Prise en charge de l`infarctus du myocarde à la phase aiguë : quoi

Prise en charge de l'infarctus du myocarde à la phase
aiguë : quoi de neuf ?
Compte-rendu de l'intervention du Pr Jean-Louis Bonnet,
lors de la réunion 1999 de Collège de Médecine d'Urgence de PACA, le 11 juin 1999, à
Aix-en-Provence
L'infarctus du myocarde est la conséquence d'une occlusion coronaire aiguë.
Cette occlusion est responsable d'une ischémie myocardique temporairement
réversible et qui en l'absence de revascularisation rapide, évolue vers la
nécrose irréversible.
Le traitement de l'infarctus du myocarde repose donc sur deux notions :
- l'artère occluse doit être désobstruée et sa perméabilité doit être maintenue
dans le temps,
- la désobstruction doit être très précoce, en théorie réalisée dans les six
premières heures d'évolution de la nécrose et au mieux, dans la première heure.
Angioplastie coronaire transluminale
Théoriquement c'est la technique la plus efficace, du moins lorsqu'elle est
pratiquée par des équipes entraînées (référence à l'étude PAMI). L'étude
GUSTO 2B comparant l'activateur tissulaire du plasminogène à l'angioplastie
primaire, confirme cette notion et souligne aussi le fait que le choix de la
stratégie thérapeutique invasive (angioplastie primaire) est responsable d'un
allongement du délai thérapeutique. Par ailleurs, après six mois d'évolution, le
pronostic des patients est identique qu'ils aient été traités par thrombolyse ou
par angioplastie.
L'angioplastie conventionnelle par ballonnet a effectivement des limites. Les
récidives ischémiques hospitalières sont relativement fréquentes (10 à 15 %)
de même que les resténoses tardives (37 à 49 %) où les réocclusions tardives (9
à 14 %).
Il est certainement possible d'améliorer ces résultats, notamment par
l'utilisation quasi-systématique de prothèses endocoronaires. Dans l'étude
PAMI STENT, l'implantation d'une prothèse endocoronaire chez des patients
sélectionnés sur des critères angiographiques permet une restauration d'un flux
TIMI 3 dans 94 % des cas. La mortalité hospitalière et à 30 jours est inférieure
à 1 %. Le taux de récidive d'infarctus < à 2 % et le taux de récidive ischémique
< à 4 %. C'est un résultat clinique bien supérieur à celui obtenu par les mêmes
équipes avant l'ère des stents (étude PAMI).
Utilisation des molécules anti-glycoprotéines 2b-3a bloquant les récepteurs de
l'agrégation plaquettaire, représente une avancée supplémentaire. L'abciximab
(Réopro) inhibe directement ces récepteurs. Différentes études démontrent que
l'association de Réopro à l'angioplastie conventionnelle ou complètée de
l'implantation d'une prothèse endocoronaire améliore le pronostic pour des
patients ou, aussi bien à la phase aiguë de l'infarctus du myocarde que dans
l'angor instable ou plus généralement, lorsque l'angioplastie est réalisée chez
des patients à risque. Se pose alors un problème économique, le nouveau
produit étant particulièrement onéreux.
En résumé, on peut donc admettre à l'orée de l'an 2000 que l'angioplastie
coronaire transluminale est la méthode de revascularisation la plus efficace à la
phase aiguë de l'infarctus du myocarde. Encore faut-il que cette
revascularisation soit précoce, ce qui dépend du délai d'appel des patients, du
temps de transport et de la disponibilité des plateaux techniques.
Dans la région marseillaise, le nombre important et la proximité des centres de
Cardiologie Interventionnells permettent d'envisager l'angioplastie primaire
comme technique de revascularisation de référence. Il n'est cependant pas
envisageable de multiplier les centres de coronarographie, tant d'un point de
vue économique, que pratique, chaque centre ne pouvant fonctionner
efficacement que si plusieurs médecins entraînés exercent une activité de
volume suffisant. Il est plus logique de rechercher une technique simple,
permettant une revascularisation non interventionnelle.
Thrombolyse intra-veineuse
La thrombolyse intra-veineuse ne permet une reperméabilisation coronaire
(TIMI 3) que dans 50 % des cas. Une des raisons probables, est que le
thrombus plaquettaire initiateur de l'occlusion résiste aux thrombolytiques,
d'où l'idée de leur associer un inhibiteur des récepteurs de l'activation
plaquettaire de leur anti GP 2b-3a.
Dans l'étude TAMI 8 réalisée sur un petit échantillon de patients, il est
démontré que l'association Réopro/tPA est envisageable et que le Réopro
bloque plus de 85 % des récepteurs plaquettaires.
Dans l'étude TIMI 14, la notion est confirmée. L'association d'un bolus de 15
mg de tPA suivi d'une perfusion de 35 mg en 60 mn, d'un bolus de 25 mg/Kg
de Réopro suivi d'une perfusion de 0,125 micro g/Kg/mn durant 12 heures et
d'une héparinothérapie à raison de 60 unités/Kg en bolus suivie de 7
unités/Kg/heure, permet d'obtenir une perméabilité coronaire TIMI 3 dans plus
de 70 % des cas, au prix d'un risque hémorragique acceptable, notamment sans
majoration du risque hémorragique cérébral avec probablement, bien que cela
doive être démontré à plus grande échelle, une réduction des événements
cliniques hospitaliers.
On ne peut cependant retenir de ces études, qu'une notion simple. Il est
possible d'associer une thrombolytique et un anti GP 2b-3a et cette association
est probablement synergique. Par contre telle qu'elle est proposée, elle n'a
probablement que très peu d'avenir car pour un médecin urgentiste le problème
principal est de pouvoir administrer en pré-hospitalier un traitement simple, de
préférence injecté sous forme de bolus.
Très récemment dans l'étude ASSENT II, a montré que le TNK-tPA est aussi
efficace que le tPA dose accélérée (GUSTO) et que par contre, son utilisation
est beaucoup plus facile. On peut donc espérer qu'une association TNK-tPA et
anti GP 2b-3a pourra être proposée à moyen terme avec une efficacité
comparable à celle de l'angioplastie primaire et un avantage majeur, celui de
pouvoir être réalisé dès le domicile du patient.
Stratégie actuelle
Dans l'attente de cette nouvelle association miracle, nous devons tenter
d'établir une stratégie optimale de prise en charge de l'infarctus du myocarde.
L'utilisation des prothèses endocoronaires, l'association possible
thrombolytiques /anti GP 2b-3a permet de relancer la possibilité d'une stratégie
complémentaire associant thrombolyse pré-hospitalière et angioplastie
secondaire hospitalière.
Il faut donc bannir la notion que ces deux techniques ne peuvent être réalisée
qu'indépendamment l'une de l'autre comme cela avait pu être affirmée avant
l'ère des stents. L'angioplastie coronaire secondaire sera donc pratiquée après
thrombolyse chez les patients présentant un risque particulier de complication ;
c'est à dire âgés, ayant des antécédents d'infarctus du myocarde, des
manifestations d'insuffisance cardiaque s'exprimant soit sous la forme de râles
crépitants des bases, soit d'oedèmes pulmonaires, voire de choc cardiogénique.
Rappelons que le choc cardiogénique ne s'installe que très rarement d'emblée à
la phase aiguë de l'infarctus et que lorsqu'il est constitué, son pronostic est
dramatique quelle que soit la thérapeutique proposée. Il est donc fondamental
de définir pour chaque patient, alors que le traitement thrombolytique a été
démarré, des critères de gravité qui vont conduire à le transférer en centre de
cardiologie interventionnelle parfois en faisant appel à des méthodes
onéreuses, comme le transport héliporté.
En conclusion, la thrombolyse intra-veineuse reste le traitement de première
intention de l'infarctus du myocarde en l'absence de contre-indication. De
préférence, elle doit être pratiquée en période pré-hospitalière. Si le patient est
admis dans un centre qui ne dispose pas de coronarographie, il est nécessaire
de définir le risque de complications à court, moyen et long terme. Les patients
à hauts risques seront alors transférés pour exploration et éventuel traitement
complémentaire. L'absence de reperfusion coronaire efficace (TIMI 3)
conduira à la réalisation d'une angioplastie coronaire.
La prise en charge de l'infarctus du myocarde repose donc sur deux notions
fondamentales :
- seule une reperfusion précoce peut être utile,
- la complémentarité entre urgentistes cardiologues et cardiologues
interventionnels est incontournable.
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