12 | La Lettre du Gynécologue • n° 376 - novembre 2012
DOSSIER Cancer du sein : peut-on influer sur son destin ?
* Institut Gustave-Roussy, dépar-
tement de médecine oncologique,
Villejuif.
P
lusieurs questions se posent au moment de
décider d’une chimiothérapie pour un cancer
du sein localisé.
Pour qui ?
L’objectif de la chimiothérapie postopératoire
ou adjuvante est de réduire le risque de rechute
du cancer du sein après traitement local, et donc
d’améliorer la survie globale des patientes. Une
méta-analyse récente, incluant 100 000 patientes,
retrouve une diminution du risque relatif de morta-
lité d’environ un tiers en cas d’administration de la
chimiothérapie (1). Ce bénéfice est d’autant plus
élevé en valeur absolue que le cancer est à haut
risque de rechute et peut être minime ou nul en cas
de risque spontanément faible.
Le défi est donc triple : identifier les patientes avec
un risque de rechute jugé significatif, peu résistantes
à la chimiothérapie et avec un risque de toxicité
attendue acceptable par rapport au gain espéré.
Cependant, la décision de proposer une chimio-
thérapie est encore essentiellement prise sur la
présence de critères de mauvais pronostics cliniques
et histologiques : l’âge jeune, la grande taille tumo-
rale, l’atteinte ganglionnaire et le grade tumoral
élevé. L’immunohistochimie apporte également
des informations majeures, qui sont l’expression
des récepteurs hormonaux (RH) et du récepteur du
facteur humain de croissance épidermique (HER2).
On distingue ainsi 2 situations où la chimiothérapie
adjuvante est indiquée : les tumeurs n’exprimant ni
les RH ni HER2 et les tumeurs surexprimant HER2 de
plus de 5 mm. Pour les tumeurs surexprimant HER2,
en plus de la chimiothérapie adjuvante, un traite-
ment par trastuzumab est indiqué pendant 1 an (2).
La situation la plus discutée reste celle des tumeurs
La chimiothérapie
dans le cancer du sein
non métastatique
Chemotherapy in non-metastatic breast cancer
Youssef Tazi*
RH+ HER2– où la décision de chimiothérapie adju-
vante dépend de la présence des autres critères
pronostiques précédemment cités. Nous disposons
également d’autres paramètres comme le niveau
d’expression de Ki67 (3) ou le biomarqueur UPA
(urokinase-type plasminogen activator)/PA1 (4)
qui peuvent être utilisés pour affiner la décision.
D’autres outils comme les signatures génomiques
sont en cours de validation prospective dans cette
population, les tests les plus étudiés sont Onco-
type DX® et Mammaprint®. En effet, dans des
études rétrospectives, ces signatures ont permis
d’identifier des patientes avec un risque faible de
rechute métastatique alors qu’elles pouvaient avoir
des critères classiques de mauvais pronostic. Ces
patientes pourront éventuellement être dispensées
de chimiothérapie (5).
En revanche, nous ne disposons pas encore dans la
pratique courante de tests suffisamment robustes
pour prédire la résistance à la chimiothérapie ou une
toxicité potentiellement limitante pouvant moduler
les indications et les schémas de la chimiothérapie
adjuvante.
Quand administrer la chimio-
thérapie en préopératoire ?
La chimiothérapie préopératoire ou néoadjuvante
peut être préconisée en cas de tumeur non accessible
d’emblée à un traitement conservateur et pouvant le
devenir en cas de réponse tumorale de bonne qualité,
qui est elle-même un facteur de meilleur pronostic
(6). C’est le cas des tumeurs non multifocales qui
présentent des caractéristiques de chimiosensibilité
(haut grade, RH– ou HER2+) [7].
Différentes études comparant les chimiothérapies
adjuvante et néoadjuvante trouvent que les résul-
Références
bibliographiques
1. Peto R, Davies C, Godwin J et al.
Comparisons between different
polychemotherapy regimens for
early breast cancer: meta-analyses
of long-term outcome among
100,000 women in 123 randomised
trials. Lancet 2012;379:432-44.
2. Piccart-Gebhart MJ, Procter M,
Leyland-Jones B et al. Trastuzumab
after adjuvant chemotherapy in
HER2-positive breast cancer. N
Engl J Med 2005;353(16):1659-72.
3. Yerushalmi R, Woods R, Ravdin
PM, Hayes MM, Gelmon KA. Ki67
in breast cancer: prognostic and
predictive potential. Lancet Oncol
2010;11:174-83.
4. Duffy MJ. Urokinase plasmi-
nogen activator and its inhibitor,
PAI-1, as prognostic markers in
breast cancer: from pilot to level
1 evidence studies. Clin Chem
2002;48:1194-7.
5. Sotiriou C, Pusztai L. Gene-
expression signatures in
breast cancer. N Engl J Med
2009;360:790-800.
6. Liedtke C, Mazouni C, Hess KR
et al. Response to neoadjuvant
therapy and long-term survival in
patients with triple-negative breast
cancer. J Clin Oncol 2008;26:1275-
81.