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Sigmoïdite
diverticulaire :
faut-il encore
attendre
la deuxième
poussée ?
G. Bellaïche*
* Service de gastroentérologie,
hôpital Robert-Ballanger,
Aulnay-sous-Bois.
L
a diverticulose colique est l’affection colique la plus
fréquemment rencontrée dans le monde occidental. Sa
fréquence ne fait que s’accroître, probablement à
cause de l’appauvrissement de l’alimentation en
fibres. C’est dire que cette affection (et par
conséquent ses complications infectieuses) est en
pleine expansion depuis le début du XXe siècle et constitue actuellement
l’un des sujets les plus débattus quotidiennement dans les réunions médicochirurgicales. Elle reste cependant asymptomatique dans 80 à 90 %
des cas, souvent associée au syndrome du côlon irritable (1). Dans 10
à 20 % des cas survient une sigmoïdite diverticulaire qui touche le plus
souvent un diverticule et qui reste imprévisible.
Si la décision chirurgicale, en cas de péritonite généralisée ou de doute
diagnostique avec un cancer colique qui ne peut être levé par l’endoscopie digestive, ne pose aucun problème, l’indication d’une chirurgie
prophylactique après une première poussée suscite encore des
controverses. L’échec du traitement médical bien conduit (jeûne, double
antibiothérapie par voie parentérale) est également un motif chirurgical
logique. Échec d’autant plus fréquent que le malade est immunodéprimé
(séropositivité VIH, transplantation d’organe, cancer, traitement
corticoïde) (2). En cas de fistules, la résection du segment colique atteint
est habituellement effectuée à froid, après traitement médical (3).
Dans la grande majorité des cas (plus de 70 %), il s’agit de malades
ayant guéri médicalement après une première poussée de diverticulite. Si
un consensus en faveur de la sigmoïdectomie semble établi après la
deuxième poussée de sigmoïdite diverticulaire, la colectomie prophylactique après la première poussée reste discutée. Pour certains, la
colectomie prophylactique après une première poussée n’est pas justifiée,
même chez le malade jeune. Cependant, dans ces deux études, le recul
(2, 5 ans) était insuffisant ou les conclusions des auteurs étaient en
contradiction avec le risque réel de récidive de 39 % (4, 5).
Or, plusieurs arguments plaident en faveur de la colectomie
prophylactique après la première poussée, cela afin de prévenir une réci-
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dive ou une complication. Le diagnostic de diverticulite doit cependant
être confirmé par le scanner, seul examen permettant de le poser avec
certitude. Plusieurs études prospectives ont montré qu’au moins 25 % des
malades récidivent après la première poussée, une fois sur deux dans les
deux premières années après la première poussée (6, 7). De plus, la seule
étude comparative effectuée (audit par questionnaire), sur 120 patients
ayant eu une première poussée de sigmoïdite diverticulaire traitée médicalement, avec un recul évolutif de 5 ans, plaide pour la colectomie prophylactique après la première poussée chez tout patient opérable (8). Parmi
les 77 patients qui ont eu une sigmoïdectomie prophylactique (emportant
la charnière rectosigmoïdienne), seulement 2 patients (2,5 %) ont eu à
distance une nouvelle poussée infectieuse, tandis que, chez les 43 patients non
opérés, 37 patients (86 %) ont eu une complication de la maladie dans les
5 ans après la première poussée, dont 10 sont décédés d’une cause directement liée à la maladie. Certains facteurs de risque de la récidive de la
diverticulite semblent bien établis : âge inférieur à 50 ans où la diverticulite est également plus sévère (9), sexe masculin (10), obésité (11), sévérité de la première poussée qui est corrélée à la présence d’un abcès au
scanner abdominal ou à la présence d’air et/ou de contraste iodé situés en
extraluminal lors du lavement à la gastrographine (9), prise prolongée
d’anti-inflammatoires non stéroïdiens qui influence la survenue de complications septiques (12). D’autres arguments sont aussi à prendre en
compte : il s’agit de la comparaison entre la morbidité faible de la colectomie à froid avec anastomose en un temps par rapport à une colostomie
temporaire en cas de complication sévère, de la comparaison de la mortalité de 0 à 3 % en cas de colectomie prophylactique, contre 10 à 20 % en
cas de chirurgie en urgence, pouvant atteindre 45 % en cas de péritonite
généralisée (3), des progrès actuels et futurs de la chirurgie
laparoscopique dans cette indication, de la présence de douleurs
résiduelles de la fosse iliaque gauche plus fréquente en cas de diverticulite
et régressant après colectomie (13) et surtout du caractère imprévisible de
la poussée diverticulaire et de ses complications les plus sévères, en particulier la péritonite généralisée dont la mortalité est importante.
Ainsi, même si le traitement médical est actuellement le traitement de référence de la poussée de diverticulite, seule la chirurgie permet la guérison
définitive et durable de la maladie diverticulaire. Elle s’impose en urgence,
essentiellement en cas de péritonite ou d’échec du traitement médical. La
colectomie prophylactique, non discutable après la deuxième poussée, peut
être proposée après une première poussée de diverticulite authentifiée par
le scanner, chez un patient opérable, d’autant plus que le patient est jeune,
obèse, immunodéprimé, de sexe masculin ou que la poussée était sévère,
attestée par la présence d’un abcès au scanner abdominal.
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