EVIDENCE-BASED MEDICINE Chirurgie Place de la sigmoïdectomie prophylactique dans la diverticulite sigmoïdienne Frédéric Bretagnol, Suresnes. Ce qu’il faut retenir Le risque de récidive concerne un tiers des patients dans les 10 ans suivant une première crise de diverticulite aiguë. Ce risque est très élevé en cas de signes scanographiques de gravité (abcès, air extradigestif) et chez le sujet jeune (âge < 50 ans). Les recommandations françaises ont été éditées en dépit de l’absence de consensus dans la littérature : une colectomie sigmoïdienne prophylactique est indiquée, quel que soit le nombre de poussées et quel que soit l’âge, chez les patients présentant des signes de gravité scanographiques. La chirurgie préventive peut également être proposée chez les patients de moins de 50 ans, en cas de première crise non compliquée. Enfin, pour les patients de plus de 50 ans avec poussées non compliquées au scanner, la place de la chirurgie prophylactique n’est pas clairement démontrée, du fait du risque très faible (< 5 %) de complications ultérieures. Il faut probablement moduler en 2014 ces recommandations en prenant en compte un certain nombre de facteurs principaux telles la comorbidité et la persistance ou non de douleurs abdominales chroniques, pour des indications quasi au cas par cas. niveau de preuve I 2 l n’existe pas de consensus dans la littérature concernant l’indication de sigmoïdectomie préventive après une première crise de diverticulite, du fait d’un manque persistant d’études randomisées. Les recommandations françaises de 2007 (recommandations pour la pratique clinique [RPC]) restent donc d’actualité (1). Le risque de récidive de la diverticulite après une première poussée varie de 17 à 35 % avec un recul moyen de 10 ans (2, 3). Plusieurs études aussi bien rétrospectives que prospectives ont identifié 2 facteurs principaux de risque de récidive, permettant de sélectionner des patients candidats à une chirurgie préventive : le caractère compliqué de la crise, défini par le scanner (pneumopéritoine, abcès, fistule, sténose), et, dans une moindre mesure, l’âge jeune du patient (≤ 50 ans). Dans une étude prospective de plus de 110 patients 50 | La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue • Vol. XVII - n° 1 - janvier-février 2014 admis pour une première crise de diverticulite aiguë (4), le risque de récidive était, avec un recul de 9,5 ans, de 32 %, dont la moitié la première année. En analyse univariée, l’âge (p = 0,007) et les critères de gravité scanographiques (p = 0,003) étaient des facteurs de mauvaise évolution (risque d’échec du traitement médical). En analyse multivariée, seul le caractère compliqué de la crise persistait. Le risque de récidive était de 54 % lorsque ces 2 critères étaient présents, et de 19 % lorsque aucun n’était présent. Il n’existe pas non plus de consensus concernant le risque de récidive chirurgicale (nécessitant une chirurgie en urgence), qui est, en moyenne, de l’ordre de 17 % après une première crise. Pourtant, une étude rétrospective américaine de plus de 25 000 patients ayant présenté une première crise traitée médicalement a montré que le risque de récidive chirurgicale était de 12 % et qu’il était corrélé, en analyse multivariée, au jeune âge du patient (≤ 50 ans) et au nombre de crises. En effet, ce risque était de 29 % après la première récidive et augmentait pour les suivantes. Les bénéfices de la sigmoïdectomie laparoscopique, par rapport à la chirurgie ouverte, sont clairement démontrés (étude randomisée, méta-analyse) en termes de morbidité globale et de durée d’hospitalisation (5, 6). Les recommandations françaises concluent donc que la chirurgie prophylactique élective est recommandée quel que soit l’âge du patient après une première crise de diverticulite compliquée au scanner (grade B). Il est licite de proposer cette chirurgie aux patients âgés de moins de 50 ans ayant eu une première crise non compliquée ainsi qu’aux patients immunodéprimés, ceux ayant subi une corticothérapie au long cours (risque de récidive plus élevé). Enfin, le bénéfice réel de la chirurgie prophylactique n’est pas démontré chez les patients âgés de plus de 50 ans ayant subi une première crise non compliquée, même après 2 ou 3 crises. Chirurgie En fait, la sigmoïdectomie préventive ne peut se justifier que si, comparée à la surveillance médicale, elle est plus efficace en termes de récidive locale, de récidive chirurgicale (chirurgie en urgence) et de douleurs chroniques. À ce titre, une étude observationnelle italienne multicentrique de l’histoire naturelle de la diverticulite est intéressante (3). Sept cent quarante-trois patients (dont 242 ont été opérés) ont été suivis sur une période de 10 ans en moyenne. Les patients opérés présentaient significativement moins de récidives que les patients traités médicalement (5,8 versus 17,2 %), moins de cas de chirurgie en urgence pour récidive (1,3 versus 6,9 %), une moindre mortalité (0,6 versus 2,5 %) et moins de symptômes chroniques (16,2 versus 21,9 %). EVIDENCE-BASED MEDICINE Questions non résolues » Faut-il avoir les 2 facteurs de risque de récidive présents chez un même patient (âge ≤ 50 ans et signes scanographiques de gravité) ou 1 seul est-il suffisant pour proposer une chirurgie prophylactique après la première crise ? » Ne faut-il pas ajouter comme indication chirurgicale la notion de douleurs abdominales persistantes ? On retiendrait alors comme indication les patients jeunes souffrant d’une crise non compliquée avec une symptomatologie douloureuse persistante sous traitement médical. Références bibliographiques 1. Buc E, Mabrut JY, Génier F, Berdah S, Deyris L, Panis Y. Question 4. Scheduled surgery for sigmoid diverticulitis. Gastroenterol Clin Biol 2007;31(8-9 Pt 2):3S35-46. 2. Hall JF, Roberts PL, Ricciardi R et al. Long-term follow-up after an initial episode of diverticulitis: what are the predictors of recurrence? Dis Colon Rectum 2011;54(3):283-8. 3. Binda GA, Arezzo A, Serventi A et al. Multicentre observational study of the natural history of left-sided acute diverticulitis. Br J Surg 2012;99(2):276-85. 4. Chautems RC, Ambrosetti P, Ludwig A et al. Long-term follow- up after first acute episode of sigmoid diverticulitis: is surgery mandatory?: a prospective study of 118 patients. Dis Colon Rectum 2002;45(7):962-6. 5. Klarenbeek BR, Veenhof AA, Bergamaschi R, Van der Peet DL, Van den Broek WT, de Lange ES. Laparoscopic sigmoid resection for diverticulitis decreases major morbidity rates: a randomized control trial: short-term results of the Sigma Trial. Ann Surg 2009;249(1):39-44. 6. Siddiqui MRS, Sajid MS, Khatri K et al. Elective open versus laparoscopic sigmoid colectomy for diverticular disease: a meta-analysis with the Sigma Trial. World J Surg 2010;34(12):2883-901. Place de la laparoscopie dans la chirurgie rectale pour cancer Frédéric Bretagnol, Suresnes. L a littérature dispose d’études et de revues de haut niveau de preuve, incluant 4 principales études randomisées (en ne prenant en compte que les actualisations des résultats à moyen et à long terme de chaque étude) et 4 méta-analyses (1-8). Résultats oncologiques On dispose des résultats de survie à long terme pour 3 études randomisées (1-3). Toutes ces études ne montrent aucune différence en termes de survie globale et de survie sans récidive selon que la résection rectale a été réalisée par laparoscopie ou par laparotomie. Ce qu’il faut retenir La résection rectale laparoscopique pour cancer est validée par des travaux de haut niveau de preuve. Les résultats oncologiques en termes de survie et de récidive locale sont similaires à ceux obtenus avec la laparotomie. Il n’existe pas de consensus sur les risques de la conversion en termes de morbidité et de qualité de l’exérèse oncologique. Dans l’étude anglaise CLASICC (3), la survie globale et la survie sans récidive à 5 ans étaient comparables après laparoscopie et laparotomie : respectivement La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue • Vol. XVII - n° 1 - janvier-février 2014 | 51