
pN + ≥4 6,3 18,2 35,0 34,1 6,2
M + 1,2 2,6 5,0 10,6 28,4
Inconnu 3,7 3,9 5,7 7,1 45,3
La survie observée à cinq ans, inversement proportionnelle au
stade initial de la maladie, a été de 87,6 % en l’absence d’en-
vahissement ganglionnaire et de 19,9 % en cas de métastases
(tableau III).
Une part de la mortalité chez les femmes âgées nest pas liée au
cancer du sein. Avec un modèle prenant en compte la mortali
attendue pour cette tranche d’âge, les auteurs ont estimé que
la survie à cinq ans liée au cancer du sein serait de 85 %. Le
pronostic le plus péjoratif serait alors celui des femmes jeunes.
En Île-de-France, l’étude Petri (10) a retrouvé une survie du
même ordre, de 78 % à cinq ans pour des patientes dont le
diagnostic de cancer du sein avait été porté en 1994, la sur-
vie relative étant estimée à 82 %. Pour les patientes présentant
une tumeur classée T1N0M0, la survie est excellente, de 98 %
à cinq ans. Les données du registre des tumeurs de l’Hérault
montrent des taux de survie à cinq ans, respectivement de
97 %, 91 %, 82 % et 29 % pour
les stades I, II, III et IV.
Létude EUROCARE a estimé
la surmortalité annuelle par
cancer du sein chez les fem-
mes diagnostiquées entre
1983 et 1994. Elle atteint
un maximum de 4,9 % entre
deux et trois ans, puis dimi-
nue progressivement à des
taux de 3,35 % après dix ans.
Nous avons peu de données
à dix ans. Cependant, Tejler
(11) a rapporté des données
suédoises montrant 74 % de
survie à dix ans avec 90,9 %
pour les patientes avec une
tumeur classée initialement
T1N0M0 et 62,4 % pour cel-
les dont la tumeur avait été
classée T1-2N1M0.
CONCLUSION
Ces données confirment les progs dans la prise en charge des
patientes atteintes dun cancer du sein, tant au niveau du diagnos-
tic que de la thérapeutique. Il nous faut maintenant attendre des
données fraaises à dix ans pour conforter ces résultats. n
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12.
Tableau III.
Survie à 5 ans.
Survie à 5 ans % (IC95)
Tous cas 73,6 (71,3-75,8)
< 40 ans 78,4 (69,3-85,1)
40-54 ans 81,5 (77,6-84,9)
55-74 ans 76,8 (73,4-79,8)
> 74 ans 52,6 (46,7-58,2)
pT1 87,9 (85,3-90,1)
pT2 73,6 (69,3-77,3)
pT3 61,8 (48,0-73,0)
pT4 44,0 (33,2-54,3)
inconnu 71,7 (56,8-81,1)
pN0M0 87,6 (85,1-89,7)
pN + < 4M0 78,7 (73,6-82,9)
pN + ≥ 4M0 53,7 (46,4-60,5)
M + 19,9 (8,4-35,0)
Inconnu 70,1 (57,6-79,6)
1 / 2 100%