LE TRAITEMENT AGRESSIF DU DIABÈTE EST-IL UTILE AU
CORONARIEN ?
A. Grimaldi (Paris) a rappelé que l’hyperglycémie est
associée à un risque plus fort d’artérite des membres
inférieurs que d’athérosclérose des troncs supra-aortiques
ou coronaire. Ainsi, le diabète de type II multiplie le risque
d’insuffisance coronaire, d’ischémie myocardique silencieuse,
d’insuffisance cardiaque, et d’AVC par 2 à 3 chez l’homme
et par 3 à 5 chez la femme ; il multiplie le risque d’artérite
des membres inférieurs par 4 chez l’homme et par 6 chez
la femme, celui d’amputation par 10 à 20, et celui de
mortalité cardiovasculaire par 1,5 à 2 chez l’homme
et par 2,5 à 3 chez la femme. L’espérance de vie du diabétique
est ainsi réduite de 8 ans entre 55 et 64 ans, et de 4 ans entre
65 et 74 ans.
DNID et risque cardiovasculaire
Le risque vasculaire relatif est à peu près semblable dans toutes
les populations (variant de 2 pour les hommes à 4 pour les
femmes), mais le risque vasculaire absolu varie considérablement
en fonction de l’association aux autres facteurs de risque cardio-
vasculaire (FDRCV) : ainsi, il ressort de l’étude MRFIT qui com-
prenait 5 163 diabétiques suivis 12 ans, que le diabète isolé accroît
le risque de mortalité de façon plus importante que chaque autre
FDRCV. À quoi est-ce dû ? À l’hyperglycémie ? À l’insulino-
résistance ? Au traitement ?
L’hyperglycémie du diabétique non insulinodépendant, ne pré-
sentant ni néphropathie diabétique, ni autre FDRCV (l’exemple
type est celui des Indiens Pimas), est, en soi, une cause de
macroangiopathie : l’hyperglycémie est un facteur causal indé-
pendant d’athérome, elle potentialise les autres FDRCV (en par-
ticulier la dyslipidémie) et elle est un marqueur d’insulinorésis-
tance. La diminution de la glycémie de 0,6 g/l correspond à une
baisse de 2 % de l’hémoglobine glycosylée (HbA1c), or l’aug-
mentation de 1 % de l’HbA1c provoque une augmentation de
10 % du risque relatif de mortalité cardiovasculaire.
L’insulinorésistance est un marqueur précoce de l’atteinte vas-
culaire du diabétique de type II : dans la San Antonio Heart Study,
l’insulinémie élevée s’accompagnait d’une incidence d’HTA mul-
tipliée par 2, d’une incidence d’hypertriglycéridémie multipliée
par 3,5 et d’un taux de DNID multiplié par 5. L’atteinte vascu-
laire existe avant même le début des signes cliniques du DNID.
L’équilibre glycémique et l’efficacité de la prévention de la
macroangiopathie
L’équilibre glycémique pour la prévention de la macroangiopa-
thie relève-t-il du mythe ou de la réalité ? Plusieurs études ont été
réalisées pour répondre à cette question (DCCT, KUMAMOTO,
UKPDS, KUOPIO, DIGAMI, greffe du pancréas), mais toutes
sont critiquables.
Dans l’étude UKPDS,4209 DNID de 25 à 65 ans, avec une gly-
cémie à jeun comprise entre 6 et 15 mmol/l, sans antécédent car-
diovasculaire, ont été suivis en moyenne 11 ans (durée de l’étude :
20 ans). La première randomisation se faisait entre régime, sul-
famide hypoglycémiant ou insuline. L’HbA1c moyenne sur
15 ans était de 7 % dans le groupe traitement intensif vs 7,9%
dans le groupe traitement conventionnel. L’incidence des rétino-
pathies diminuait significativement de 25 %, mais l’incidence des
infarctus du myocarde diminuait de 16 %, ce qui n’était pas signi-
ficatif (p = 0,052). Par la suite, on effectuait une seconde rando-
misation de 753 DNID obèses, suivis dans 15 centres, recevant
régime seul ou metformine, et on les comparait à 951 DNID rece-
vant de façon randomisée sulfamides ou insuline. L’HbA1c était
de 7,4 % dans le groupe metformine vs 8 % dans le groupe
“conventionnel”. Il en ressortait que la metformine était efficace
sur la macroangiopathie diabétique, avec une réduction de 39 %
(p = 0,01) des infarctus du myocarde, de 36 % (p = 0,01) de la
mortalité toutes causes et de 42 % (p = 0,01) de la mortalité due
au diabète. En revanche, contrairement à l’insuline et aux sulfa-
mides hypoglycémiants, la metformine n’était pas efficace sur la
microangiopathie diabétique à 12 ans.
On concluait, sur la base de ces résultats de l’UKPDS, que les
sulfamides et l’insuline étaient très efficaces pour la prévention
de la microangiopathie et moins efficaces pour la prévention de
la macroangiopathie, contrairement à la metformine. Cependant,
cette étude est critiquable sur de nombreux points :
–la différence d’HbA1c était faible entre le groupe “traitement
intensif” et le groupe “traitement conventionnel” (1,2 % dans les
5 premières années, 0,6 % dans les 5 dernières années) ;
–le traitement “conventionnel” n’était pas conventionnel, le trai-
tement “intensif” n’était pas intensif ;
–il y a eu changement de protocole au cours de l’étude : de
1977 à 1991, on a assisté à un échec de la monothérapie (glycé-
mie à jeun supérieure à 15 mmol/l), et après 1991, la mise en
place de la monothérapie était plus précoce ;
–l’efficacité des traitements est très difficilement interprétable
du fait des forts taux de crossing-over, qui n’apparaissent pas dans
l’analyse en intention de traiter (25 % des patients du groupe sul-
famides hypoglycémiants ont reçu de la metformine et 38 % du
groupe metformine + sulfamides n’ont pas pris de metformine !).
L’étude DIGAMI portait sur 620 diabétiques (80 % de DNID)
hospitalisés durant les 24 premières heures d’un infarctus du myo-
carde. La randomisation se faisait entre traitement conventionnel
et infusion insulinique de 24 heures suivie d’injections pluri-
quotidiennes d’insuline pendant au moins trois mois. La réduc-
tion de la mortalité à un an était de 29 % (18,6 % vs 26,1 %,
p=0,027), soit une diminution du risque relatif de 52 % à un an
chez des patients diabétiques non préalablement traités par insu-
line et à “faible risque cardiovasculaire”. Ce bénéfice était main-
tenu sur la durée moyenne de suivi de 3,4 ans.
Les mécanismes exacts de cette efficacité ne sont toujours pas
résolus : bénéfice de l’équilibre glycémique ? Inhibition de la
lipolyse par l’insuline, provoquant une diminution des acides gras
libres ? Bénéfice de la solution “polarisante” glucose-insuline-
potassium sur le myocarde ischémique ? Arrêt des sulfamides
hypoglycémiants, antagonistes des canaux K ATP dépendants ?
En conclusion, l’orateur a insisté sur le fait qu’il est nécessaire
de hiérarchiser le traitement des FDRCV au cours du diabète :
La Lettre du Cardiologue - n° 340 - décembre 2000
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