IMAGE COMMENTÉE Étrange masse cardiaque… S. Benghazi*, A. Azarine** * Service de cardiologie, hôpital européen Georges-Pompidou, Paris ** Service de radiologie vasculaire, hôpital européen Georges-Pompidou, Paris U ne femme de 49 ans, asymptomatique sur le plan cardiovasculaire, présente un souffle au foyer mitral lors d’un examen clinique de routine. Une échocardiographie transthoracique (ETT) est demandée et montre une masse arrondie, hyperéchogène, enchassée dans l’épaisseur de la paroi myocardique latéro-basale, proche de la zone d’insertion de la petite valve mitrale, mesurant 18 mm de grand axe et favorisant une insuffisance mitrale commissurale interne modérée. Afin de mieux évaluer cette masse intramyocardique, une IRM cardiaque (figure 1) est réalisée, suivie d’un scanner cardiaque avec synchronisation ECG et injection de produit de contraste iodé (figure 2). 1. Quel diagnostic évoquez-vous ? 2. Quel examen simple permet ou aurait permis de confirmer cette hypothèse diagnostique ? I M A G E S Figure 1. IRM cardiaque incidence 3 cavités, séquences avec une pondération T1 (A) et T2 (B). Figure 2. Scanner cardiaque avec synchronisation ECG et injection de produit de contraste iodé incidence 4 cavités. La Lettre du Cardiologue • n° 466-467 - juin-septembre 2013 | 13 IMAGE COMMENTÉE Références bibliographiques 1. Harpaz D, Auerbach I, Vered Z, Motro M, Tobar A, Rosenblatt S. Caseous calcification of the mitral annulus: a neglected, unrecognized diagnosis. J Am Soc Echocardiogr 2001;14(8):825-31. 2. Deluca G, Correale M, Ieva R, Del Salvatore B, Gramenzi S, Di Biase M. The incidence and clinical course of caseous calcification of the mitral annulus: a prospective echocardiographic study. J Am Soc Echocardiogr 2008;21(7):828-33. 3. Pomerance A. Pathological and clinical study of calcification of the mitral valve ring. J Clin Pathol 1970;23(4):35461. Réponse : Cette masse est une calcification caséeuse de l’anneau mitral (CCAM). La CCAM est une constatation échographique rare. Souvent asymptomatique, elle est généralement de découverte fortuite (1, 2). L’échocardiographie montre une masse large, arrondie ou semi-lunaire, hyperéchogène à contours réguliers avec une zone centrale vide d’échos de type liquidienne, sans cône d’ombre postérieur, située habituellement sur la valve mitrale postérieure, mais pouvant également impliquer d’autres segments de l’anneau mitral, n’altérant pas ou peu le jeu valvulaire. L’IRM ne visualise pas directement les calcifications, celles-ci apparaissant toujours en hyposignal et de manière non spécifique par rapport à d’autres structures. De ce fait, en IRM, la CCAM apparaît comme une masse en hyposignal dans toutes les pondérations, avec une éventuelle prise de contraste périphérique de la paroi fibreuse après injection de gadolinium. Si l’IRM peut être utile dans l’étude des masses cardiaques, dans ce cas, elle est relativement non contributive. Le scanner avec injection n’est pas toujours d’interprétation facile. Le CCAM est fait d’un “lait calcique” pas aussi dense que les calcifications solides et pourrait avoir la même densité que les cavités cardiaques, au temps artériel, même un peu tardif. Le scanner cardiaque sans injection suffit pour affirmer formellement le diagnostic (figure 3), en montrant la nature calcifiée de la masse. Il peut être réalisé par une simple acquisition en mode séquentiel basse dose. Sur le plan histologique, il s’agit d’une coque calcifiée contenant du matériel caséeux stérile, d’aspect pâteux, qualifiée de “mastic” ou “pâte dentifrice”, composée de calcium, d’acides gras et de cholestérol (3). L’examen microscopique montre que ce matériel est amorphe, acellulaire, basophile et calcifié, avec une légère réaction inflammatoire chronique représentée principalement par les macrophages. Cependant, la confirmation anatomopathologique n’est pas nécessaire devant l’aspect typique de CCAM en imagerie. La CCAM étant rare, son aspect relativement impressionnant peut conduire à un diagnostic erroné d’abcès ou de tumeur intracardiaque, aboutissant à tort à une chirurgie. De pronostic bénin, le traitement est conservateur chez les patients asymptomatiques. Seules les manifestations emboliques, sténose serrée ou régurgitation mitrale sévère, peuvent constituer une indication chirurgicale. ■ I M A G E Figure 3. Scanner sans injection basse dose (synchronisation à l’ECG, acquisition prospective). S . Benghazi déclare ne pas avoir de liens d’intérêts. 14 | La Lettre du Cardiologue • n° 466-467 - juin-septembre 2013