La Lettre du Cardiologue - n° 356 - juin 2002
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Des études récentes ont montré que les critères de quantification
des insuffisances mitrales ischémiques devaient être différents de
ceux des insuffisances mitrales organiques d’autre origine. Une
surface de l’orifice régurgitant 20 mm2(et non 40 mm2comme
habituellement) a été identifiée comme marqueur prédictif d’une
mortalité accrue (16).
Insuffisance mitrale minime ou modérée associée au remo-
delage ventriculaire gauche
Ces fuites se traduisent par une fermeture incomplète de la valve
mitrale avec un jet d’insuffisance mitrale centrale de volume géné-
ralement modéré. Le diagnostic échographique est fait sur l’ab-
sence de mouvement sur le déplacement apical du point de coap-
tation valvulaire, avec augmentation de la distance entre le point
de coaptation et le plan de l’anneau mitral. Il existe par ailleurs
une augmentation de la sphéricité de la cavité ventriculaire, par-
fois associée à une dilatation de l’anneau. Ces anomalies sont d’au-
tant plus marquées que la fonction systolique globale est altérée.
CONCLUSION
L’insuffisance mitrale ischémique regroupe des fuites mitrales de
mécanisme et de sévérité variables. Mis à part la rupture de pilier,
elles ont en commun des mécanismes proches de ceux des insuf-
fisances mitrales fonctionnelles, avec un rôle prédominant des
modifications de la géométrie et de la fonction ventriculaire
gauche. Elles se caractérisent également par leur impact pronos-
tique péjoratif.
L’échocardiographie joue un rôle majeur dans leur diagnostic et
la compréhension de leurs mécanismes, conditionnant les indi-
cations thérapeutiques et améliorant l’approche physiopatholo-
gique de leur traitement.
E. Brochet, service de cardiologie,
hôpital Bichat, Paris
INFORMATIONS
Pronostic et implications thérapeutiques
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L’insuffisance mitrale (IM) ischémique tient une place à part parmi
les cardiopathies valvulaires. Il ne s’agit pas d’une pathologie
affectant primitivement la valve mitrale, mais de la conséquence
d’anomalies de la contractilité myocardique secondaires à une
maladie coronaire, sur des valves dont l’anatomie est normale.
Les différentes formes cliniques d’IM ischémiques correspondent
donc à différentes formes de la maladie coronaire : IM aiguë par
rupture de pilier compliquant un infarctus aigu, IM du post-infarc-
tus, IM des cardiopathies ischémiques chroniques.
L’analyse de la littérature doit tenir compte de la grande hétéro-
généité des données, tant en ce qui concerne les différents méca-
nismes d’IM ischémiques que les différentes sévérités de la mala-
die coronaire, les différences dans l’évaluation du mécanisme et
de la quantification de la régurgitation, et les différences dans le
traitement chirurgical, qu’il s’agisse d’un pontage coronaire isolé
ou associé à un remplacement valvulaire ou une chirurgie conser-
vatrice.
PRONOSTIC DE L’INSUFFISANCE MITRALE ISCHÉMIQUE
IM par rupture de pilier
Cette complication rare et grave d’un infarctus aigu, concernant
le plus souvent la paroi inférieure, est à l’origine d’un tableau de
régurgitation massive entraînant un choc cardiogénique. La mor-
talité spontanée est de 75 % à 24 heures et de 95 % à 48 heures,
justifiant le recours à la chirurgie en extrême urgence (17). À côté
des ruptures complètes de pilier, il peut exister des ruptures par-
tielles ne concernant qu’un chef de pilier, se traduisant par des
tableaux d’IM volumineuses mieux tolérées et de meilleur
pronostic immédiat.
IM du post-infarctus
Des études portant sur des patients ayant eu un infarctus reper-
fusé en phase aiguë ont mis en évidence un rôle pronostique péjo-
ratif de l’IM. Ainsi, dans une série de 1 480 patients traités par
thrombolyse et éventuelle angioplastie de sauvetage, la mortalité
à un an était de 11 % en l’absence d’IM, de 22 % en présence
d’une IM de grade 1 ou 2 et de 52 % en présence d’une IM de
grade 3 ou 4 (18). Tout le problème est de déterminer si l’IM a
une valeur pronostique péjorative propre, ou si elle n’est que la
conséquence d’une cardiopathie ischémique plus sévère. En effet,
dans cette série, les patients qui présentaient une IM ischémique
de grade 3 ou 4 étaient plus âgés, à majorité féminine, et présen-
taient plus souvent un antécédent d’infarctus, une dysfonction
ventriculaire gauche sévère et des lésions tritronculaires que les
patients sans fuite mitrale. Toutefois, en analyse multivariée ajus-
tée sur l’ensemble de ces facteurs pronostiques, la présence d’une
IM ischémique de grade 3 ou 4 avait une valeur pronostique
propre avec un risque relatif de décès de 1,5 (18).
La valeur pronostique péjorative de l’IM ischémique sévère est
donc établie, même s’il est difficile de faire la part entre la régur-
gitation elle-même et la cardiopathie ischémique sous-jacente.
Plus récemment sont apparus des arguments suggérant que même
les IM ischémiques modérées pouvaient aggraver le pronostic en
post-infarctus. Parmi 727 patients issus de l’étude SAVE, qui
avaient tous un infarctus datant de moins de 16 jours et une frac-
tion d’éjection ventriculaire gauche < 40 %, les 33 patients qui
avaient une IM ischémique de grade 2 avaient une survie à 4 ans
inférieure à ceux qui n’avaient pas d’IM (19). En analyse multi-
variée, la présence d’une IM était associée à un doublement du
risque relatif de mortalité tardive. Dans une série de la Mayo
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