Le Courrier de colo-proctologie (II) - n° 4 - décembre 2001
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médical de la première poussée, 16 % des
patients avec signes modérés au scanner
(épaississement de la paroi du sigmoïde,
inflammation de la graisse péricolique)
avaient une évolution défavorable (récidive,
douleurs persistantes, fistule vésicale) versus
48 % de ceux avec scanner initial montrant
des lésions sévères (abcès, fuite d’air et/ou
de produit de contraste en extraluminal)
(p = 0,004). Dans cette même étude était
confirmé le caractère péjoratif de l’âge infé-
rieur à 50 ans pour lequel l’évolution ulté-
rieure était défavorable dans 44 % des cas,
versus 18 % seulement pour les patients plus
âgés (p = 0,032). Dans une étude plus récente
(3) portant sur 423 patients, mais avec un
suivi de 46 mois après le traitement médical
de la première poussée, une nouvelle pous-
sée inflammatoire concernait 20 % des
patients : 47 % de ceux avec scanner ini-
tial péjoratif versus 19 % seulement de
ceux avec signes scannographiques modé-
rés (p < 0,0001).
Enfin, dans une étude prospective encore
non publiée, les mêmes auteurs avaient
suivi 115 patients ayant été traités avec
succès médicalement pour une première
poussée de diverticulite. Après plus de
9ans de suivi moyen, 35 % d’entre eux ont
présenté une nouvelle poussée inflamma-
toire. Là encore, deux facteurs de risque
ressortaient très clairement : un âge infé-
rieur à 50 ans et une atteinte sévère au
scanner initial. En présence de ces deux
facteurs, le risque de récidive était de 72 %,
versus 25 % en l’absence de ces deux cri-
tères. C’est la raison pour laquelle cette
équipe recommande la réalisation d’une
sigmoïdectomie prophylactique chez le
sujet de moins de 50 ans et/ou en présence
de signes de gravité au scanner, dès la pre-
mière poussée de diverticulite. En l’ab-
sence de ces critères, ils suggèrent de
suivre l’attitude “classique” qui est d’at-
tendre deux poussées inflammatoires.
Parallèlement aux travaux d’Ambrosetti, à
Genève, l’équipe de Keighley, en Grande-
Bretagne, a aussi apporté une contribution
essentielle. Dans un premier travail multi-
centrique (4)portant sur 300 patients ayant
une diverticulite compliqué (fistule, abcès,
péritonite), il était montré que la mortalité
globale était de 11 %, avec des taux variant
en fonction des lésions. Ainsi, la mortalité
était de 12 % en cas d’abcès péricolique,
mais de 27 % en cas de péritonite puru-
lente et de 48 % en cas de péritonite ster-
corale. Cette étude avait le mérite de sou-
ligner la très lourde mortalité observée en
cas de complication grave, non pas dans
une série unicentrique provenant d’une
équipe experte, mais à l’échelle sûrement
plus représentative d’un pays tout entier.
Dans une autre étude (5),qui a beaucoup
influencé les chirurgiens vers la colecto-
mie prophylactique dès la première pous-
sée, il a été démontré, sur une population
de 120 patients ayant eu une poussée de
sigmoïdite aiguë diverticulaire traitée
médicalement, que, parmi les 77 ayant eu
une sigmoïdectomie à distance de cette
première poussée, seulement 2 patients
(2,5 %) ont eu à distance une nouvelle
manifestation infectieuse, alors que, parmi
les 43 non opérés, 37 (86 %) ont eu dans
les 5 années suivant le premier épisode une
complication liée à la diverticulose. Parmi
les 39 patients sur120 qui ont eu une nou-
velle manifestation de diverticulite lors du
suivi, 10 sont décédés d’une cause direc-
tement liée à la maladie, et, parmi eux,
9n’avaient pas eu de sigmoïdectomie pro-
phylactique. Les conclusions des auteurs
étaient qu’il fallait étendre les indications
de la sigmoïdectomie prophylactique à
tous les patients, à distance du premier épi-
sode infectieux, en l’absence de risque
opératoire majeur, du fait du risque élevé
de mortalité en cas de survenue d’une com-
plication infectieuse grave.
Enfin, quelques études rétrospectives et
portant sur peu de patients, ont rapporté
d’autres facteurs de risque de mauvaise
évolution à l’issue d’une poussée de diver-
ticulite, et qui plaident, pour la plupart des
auteurs, pour la réalisation d’une sigmoï-
dectomie prophylactique dès la première
poussée. Il s’agit du sujet obèse (6),ou
immunodéprimé (7),notamment sous
immunosuppresseurs après transplantation
d’organe (8),ou sous traitement corticoïde
au long cours.
Q
UAND POSER L
’
INDICATION
D
’
UNE SIGMOÏDECTOMIE
PROPHYLACTIQUE
?
Éléments pour choisir
L’analyse de la littérature présentée ci des-
sus et les recommandations américaines
révisées récemment (9) permettent de dis-
poser de plusieurs éléments ayant démon-
tré leur influence dans l’histoire de la
diverticulite sigmoïdienne. Il s’agit :
– de l’âge du patient, les plus jeunes ayant
un risque plus élevé de récidive pour la plu-
part des auteurs ;
– du terrain sur lequel survient cette diver-
ticulite, les patients à haut risque chirurgi-
cal n’étant pas a priori ceux à qui proposer
“facilement” la colectomie prophylactique
(hormis le cas de l’immunodéprimé,
notamment après transplantation d’organe,
pour lequel la chirurgie semble devoir être
proposée devant le risque évolutif) ; mais
il faut garder à l’esprit que le risque chi-
rurgical sera encore plus élevé en cas de
survenue d’une complication grave lors du
suivi ;
– de la gravité de la poussée initiale, au
mieux jugée par le scanner, un abcès ou
une fuite d’air ou de produit de contraste
étant des facteurs de risque démontrés de
récidive de la diverticulite ;
– du nombre de crises antérieures. Les
crises de diverticulite étant de moins en
moins sensibles au traitement médical
(70 % lors de la première crise, versus 6 %
à la troisième), les auteurs sont largement
d’accord pour proposer une sigmoïdecto-
mie après deux crises ou plus (9).
Choix
La plupart des auteurs sont d’accord pour
reconnaître que ni une attitude systéma-
tique prônant d’attendre une seule pous-
sée, ni celle plus classique d’attendre deux
poussées pour proposer la sigmoïdectomie
n’est adaptée à l’ensemble des patients.
La “Task Force” américaine a décidé de ne
pas choisir et recommande de faire une
sigmoïdectomie “après une ou deux pous-
sées de diverticulite bien documentées, et
ce en fonction de la gravité de la poussée,
de l’âge et de l’état général du patient” (9).
Diverticulose du côlon