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La Lettre du Cardiologue - n° 340 - décembre 2000
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TRAITEMENT DE L’INFARCTUS MYOCARDIQUE AIGU
Cette session consacrée à l’infarctus du myocarde a fait le
bilan de la thrombolyse, son passé, son présent, ses progrès
potentiels (A. Vahanian, hôpital Bichat, Paris)
et de l’angioplastie coronaire (P. Barragan, Marseille).
Deux sujets moins classiques concernant la prise en charge
de l’infarctus du myocarde ont été abordés. G. Drobinski
(hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris) a rapporté les dernières
connaissances sur la thrombolyse par ultrasons au cours
de l’infarctus du myocarde.
R. Choussat (hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris) a rappelé
que le pronostic de l’infarctus du myocarde compliqué de
choc cardiogénique reste sombre, malgré l’essor considérable
des moyens thérapeutiques mis en œuvre.
Bilan de la thrombolyse et de l’angioplastie coronaire
L’infarctus du myocarde survient à l’occasion de l’occlusion
thrombotique brutale d’une artère coronaire, souvent inopiné-
ment, à la suite d’un phénomène de rupture d’une plaque athé-
romateuse souvent modérément sténosante. Les traitements ont
pour premier objectif de restaurer une perméabilité artérielle satis-
faisante. Parmi les traitements de reperfusion, la thrombolyse
administrée par voie intraveineuse reste la référence. Face à ce
traitement, l’angioplastie coronaire constitue une alternative
séduisante. De nombreuses études randomisées, réalisées au sein
de centres expérimentés, ont montré l’avantage de l’angioplastie
primaire sur le traitement thrombolytique. Néanmoins, de nou-
velles associations de médicaments antithrombotiques se déve-
loppent, avec l’utilisation d’antagonistes des récepteurs IIb/IIIa
associés à des régimes thrombolytiques plus puissants et mieux
tolérés. Il est probable que, dans un futur proche, la stratégie opti-
male de prise en charge de l’infarctus aigu associera une approche
initiale médicamenteuse avec utilisation de plusieurs antithrom-
botiques et une approche plus mécanique avec les techniques de
cardiologie interventionnelle.
Thrombolyse par ultrasons
Les ultrasons sont utilisés en médecine pour le diagnostic et
la thérapeutique. Les ondes ultrasonores se propagent dans les
tissus biologiques et ont des effets mécaniques qui engendrent,
dans un milieu absorbant, des élévations de température et,
dans un milieu aqueux, les phénomènes de cavitation et de sur-
venue de microcourants locaux. Il a été démontré dès 1975 que
l’énergie ultrasonore pouvait dissoudre des thrombus artériels
et veineux.
Les données expérimentales montrent que la cavitation est le
mécanisme principal expliquant les effets de l’angioplastie ultra-
sonore : en particulier, on a pu montrer l’apparition de microbulles
correspondant au phénomène de cavitation en activant une émis-
sion ultrasonore au niveau d’un guide plongé dans un milieu
liquide examiné par imagerie ultrasonore ; enfin, aucune lésion,
thermique n’a jamais été montrée, histologiquement après angio-
plastie ultrasonore expérimentale. Des études comparatives des
effets des ultrasons émis à 20 kHz sur les caillots in vitro traités
ou non par la streptokinase ont montré que l’effet des ultrasons
ne passait pas par la mise en jeu du système fibrinolytique : les
temps de dissolution des caillots traités ou non traités par la strep-
tokinase étaient similaires, montrant que la dissolution ultra-
sonore in vitro n’est pas accélérée par l’association à une théra-
peutique fibrinolytique.
L’angioplastie ultrasonore paraît particulièrement indiquée pour
désobstruer l’occlusion coronaire à la phase aiguë de l’infarctus
du myocarde, circonstance où la thrombose est le mécanisme prin-
cipal, secondaire à une fissure ou à une érosion de plaque. Dans
un travail mexicain, la recanalisation a été obtenue pour 3 patients
sur 4 en une dizaine de secondes.
Deux études multicentriques ont été conduites en Europe dans les
sténoses athéromateuses (étude CRUSADE) et les occlusions
coronaires de l’infarctus myocardique aigu (étude ACUTE,
15 patients, 13 succès). Cette technique se trouve actuellement en
compétition avec l’utilisation des endoprothèses coronaires et des
nouveaux médicaments antiplaquettaires anti-GPIIb/IIIa. Par
contre, l’utilisation des ultrasons par voie transcutanée grâce à des
systèmes utilisant des fréquences d’émission variant entre 1 000
Symposium “thrombose coronaire
Un symposium très intéressant consacré à la thrombose coronaire et organisé par
G. Montalescot a réuni de nombreux participants à Paris en avril 2000. Différents acteurs
impliqués dans la thrombose coronaire y ont pris la parole : cliniciens de l’hémostase,
cardiologues interventionnels ou non, chirurgiens cardiaques. Le plateau était international,
réunissant les meilleurs spécialistes du monde entier.
et 26 kHz va peut-être se développer comme traitement des throm-
boses siégeant au niveau de vaisseaux périphériques superficiels,
et même au niveau des artères coronaires. Les données actuelles
sont uniquement expérimentales.
Infarctus compliqué de choc cardiogénique
Défini comme l’incapacité pour le cœur à assurer un débit san-
guin suffisant face aux besoins énergétiques de l’organisme du
fait d’une altération de sa fonction pompe, l’infarctus compliqué
de choc cardiogénique se caractérise cliniquement par une hypo-
tension artérielle systolique prolongée en l’absence d’hypovolé-
mie, associée à des signes d’hypoperfusion tissulaire (cyanose,
oligurie, extrémités froides, altération de la conscience).
Du point de vue hémodynamique, le choc cardiogénique associe
quatre critères : pression artérielle systolique basse (< 90 mmHg),
élévation de la différence artérioveineuse en oxygène (> 5,5 ml/dl),
diminution de l’index cardiaque (< 2,2 l/mn/m2) et élévation de
la pression capillaire pulmonaire (> 15 mmHg). À l’autopsie, on
retrouve en général une destruction supérieure à 40 % de la masse
ventriculaire gauche.
Néanmoins, du fait du caractère cumulatif de la destruction ven-
triculaire gauche, un petit infarctus peut déstabiliser une cardio-
pathie ischémique ancienne et précipiter la survenue d’un choc
cardiogénique. Depuis vingt ans, son incidence est stable, aux
alentours de 7 % des infarctus du myocarde, et ce malgré le déve-
loppement des procédures de reperfusion coronaire.
À l’inverse, après ajustement avec les facteurs cliniques prédic-
tifs de mortalité (âge, sexe, type et localisation de l’infarctus), la
mortalité du choc cardiogénique diminue depuis une dizaine d’an-
nées, probablement du fait d’une prise en charge plus agressive
associant des traitements médicamenteux plus efficaces
(inotropes positifs, IEC, antiagrégant plaquettaire, etc.) et l’uti-
lisation plus systématique de l’assistance circulatoire avec mise
en place d’une contrepulsion intra-aortique et surtout du fait de
stratégies de revascularisation plus fréquentes et précoces.
Les études récentes (SMASH et SHOCK). À coté de très nom-
breux travaux rétrospectifs non randomisés dont les informations
sont souvent sources de biais, deux études récentes multicen-
triques randomisées se sont focalisées sur l’intérêt d’une straté-
gie invasive de revascularisation en urgence au cours du choc
cardiogénique.
L’étude SMASH (1999) avait pour but de démontrer l’utilité d’une
stratégie invasive de revascularisation en urgence au cours des
48 premières heures de l’infarctus compliqué de choc cardiogé-
nique. Dans les deux groupes, un traitement médical optimal était
recommandé, avec utilisation large du ballon de contrepulsion
intra-aortique. Le critère de jugement principal était la mortalité
à un mois. Le calcul de l’effectif à inclure reposait sur une réduc-
tion absolue de 30 % de la mortalité dans le groupe stratégie inva-
sive par rapport à une stratégie conservatrice. Malheureusement,
en raison de la difficulté d’inclure des patients dans l’étude
(51 patients inclus sur les 120 prévus), l’essai a été prématuré-
ment arrêté, ne permettant pas d’analyser l’objectif initial avec
pertinence.
Récemment publiée, l’étude prospective randomisée multicen-
trique SHOCK a comparé une stratégie de revascularisation coro-
naire urgente par pontage aortocoronaire ou par angioplastie trans-
luminale à une stratégie de stabilisation initiale par un traitement
médical optimal.
L’hypothèse de l’étude reposait sur le concept qu’une stratégie
de revascularisation en urgence serait associée à une meilleure
perfusion coronaire et permettrait une amélioration de la fonc-
tion contractile ventriculaire gauche, avec comme corollaire une
diminution de la mortalité absolue de 20 %. Le critère primaire
de jugement était la mortalité à un mois, et les critères secon-
daires étaient la mortalité à 6 mois et un an.
Pour être inclus, les patients devaient présenter un infarctus aigu
compliqué de choc cardiogénique confirmé sur des critères cli-
niques (pression artérielle systolique < 90 mmHg ou nécessitant
des inotropes positifs associés à des signes d’hypoperfusion tis-
sulaire) et hémodynamiques (index cardiaque < 2,2 l/mn/m2et
pression capillaire pulmonaire > 15 mmHg). Le délai moyen entre
le début du choc cardiogénique et l’infarctus était de 5,6 heures,
et la majorité des infarctus était de localisation antérieure. La
compliance avec le protocole était excellente, avec 97 % des
patients du groupe invasif coronarographiés et 87 % revasculari-
sés par pontage aortocoronaire ou angioplastie transluminale.
Seuls 2,7 % des patients du groupe médical ont été revascula-
risés en urgence, soit avant les 54 heures minimales après ran-
domisation. Le délai entre la randomisation et la revascularisa-
tion était inférieur à une heure pour l’angioplastie coronaire et à
trois heures pour la chirurgie de pontage aortocoronaire.
À un mois, la mortalité globale, critère primaire de l’étude,
n’était pas significativement différente entre la stratégie invasive
et la stratégie non invasive (46,7 % versus 56,0 % ; p = 0,11). À
l’inverse, la mortalité à 6 mois était plus basse avec la stratégie
invasive que non invasive (50,3 % versus 63,1 % ; p = 0,027)
(figures 1 et 2).
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Figure 1. Étude SHOCK : survie à 1 mois (Hochman JS et al. N Engl J Med 1999 ;
341 : 625-34).
En analyse multivariée, le bénéfice de la stratégie invasive sem-
blait surtout présent chez les patients de moins de 75 ans et en cas
d’antécédent d’infarctus du myocarde. Ainsi, bien que le critère
primaire de l’étude n’ait pas été atteint, les auteurs recomman-
daient une stratégie invasive en cas d’infarctus compliqué de
choc
cardiogénique. Cependant, depuis la réalisation de ces études,
entre
1992 et 1998, les progrès des techniques de revascularisation coro-
naire ont été considérables, avec l’amélioration du matériel, l’uti-
lisation large des endoprothèses coronaires et enfin le développe-
ment d’antiagrégants plaquettaires plus puissants (antagonistes
des récepteurs IIb/IIIa). Ces progrès laissent présager une amé-
lioration du pronostic pour ces patients particulièrement à risque.
LA CHIRURGIE CORONAIRE
Au cours de cette session, deux orateurs prestigieux ont mis
en perspective leurs disciplines, dont les progrès potentiels
semblent considérables dans un futur proche.
À l’aube d’une nouvelle décennie, I. Gandjbakhch (hôpital Pitié-
Salpêtrière, Paris) a précisé la place des nouvelles techniques chi-
rurgicales, alors que de nouveaux concepts thérapeutiques émer-
gent déjà. Les pontages sous circulation extracorporelle (CEC)
restent la technique de référence, technique encore exclusive pour
de nombreuses équipes. Ils permettent, grâce à la CEC, le clam-
page aortique et la protection myocardique cardioplégique afin
de répondre à toutes les situations de revascularisation myocar-
dique. Cette technique est notamment indispensable dans la chi-
rurgie combinée coronaro-valvulaire.
Grâce à la mise au point de stabilisateurs myocardiques, qui
immobilisent la région d’intérêt (zone épicardique parcourue par
l’artère coronaire à ponter) tout en laissant le cœur assurer une
hémodynamique satisfaisante, les pontages sans CEC (pump-
off) se sont développés. Leur intérêt réside dans la suppression
de la CEC et de ses inconvénients (réaction inflammatoire, lésion
des éléments figurés du sang, risque hémorragique, risque céré-
bral, coût...) et, dans certaines conditions, dans la possibilité d’ef-
fectuer une revascularisation myocardique sans aucune manipu-
lation aortique (ni canulation, ni clampage) grâce à des greffons
artériels pédiculés (artères mammaires internes et gastro-épi-
ploïques). Leurs inconvénients résident dans les difficultés d’une
anastomose microchirurgicale à cœur battant et de certaines expo-
sitions, pour les marginales postérieures par exemple. Leurs
contre-indications associent la chirurgie combinée, l’inexpérience
de l’équipe, les artères calcifiées et intramyocardiques, et la mau-
vaise tolérance hémodynamique.
La chirurgie mini-invasive (MIDCAB) permet de diminuer
l’agression chirurgicale, en supprimant la CEC ou en diminuant
la taille des incisions, et en particulier en évitant la sternotomie.
Les incisions minimalistes peuvent être associées à une CEC péri-
phérique (fémoro-fémorale) d’assistance ou totale avec clampage
aortique et cardioplégie par voie endovasculaire (heart port).
Cependant, la plupart des équipes utilisent les minivoies d’abord
sans CEC. Deux minivoies d’abord sont actuellement retenues
en chirurgie coronaire :
la thoracotomie antérolatérale gauche permettant le pontage de
l’IVA par l’artère mammaire interne gauche,
l’incision épigastrique permettant le pontage du réseau droit
par la gastro-épiploïque.
La chirurgie endoscopique constitue en quelque sorte la limite
de la chirurgie mini-invasive. La thoracoscopie permet actuelle-
ment le prélèvement des artères mammaires internes et leur uti-
lisation pour une anastomose en vision directe sur l’IVA via une
minithoracotomie. La chirurgie totalement endoscopique impose
l’utilisation de robots d’assistance chirurgicale (téléopérateurs à
multiples degrés de liberté intracorporelle [Zeus ou DaVinci] et
reste limitée à la revascularisation de l’IVA et des diagonales par
les artères mammaires internes.
Les progrès en chirurgie robotique laissent espérer la faisabilité
routinière de pontages multiples totalement endoscopiques à
cœur battant. La mise au point d’un environnement de haute
technologie utilisant largement la réalité augmentée de l’ap-
proche multimodale (endoscopie, radiologie, échographie...) est
en cours.
À côté de ces progrès technologiques, de nouveaux concepts
thérapeutiques apparaissent. La revascularisation myocardique
via la néoangiogenèse stimulée par la thérapie génique ou le laser
transmyocardique a déjà quelques applications cliniques. Elle
sera largement utilisée, seule ou en association avec les autres
techniques. La revascularisation hybride (angioplastie - pontages)
en un ou plusieurs temps permettra probablement d’affiner encore
les indications techniques pour chaque lésion coronaire chez un
même patient.
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Figure 2. Étude SHOCK : survie à 1 mois et à 6 mois (Hochman JS et al.
N Engl J Med 1999 ; 341 : 625-34).
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R. Dion (Bruxelles) a rapporté son expérience unique concernant
le choix des greffons artériels et la place de la veine saphène en
chirurgie coronaire. Les résultats de la revascularisation chirur-
gicale par pontage séquentiel mammaire interne semblent excel-
lents (série personnelle des 500 premiers patients consécutifs
opérés entre 1985 et 1991). Chez ces 500 patients, un total de
2156 anastomoses ont été réalisées (4,3 anastomoses par patient),
dont 1 367 anastomoses artérielles (2,7 par patient), avec
1150 pontages artériels séquentiels (2,3 par patient). La survie à
5 et 10 ans a été respectivement de 89 % et 72 %. À 10 ans, 82 %
des patients étaient asymptomatiques, et la nécessité d’une nou-
velle revascularisation était très faible, puisque seuls 3,1 % des
patients ont dû être revascularisés par pontage ou angioplastie au
cours du suivi (9,6 années en moyenne).
À côté des pontages artériels mammaires internes, l’utilisation
de l’artère gastro-épiploïque est également associée à des résul-
tats encourageants. R. Dion a rapporté son expérience concernant
une série de 307 patients opérés entre 1988 et 1995 en utilisant
l’artère gastro-épiploïque comme matériel de pontage. Le plus
souvent, cette artère était implantée sur l’artère coronaire droite
(92 % des cas), plus rarement sur le réseau circonflexe marginal
(8 %). Au moins un pontage mammaire interne était implanté
chez 95 % des patients, et 55 % recevaient 2 pontages mammaires
internes. Un total de 3,6 anastomoses par patient était effectué,
parmi lesquelles 3 anastomoses à partir de matériels artériels.
À un an, la perméabilité du pontage gastro-épiploïque était
retrouvée dans 92 % des cas. Au cours du suivi (26 mois,
6-88 mois), 5 patients sont décédés et 90 % étaient asymptoma-
tiques. Ainsi, l’utilisation de l’artère gastro-épiploïque comme
matériel de pontage semble être associée à une faible morbi-mor-
talité à long terme.
Concernant les pontages veineux saphènes, R. Dion a égale-
ment rapporté son expérience personnelle avec, à 8 ans, une per-
méabilité du pontage saphène dans 73 % des cas et une absence
de différence entre l’utilisation de matériel artériel ou veineux en
cas de pontage de la coronaire droite.
ASSISTANCE CIRCULATOIRE ET GREFFE
T. Messana (Marseille) a exposé de façon claire les modalités
d’assistance circulatoire et de greffe chez les coronariens.
L’assistance circulatoire correspond à une demande qui n’est
actuellement pas satisfaite par l’offre : aux États-Unis, les
50 000 demandes annuelles ne sont satisfaites que dans 5 % des
cas. En France, le fossé se creuse entre les besoins et les greffes
effectuées : entre 1990 et 1991, 630 transplantations cardiaques
ont été effectuées, et ce chiffre a été presque réduit de moitié entre
1998 et 1999 (370 transplantations durant cette période). La durée
moyenne d’attente du greffon après inscription sur liste de trans-
plantation est de 10 mois. Vingt-cinq pour cent des cœurs préle-
vés ne sont pas greffés.
La survie après transplantation est estimée à 77 % à un an, et à
67 % à 5 ans.
Les alternatives chirurgicales à la greffe existent mais ne per-
mettent de diminuer que de peu le nombre de candidats ou de dif-
férer la date de la greffe : interventions de Batista (consistant en
une réduction ventriculaire sur cardiopathie dilatée non isché-
mique), de Dor (ventriculoplastie de plaques akinétiques sur car-
diopathie ischémique), de Bolling (remodelage annulaire mitral),
cardiomyoplastie (remodelage direct du ventricule gauche ou
intervention utilisant le muscle grand dorsal).
L’assistance ventriculaire en post-infarctus est actuellement prin-
cipalement indiquée chez le sujet jeune ayant réuni les critères
d’éligibilité, en attente de transplantation. Elle est contre-
indiquée si l’infarctus date de moins de quinze jours.
Le choix du type d’assistance dépend de nombreux facteurs : la
prévision de l’existence d’une réversibilité de la dysfonction car-
diaque, son étiologie, l’étendue de l’atteinte ventriculaire (gauche
isolée, droite isolée, ou biventriculaire), l’importance du reten-
tissement périphérique de la dysfonction cardiaque, la surface
corporelle du patient, l’éventualité de sa candidature à la greffe,
l’existence éventuelle de contre-indications à un traitement anti-
coagulant et, enfin, la durée prévisible de l’assistance.
Dans les situations aiguës que l’on estime en grande partie réver-
sibles, les assistances ventriculaires légères, partielles et de courte
durée ont leur place : contrepulsion par ballonnet intra-aortique,
hémopompe, pompes centrifuges.
Quant aux systèmes d’assistance lourde, totale ou subtotale, ils
sont réservés à une utilisation plus longue :
1. Matériels pneumatiques à flux pulsatile, utilisés en assistance
uni- ou biventriculaire, paracorporels (Thoratec®,Medos®), ou
internes, remplaçant physiquement et fonctionnellement les ven-
tricules natifs (tels le cœur artificiel total de Jarvik®,actuellement
dénommé CardioWest®). Ces systèmes limitent néanmoins consi-
dérablement l’autonomie du patient.
2. Matériels électriques, internes, d’assistance exclusivement uni-
ventriculaire gauche : le plus connu en France est le Novacor®.
Ce système assure une très bonne autonomie au patient, ce der-
nier portant les batteries en bandoulière.
Le nombre de donneurs n’augmentant pas, la recherche de nou-
velles techniques d’assistance ventriculaire est nécessaire pour
en élargir les indications. Les cœurs artificiels actuellement en
cours d’évaluation, de moins en moins encombrants, sont grevés
de moins en moins de complications, les risques infectieux étant
considérablement réduits par leur implantation totale ; on peut
donc espérer une amélioration notable de la qualité de vie des
patients bénéficiant d’une telle implantation, et tenter ainsi de
pallier le manque de greffons disponibles.
R. Choussat
LE TRAITEMENT AGRESSIF DU DIABÈTE EST-IL UTILE AU
CORONARIEN ?
A. Grimaldi (Paris) a rappelé que l’hyperglycémie est
associée à un risque plus fort d’artérite des membres
inférieurs que d’athérosclérose des troncs supra-aortiques
ou coronaire. Ainsi, le diabète de type II multiplie le risque
d’insuffisance coronaire, d’ischémie myocardique silencieuse,
d’insuffisance cardiaque, et d’AVC par 2 à 3 chez l’homme
et par 3 à 5 chez la femme ; il multiplie le risque d’artérite
des membres inférieurs par 4 chez l’homme et par 6 chez
la femme, celui d’amputation par 10 à 20, et celui de
mortalité cardiovasculaire par 1,5 à 2 chez l’homme
et par 2,5 à 3 chez la femme. L’espérance de vie du diabétique
est ainsi réduite de 8 ans entre 55 et 64 ans, et de 4 ans entre
65 et 74 ans.
DNID et risque cardiovasculaire
Le risque vasculaire relatif est à peu près semblable dans toutes
les populations (variant de 2 pour les hommes à 4 pour les
femmes), mais le risque vasculaire absolu varie considérablement
en fonction de l’association aux autres facteurs de risque cardio-
vasculaire (FDRCV) : ainsi, il ressort de l’étude MRFIT qui com-
prenait 5 163 diabétiques suivis 12 ans, que le diabète isolé accroît
le risque de mortalité de façon plus importante que chaque autre
FDRCV. À quoi est-ce dû ? À l’hyperglycémie ? À l’insulino-
résistance ? Au traitement ?
L’hyperglycémie du diabétique non insulinodépendant, ne pré-
sentant ni néphropathie diabétique, ni autre FDRCV (l’exemple
type est celui des Indiens Pimas), est, en soi, une cause de
macroangiopathie : l’hyperglycémie est un facteur causal indé-
pendant d’athérome, elle potentialise les autres FDRCV (en par-
ticulier la dyslipidémie) et elle est un marqueur d’insulinorésis-
tance. La diminution de la glycémie de 0,6 g/l correspond à une
baisse de 2 % de l’hémoglobine glycosylée (HbA1c), or l’aug-
mentation de 1 % de l’HbA1c provoque une augmentation de
10 % du risque relatif de mortalité cardiovasculaire.
L’insulinorésistance est un marqueur précoce de l’atteinte vas-
culaire du diabétique de type II : dans la San Antonio Heart Study,
l’insulinémie élevée s’accompagnait d’une incidence d’HTA mul-
tipliée par 2, d’une incidence d’hypertriglycéridémie multipliée
par 3,5 et d’un taux de DNID multiplié par 5. L’atteinte vascu-
laire existe avant même le début des signes cliniques du DNID.
L’équilibre glycémique et l’efficacité de la prévention de la
macroangiopathie
L’équilibre glycémique pour la prévention de la macroangiopa-
thie relève-t-il du mythe ou de la réalité ? Plusieurs études ont été
réalisées pour répondre à cette question (DCCT, KUMAMOTO,
UKPDS, KUOPIO, DIGAMI, greffe du pancréas), mais toutes
sont critiquables.
Dans l’étude UKPDS,4209 DNID de 25 à 65 ans, avec une gly-
cémie à jeun comprise entre 6 et 15 mmol/l, sans antécédent car-
diovasculaire, ont été suivis en moyenne 11 ans (durée de l’étude :
20 ans). La première randomisation se faisait entre régime, sul-
famide hypoglycémiant ou insuline. L’HbA1c moyenne sur
15 ans était de 7 % dans le groupe traitement intensif vs 7,9%
dans le groupe traitement conventionnel. L’incidence des rétino-
pathies diminuait significativement de 25 %, mais l’incidence des
infarctus du myocarde diminuait de 16 %, ce qui n’était pas signi-
ficatif (p = 0,052). Par la suite, on effectuait une seconde rando-
misation de 753 DNID obèses, suivis dans 15 centres, recevant
régime seul ou metformine, et on les comparait à 951 DNID rece-
vant de façon randomisée sulfamides ou insuline. L’HbA1c était
de 7,4 % dans le groupe metformine vs 8 % dans le groupe
“conventionnel”. Il en ressortait que la metformine était efficace
sur la macroangiopathie diabétique, avec une réduction de 39 %
(p = 0,01) des infarctus du myocarde, de 36 % (p = 0,01) de la
mortalité toutes causes et de 42 % (p = 0,01) de la mortalité due
au diabète. En revanche, contrairement à l’insuline et aux sulfa-
mides hypoglycémiants, la metformine n’était pas efficace sur la
microangiopathie diabétique à 12 ans.
On concluait, sur la base de ces résultats de l’UKPDS, que les
sulfamides et l’insuline étaient très efficaces pour la prévention
de la microangiopathie et moins efficaces pour la prévention de
la macroangiopathie, contrairement à la metformine. Cependant,
cette étude est critiquable sur de nombreux points :
la différence d’HbA1c était faible entre le groupe “traitement
intensif” et le groupe “traitement conventionnel” (1,2 % dans les
5 premières années, 0,6 % dans les 5 dernières années) ;
le traitement “conventionnel” n’était pas conventionnel, le trai-
tement “intensif” n’était pas intensif ;
il y a eu changement de protocole au cours de l’étude : de
1977 à 1991, on a assisté à un échec de la monothérapie (glycé-
mie à jeun supérieure à 15 mmol/l), et après 1991, la mise en
place de la monothérapie était plus précoce ;
l’efficacité des traitements est très difficilement interprétable
du fait des forts taux de crossing-over, qui n’apparaissent pas dans
l’analyse en intention de traiter (25 % des patients du groupe sul-
famides hypoglycémiants ont reçu de la metformine et 38 % du
groupe metformine + sulfamides n’ont pas pris de metformine !).
L’étude DIGAMI portait sur 620 diabétiques (80 % de DNID)
hospitalisés durant les 24 premières heures d’un infarctus du myo-
carde. La randomisation se faisait entre traitement conventionnel
et infusion insulinique de 24 heures suivie d’injections pluri-
quotidiennes d’insuline pendant au moins trois mois. La réduc-
tion de la mortalité à un an était de 29 % (18,6 % vs 26,1 %,
p=0,027), soit une diminution du risque relatif de 52 % à un an
chez des patients diabétiques non préalablement traités par insu-
line et à “faible risque cardiovasculaire”. Ce bénéfice était main-
tenu sur la durée moyenne de suivi de 3,4 ans.
Les mécanismes exacts de cette efficacité ne sont toujours pas
résolus : bénéfice de l’équilibre glycémique ? Inhibition de la
lipolyse par l’insuline, provoquant une diminution des acides gras
libres ? Bénéfice de la solution “polarisante” glucose-insuline-
potassium sur le myocarde ischémique ? Arrêt des sulfamides
hypoglycémiants, antagonistes des canaux K ATP dépendants ?
En conclusion, l’orateur a insisté sur le fait qu’il est nécessaire
de hiérarchiser le traitement des FDRCV au cours du diabète :
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