La Lettre du Sénologue - n° 37 - juillet-août-septembre 2007
Dossier
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L’annonce du cancer du sein
vue par le gynécologue de ville
The point of view of the gynecologist
IP I. Dagousset*
Comme l’écrivait I. Moley-Massol, l’annonce du cancer,
et plus particulièrement celle du cancer du sein, est en
fait une succession d’annonces. Il paraît difficile que la
première annonce ne soit pas faite par le médecin prescrip-
teur des radiologies et des explorations complémentaires. Le
radiologue au vu d’un examen suspect alerte la patiente, mais
l’annonce du diagnostic est, dans la majorité des cas, le fait du
gynécologue venant de recevoir les résultats histologiques. De
plus, une patiente, suivie depuis longtemps par le même gy-
nécologue qui lui a peut-être déjà annoncé d’autres mauvaises
nouvelles – fausse couche spontanée, malformations fœtales...
– ne comprendrait pas, et avec raison, la fuite de son médecin
devant cette annonce.
Comme le constatent Daniel Serin et Anne Lesur, la recom-
mandation de ne pas consulter en vue d’une telle annonce en
fin de journée ou en début de week-end est surprenante. En
effet, cette recommandation prouve une méconnaissance to-
tale des réalités quotidiennes, ces plages horaires apparaissant
justement comme les plus indiquées afin de trouver une dis-
ponibilité commune entre médecins, patiente et proche.
Les mots à dire ou à ne pas dire, les différentes réactions pos-
sibles des patientes et des médecins ont très bien été décrits.
Pourtant, il faut insister sur certains points qui paraissent es-
sentiels :
– ne pas laisser repartir les patientes sans un rendez-vous dans
un centre spécialisé, une fois celui-ci choisi, quitte à prendre
personnellement le rendez-vous et à en avertir la patiente par
la suite ;
– dédramatiser la situation en expliquant le fonctionnement
du centre et de l’équipe soignante ;
– laisser un numéro d’urgence sur lequel le médecin est en
mesure de répondre en permanence, afin de rassurer les diffé-
rentes angoisses ;
– avoir un contact avec la patiente avant le premier rendez-
vous si celui-ci se fait attendre, ainsi qu’après la première
consultation au centre.
Enfin, connaître les patientes, leur contexte professionnel
ainsi que familial depuis un certain temps nous permet d’ap-
préhender à leur côté les réactions possibles de leur entou-
rage, que ce soit lors de la première consultation ou durant le
traitement, et surtout, à la fin de ceux-ci ainsi qu’au début de la
surveillance. Ainsi la question, qui informer, et surtout quand,
revient souvent.
* Gynécomed, 103, rue Legendre, 75017 Paris.
Le dispositif d’an-
nonce (DA) ignore
totalement cette
“primo-annonce” ef-
fectuée par le gyné-
cologue. Le rôle des
médecins de ville,
généralistes ou spé-
cialistes, est négligé,
aucune information
et aucun dispositif fi-
nancier n’ont été mis
en place.
Une preuve évidente
reste le résultat de
l’enquête réalisée
auprès des gynéco-
logues se formant en
cancérologie. Ainsi,
la majorité avoue
avoir entendu parler de ce dispositif mais en ignorer totalement
les modalités : où, quand, comment, et par qui ?
D’ailleurs, il est à noter que la communication des centres vers
les médecins de ville est le plus souvent remarquable : chaque
consultation médicale est signalée par un courrier le lende-
main. Cependant, il est rarissime de recevoir un compte-ren-
du de la dite consultation d’annonce et des problèmes qu’elle
a pu mettre à jour. Il semble pourtant qu’en vue du meilleur
soutien possible aux patientes, la collaboration approfondie
entre tous les acteurs reste un objectif primordial.
Nous pouvons nous demander pourquoi l’annonce d’un cancer
a nécessité la mise en place d’un dispositif et autant d’articles.
En effet, sans remettre en cause leur bien-fondé ni l’utilité de la
réflexion, les médecins, quel que soit leur domaine d’exercice,
sont parfois amenés à informer de situations ou de maladies
nettement plus dramatiques (malformations fœtales, maladies
génétiques...) qu’un cancer potentiellement curable, et ce sans
être spécifique. Toutes les dispositions autour de cette annonce,
aussi justifiées soit-elles, ne font-elles pas que refléter notre pro-
pre angoisse et vulnérabilité en face d’une maladie dont nous
savons qu’elle peut nous atteindre à tout moment ?
Une annonce de qualité, permettant à la patiente d’accepter et
de combattre sa maladie, doit être permanente et collégiale,
regroupant la ville comme les hôpitaux, les médecins comme
le personnel soignant. Surtout, elle se doit d’être apaisante et
dénuée d’interférences avec nos propres angoisses. n