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La Lettre du Cancérologue - volume VII - n° 2 - mars-avril 1998
L’étude la plus récente a été publiée par Gregory et coll. en
1997 (8) et porte sur 107 patientes traitées par des chimiothéra-
pies de type VAC, VEC ou 3M avec randomisation au
6ecycle en l’absence de progression (surveillance vs 6 cures
supplémentaires). Dans le groupe recevant un traitement pro-
longé, on observe des durées de réponse significativement
supérieures (10 vs 7 mois ; p = 0,02), cependant sans bénéfice
évident sur la survie globale (13 vs 10,5 mois ; p = 0,3).
Pour mémoire, enfin, on peut mentionner la série de Falkson et
coll. (9) qui fait état de résultats similaires mais n’a cependant
été publiée que sous forme de résumé de congrès.
Comme le souligne l’équipe de Coates (10), l’interprétation
des résultats négatifs issus de petits essais randomisés avec un
bras témoin actif est délicate et l’absence de différence statisti-
quement significative ne suffit pas à démontrer l’équivalence
de deux modalités thérapeutiques. Ces auteurs ont donc
conduit une méta-analyse (10) à partir des données de la litté-
rature portant sur seulement 4 des esssais cités (2, 4, 7, 8),
réunissant un total de 766 patientes et mettant en évidence un
bénéfice sur la survie chiffré à 23 % (p = 0,01).
Au vu de ces résultats, il semble désormais légitime de consi-
dérer la prolongation du traitement ou le passage à une chimio-
thérapie d’entretien après le sixième cycle, au moins chez les
patientes présentant une réponse de bonne qualité, sous réserve
d’une tolérance acceptable. La durée totale de traitement que
l’on pourrait proposer à ces malades est de l’ordre de 10 à
12 mois, sachant qu’il devient difficile d’aller au-delà dans
nombre de cas pour de multiples raisons, notamment psycholo-
giques (7).
Toutes les études disponibles à ce jour portent toutefois sur des
chimiothérapies de référence de type FEC ou apparentées et il
n’est en revanche pas démontré que le traitement long demeure
une option intéressante avec des protocoles associant taxanes
et anthracyclines, qui sont de plus en plus pratiqués actuelle-
ment. L’expérience clinique montre d’ailleurs qu’il est souvent
difficile de poursuivre ce type de traitements au-delà de huit
cycles, et la chimiothérapie d’entretien que nous pourrions
envisager reste à définir (alkylants ? vinorelbine ?). Enfin, il
n’est guère certain, si un traitement d’entretien est indiqué,
qu’une chimiothérapie soit encore longtemps une solution de
choix à l’heure où d’autres traitements médicaux prometteurs
voient le jour : agents anti-angiogéniques, anticorps anti-
Her2-neu (11). ■
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1. Spielmann M. La chimiothérapie des cancers du sein métastatiques. In : Les
traitements médicaux des cancers du sein. Namer M., Tessier E., Ferrero J.M.,
Arnette Blackwell, Paris 1996, p. 165-90.
2. Harris A.L., Cantwell B., Carmichael J. et coll. Comparison of short-term
and continuous chemotherapy (mitozantrone) for advanced breast cancer.
Lancet 1990 ; 335 : 186-90.
3. Glaholm J., Mort C., Ashley S., Yarnold J.R. Duration of chemotherapy in
advanced breast carcinoma (letter). Lancet 1990 ; 335 : 1033.
4. Coates A., Gebski V., Bishop J.F. et coll. Improving the quality of life during
chemotherapy for advanced breast cancer. N Engl J Med 1987 ; 317 : 1490-5.
5. Plotkin D., Ray M. Intermittent versus continuous chemotherapy for breast
cancer (letter). N Engl J Med 1988 ; 318 : 1467-8.
6. Muss H.B., Douglas Case L., Richards F. et coll. Interrupted versus
continuous chemotherapy in patients with metastatic breast cancer. N Engl J
Med 1991 ; 325 : 1342-8.
7. Ejlertsen B., Pfeiffer P., Pedersen D. et coll. Decreased efficacy of
cyclophosphamide, epirubicin, and 5-fluorouracil in metastatic breast cancer
with reducing treatment duration from 18 to 6 months. Eur J Cancer 1993 ;
29A : 527-31.
8. Gregory R.K., Powles T.J., Chang J.C., Ashley S. A randomized trial of six
versus twelve courses of chemotherapy in metastatic carcinoma of the breast.
Eur J Cancer 1997 ; 33 : 2194-7.
9. Falkson G., Gelman R.C., Pandya K.J. et coll. Metastatic breast cancer in
complete remission : observation versus CMFPTH maintenance. An ECOG
randomized study. Proc Am Soc Clin Oncol 1996 ; 15 : abst. 63.
10. Stockler M., Wilcken N., Coates A. Chemotherapy for metastatic breast
cancer - When is enough enough ? (Editorial). Eur J Cancer 1997 ; 33 : 2147-8.
11. Norton L. Evolving concepts in the systemic drug therapy of breast cancer.
Semin Oncol 1997 ; 24 : S10.3-S10.10.
Essai Patientes randomisées Survie sans progression (p) Survie globale (p)
Coates 1987 AC ou CMFP 308 6 vs 4 mois (p < 0,001) 10,7 vs 9,4 mois (p = 0,07)
continu vs 3 cures*
Harris 1990 Mitoxantrone 43 26 vs 22 semaines (p > 0,1) 52 vs 49 semaines (p > 0,1)
continu vs 4 cures*
Muss 1991 FAC x 6, si RO/SD 145 9,4 vs 3,2 mois (p = 0,0001) 21,1 vs 19,6 mois (p = 0,67)
CMF vs observation*
Ejlertsen 1993 FEC x 18 vs 6 mois 359 14 vs 10 mois (p = 0,00003) 23 vs 18 mois (p = 0,03)
Falkson 1996 FAC ou équivalent, 195 18,7 vs 7,8 mois (p < 0,0001) 32,2 vs 28,7 mois (p = 0,74)
si RO/SD CMF vs observation
Gregory 1997 VAC, VEC ou 107 10 vs 7 mois (p = 0,02) 13 vs 10,5 mois (p = 0,3)
3 mois x 6,
si RO/SD idem x 6
vs observation
Tableau. Essais randomisés de chimiothérapie courte vs prolongée dans les cancers du sein métastatiques.
* reprise de la chimiothérapie en cas de progression dans le groupe témoin.
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