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Symposium “thrombose coronaire”
Un symposium très intéressant consacré à la thrombose coronaire et organisé par
G. Montalescot a réuni de nombreux participants à Paris en avril 2000. Différents acteurs
impliqués dans la thrombose coronaire y ont pris la parole : cliniciens de l’hémostase,
cardiologues interventionnels ou non, chirurgiens cardiaques. Le plateau était international,
réunissant les meilleurs spécialistes du monde entier.
TRAITEMENT DE L’INFARCTUS MYOCARDIQUE AIGU
Cette session consacrée à l’infarctus du myocarde a fait le
bilan de la thrombolyse, son passé, son présent, ses progrès
potentiels (A. Vahanian, hôpital Bichat, Paris)
et de l’angioplastie coronaire (P. Barragan, Marseille).
Deux sujets moins classiques concernant la prise en charge
de l’infarctus du myocarde ont été abordés. G. Drobinski
(hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris) a rapporté les dernières
connaissances sur la thrombolyse par ultrasons au cours
de l’infarctus du myocarde.
R. Choussat (hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris) a rappelé
que le pronostic de l’infarctus du myocarde compliqué de
choc cardiogénique reste sombre, malgré l’essor considérable
des moyens thérapeutiques mis en œuvre.
Bilan de la thrombolyse et de l’angioplastie coronaire
L’infarctus du myocarde survient à l’occasion de l’occlusion
thrombotique brutale d’une artère coronaire, souvent inopinément, à la suite d’un phénomène de rupture d’une plaque athéromateuse souvent modérément sténosante. Les traitements ont
pour premier objectif de restaurer une perméabilité artérielle satisfaisante. Parmi les traitements de reperfusion, la thrombolyse
administrée par voie intraveineuse reste la référence. Face à ce
traitement, l’angioplastie coronaire constitue une alternative
séduisante. De nombreuses études randomisées, réalisées au sein
de centres expérimentés, ont montré l’avantage de l’angioplastie
primaire sur le traitement thrombolytique. Néanmoins, de nouvelles associations de médicaments antithrombotiques se développent, avec l’utilisation d’antagonistes des récepteurs IIb/IIIa
associés à des régimes thrombolytiques plus puissants et mieux
tolérés. Il est probable que, dans un futur proche, la stratégie optimale de prise en charge de l’infarctus aigu associera une approche
initiale médicamenteuse avec utilisation de plusieurs antithrombotiques et une approche plus mécanique avec les techniques de
cardiologie interventionnelle.
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Thrombolyse par ultrasons
Les ultrasons sont utilisés en médecine pour le diagnostic et
la thérapeutique. Les ondes ultrasonores se propagent dans les
tissus biologiques et ont des effets mécaniques qui engendrent,
dans un milieu absorbant, des élévations de température et,
dans un milieu aqueux, les phénomènes de cavitation et de survenue de microcourants locaux. Il a été démontré dès 1975 que
l’énergie ultrasonore pouvait dissoudre des thrombus artériels
et veineux.
Les données expérimentales montrent que la cavitation est le
mécanisme principal expliquant les effets de l’angioplastie ultrasonore : en particulier, on a pu montrer l’apparition de microbulles
correspondant au phénomène de cavitation en activant une émission ultrasonore au niveau d’un guide plongé dans un milieu
liquide examiné par imagerie ultrasonore ; enfin, aucune lésion,
thermique n’a jamais été montrée, histologiquement après angioplastie ultrasonore expérimentale. Des études comparatives des
effets des ultrasons émis à 20 kHz sur les caillots in vitro traités
ou non par la streptokinase ont montré que l’effet des ultrasons
ne passait pas par la mise en jeu du système fibrinolytique : les
temps de dissolution des caillots traités ou non traités par la streptokinase étaient similaires, montrant que la dissolution ultrasonore in vitro n’est pas accélérée par l’association à une thérapeutique fibrinolytique.
L’angioplastie ultrasonore paraît particulièrement indiquée pour
désobstruer l’occlusion coronaire à la phase aiguë de l’infarctus
du myocarde, circonstance où la thrombose est le mécanisme principal, secondaire à une fissure ou à une érosion de plaque. Dans
un travail mexicain, la recanalisation a été obtenue pour 3 patients
sur 4 en une dizaine de secondes.
Deux études multicentriques ont été conduites en Europe dans les
sténoses athéromateuses (étude CRUSADE) et les occlusions
coronaires de l’infarctus myocardique aigu (étude ACUTE,
15 patients, 13 succès). Cette technique se trouve actuellement en
compétition avec l’utilisation des endoprothèses coronaires et des
nouveaux médicaments antiplaquettaires anti-GPIIb/IIIa. Par
contre, l’utilisation des ultrasons par voie transcutanée grâce à des
systèmes utilisant des fréquences d’émission variant entre 1 000
La Lettre du Cardiologue - n° 340 - décembre 2000
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et 26 kHz va peut-être se développer comme traitement des thromboses siégeant au niveau de vaisseaux périphériques superficiels,
et même au niveau des artères coronaires. Les données actuelles
sont uniquement expérimentales.
Récemment publiée, l’étude prospective randomisée multicentrique SHOCK a comparé une stratégie de revascularisation coronaire urgente par pontage aortocoronaire ou par angioplastie transluminale à une stratégie de stabilisation initiale par un traitement
médical optimal.
Infarctus compliqué de choc cardiogénique
Défini comme l’incapacité pour le cœur à assurer un débit sanguin suffisant face aux besoins énergétiques de l’organisme du
fait d’une altération de sa fonction pompe, l’infarctus compliqué
de choc cardiogénique se caractérise cliniquement par une hypotension artérielle systolique prolongée en l’absence d’hypovolémie, associée à des signes d’hypoperfusion tissulaire (cyanose,
oligurie, extrémités froides, altération de la conscience).
Du point de vue hémodynamique, le choc cardiogénique associe
quatre critères : pression artérielle systolique basse (< 90 mmHg),
élévation de la différence artérioveineuse en oxygène (> 5,5 ml/dl),
diminution de l’index cardiaque (< 2,2 l/mn/m2) et élévation de
la pression capillaire pulmonaire (> 15 mmHg). À l’autopsie, on
retrouve en général une destruction supérieure à 40 % de la masse
ventriculaire gauche.
Néanmoins, du fait du caractère cumulatif de la destruction ventriculaire gauche, un petit infarctus peut déstabiliser une cardiopathie ischémique ancienne et précipiter la survenue d’un choc
cardiogénique. Depuis vingt ans, son incidence est stable, aux
alentours de 7 % des infarctus du myocarde, et ce malgré le développement des procédures de reperfusion coronaire.
À l’inverse, après ajustement avec les facteurs cliniques prédictifs de mortalité (âge, sexe, type et localisation de l’infarctus), la
mortalité du choc cardiogénique diminue depuis une dizaine d’années, probablement du fait d’une prise en charge plus agressive
associant des traitements médicamenteux plus efficaces
(inotropes positifs, IEC, antiagrégant plaquettaire, etc.) et l’utilisation plus systématique de l’assistance circulatoire avec mise
en place d’une contrepulsion intra-aortique et surtout du fait de
stratégies de revascularisation plus fréquentes et précoces.
L’hypothèse de l’étude reposait sur le concept qu’une stratégie
de revascularisation en urgence serait associée à une meilleure
perfusion coronaire et permettrait une amélioration de la fonction contractile ventriculaire gauche, avec comme corollaire une
diminution de la mortalité absolue de 20 %. Le critère primaire
de jugement était la mortalité à un mois, et les critères secondaires étaient la mortalité à 6 mois et un an.
Pour être inclus, les patients devaient présenter un infarctus aigu
compliqué de choc cardiogénique confirmé sur des critères cliniques (pression artérielle systolique < 90 mmHg ou nécessitant
des inotropes positifs associés à des signes d’hypoperfusion tissulaire) et hémodynamiques (index cardiaque < 2,2 l/mn/m2 et
pression capillaire pulmonaire > 15 mmHg). Le délai moyen entre
le début du choc cardiogénique et l’infarctus était de 5,6 heures,
et la majorité des infarctus était de localisation antérieure. La
compliance avec le protocole était excellente, avec 97 % des
patients du groupe invasif coronarographiés et 87 % revascularisés par pontage aortocoronaire ou angioplastie transluminale.
Seuls 2,7 % des patients du groupe médical ont été revascularisés en urgence, soit avant les 54 heures minimales après randomisation. Le délai entre la randomisation et la revascularisation était inférieur à une heure pour l’angioplastie coronaire et à
trois heures pour la chirurgie de pontage aortocoronaire.
À un mois, la mortalité globale, critère primaire de l’étude,
n’était pas significativement différente entre la stratégie invasive
et la stratégie non invasive (46,7 % versus 56,0 % ; p = 0,11). À
l’inverse, la mortalité à 6 mois était plus basse avec la stratégie
invasive que non invasive (50,3 % versus 63,1 % ; p = 0,027)
(figures 1 et 2).
Les études récentes (SMASH et SHOCK). À coté de très nombreux travaux rétrospectifs non randomisés dont les informations
sont souvent sources de biais, deux études récentes multicentriques randomisées se sont focalisées sur l’intérêt d’une stratégie invasive de revascularisation en urgence au cours du choc
cardiogénique.
L’étude SMASH (1999) avait pour but de démontrer l’utilité d’une
stratégie invasive de revascularisation en urgence au cours des
48 premières heures de l’infarctus compliqué de choc cardiogénique. Dans les deux groupes, un traitement médical optimal était
recommandé, avec utilisation large du ballon de contrepulsion
intra-aortique. Le critère de jugement principal était la mortalité
à un mois. Le calcul de l’effectif à inclure reposait sur une réduction absolue de 30 % de la mortalité dans le groupe stratégie invasive par rapport à une stratégie conservatrice. Malheureusement,
en raison de la difficulté d’inclure des patients dans l’étude
(51 patients inclus sur les 120 prévus), l’essai a été prématurément arrêté, ne permettant pas d’analyser l’objectif initial avec
pertinence.
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Figure 1. Étude SHOCK : survie à 1 mois (Hochman JS et al. N Engl J Med 1999 ;
341 : 625-34).
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Figure 2. Étude SHOCK : survie à 1 mois et à 6 mois (Hochman JS et al.
N Engl J Med 1999 ; 341 : 625-34).
En analyse multivariée, le bénéfice de la stratégie invasive semblait surtout présent chez les patients de moins de 75 ans et en cas
d’antécédent d’infarctus du myocarde. Ainsi, bien que le critère
primaire de l’étude n’ait pas été atteint, les auteurs recommandaient une stratégie invasive en cas d’infarctus compliqué de choc
cardiogénique. Cependant, depuis la réalisation de ces études, entre
1992 et 1998, les progrès des techniques de revascularisation coronaire ont été considérables, avec l’amélioration du matériel, l’utilisation large des endoprothèses coronaires et enfin le développement d’antiagrégants plaquettaires plus puissants (antagonistes
des récepteurs IIb/IIIa). Ces progrès laissent présager une amélioration du pronostic pour ces patients particulièrement à risque.
LA CHIRURGIE CORONAIRE
Au cours de cette session, deux orateurs prestigieux ont mis
en perspective leurs disciplines, dont les progrès potentiels
semblent considérables dans un futur proche.
À l’aube d’une nouvelle décennie, I. Gandjbakhch (hôpital PitiéSalpêtrière, Paris) a précisé la place des nouvelles techniques chirurgicales, alors que de nouveaux concepts thérapeutiques émergent déjà. Les pontages sous circulation extracorporelle (CEC)
restent la technique de référence, technique encore exclusive pour
de nombreuses équipes. Ils permettent, grâce à la CEC, le clampage aortique et la protection myocardique cardioplégique afin
de répondre à toutes les situations de revascularisation myocardique. Cette technique est notamment indispensable dans la chirurgie combinée coronaro-valvulaire.
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Grâce à la mise au point de stabilisateurs myocardiques, qui
immobilisent la région d’intérêt (zone épicardique parcourue par
l’artère coronaire à ponter) tout en laissant le cœur assurer une
hémodynamique satisfaisante, les pontages sans CEC (pumpoff) se sont développés. Leur intérêt réside dans la suppression
de la CEC et de ses inconvénients (réaction inflammatoire, lésion
des éléments figurés du sang, risque hémorragique, risque cérébral, coût...) et, dans certaines conditions, dans la possibilité d’effectuer une revascularisation myocardique sans aucune manipulation aortique (ni canulation, ni clampage) grâce à des greffons
artériels pédiculés (artères mammaires internes et gastro-épiploïques). Leurs inconvénients résident dans les difficultés d’une
anastomose microchirurgicale à cœur battant et de certaines expositions, pour les marginales postérieures par exemple. Leurs
contre-indications associent la chirurgie combinée, l’inexpérience
de l’équipe, les artères calcifiées et intramyocardiques, et la mauvaise tolérance hémodynamique.
La chirurgie mini-invasive (MIDCAB) permet de diminuer
l’agression chirurgicale, en supprimant la CEC ou en diminuant
la taille des incisions, et en particulier en évitant la sternotomie.
Les incisions minimalistes peuvent être associées à une CEC périphérique (fémoro-fémorale) d’assistance ou totale avec clampage
aortique et cardioplégie par voie endovasculaire (heart port).
Cependant, la plupart des équipes utilisent les minivoies d’abord
sans CEC. Deux minivoies d’abord sont actuellement retenues
en chirurgie coronaire :
– la thoracotomie antérolatérale gauche permettant le pontage de
l’IVA par l’artère mammaire interne gauche,
– l’incision épigastrique permettant le pontage du réseau droit
par la gastro-épiploïque.
La chirurgie endoscopique constitue en quelque sorte la limite
de la chirurgie mini-invasive. La thoracoscopie permet actuellement le prélèvement des artères mammaires internes et leur utilisation pour une anastomose en vision directe sur l’IVA via une
minithoracotomie. La chirurgie totalement endoscopique impose
l’utilisation de robots d’assistance chirurgicale (téléopérateurs à
multiples degrés de liberté intracorporelle [Zeus ou DaVinci] et
reste limitée à la revascularisation de l’IVA et des diagonales par
les artères mammaires internes.
Les progrès en chirurgie robotique laissent espérer la faisabilité
routinière de pontages multiples totalement endoscopiques à
cœur battant. La mise au point d’un environnement de haute
technologie utilisant largement la réalité augmentée de l’approche multimodale (endoscopie, radiologie, échographie...) est
en cours.
À côté de ces progrès technologiques, de nouveaux concepts
thérapeutiques apparaissent. La revascularisation myocardique
via la néoangiogenèse stimulée par la thérapie génique ou le laser
transmyocardique a déjà quelques applications cliniques. Elle
sera largement utilisée, seule ou en association avec les autres
techniques. La revascularisation hybride (angioplastie - pontages)
en un ou plusieurs temps permettra probablement d’affiner encore
les indications techniques pour chaque lésion coronaire chez un
même patient.
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R. Dion (Bruxelles) a rapporté son expérience unique concernant
le choix des greffons artériels et la place de la veine saphène en
chirurgie coronaire. Les résultats de la revascularisation chirurgicale par pontage séquentiel mammaire interne semblent excellents (série personnelle des 500 premiers patients consécutifs
opérés entre 1985 et 1991). Chez ces 500 patients, un total de
2 156 anastomoses ont été réalisées (4,3 anastomoses par patient),
dont 1 367 anastomoses artérielles (2,7 par patient), avec
1 150 pontages artériels séquentiels (2,3 par patient). La survie à
5 et 10 ans a été respectivement de 89 % et 72 %. À 10 ans, 82 %
des patients étaient asymptomatiques, et la nécessité d’une nouvelle revascularisation était très faible, puisque seuls 3,1 % des
patients ont dû être revascularisés par pontage ou angioplastie au
cours du suivi (9,6 années en moyenne).
À côté des pontages artériels mammaires internes, l’utilisation
de l’artère gastro-épiploïque est également associée à des résultats encourageants. R. Dion a rapporté son expérience concernant
une série de 307 patients opérés entre 1988 et 1995 en utilisant
l’artère gastro-épiploïque comme matériel de pontage. Le plus
souvent, cette artère était implantée sur l’artère coronaire droite
(92 % des cas), plus rarement sur le réseau circonflexe marginal
(8 %). Au moins un pontage mammaire interne était implanté
chez 95 % des patients, et 55 % recevaient 2 pontages mammaires
internes. Un total de 3,6 anastomoses par patient était effectué,
parmi lesquelles 3 anastomoses à partir de matériels artériels.
À un an, la perméabilité du pontage gastro-épiploïque était
retrouvée dans 92 % des cas. Au cours du suivi (26 mois,
6-88 mois), 5 patients sont décédés et 90 % étaient asymptomatiques. Ainsi, l’utilisation de l’artère gastro-épiploïque comme
matériel de pontage semble être associée à une faible morbi-mortalité à long terme.
Concernant les pontages veineux saphènes, R. Dion a également rapporté son expérience personnelle avec, à 8 ans, une perméabilité du pontage saphène dans 73 % des cas et une absence
de différence entre l’utilisation de matériel artériel ou veineux en
cas de pontage de la coronaire droite.
ASSISTANCE CIRCULATOIRE ET GREFFE
T. Messana (Marseille) a exposé de façon claire les modalités
d’assistance circulatoire et de greffe chez les coronariens.
L’assistance circulatoire correspond à une demande qui n’est
actuellement pas satisfaite par l’offre : aux États-Unis, les
50 000 demandes annuelles ne sont satisfaites que dans 5 % des
cas. En France, le fossé se creuse entre les besoins et les greffes
effectuées : entre 1990 et 1991, 630 transplantations cardiaques
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ont été effectuées, et ce chiffre a été presque réduit de moitié entre
1998 et 1999 (370 transplantations durant cette période). La durée
moyenne d’attente du greffon après inscription sur liste de transplantation est de 10 mois. Vingt-cinq pour cent des cœurs prélevés ne sont pas greffés.
La survie après transplantation est estimée à 77 % à un an, et à
67 % à 5 ans.
Les alternatives chirurgicales à la greffe existent mais ne permettent de diminuer que de peu le nombre de candidats ou de différer la date de la greffe : interventions de Batista (consistant en
une réduction ventriculaire sur cardiopathie dilatée non ischémique), de Dor (ventriculoplastie de plaques akinétiques sur cardiopathie ischémique), de Bolling (remodelage annulaire mitral),
cardiomyoplastie (remodelage direct du ventricule gauche ou
intervention utilisant le muscle grand dorsal).
L’assistance ventriculaire en post-infarctus est actuellement principalement indiquée chez le sujet jeune ayant réuni les critères
d’éligibilité, en attente de transplantation. Elle est contreindiquée si l’infarctus date de moins de quinze jours.
Le choix du type d’assistance dépend de nombreux facteurs : la
prévision de l’existence d’une réversibilité de la dysfonction cardiaque, son étiologie, l’étendue de l’atteinte ventriculaire (gauche
isolée, droite isolée, ou biventriculaire), l’importance du retentissement périphérique de la dysfonction cardiaque, la surface
corporelle du patient, l’éventualité de sa candidature à la greffe,
l’existence éventuelle de contre-indications à un traitement anticoagulant et, enfin, la durée prévisible de l’assistance.
Dans les situations aiguës que l’on estime en grande partie réversibles, les assistances ventriculaires légères, partielles et de courte
durée ont leur place : contrepulsion par ballonnet intra-aortique,
hémopompe, pompes centrifuges.
Quant aux systèmes d’assistance lourde, totale ou subtotale, ils
sont réservés à une utilisation plus longue :
1. Matériels pneumatiques à flux pulsatile, utilisés en assistance
uni- ou biventriculaire, paracorporels (Thoratec®, Medos®), ou
internes, remplaçant physiquement et fonctionnellement les ventricules natifs (tels le cœur artificiel total de Jarvik®, actuellement
dénommé CardioWest®). Ces systèmes limitent néanmoins considérablement l’autonomie du patient.
2. Matériels électriques, internes, d’assistance exclusivement univentriculaire gauche : le plus connu en France est le Novacor®.
Ce système assure une très bonne autonomie au patient, ce dernier portant les batteries en bandoulière.
Le nombre de donneurs n’augmentant pas, la recherche de nouvelles techniques d’assistance ventriculaire est nécessaire pour
en élargir les indications. Les cœurs artificiels actuellement en
cours d’évaluation, de moins en moins encombrants, sont grevés
de moins en moins de complications, les risques infectieux étant
considérablement réduits par leur implantation totale ; on peut
donc espérer une amélioration notable de la qualité de vie des
patients bénéficiant d’une telle implantation, et tenter ainsi de
pallier le manque de greffons disponibles.
R. Choussat
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LE TRAITEMENT AGRESSIF DU DIABÈTE EST-IL UTILE AU
CORONARIEN ?
A. Grimaldi (Paris) a rappelé que l’hyperglycémie est
associée à un risque plus fort d’artérite des membres
inférieurs que d’athérosclérose des troncs supra-aortiques
ou coronaire. Ainsi, le diabète de type II multiplie le risque
d’insuffisance coronaire, d’ischémie myocardique silencieuse,
d’insuffisance cardiaque, et d’AVC par 2 à 3 chez l’homme
et par 3 à 5 chez la femme ; il multiplie le risque d’artérite
des membres inférieurs par 4 chez l’homme et par 6 chez
la femme, celui d’amputation par 10 à 20, et celui de
mortalité cardiovasculaire par 1,5 à 2 chez l’homme
et par 2,5 à 3 chez la femme. L’espérance de vie du diabétique
est ainsi réduite de 8 ans entre 55 et 64 ans, et de 4 ans entre
65 et 74 ans.
DNID et risque cardiovasculaire
Le risque vasculaire relatif est à peu près semblable dans toutes
les populations (variant de 2 pour les hommes à 4 pour les
femmes), mais le risque vasculaire absolu varie considérablement
en fonction de l’association aux autres facteurs de risque cardiovasculaire (FDRCV) : ainsi, il ressort de l’étude MRFIT qui comprenait 5 163 diabétiques suivis 12 ans, que le diabète isolé accroît
le risque de mortalité de façon plus importante que chaque autre
FDRCV. À quoi est-ce dû ? À l’hyperglycémie ? À l’insulinorésistance ? Au traitement ?
L’hyperglycémie du diabétique non insulinodépendant, ne présentant ni néphropathie diabétique, ni autre FDRCV (l’exemple
type est celui des Indiens Pimas), est, en soi, une cause de
macroangiopathie : l’hyperglycémie est un facteur causal indépendant d’athérome, elle potentialise les autres FDRCV (en particulier la dyslipidémie) et elle est un marqueur d’insulinorésistance. La diminution de la glycémie de 0,6 g/l correspond à une
baisse de 2 % de l’hémoglobine glycosylée (HbA1c), or l’augmentation de 1 % de l’HbA1c provoque une augmentation de
10 % du risque relatif de mortalité cardiovasculaire.
L’insulinorésistance est un marqueur précoce de l’atteinte vasculaire du diabétique de type II : dans la San Antonio Heart Study,
l’insulinémie élevée s’accompagnait d’une incidence d’HTA multipliée par 2, d’une incidence d’hypertriglycéridémie multipliée
par 3,5 et d’un taux de DNID multiplié par 5. L’atteinte vasculaire existe avant même le début des signes cliniques du DNID.
L’équilibre glycémique et l’efficacité de la prévention de la
macroangiopathie
L’équilibre glycémique pour la prévention de la macroangiopathie relève-t-il du mythe ou de la réalité ? Plusieurs études ont été
réalisées pour répondre à cette question (DCCT, KUMAMOTO,
UKPDS, KUOPIO, DIGAMI, greffe du pancréas), mais toutes
sont critiquables.
Dans l’étude UKPDS, 4 209 DNID de 25 à 65 ans, avec une glycémie à jeun comprise entre 6 et 15 mmol/l, sans antécédent cardiovasculaire, ont été suivis en moyenne 11 ans (durée de l’étude :
12
20 ans). La première randomisation se faisait entre régime, sulfamide hypoglycémiant ou insuline. L’HbA1c moyenne sur
15 ans était de 7 % dans le groupe traitement intensif vs 7,9%
dans le groupe traitement conventionnel. L’incidence des rétinopathies diminuait significativement de 25 %, mais l’incidence des
infarctus du myocarde diminuait de 16 %, ce qui n’était pas significatif (p = 0,052). Par la suite, on effectuait une seconde randomisation de 753 DNID obèses, suivis dans 15 centres, recevant
régime seul ou metformine, et on les comparait à 951 DNID recevant de façon randomisée sulfamides ou insuline. L’HbA1c était
de 7,4 % dans le groupe metformine vs 8 % dans le groupe
“conventionnel”. Il en ressortait que la metformine était efficace
sur la macroangiopathie diabétique, avec une réduction de 39 %
(p = 0,01) des infarctus du myocarde, de 36 % (p = 0,01) de la
mortalité toutes causes et de 42 % (p = 0,01) de la mortalité due
au diabète. En revanche, contrairement à l’insuline et aux sulfamides hypoglycémiants, la metformine n’était pas efficace sur la
microangiopathie diabétique à 12 ans.
On concluait, sur la base de ces résultats de l’UKPDS, que les
sulfamides et l’insuline étaient très efficaces pour la prévention
de la microangiopathie et moins efficaces pour la prévention de
la macroangiopathie, contrairement à la metformine. Cependant,
cette étude est critiquable sur de nombreux points :
– la différence d’HbA1c était faible entre le groupe “traitement
intensif” et le groupe “traitement conventionnel” (1,2 % dans les
5 premières années, 0,6 % dans les 5 dernières années) ;
– le traitement “conventionnel” n’était pas conventionnel, le traitement “intensif” n’était pas intensif ;
– il y a eu changement de protocole au cours de l’étude : de
1977 à 1991, on a assisté à un échec de la monothérapie (glycémie à jeun supérieure à 15 mmol/l), et après 1991, la mise en
place de la monothérapie était plus précoce ;
– l’efficacité des traitements est très difficilement interprétable
du fait des forts taux de crossing-over, qui n’apparaissent pas dans
l’analyse en intention de traiter (25 % des patients du groupe sulfamides hypoglycémiants ont reçu de la metformine et 38 % du
groupe metformine + sulfamides n’ont pas pris de metformine !).
L’étude DIGAMI portait sur 620 diabétiques (80 % de DNID)
hospitalisés durant les 24 premières heures d’un infarctus du myocarde. La randomisation se faisait entre traitement conventionnel
et infusion insulinique de 24 heures suivie d’injections pluriquotidiennes d’insuline pendant au moins trois mois. La réduction de la mortalité à un an était de 29 % (18,6 % vs 26,1 %,
p = 0,027), soit une diminution du risque relatif de 52 % à un an
chez des patients diabétiques non préalablement traités par insuline et à “faible risque cardiovasculaire”. Ce bénéfice était maintenu sur la durée moyenne de suivi de 3,4 ans.
Les mécanismes exacts de cette efficacité ne sont toujours pas
résolus : bénéfice de l’équilibre glycémique ? Inhibition de la
lipolyse par l’insuline, provoquant une diminution des acides gras
libres ? Bénéfice de la solution “polarisante” glucose-insulinepotassium sur le myocarde ischémique ? Arrêt des sulfamides
hypoglycémiants, antagonistes des canaux K ATP dépendants ?
En conclusion, l’orateur a insisté sur le fait qu’il est nécessaire
de hiérarchiser le traitement des FDRCV au cours du diabète :
.../...
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.../...
– pour le diabétique de type I, l’essentiel est l’équilibre glycémique,
– pour le diabétique de type II, l’équilibre glycémique est déterminant pour la prévention de la néphropathie diabétique et de
l’artériopathie des membres inférieurs (associé au sevrage tabagique). Pour espérer un bénéfice coronarien comparable à celui
des traitements hypolipémiants et antihypertenseurs, il faut :
1. Diminuer l’HbA1c d’au moins 2 %, avec un objectif d’HbA1
inférieure à 6,5 %.
2. Privilégier le traitement insulino-sensibilisateur (metformine
si la fraction d’éjection ventriculaire gauche est normale), ainsi
que l’insuline. La stratégie optimale du traitement hypoglycémiant du diabétique de type II reste cependant à définir.
R. Dumaine
MÉCANISMES DE LA THROMBOSE CORONAIRE
Le point de vue de l’angiohématologue sur la thrombose
coronaire nous a été donné par L. Drouet (Paris). L’orateur
rappelle que si, dans la majorité des cas, la thrombose
coronaire est liée à la réaction thrombotique secondaire
à la rupture de plaque athéromateuse, elle peut cependant
également survenir sans rupture de plaque : thrombose
secondaire à l’érosion seule de la plaque ou thrombose
favorisée par les conditions circulatoires (de fortes forces
de cisaillement provoquent un déploiement de la molécule
de facteur von Willebrand qui adhère alors à la plaquette,
réalisant un thrombus plaquettaire directement
dans la circulation).
L’interaction entre les facteurs de coagulation et les plaquettes
aboutit à la formation de thrombine, puissant agrégant plaquettaire, mais les leucocytes participeraient également à la réponse
thrombogène des plaquettes, via les microparticules membranaires : cette participation a été évoquée par Nemerson (Proc Natl
Acad Sci USA 1999 ; 96 : 2311-5), qui mettait en évidence le fait
que les dépôts thrombotiques sur une surface procoagulante
contenaient du facteur tissulaire et le marqueur CD18 (glycoprotéine membranaire des leucocytes).
Lors de l’activation des leucocytes, leur membrane libère des
microparticules porteuses de facteur tissulaire qui active alors la
coagulation plasmatique. Le facteur tissulaire proviendrait de la
plaque rompue : la plaque contient des cellules apoptotiques (leucocytes et cellules musculaires lisses) dont la membrane, après
changement conformationnel, exprime de façon accrue le facteur
tissulaire ; lors de la rupture de plaque, ces microparticules procoagulantes sont libérées.
Relation thrombogenèse/symptomatologie clinique
Le thrombus peut se former initialement sous la plaque athéroscléreuse ; la fibrinolyse physiologique aboutit alors à la formation d’un hématome sous plaque.
La Lettre du Cardiologue - n° 340 - décembre 2000
N F O R M A T I O N S
Le thrombus croît ensuite dans la lumière artérielle, principalement grâce à la participation des plaquettes, et un processus dynamique cyclique de formation/embolisation thrombotique se met
en place. Cliniquement, le patient est asymptomatique, mais le
dommage myocardique existe, pouvant aboutir à un état d’insuffisance cardiaque d’origine ischémique.
Par la suite, le thrombus se stabilise dans la paroi et les cellules
musculaires lisses le colonisent : il se produit une évolution brutale de la lésion initiale aboutissant à une lésion stabilisée responsable d’une diminution de la lumière artérielle.
Le thrombus peut alors ralentir le flux sanguin, et, par le processus de formation/embolisation, aboutir au tableau clinique d’angor instable. La participation à ce processus est essentiellement
plaquettaire (la coagulation et la fibrine n’ont qu’un rôle mineur,
ce qui explique l’inefficacité des fibrinolytiques dans ce cas).
Enfin, au stade de la nécrose myocardique, le thrombus se complète et se stabilise par adjonction de fibrine (d’où l’intérêt des
fibrinolytiques à ce stade).
Les plaques inactives contiennent des plaquettes inactivées : les
anti-GPIIb/IIIa provoqueraient une “passivation” de la plaque en
inactivant les plaquettes.
La thrombose occlusive qui survient lors de l’angioplastie est due
à un thrombus frais qui se forme et se déforme : l’utilisation des
anti-GPIIb/IIIa stoppe alors le processus thrombotique. Si la
thrombose s’est déjà constituée, ils empêchent la reconstitution
du processus thrombotique après fibrinolyse naturelle, mais
n’agissent que si la fibrine n’a pas déjà stabilisé le thrombus. Audelà de ce délai, peut-être existe-t-il un intérêt pour l’association
de faibles doses de fibrinolytiques et d’antiagrégants majeurs.
Ainsi, le rôle des antiagrégants pourrait être de prévenir l’insuffisance cardiaque d’origine ischémique, l’évolution des lésions
et l’aggravation du processus thrombotique, mais des études restent nécessaires pour le démontrer.
LE TRAITEMENT INHIBITEUR DE L’ENZYME DE CONVERSION
R. Isnard (Paris) a situé de façon très explicite la place des
inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) dans la maladie
coronaire. Dans un premier temps,
l’orateur a rappelé la distinction entre le système rénineangiotensine (SRA) circulant, endocrine, qui agit sur le court
terme en régulant la pression artérielle et l’homéostasie
cardiaque par vasoconstriction et rétention hydrosodée,
et le SRA local ou tissulaire, autocrine/paracrine, qui agit sur
le long terme en provoquant un remodelage vasculaire
et myocardique via des mécanismes d’hypertrophie
et de prolifération.
SRA et athérosclérose
La production d’angiotensine II par le système tissulaire a des
actions plus complexes que celles du SRA circulant :
– hypertrophie, prolifération et migration des cellules musculaires
lisses ;
– augmentation de la concentration en anion superoxyde ;
– synthèse de molécules d’adhésion et de médiateurs de l’inflammation ;
15
I
N F O R M A T I O N S
– effet proplaquettaire et synthèse de PAI (plasminogen activator inhibitor).
L’enzyme de conversion de l’angiotensine (EC) induit une inactivation de la bradykinine qui, via une augmentation de la synthèse de NO et de prostacycline, a un rôle dans la protection endothéliale.
Les IEC exercent donc un effet vasoprotecteur en diminuant la
synthèse d’angiotensine II et en empêchant la dégradation de la
bradykinine. Ils provoquent ainsi une baisse de la pression artérielle, une diminution du stress oxydatif, de la prolifération et de
l’inflammation vasculaires et, enfin, ils exercent un effet antithrombogène.
Études épidémiologiques et génétiques
Des études épidémiologiques et génétiques ont permis de mettre
en évidence le rôle du polymorphisme du gène de l’enzyme de
conversion (EC) dans le risque coronaire. En effet, dans l’étude
d’Alderman portant sur 1 717 patients présentant une HTA
moyenne à modérée, durant un suivi de 8,3 ans, le risque relatif
d’infarctus du myocarde était multiplié par 5,3 chez les patients
présentant des taux élevés de rénine plasmatique par rapport aux
patients présentant des taux bas. Cela était indépendant des autres
facteurs de risque coronaire.
L’étude du polymorphisme du gène de l’EC a permis de démontrer que l’allèle I était associé à des taux plus faibles d’EC, tant
au niveau tissulaire que plasmatique ; ainsi, les génotypes “II”
ont des taux plus faibles d’EC que les “ID”, qui possèdent euxmêmes moins d’EC que les “DD”.
L’étude rétrospective (ECTIM) portant sur des cas contrôles mettait en évidence un risque relatif accru de 1,3 de survenue d’événements coronaires chez les patients “DD” par rapport aux “DI”
ou “II” avec facteurs de risque coronaire, et de 3,2 en l’absence
d’autre facteur de risque.
La Physician’s Health Study, quant à elle, ne retrouvait pas d’accroissement significatif de ce risque relatif.
La méta-analyse concernant le polymorphisme du gène de l’EC
et le risque d’infarctus du myocarde (IDM) portait sur 15 études
et comprenait 3 394 IDM comparés à 5 479 cas contrôles avec
22,7 % de “II”, 49 % de “ID”, et 28,3 % de DD : l’odds-ratio était
de 1,26 pour les “DD” par rapport aux “ID” et aux “II” (95 % IC,
1,15-1,39).
En ce qui concerne le polymorphisme et le risque de resténose,
la différence n’est pas significative pour les angioplasties au ballon, mais elle le devient pour les angioplasties avec stent, le risque
de resténose étant alors plus faible chez les “II” que chez les “ID”,
ce dernier étant plus faible que chez les “DD”. Le mécanisme
évoqué de la resténose après angioplastie au ballon est un recoil
élastique ou un remodelage, alors que celui de la resténose après
mise en place d’un stent ferait intervenir une prolifération néointimale, mettant davantage en jeu le SRA.
Indications actuelles des IEC
La place des IEC dans la maladie coronaire est actuellement établie dans plusieurs situations : à la phase aiguë d’un IDM, chez
tous les patients, et dans l’IDM récent avec fraction d’éjection
abaissée. Ces indications découlent notamment des études
SOLVD et SAVE où étaient étudiés respectivement les effets de
l’énalapril et du captopril.
16
L’orateur a rappelé par ailleurs que la dysfonction systolique ventriculaire gauche symptomatique ou non et l’HTA avec insuffisance cardiaque, avec IDM et dysfonction systolique ventriculaire gauche, avec diabète et protéinurie, et/ou avec insuffisance
rénale, sont les autres indications actuelles des IEC.
IEC, coronaropathie et fonction systolique ventriculaire
gauche normale
En revanche, la place des IEC chez les coronariens à fonction systolique ventriculaire gauche normale prête actuellement à discussion :
dans l’étude QUIET, 1 750 patients normotendus, sans dyslipidémie,
présentant une coronaropathie avec fonction ventriculaire gauche systolique conservée, ont reçu 20 mg de quinapril ou un placebo durant
un suivi de 3 ans. La réduction des événements vasculaires majeurs
était de 13 %, mais non significative sous quinapril. Les limites de
cette étude étaient notables, puisqu’il s’agissait de patients à faible
risque cardiovasculaire, normotendus, et que l’échantillon était trop
faible pour démontrer une différence significative. En outre, l’étude
TREND, réalisée avec 40 mg de quinapril, mettait en évidence une
amélioration de la fonction endothéliale.
L’étude HOPE est sans doute la plus remarquable : 9 297 patients,
de plus de 55 ans, présentant :
– une pathologie vasculaire définie par une coronaropathie, un
AVC ou une pathologie vasculaire périphérique,
– ou un diabète associé à au moins un autre facteur de risque cardiovasculaire,
– et n’étant pas connus pour être insuffisants cardiaques ou avoir
une fraction d’éjection abaissée,
reçoivent 10 mg de ramipril ou un placebo. Le critère de jugement composite comprend infarctus du myocarde, AVC ou décès
d’origine cardiovasculaire.
L’étude a été interrompue précocement devant la constatation
d’une réduction significative des événements à un an dans le
groupe ramipril, la différence entre les deux groupes ne faisant
que croître ensuite (risque relatif de 0,78 pour le critère composite dans le groupe ramipril comparé au groupe placebo).
Cela soulève des questions, actuellement non résolues : les résultats étonnants de l’étude HOPE sont-ils dus à un effet de classe,
commun à tous les IEC, ou bien à un effet spécifique du ramipril ? Les inhibiteurs des récepteurs de l’angiotensine ont-ils une
efficacité équivalente ? Ces résultats doivent-ils modifier notre
prise en charge des coronariens ? La réduction du risque relatif
est-elle suffisante ? Qu’en est-il de la réduction du risque absolu
et de l’influence sur la survie ?
Qu’en est-il de l’interaction de l’aspirine avec les IEC ? On attend
les résultats de l’étude WATCH pour répondre à cette question.
Des études sont actuellement en cours pour évaluer l’efficacité
des IEC :
– contre la progression anatomique de l’athérosclérose : SCAT
(énalapril), SECURE (ramipril), PART-2 (ramipril), PERSPECTIVE (perindopril), PHYLLIS (fosinopril) ;
– dans la réduction des événements cardiovasculaires majeurs
chez les hypertendus : ALLHAT, CAPPP, STOP-2 ;
– dans la réduction des événements ischémiques majeurs chez les
patients à haut risque : PEACE (trandolapril), EUROPA (perindopril) ;
– dans la prévention secondaire des AVC : PROGRESS.
R. Dumaine
La Lettre du Cardiologue - n° 340 - décembre 2000
I
LA THROMBOSE CORONAIRE VUE PAR LE CARDIOLOGUE
INTERVENTIONNEL
G. Finet (Lyon) a résumé l’apport de l’échographie
endocoronaire dans la détection des ruptures de plaque avec
thrombus.
Ainsi, à la phase aiguë de l’angor instable, il a insisté sur le fait
qu’en dehors de la lésion coupable identifiée, on retrouve dans
30 % des cas des plaques fissurées ou rompues et compliquées
de thrombus sur le reste de l’arbre coronaire, mais indétectables
par l’angiographie conventionnelle, et quiescentes.
Il a fait remarquer que ces découvertes systématiques ne doivent
pas modifier l’attitude thérapeutique, à savoir traiter la lésion coupable sans traiter les images. Il a discuté avec brio l’intérêt de
l’échographie endocoronaire comme outil de recherche, mais
aussi comme outil clinique en routine.
QUESTIONS DIFFICILES SUR LES ANTITHROMBOTIQUES
Dans cette session, deux questions ont été abordées :
quel avenir pour les antithrombines directes en pathologie
coronaire, et quelle place pour les héparines de bas poids
moléculaires (HBPM) chez les patients allant en salle
de cathétérisme ?
Quel futur en pathologie coronaire pour les antithrombines
directes ?
F. Van de Werf (Louvain, Belgique) a fait le point sur cette question difficile. Le principal message est qu’on ne le connaît pas.
En effet les antithrombines directes ne peuvent être recommandées chez les patients ayant une indication indiscutable pour les
anti-GPIIb/IIIa et en l’absence de données comparatives directes
sur l’efficacité et la tolérance de ces deux classes thérapeutiques
et de leur association. Nous sommes donc actuellement dans une
situation où l’hirudine et ses dérivés constituent une alternative
aux anti-GPIIb/IIIa à l’inverse des HBPM, et plus particulièrement de l’énoxaparine (voir plus loin, communication de
D. Kereiakes). Or, les anti-GPIIb/IIIa sont devenus le traitement
adjuvant quasi incontournable des techniques de reperfusion chez
les patients à la phase aiguë de l’IDM (pharmacologique ou mécanique), mais aussi en angor instable et ayant un profil de risque
élevé défini sur des critères électrocardiographiques (sous-décalage du segment ST) et biologiques (élévation de la troponine).
L’utilisation des antithrombines directes à la phase aiguë de l’infarctus du myocarde (avec élévation du segment ST) repose
pourtant sur des bases physiopathologiques solides : la thrombolyse pharmacologique, en initiant la dégradation de la surface
du thrombus, expose la thrombine liée au caillot qui va directement stimuler les plaquettes et le complexe prothrombinique permettant une synthèse explosive de thrombine. Cette dernière serait
responsable des échecs de la thrombolyse et des réocclusions préLa Lettre du Cardiologue - n° 340 - décembre 2000
N F O R M A T I O N S
coces. Les études cliniques ont plus que confirmé la pertinence
de cette hypothèse. Cependant, comme l’a bien mis en exergue
F. Van de Werf, trois problèmes ne sont pas encore résolus à ce
jour : le type d’agent thrombolytique qu’il faut y associer, le délai
d’administration de l’hirudine par rapport à l’initiation de la
thrombolyse, et enfin celui de l’épuisement rapide du bénéfice
initial de l’hirudine.
L’administration d’hirudine à faible dose (bolus de 0,1 mg/kg
puis perfusion continue de 0,1 mg/kg/h) avant l’initiation de la
thrombolyse augmente de 35 % le taux de flux TIMI 3 à
90 minutes par rapport à l’héparine non fractionnée. Dans les
grandes études randomisées, l’hirudine à faible dose administrée
après l’initiation de la thrombolyse par rt-PA (de 30 à 50 minutes),
réduit d’environ 14 % l’incidence des réinfarctus par rapport à
l’héparine non fractionnée, sans surcroît d’accidents hémorragiques majeurs, mais elle reste sans effet sur la mortalité à 30 jours
et sur la réduction de l’incidence du critère combiné
décès + infarctus (qui est cependant diminué de 20 % à J7). À
plus forte dose, un surcroît de complications hémorragiques
majeures (intracérébrales) a dû faire interrompre notamment l’essai GUSTO IIa. Il est possible que ce délai trop long de l’administration d’hirudine par rapport à la synthèse explosive de thrombine ampute l’efficacité de l’hirudine. En effet, on a observé que
le bénéfice de l’hirudine par rapport à celui de l’héparine était
d’autant plus élevé que le délai entre l’initiation de la thrombolyse et l’administration de l’hirudine était court. L’essai randomisé HERO-2, en cours, compare d’ailleurs l’administration précoce d’héparine et de bévalirudine (Hirulog), 30 minutes avant
l’initiation de la thrombolyse par streptokinase, chez plus de
17 000 patients ayant un IDM aigu.
Le choix du thrombolytique et du type d’hirudine n’est pas
non plus très aisé, comme l’a souligné l’orateur. À l’inverse de
la désulfatohirudine (Hirudine), la bévalirudine inhibe de façon
transitoire le site catalytique de la thrombine et reste sans effet
sur son site de fixation. Cette caractéristique permet de l’utiliser
à très fortes doses avec une grande efficacité angiographique (plus
de 85 % de flux TIMI 3) en cas d’administration précoce (avant
la thrombolyse). En revanche, son administration tardive n’a pas
non plus d’efficacité sur la reperfusion évaluée angiographiquement (essai HERO : Hirulog early reperfusion/occlusion). La
moindre incidence des complications hémorragiques observées
sous Hirulog serait en outre liée à son effet activateur de la protéine C (qui intervient dans la voie d’activation de la coagulation), alors que l’hirudine inhibe cette voie métabolique.
Le choix du thrombolytique à y associer est tout aussi difficile :
dans l’étude GUSTO IIb, une réduction de 30 % de la mortalité
et surtout une réduction de 40 % de l’incidence combinée des
décès et des infarctus étaient mises en évidence chez les patients
traités par l’association streptokinase + hirudine par rapport à
ceux ayant reçu streptokinase + héparine, soit un bénéfice apparemment plus important qu’avec le rt-PA. En revanche, dans l’essai HIT, aucun bénéfice angiographique de l’association hirudine + streptokinase n’est rapporté par rapport à celle de
l’héparine standard et de la streptokinase.
L’utilisation de l’hirudine dans les syndromes coronariens sans
élévation du segment ST reste confrontée au problème majeur
17
I
N F O R M A T I O N S
de l’effet rebond survenant à l’arrêt du traitement, avec en conséquence un épuisement très rapide du bénéfice initial, à l’inverse
de ce qui est observé pour les HBPM. Il faut souligner que ce
bénéfice était observé avec prédilection chez les patients à haut
risque et chez ceux ayant bénéficié d’une revascularisation par
angioplastie.
F. Van de Werf conclut que lorsque l’on reprend l’ensemble des
essais randomisés ayant comparé directement l’hirudine et l’héparine dans les syndromes coronariens aigus, une réduction de
22 % de l’incidence du critère combiné décès + IDM est observée à J3 pour diminuer à 10 % à J35. Cet échappement thérapeutique, qui n’est pas observé avec les HBPM et les antiGPIIb/IIIa, est un obstacle à l’utilisation plus large de cette classe
pharmacologique dans une approche conservatrice des syndromes
coronariens aigus. L’absence de données comparatives directes
avec les HBPM et les anti-GPIIb/IIIa rend encore plus difficile
la stratégie d’utilisation de cette classe pharmacologique, qui reste
à préciser. Les résultats de l’essai HERO-2 relanceront certainement le débat, tout comme le développement thérapeutique de
formes à durée d’action prolongée.
Les héparines de bas poids moléculaire chez les patients
allant en salle de cathétérisme
Les HBPM ont démontré, pour certaines d’entre elles, une
meilleure efficacité que l’héparine non fractionnée (HNF) dans
la prise en charge médicale de l’angor instable. L’énoxaparine
sous-cutanée utilisée à 1 mg/kg/12 h pendant 4 jours réduit d’environ 18 % l’incidence des décès et des infarctus dès le 8e jour.
Ce bénéfice précoce se maintient sur le long terme (un an).
Sachant qu’environ 50 % de ces patients vont bénéficier d’une
coronarographie diagnostique dans le but d’une revascularisation
après une période dite de stabilisation médicale, se pose le problème de la gestion du traitement anticoagulant. Actuellement,
les recommandations suggèrent d’arrêter le traitement par HBPM
et d’effectuer un relais par HNF lorsque l’on décide de réaliser
un cathétérisme cardiaque. Ces recommandations reposent avant
tout sur l’absence de données sur l’efficacité et la sécurité des
HBPM dans cette situation précise. Cette situation est particulièrement fréquente puisque, dans les deux grands essais
ESSENCE et TIMI 11B, dont l’objectif initial était une approche
conservatrice de l’angor instable, environ 30 % des patients randomisés ont bénéficié durant la période de traitement d’une coronarographie diagnostique avec ou sans angioplastie directe.
J.P. Collet (Paris) a présenté les résultats d’une étude pilote
prospective évaluant l’efficacité et la sécurité de l’énoxaparine par voie sous-cutanée chez 273 patients admis pour angor
instable et allant en salle de cathétérisme cardiaque après une
période dite de stabilisation médicale d’au moins 48 heures, pendant laquelle de l’énoxaparine par voie sous-cutanée à dose curative était administrée (1 mg/kg/12 h s.c.).
La coronarographie était réalisée dans les 8 heures après la dernière injection matinale d’énoxaparine, et le désilet était retiré
10 heures après cette injection. Il n’y avait ni surveillance de
l’hémostase au moment du cathétérisme ni recours à l’HNF,
même chez les 132 patients ayant bénéficié d’une angioplastie
coronaire dans les suites immédiates de la coronarographie.
18
Trois résultats marquants ressortent de cette étude prospective sur une population non sélectionnée de patients admis en
angor instable :
1. l’énoxaparine par voie sous-cutanée à dose curative permet
d’obtenir une anticoagulation efficace chez plus de 97 % patients
au moment du cathétérisme (activité anti-Xa = 0,98 ± 0,03 UI/ml) ;
2. cette anticoagulation reste stable pendant les 8 heures suivant
l’injection matinale d’énoxaparine, comme en témoigne l’absence
de corrélation entre le délai de la réalisation de la coronarographie par rapport à l’injection matinale d’énoxaparine et l’activité anti-Xa mesurée au moment du cathétérisme ;
3. cette stratégie d’anticoagulation prévient efficacement les
complications aiguës thrombotiques de l’angioplastie coronaire
(il n’y a eu aucune occlusion coronaire aiguë ni aucune revascularisation urgente pendant le premier mois de suivi) et présente un
très faible taux de complications hémorragiques majeures (0,8 %).
Cette stratégie d’anticoagulation a été évaluée dans une population de patients non sélectionnés, qui comprenait 10 % d’insuffisants rénaux (clairance de la créatinine < 30 ml/mn) et 19 %
de patients de plus de 80 ans. Chez ces patients, une adaptation
rigoureuse de la posologie d’énoxaparine était systématiquement
effectuée en raison du risque d’accumulation de l’activité antiXa, et donc de complications hémorragiques (réduction systématique de la dose et contrôle de l’activité anti-Xa après la troisième injection).
Cette étude de faisabilité ouvre une nouvelle voie pour une gestion plus rationnelle de l’anticoagulation chez les patients en
angor instable allant en salle de cathétérisme. Elle s’inscrit dans
les lignées des registres NICE 1 et 4, qui ont montré la bonne
tolérance et l’efficacité de l’énoxaparine intraveineuse dans
l’angioplastie avec ou sans anti-GPIIb/IIIa (13, 14). Il reste à
déterminer si une comparaison directe du rapport bénéfices/risques
de l’HNF et des HBPM est indispensable dans cette indication.
QUAND ET COMMENT CHOISIR UN ANTI-GPIIB/IIIA DANS
L’ANGOR INSTABLE ?
Deux communications dans le cadre d’un débat ont fait
le point sur cette question très débattue
D. Kereiakes (Cincinnati, États-Unis) a résumé l’intérêt de l’utilisation du Réopro® (abciximab) dans une approche invasive de
l’angor instable : “Un agent puissant pour une approche agressive.”
Il a tout d’abord redéfini de façon très pragmatique les différentes
approches de l’angor instable, que nous avons résumées dans la
figure 3.
.../...
La Lettre du Cardiologue - n° 340 - décembre 2000
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.../...
cibles moléculaires (intégrines ou récepteurs cellulaires membranaires), et donc à toutes les étapes des complications vasculaires de l’angioplastie :
– sur la thrombose aiguë par l’inhibition de la GPIIb/IIIa ;
– sur l’inflammation en inhibant l’adhésion des monocytes/
macrophages au site lésé via le CD11/CD18 ;
– sur la migration et la prolifération via le récepteur αvß3, ces
deux dernières étapes participant à la resténose coronaire postangioplastie. Cette séquence d’action du Réopro® expliquerait
son efficacité sur le long terme, à l’inverse des petites molécules.
D. Kereiakes a conclu en disant que cette association va permettre l’essor de l’approche invasive précoce, qui devra être évaluée dans le cadre d’essais randomisés en la comparant à une attitude invasive différée, plus communément admise à l’heure
actuelle.
Figure 3. Les différentes approches de l’angor instable.
Il a particulièrement insisté sur la nécessité d’individualiser deux
types possibles d’approches dites invasives :
1. L’approche “conservatrice” consiste à observer une période
de stabilisation médicale d’au moins 48 heures durant laquelle
les traitements anti-ischémiques et antithrombotiques permettent
de stabiliser la lésion et de protéger le myocarde qui dépend du
territoire de l’artère malade, avant d’entreprendre une coronarographie diagnostique dans le but d’une revascularisation coronaire. Cette attitude est la plus fréquemment observée dans les
centres disposant d’une salle de cathétérisme cardiaque.
2. L’approche “invasive précoce”, quant à elle, se calque sur celle
de l’infarctus avec élévation du segment ST. Elle consiste à réaliser une coronarographie dans les premières heures de l’hospitalisation, lorsque les marqueurs biologiques de nécrose sont augmentés en considérant que “le temps c’est du myocarde”.
En s’appuyant sur les données de registre, D. Kereiakes a clairement établi que le développement et les performances de l’attitude invasive sont liés aux progrès conjoints de l’angioplastie et
des traitements adjuvants de l’angioplastie que sont le stent et les
inhibiteurs de la GPIIb/IIIa. L’augmentation exponentielle de leur
utilisation (multipliée par 4 en 4 ans) a permis de réduire de plus
de 80 % l’incidence des revascularisations urgentes à un mois et
d’environ 60 % l’incidence des événements cardiovasculaires
majeurs. Le bénéfice synergique de cette association a été
démontré dans l’essai randomisé EPISTENT, dont D. Kereiakes
a rappelé les résultats principaux, et surtout la réduction de 58 %
de la mortalité à un an dans le groupe ayant bénéficié de cette
association par rapport au groupe stent seul.
Cette réduction de la mortalité sur le long cours est une constante
dans les essais randomisés avec le Réopro® et constitue sans aucun
doute la meilleure démonstration de la supériorité de l’abciximab
par rapport aux petites molécules, affirme D. Kereiakes (figure 4).
Ce bénéfice clinique unique du Réopro® s’explique biologiquement par sa faible spécificité lui permettant d’agir sur plusieurs
La Lettre du Cardiologue - n° 340 - décembre 2000
Figure 4. Essais randomisés comparant l’abciximab aux petites molécules.
K. Fox (Édimbourg, Royaume-Uni) a exposé les modalités du
choix du type de stratégie et de la classe des anti-GPIIb/IIIa
à la phase aiguë de l’angor instable : “Une stratégie optimale
avec un antithrombotique adapté à cette stratégie.”
Il a d’abord rappelé que la coronarographie diagnostique suivie
d’une revascularisation au décours immédiat de la phase aiguë
de l’angor instable n’était pas communément admise par tous.
Néanmoins, il a montré les grandes différences existant entre les
études dites négatives (VANQUISH, TIMI IIIB) et les études positives et a précisé que dans l’essai FRISC 2, le bénéfice à un an
était clairement en faveur de l’angioplastie. Il a bien insisté sur
la nécessité d’utiliser l’ensemble des critères cliniques et biologiques indispensables à la stratification du risque associé à l’angor instable. La troponine, à ce titre, apparaît incontournable tant
pour le choix du type de prise en charge que pour celui des antithrombotiques.
K. Fox a en effet rappelé que les anti-GPIIb/IIIa étaient une classe
hétérogène dont l’utilisation devait être effectuée le plus rationnellement possible, étant donné le prix élevé de ces traitements.
L’étude CAPTURE montre qu’en cas d’angor instable avec élévation de la troponine, c’est le Réopro® qui devait être utilisé lorsqu’une angioplastie était programmée. En l’absence d’attitude
19
I
N F O R M A T I O N S
invasive, l’utilisation des petites molécules (eptifibatide ou tirofiban) doit être privilégiée, surtout lorsqu’il existe une nécrose
myocardique associée (élévation de la troponine).
K. Fox a insisté dans sa conclusion sur les récents résultats de
l’étude ESPRIT (eptifibatide) à 30 jours, tout à fait comparables
à ceux de l’étude EPISTENT (abciximab) : l’angioplastie avec
stent entraîne une réduction d’environ 50% de l’incidence des
décès et des infarctus. Il a pondéré son discours en précisant qu’il
s’agissait de patients à faible risque, et qu’en l’absence de suivi
à 6 mois, cela n’autorisait pas à tirer des conclusions définitives.
Figure 5. Événements vasculaires évités pour 1 000 patients traités
annuellement par l’aspirine.
NOUVEAUTÉS SUR LA PRÉVENTION
C. Patrono (Chieti, Italie), leader incontesté dans le domaine
des antiplaquettaires, a fait tout d’abord un vaste tour
d’horizon sur l’intérêt de cette classe thérapeutique
en prévention secondaire de la maladie athérothrombotique
coronaire.
C. Patrono a particulièrement insisté sur l’indispensable évaluation du bénéfice de ces traitements, en particulier de celui de l’aspirine, en fonction du risque vasculaire qui est résumé sur la
figure 5.
Après avoir refait le point sur les différents mécanismes de l’inhibition de l’agrégation plaquettaire, il a résumé les points forts
de l’étude CAPRIE et a insisté sur l’intérêt de l’étude CURE, qui
compare l’association aspirine + clopidogrel à celle de l’aspirine
seule en prévention secondaire. Cette étude arrive à son terme et
ses résultats sont attendus en 2001.
C. Patrono a finalement évoqué les résultats négatifs des
grandes études de prévention secondaire par les inhibiteurs
oraux de la GPIIb/IIIa, pour lesquels il n’existe pas d’explication
définitive : effet agoniste partiel des molécules de première génération ; niveau trop faible de l’inhibition de l’agrégation plaquettaire. Il a mentionné l’étude BRAVO, qui compare directement l’association aspirine + lotrafiban versus aspirine + placebo,
sur un schéma d’étude similaire à l’étude CAPRIE, et dont on
attend les résultats prochainement.
En ce qui concerne la prévention primaire, C. Patrono a rappelé que dans un groupe à faible risque, la réduction de l’incidence des infarctus observée sous aspirine est associée à une augmentation significative des complications hémorragiques
intracérébrales (18). En revanche, dans l’étude HOT, les patients
sous aspirine présentaient une moindre incidence d’événements
cardiovasculaires majeurs par rapport à ceux sous placebo : diminution de 15 % de l’ensemble des événements (p = 0,03) et de
36 % des infarctus du myocarde (p = 0,002). Enfin, il a confirmé
que les anti-inflammatoires non stéroïdiens n’avaient absolument
aucune indication en prévention primaire.
J.P. Collet
Ce compte rendu a été rédigé par R. Choussat, R. Dumaine et J.P. Collet,
service de cardiologie, CHU Pitié-Salpêtrière, Paris.
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20
La Lettre du Cardiologue - n° 340 - décembre 2000
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