VOCABULAIRE Méta-analyse et méta-régression Meta-analysis and meta-regression S. Laporte*, P. Mismetti* I maginons que nous souhaitions faire une mise au point sur une nouvelle molécule dans le traitement de l’insuffisance cardiaque. Nous connaissons au moins 5 essais thérapeutiques dans cette indication, et il doit en exister bien d’autres. Pour faire simple et didactique, on pourrait ne présenter que l’essai le plus démonstratif, mais cela engendrerait une vision partiale de la réalité. Il est nécessaire de disposer d’une synthèse de l’ensemble des données pour savoir si le traitement est réellement efficace et estimer l’importance du bénéfice. La méta-analyse est la seule technique fiable pour réaliser ce type de synthèse. De plus, la méta-régression permettra d’évaluer l’impact éventuel de certaines caractéristiques cliniques ou thérapeutiques sur l’effet du traitement, afin de déterminer quelles seraient les conditions optimales du traitement. MÉTA-ANALYSE La méta-analyse permet de combiner les résultats de plusieurs essais thérapeutiques pour en faire une synthèse quantifiée, exhaustive et reproductible sur une indication donnée. Le gain de puissance statistique obtenu permet une précision optimale dans l’estimation de l’importance de l’effet. Trois grands principes régissent la méta-analyse : l’exhaustivité, l’inclusion d’études bien conduites et la quantification de l’effet du traitement. Premier principe : l’exhaustivité * Faculté de médecine, université Jean-Monet, Saint-Étienne ; unité de pharmacologie clinique, CHU de Saint-Étienne. Pour qu’une synthèse soit impartiale, tous les essais entrant dans l’objectif de la méta-analyse doivent être inclus, qu’ils soient ou non positifs, 30 | La Lettre du Cardiologue Risque Cardiovasculaire • n° 419 - novembre 2008 sans sélection arbitraire. Cependant une recherche exhaustive est difficile lorsque l’on sait que les essais non significatifs sont moins fréquemment publiés que les essais significatifs. Ne retenir que les essais publiés peut fausser les conclusions, ce qui conduit à une surestimation de l’efficacité du traitement, encore appelée biais de publication. Ce problème de détection de tous les essais, publiés ou non, est en partie résolu par l’enregistrement quasi systématique de tous les projets d’essai clinique dans un registre publique international. L’exhaustivité concerne la recherche des essais mais aussi leur sélection. À la lecture d’une méta-analyse, vous devez donc retrouver la description précise du processus de recherche des essais, ce qui vous permettra de vous assurer que tout a été mis en œuvre pour être exhaustif, tant dans la recherche que dans la sélection des essais. Deuxième principe : l’inclusion d’études bien conduites Pour être fiable, une méta-analyse doit être fondée sur des essais fiables, non biaisés. Seule l’inclusion des essais méthodologiquement bien conduits garantit une bonne qualité méthodologique du résultat de la méta-analyse. Pour faciliter cette sélection, des échelles de qualité méthodologique des essais ont été publiées. Schématiquement, trois critères sont retenus pour éviter la possibilité de biais majeurs, le respect du premier de ces critères étant indispensable : ➤➤ le caractère aléatoire de la randomisation des patients, et plus particulièrement l’imprévisibilité de cette randomisation, garantissant que les investigateurs n’ont pas pu déterminer à l’avance VOCABULAIRE dans quel groupe irait le patient qu’ils souhaitaient inclure ; ➤➤ le suivi en double aveugle quand il était possible ; ➤➤ l’absence ou le faible taux de patients randomisés et exclus de l’analyse. Troisième principe : la quantification de l’effet Une fois les essais recherchés et inclus, comment résumer l’information ? La méta-analyse est tout sauf un avis d’expert fondé sur une analyse individuelle des essais. En effet, elle permet de prendre en compte la possibilité d’un manque de puissance des essais négatifs (risque d’erreur bêta) et d’un risque d’erreur alpha pour les essais positifs, afin de quantifier le bénéfice global du traitement. Cette quantification se fait par combinaison des effets des traitements (risque relatif, par exemple) observés dans chacune des études et pondérés par la taille de ces dernières études. Un test statistique (test d’association) permet de conclure à l’efficacité globale du traitement ; il n’est pas dissociable du test d’hétérogénéité autorisant ou non l’interprétation du résultat global. L’hétérogénéité en méta-analyse exprime l’impossibilité de considérer que l’efficacité du traitement est constante dans tous les essais. Une hétérogénéité peut provenir d’une forte variabilité des résultats d’un essai à l’autre, sans raison apparente, notamment clinique. Cette nuisance, considérée comme aléatoire, peut être prise en compte par une méthode adaptée, le modèle à effets aléatoires. À l’inverse, une hétérogénéité entre des essais peut résulter de différences évidentes entre les essais (doses différentes, profils différents des patients inclus, etc.) et être analysée par une méthode adaptée, la méta-régression. MÉTA-RÉGRESSION La méta-régression est une analyse en sous-groupes d’études (et non pas en sous-groupes de patients) qui peut être utilisée en cas d’hétérogénéité entre les essais, mais également prévue de manière systématique lorsque l’on a décidé de combiner des essais dotés de caractéristiques évidemment différentes : prévention primaire et prévention secondaire, double aveugle et ouvert, etc. La méta-régression permet d’étudier la relation entre une ou plusieurs caractéristiques d’études et l’importance de l’effet du traitement. Les caractéristiques des études peuvent être aussi fines que celles décrites ci-dessous : ➤➤ la qualité méthodologique : l’effet du traitement n’estil pas majoré par les essais de médiocre qualité méthodologique par rapport aux essais de bonne qualité ? ➤➤ la technique diagnostique ; ➤➤ la dose du traitement évalué : l’effet des statines est-il dépendant de la dose ? ➤➤ la gravité des cas des patients inclus : études incluant des stades NYHA II-III et études incluant des stades III- IV. ➤➤ Ce type d’analyse est principalement limité par : ➤➤ la nécessité de disposer d’un nombre suffisant d’études (on ne fait pas 4 sous-groupes avec 4 études) ; ➤➤ des problèmes de puissance statistique des analyses de sous-groupes ; ➤➤ le risque de faux positifs du fait de la multiplicité des tests (risque de détecter une interaction uniquement par “chance”) ; ➤➤ le risque d’interprétation erronée du fait des facteurs de confusion (les essais où sont données les doses fortes ont-ils inclus le même type de patients que ceux menés avec des doses faibles ?). Les essais cliniques étant de plus en plus nombreux, voire complexes, les méta-analyses et les méta-régressions sont donc aujourd’hui des outils essentiels à connaître pour interpréter l’information thérapeutique disponible. ■ Pour en savoir plus... Cucherat M. Méta-analyse des essais thérapeutiques. Paris : Masson, 1997. The Cochrane Collaboration open learning material. Diversity and heterogeneity. http:// www.cochrane-net.org/openlearning/html/mod13-5.htm La Lettre du Cardiologue Risque Cardiovasculaire • n° 419 - novembre 2008 | 31