Editorial 10/05/04 É D 15:30 I Page 3 T O R I A L L’AHA 97 ● Pr A. Vacheron* F ondée en 1924 par des cliniciens déjà préoccupés par l'importance de la recherche, de l'éducation et de la prévention, l'American Heart Association a tenu ses 70es sessions à Orlando, en Floride, sous la présidence de Martha N. Hill. Devenu la plus importante réunion mondiale de cardiologie, le Congrès a rassemblé cette année 37 000 participants ; il a comporté 13 sessions plénières et 4 290 présentations orales et posters sélectionnées parmi les 13 103 abstracts adressés de 54 pays différents. Dans son allocution inaugurale, Martha Hill a souligné le hiatus entre les résultats des grandes études multicentriques actuelles et l'efficacité réelle de nos interventions en pratique courante. Elle a souligné aussi la nécessité d'améliorer les comportements en utilisant toutes les possibilités médiatiques modernes. Les maladies cardiovasculaires sont toujours la première cause de morbidité et de mortalité dans les pays industrialisés. Mais elles sont aussi en expansion dans les pays en voie de développement comme la Chine et l'Amérique latine, en raison de l'allongement de l'espérance de vie et des changements du mode de vie. En 2020, elles seront responsables d'une mort sur trois sur la planète. Le vieillissement des populations est un phénomène mondial. Dans notre pays, 15 % des Français ont plus de 65 ans, et cette proportion atteindra 20 % vers 2020. De nombreuses communications ont été consacrées à la prise en charge de la maladie coronaire du sujet âgé qui va occuper une part croissante dans notre activité. Au prix d'une mortalité un peu plus élevée que chez les sujets plus jeunes (3,2 % vs 1 %), l'angioplastie coronaire paraît licite chez les octogénaires et donne à distance des améliorations fonctionnelles remarquables. Il en est de même du pontage coronaire, isolé ou associé à une chirurgie valvulaire. Au prix d'une morbidité et d'une mortalité hospitalières plus élevées que chez les sujets plus jeunes, les résultats sont bons. Enfin le quatrième âge n'est une contre-indication ni aux bêtabloquants, qui réduisent de plus de 20 % la mortalité dans l'année qui suit l'infarctus, ni aux antivitamines K, en cas de fibrillation auriculaire à risque emboligène cérébral élevé chez le vieillard. * Clinique cardiologique, Hôpital Necker, 149, rue de Sèvres, 75015 Paris. La Lettre du Cardiologue - n° 287 - janvier 1998 Dans les pays industrialisés, la maladie coronaire est la première cause de mortalité chez la femme comme chez l'homme. De nombreuses communications lui ont été consacrées. Tabagisme, diabète, hypertension artérielle, obésité et ménopause précoce sont les facteurs de risque les plus fréquents, très souvent cumulés. L'action bénéfique des estrogènes sur la fonction endothéliale est maintenant démontrée. Le retard dans le traitement de l'infarctus est fréquent, dû souvent au diagnostic et à l'hospitalisation plus tardifs que chez l'homme. Les complications des interventions de revascularisation sont liées surtout au cumul des facteurs de risque. Les accidents vasculaires cérébraux, qui ont fait l'objet de la remarquable “Paul Dudley White International lecture” de Marie-Germaine Bousser, représentent la deuxième cause de mortalité féminine. Ils constituent la première cause des handicaps moteurs dans les deux sexes, les deux tiers des survivants ayant des séquelles plus ou moins sévères, ainsi que l'une des deux principales causes de démences, prédominant chez la femme pour la maladie d'Alzheimer (52 % vs 44 % chez l'homme). Leur prévention repose sur une prise en charge efficace des facteurs de risque (tabac, hypertension artérielle, hypercholestérolémie) et sur l'utilisation des antiplaquettaires contre les complications de l'athérothrombose et des antivitamines K pour les accidents vasculaires d'origine cardiaque. Après la ménopause, il semble bien que l'hormonothérapie substitutive réduise de 50 % le risque d'accident vasculaire cérébral mortel. La maladie coronaire, on le conçoit, a été l'un des thèmes forts de ce congrès. Les réactions inflammatoires dans les plaques d'athérosclérose semblent jouer un rôle important dans la pathogénie des accidents athérothrombotiques aigus, comme en témoigne l'élévation du fibrinogène plasmatique et de la C-réactive protéine. L'hyperhomocystéinémie pourrait être un facteur délétère pour l'endothélium, car elle serait associée à la diminution de la production d'oxyde nitrique vasodilatateur et protecteur des cellules endothéliales. Les recherches fondamentales sur l'athérosclérose restent dominées par la compréhension des mécanismes cellulaires contrôlant le degré et la sévérité de l'hyperplasie intimale et le remodelage après angioplastie. Les mécanismes déstabilisateurs des plaques sont multiples, avec intervention d'un double processus de nécrose et d'apoptose cellulaire. 3 Editorial 10/05/04 É D 15:30 I Page 4 T O R I A Parmi les marqueurs biologiques de la souffrance myocardique aiguë, les troponines T et I, rapidement dosables en urgence, sont très fiables pour le diagnostic de l'infarctus en voie de constitution, la troponine I apparaissant plus sensible que la troponine T. En thérapeutique, l'étude OASIS a confirmé l'intérêt des antivitamines K à doses efficaces (INR entre 2 et 3) en relais d'une antithrombine comme l'héparine dans l'angor instable. Les antiGP IIb IIIa apparaissent aujourd'hui comme les antiagrégants plaquettaires les plus puissants, et une méta-analyse de Topol portant sur neuf études randomisées a démontré leur effet bénéfique dans les syndromes coronariens aigus et chez les malades devant subir une angioplastie à risque, avec diminution de la mortalité et de la survenue d'infarctus de 22 % à 30 jours et de 18 % à 6 mois au prix d'hémorragies mineures et sans risque accru d'hémorragie cérébrale, au contraire des thrombolytiques. Des formes orales (xemilofiban, orbofiban) sont en cours de développement. À la phase aiguë de l'infarctus, les résultats de l'angioplastie primaire, qui ne peut être pratiquement réalisée que dans des centres très spécialisés, semblent remarquablement améliorés par le “stenting” systématique avec réduction des occlusions, des récidives ischémiques, du taux de resténose et des revascularisations itératives. Il faut d'ailleurs remarquer que, depuis l'apparition des endoprothèses, le recours à la chirurgie en urgence est devenu très rare dans tous les centres d'angioplastie. Dans l'insuffisance cardiaque, l'efficacité des inhibiteurs de l'enzyme de conversion est maintenant établie. En dépit de résultats divergents, il semble bien que les fortes doses entraînent plus de bénéfices que les faibles doses, encore trop souvent utilisées. Une étude rétrospective des registres SOLVD suggère un risque accru d'arythmies létales par les diurétiques non épargneurs de L potassium. L'opération de réduction ventriculaire imaginée par Batista pourrait être une alternative à la transplantation dans l'insuffisance cardiaque sévère. Dans l'hypertension artérielle, l'intérêt pronostique de la mesure ambulatoire de la pression artérielle a été confirmé. Les diurétiques paraissent préférables aux bêtabloquants chez les sujets de plus de 60 ans, mais les inhibiteurs calciques sont également utilisables en première intention. Présentées avant la clôture de l'AHA, les études LIPID et AFCAPS/TExCAPS ont confirmé le rôle bénéfique des inhibiteurs de l'HMG-CoA reductase, non seulement en prévention secondaire mais également en prévention primaire chez des sujets ayant des niveaux de cholestérol et de triglycérides relativement peu élevés, mais ayant aussi un HDL cholestérol inférieur à 0,50 g/l dans l'étude AFCAPS. Après l'étude CARE, réalisée également avec la pravastatine, l'étude LIPID confirme la nécessité de traiter tous les coronariens en prévention secondaire de l'infarctus du myocarde. L'impact des statines sur la mortalité et la survenue des événements cardiovasculaires apparaît proportionnel à leur puissance mesurée par la diminution du LDL cholestérol. L'un des mécanismes essentiels de ces effets bénéfiques est la stabilisation et la diminution du risque de rupture des plaques athéromateuses. Cet éditorial ne saurait évidemment analyser ni résumer tous les points forts du congrès. L'équipe des rédacteurs, cette année très étoffée, formée de spécialistes particulièrement compétents et bien coordonnée par Nicole Baubion, apporte dans ce numéro spécial une moisson d'informations précises dans tous les domaines de la cardiologie, tant clinique que fondamentale. Merci et félicitations à tous. Merci aussi à Parke-Davis d'avoir permis cette réalisation. L’équipe de rédaction du numéro spécial AHA 97 réunie autour de nos partenaires de Parke-Davis. 4 La Lettre du Cardiologue - n° 287 - janvier 1998