M I S E A U P O I N T La chimiothérapie des cancers bronchiques non à petites cellules de stade IV Chemotherapy in advanced non-small-cell lung cancers ● B. Mennecier*, M. Perol**, E. Quoix* Points forts L’intérêt du traitement systémique par rapport au traitement symptomatique seul n’est actuellement plus discuté pour les patients ayant un cancer bronchique non à petites cellules (CBNPC) de stade IV. ● Le cisplatine reste à ce jour la drogue de référence, mais doit certainement être réservé en pratique aux patients de moins de 70 ans ayant un index de performance conservé. ● La meilleure combinaison reste à déterminer, car les essais de phase III ayant comparé les différents doublets cisplatine + “drogue de nouvelle génération” n’ont pas permis de dégager une supériorité significative d’un doublet par rapport aux autres. Seuls les profils de toxicité paraissaient quelque peu différents. Les triples associations n’apportent pas de gain d’efficacité par rapport aux doublets. ● Les associations sans cisplatine sont faisables, mais leur véritable intérêt reste à préciser. ● La chimiothérapie de deuxième ligne est souvent rendue nécessaire. Elle a démontré son intérêt dans deux grands essais de phase III, lorsqu’elle repose sur une monothérapie par docétaxel. ● IressaTM (ZD 1839), inhibiteur intracellulaire du récepteur de l’EGF, a démontré son intérêt chez les patients lourdement prétraités par chimiothérapie. ● Les chimiothérapies orales mériteraient certainement d’être plus largement étudiées, notamment en ce qui concerne l’amélioration de la qualité de vie que l’on pourrait en attendre. Mots-clés : Cancer bronchique non à petites cellules - Stade IV - Chimiothérapie. ● Main points ● Based on the results of two meta-analysis of all the randomized clinical trials comparing chemotherapy versus best supportive care, chemotherapy is now well accepted for stage IV non-small-cell lung cancer (NSCLC) patients. ● Cisplatinum-based chemotherapy is currently considered to be the standard first line but is probably appropriate only for patients aged less than 70 and with a good performance status. ● The “best” platinum-based regimen is not well defined. ● Combinations without platinum are feasible and showed a considerable activity but their interest still has to be better defined. ● Second-line chemotherapy is currently also accepted in selected stage IV NSCLC patients and, at this time, single-agent docetaxel should remain the gold standard. ● IressaTM (ZD 1839) demonstrated encouraging results in heavily pretreated patients. ● Oral chemotherapy should be investigated further in an attempt to improve the quality of life for stage IV NSCLC patients. Keywords: Non-small-cell lung cancer - Stage IV - Chemotherapy. L es cancers bronchiques non à petites cellules (CBNPC) de stade IV, c’est-à-dire métastatiques au moment du diagnostic (1), sont très fréquents, puisqu’ils représentent en * Service de pneumologie Lyautey, CHU de Strasbourg. ** Service de pneumologie, hôpital de la Croix-Rousse, Lyon. La Lettre du Pneumologue - VII - no 1 - janvier-février 2004 France environ 43 % des CBNPC pris en charge dans les hôpitaux généraux (2). Le traitement de choix consiste en général en une chimiothérapie. Son intérêt a en effet été clairement démontré en termes de survie dans deux grandes méta-analyses (3, 4), des essais comparant une 7 M I S E A chimiothérapie au traitement symptomatique seul. Lorsqu’elle contient du platine, la chimiothérapie permet d’augmenter le taux de survie à un an de 10 % (4) par rapport au traitement symptomatique seul. Par ailleurs, elle permet d’améliorer significativement la qualité de vie des patients répondeurs, notamment du fait de la disparition de certains symptômes liés à la maladie (5, 6). Toutefois, le choix des drogues et la meilleure façon de les administrer doivent prendre en compte différents paramètres. D’une part, parce que, très souvent, en pratique clinique courante, les patients ayant un stade IV présentent par ailleurs des comorbidités importantes ou un index de performance altéré, qui peuvent contreindiquer certaines drogues, voire orienter les objectifs thérapeutiques uniquement dans le sens d’une meilleure qualité de vie. D’autre part, parce que, à l’inverse, certains patients, en dépit de l’extension de la maladie, gardent un excellent état général (sans perte de poids majeure ou autre facteur de mauvais pronostic) et peuvent très certainement tirer un bénéfice de traitements plus agressifs. Enfin, certaines situations plus rares requièrent une réflexion pluridisciplinaire. C’est le cas, par exemple, des métastases uniques, cérébrales ou surrénaliennes, d’un CBNPC résécable par ailleurs. Le développement récent des thérapeutiques ciblées ou modulatrices de la réponse cellulaire permettra peut-être d’améliorer notre prise en charge de ces patients, dont le pronostic reste très péjoratif. LES AGENTS ACTIFS Parmi ce qu’il est convenu d’appeler les “anciennes drogues”, peu ont permis d’obtenir des taux de réponses supérieurs ou égaux à 15 % en monothérapie, taux retenu comme étant le témoin d’une efficacité dans le CBNPC. Il s’agit du cisplatine, de la vindésine, de la vinblastine, de l’étoposide, de l’ifosfamide et de la mitomycine (7). Dans les études de phase II concernant les “nouvelles drogues”, en revanche, les taux de réponses semblent plus intéressants, puisqu’ils avoisinent les 30 % pour la vinorelbine, la gemcitabine et les taxanes. Ces drogues permettent également d’obtenir un bénéfice en termes de survie (parfois également en termes de qualité de vie) dans des études de phase III comparant une monothérapie aux soins palliatifs, cela pour le paclitaxel, le docétaxel (6), et la vinorelbine (8) chez les sujets âgés. En revanche, la gemcitabine (9) n’a pas démontré l’obtention d’un bénéfice de survie dans le seul essai où elle a été comparée aux soins palliatifs (probablement en raison d’un cross over significatif entre les deux bras), mais elle a amélioré la qualité de vie des patients traités. LES ASSOCIATIONS À BASE DE CISPLATINE Le cisplatine (CDDP) reste à ce jour la drogue de référence dans le CBNPC. Dans la plupart des études qui ont comparé une monothérapie à une association à base de platine, les taux de réponses se révélaient supérieurs dans le bras contenant le platine (10-19) (tableau I), sans toutefois que cela soit forcément associé à une meilleure survie (10, 17, 19). D’autres études se sont attachées à tester l’adjonction d’un agent au cisplatine. Là encore, les taux de réponses obtenus avec la bithérapie sont constamment supérieurs à ceux obtenus avec une mono8 U P O I N T thérapie par platine (20-26) (tableau II), mais la survie n’est pas forcément améliorée (23-25). Il paraît clair actuellement que ces associations doivent être réservées aux patients en bon état général, car les patients de PS ≥ 2 ne semblent pas tirer de bénéfice de l’administration du cisplatine (27, 28). La dose de CDDP à utiliser chez les patients en PS 0-1 reste également sujette à caution. Il n’y a pas d’argument à l’heure actuelle pour préconiser l’administration de fortes doses dans les stades IV (29), mais, à l’inverse, des doses trop faibles, de l’ordre de 5060 mg/m2/cycle, sont certainement insuffisantes (30). Aujourd’hui, il est recommandé, dans les Standards, Options, Recommandations (31), d’utiliser des posologies supérieures ou égales à 70 mg/m2/cycle. Enfin, la drogue à associer au platine pour obtenir les meilleurs résultats reste à déterminer. Les études de phase III publiées récemment ont du mal à démontrer une supériorité nette d’une association par rapport à une autre. Une étude a comparé trois schémas, CDDPdocétaxel, CDDP-vinorelbine et carboplatine-docétaxel (32), avec plus de 400 patients par bras. L’efficacité paraît meilleure dans le bras CDDP-docétaxel que dans le bras CDDP-vinorelbine, avec des taux de réponses respectivement à 31,6 % et 24,5 % (p = 0,029) et une survie à 2 ans à 21 % et 14 % (p = 0,044). Un gain significatif sur certains items des échelles de qualité de vie ou de symptomatologie est également obtenu dans le bras CDDP-docétaxel. Il faut noter qu’il s’agit de l’étude conduite sur le plus grand effectif, donc la plus susceptible de mettre en évidence une faible différence de survie, et qu’un tiers des patients étaient atteints de CBNPC de stade IIIB, population pour laquelle il est probablement plus facile de démontrer un écart de taux de réponses ou de survie que pour les stades métastatiques. Néanmoins, dans cette étude, le bras de référence était l’association cisplatine-vinorelbine et, du fait de ce schéma statistique, la différence en termes de survie n’est pas significative. Une autre étude de phase III, elle aussi publiée très récemment, a comparé trois schémas de traitement (CDDP-gemcitabine, CDDP-paclitaxel et carboplatine-paclitaxel) à CDDP-docétaxel (bras de référence), chez 1 207 patients de stades IIIB/IV (28). Aucune de ces associations n’a démontré de supériorité par rapport aux autres, tant en ce qui concerne les taux de réponses qu’en ce qui concerne la survie globale. La seule différence concernait le temps jusqu’à progression, qui paraissait meilleur dans le bras CDDP-gemcitabine (4,2 mois ; p = 0,001). L’absence de prise en compte des traitements de seconde ligne a pu contribuer à masquer un éventuel bénéfice en termes de survie. Enfin, deux autres études de phase III ont récemment comparé CDDP-vinorelbine versus carboplatine-paclitaxel (33) et CDDP-vinorelbine versus CDDP-gemcitabine versus carboplatine-paclitaxel (34). Là encore, aucun doublet n’a démontré de supériorité. L’absence de modification sensible quant à la survie impose de disposer d’autres critères de jugement, comme la survie sans progression ou l’étude de la qualité de vie des patients sous traitement. Globalement, ces études montrent, avec les cytostatiques de “nouvelle génération”, un progrès de faible amplitude pour la survie des patients atteints de CBNPC au stade métastatique conservant un bon état général, avec une médiane de survie de l’ordre de 8 mois La Lettre du Pneumologue - Volume VII - no 1 - janvier-février 2004 et une survie à un an de 35 %, soit environ 10 % de plus que la survie enregistrée dans la méta-analyse (4), celle-ci ayant porté sur des essais plus anciens, probablement moins sélectifs dans les critères d’inclusion, mais comportant une proportion importante de stades IIIB. Ces derniers peuvent aujourd’hui bénéficier de traitements comportant une association chimio-radiothérapie et ne sont donc, en règle générale, plus inclus dans les essais thé- rapeutiques actuels, qui ne concernent que les patients de stade IIIB avec pleurésie et/ou péricardite, ou les stades IV. Le meilleur schéma reste donc à déterminer, même si l’ECOG a retenu l’association carboplatine-paclitaxel comme “bras standard” pour ses prochaines études (28), compte tenu du plus faible taux d’effets indésirables observé avec cette association qu’avec les autres doublets. Tableau I. Comparaison des cytostatiques versus cytotoxiques + sel de platine (études de phase III). Auteur Nombre de patients Traitement Taux de réponses Médiane de survie Depierre (10) 250 Vinorelbine Vinorelbine + cisplatine 16 % 43 %* 32 sem. 33 sem. Le Chevalier (11) 612 Vinorelbine Vinorelbine + cisplatine 14 % 30 %* 31 sem. 40 sem.* Georgoulias (12) 308 Docétaxel Docétaxel + cisplatine 20 % 36 %* 8 mois 10 mois Lilenbaum (13) 561 Paclitaxel Paclitaxel + carboplatine 17 % 29 %* 6,7 mois 8,8 mois* Sederholm (14) 334 Gemcitabine Gemcitabine + carboplatine 11,5 % 29,6 %* 9 mois 10 mois* Masuda (15) 265 Irinotécan Irinotécan + cisplatine 20,5 % 43,3 %* 47,1 sem. 51,7 sem. Elliot (16) 105 Vindésine Vindésine + cisplatine 7% 33 % 4 sem. 11 sem.* Rosso (17) 193 VP16 VP16 + cisplatine 7% 26 % 24 sem. 32 sem. Splinter (18) 225 Téniposide Téniposide + cisplatine 6% 22 % 5,8 mois 7,2 mois* Einhorn (19) 124 Vindésine Vindésine + cisplatine Vindésine + cisplatine + mitomycine 14 % 27 % 20 % 18 sem. 26 sem. 17 sem. * p < 0,05. Tableau II. Comparaison cisplatine + cytostatique versus cisplatine (études de phase III). Auteur Étude Taux de réponses Survie à un an ou médiane de survie Wozniak (20) Cisplatine + vinorelbine Cisplatine 26 %* 12 % 36 %* 20 % Sandler (21) Cisplatine + gemcitabine Cisplatine 30 %* 11 % 39 %* 28 % Von Pawel (22) Cisplatine + tirapazamine Cisplatine 27,5 %* 13,7 % 33 %* 22 % Gatzemeier (23) Cisplatine (80 mg/m2) + paclitaxel Cisplatine (100 mg/m2) 26 %* 17 % 30 % 36 % Kawahara (24) Cisplatine Cisplatine + vindésine 12 % 29 % 9 mois 10 mois Klastersky (25) Cisplatine Cisplatine + étoposide 13 % 26 % 6 mois 5,1 mois Crino (26) Cisplatine Cisplatine + étoposide 4% 30 % 4,2 mois 8,1 mois* * p < 0,05. La Lettre du Pneumologue - Volume VII - no 1 - janvier-février 2004 9 M I S E A LES ASSOCIATIONS SANS CISPLATINE Compte tenu de ses contre-indications et de ses effets secondaires, le cisplatine n’est pas utilisable chez tous les patients. Il est possible de le remplacer par du carboplatine en association avec certaines “nouvelles drogues”, ce qui permet d’obtenir, à considérer les études récentes, de très bons taux de réponses (28, 32, 35), qui sont même comparables aux schémas à base de cisplatine, avec, dans les études de Schiller et de Fossella (28, 32), une meilleure tolérance. L’équivalence d’activité entre le carboplatine et le cisplatine dans les CBNPC n’est toutefois probablement pas exacte, comme semble le démontrer l’étude publiée par Rosell et al., qui a comparé carboplatine-paclitaxel et cisplatine-paclitaxel (36). Cependant, au vu des résultats discordants de la littérature, l’éventualité d’une infériorité du carboplatine paraît ne pas compromettre significativement les chances de survie pour les patients atteints au stade métastatique. À ce titre, l’association carboplatine-paclitaxel, la plus largement validée dans cette indication, bénéficie d’un index thérapeutique favorable, hormis pour la neurotoxicité périphérique liée à la dose cumulative du paclitaxel. Des associations sans dérivés du platine ont également été évaluées. Une étude publiée très récemment par Gridelli et al. (37) a comparé gemcitabine + vinorelbine versus CDDP + gemcitabine versus CDDP + vinorelbine chez 501 patients de stade IIIB/IV âgés de moins de 70 ans. La survie paraît meilleure dans les bras contenant du platine, sans toutefois atteindre le seuil de significativité. Le bras sans platine est pourvoyeur de moindres toxicités, mais il n’améliore pas la qualité de vie globale de façon significative. L’association gemcitabine-paclitaxel semble donner des résultats équivalents, en termes de taux de réponses et de survie, à ceux du schéma “classique” de carboplatine-paclitaxel (38). Néanmoins, lorsque cette association est comparée à paclitaxel-CDDP et à gemcitabine-CDDP (39), les taux de réponses paraissent effectivement similaires, mais les survies sans progression et globale ont une tendance statistique à être moins bonnes dans le bras sans platine. L’association gemcitabine-docétaxel a également fait l’objet d’une étude de phase III en première ligne, avec couverture par facteurs de croissance hématopoïétique (40). Cette étude n’a pas montré de différence entre cette association et le bras de référence (CDDP-docétaxel) en termes de taux de réponses, de survie sans progression et de survie globale. En pratique, les associations sans platine sont faisables, mais leur véritable intérêt reste à démontrer, et il est nécessaire de disposer d’études confirmatives pour pouvoir affirmer que ces combinaisons sont équivalentes, en termes de survie, aux associations de référence à base de platine. PLACE DES ASSOCIATIONS TRIPLES Malgré certaines études préliminaires encourageantes, mais conduites sur des effectifs assez limités (41), l’association à un sel de platine de deux autres cytostatiques actifs, souvent un taxane et la gemcitabine, ou bien la gemcitabine et la vinorelbine, ne semble pas accroître significativement l’activité de la chimiothérapie, mais elle augmente singulièrement la toxicité (42). Les bithérapies 10 U P O I N T fondées sur un sel de platine associé à une drogue active demeurent donc, à l’heure actuelle, le traitement de référence des CBNPC de stade avancé ou métastatique. DURÉE OPTIMALE DE LA CHIMIOTHÉRAPIE DE PREMIÈRE LIGNE Deux essais récents (43, 44) ont comparé l’administration d’un nombre fixe de cycles de chimiothérapie (3 ou 4 cycles, avec possibilité de reprise d’une chimiothérapie de seconde ligne en cas de réévolution) avec la poursuite de la même chimiothérapie jusqu’à l’apparition d’une progression de la maladie. Dans les deux cas, la poursuite systématique de la chimiothérapie est associée à une plus grande toxicité et à une altération de certains paramètres de qualité de vie (44), sans bénéfice en termes de taux de réponses ou de survie. Ainsi, il peut être recommandé de ne pas dépasser quatre cycles de chimiothérapie en première ligne dès lors que la réponse maximale au traitement semble être obtenue. CAS PARTICULIERS DES SUJETS AYANT UN INDEX DE PERFORMANCE ALTÉRÉ ET DES SUJETS ÂGÉS Le traitement optimal des patients atteints de CBNPC métastatique avec un état général altéré n’est pas standardisé. Il n’est pas certain que le bénéfice en termes de survie mis en évidence par la méta-analyse (4) puisse s’appliquer à cette population particulière de patients, et l’analyse de phases III récentes (27, 28) confirme que les patients dont le performance status (PS) est supérieur à 1 ne tirent aucun bénéfice des traitements à base de cisplatine. Les données concernant ces patients inclus dans l’essai de Le Chevalier et al. (45), qui a comparé le schéma cisplatine-vinorelbine (avec une dose élevée de cisplatine) et la monothérapie par vinorelbine, montrent une survie identique dans les deux bras, avec une toxicité moindre pour les patients traités par monothérapie. Ces données justifient le traitement des patients de PS 2 par une monothérapie active ; néanmoins, les résultats récents de l’étude CALGB 9730 (13) montrent que le bénéfice en termes de survie obtenu avec la bithérapie carboplatine-paclitaxel par rapport à la monothérapie par paclitaxel se maintient dans le sous-groupe des patients de PS 2. De même, les associations paclitaxel-gemcitabine et paclitaxel-carboplatine semblent bien tolérées chez les patients de PS 2 dans l’étude de Kosmidis et al. (38). Il est donc possible, chez certains patients, d’utiliser une bithérapie adaptée ; la place des associations sans sels de platine mérite notamment d’être précisée chez ce type de patients, qui sont progressivement exclus des essais thérapeutiques de première ligne comportant du cisplatine. L’allongement de l’espérance de vie dans les pays occidentaux, associée à l’évolution de l’épidémiologie du cancer bronchique, est responsable d’une importante augmentation de ce cancer chez les sujets âgés. L’utilisation d’une chimiothérapie à base de cisplatine chez le sujet de plus de 70 ans paraît possible au vu des données de la littérature, mais celles-ci doivent être interprétées avec précaution dans la mesure où les patients âgés inclus dans les essais thérapeutiques sont manifestement sélectionnés et non représentatifs de la population générale. Chez des patients en excellent état général et sans un nombre excessif de comorbidités, l’efficacité La Lettre du Pneumologue - Volume VII - no 1 - janvier-février 2004 en termes de réponse et de gain de survie d’une chimiothérapie à base de cisplatine est identique à celle obtenue chez des patients plus jeunes, au prix cependant d’une toxicité hématologique accrue (46). L’analyse rétrospective de deux essais coopératifs du SWOG (47) montre cependant que les arrêts thérapeutiques pour toxicité sont significativement plus fréquents avec le schéma cisplatinevinorelbine qu’en employant l’association carboplatine-paclitaxel. Il semble donc plus raisonnable d’utiliser, chez des patients âgés de plus de 70 ans ayant un état général conservé, une association comportant du carboplatine plutôt que du cisplatine, en tenant compte de la majoration prévisible de la toxicité hématologique. Le doublet gemcitabine-vinorelbine, évalué chez le sujet âgé, apporte des résultats discordants selon les études (48, 49), mais il semble que cette association majore la toxicité sans améliorer les résultats observés lorsque les drogues sont utilisées en monothérapie (49). Le standard thérapeutique demeure la monothérapie par la vinorelbine, qui a montré sa supériorité par rapport aux soins palliatifs seuls (8), sans bénéfice évident d’une association avec la gemcitabine (49). carboplatine + paclitaxel (57) ou CDDP + gemcitabine (58) à ces mêmes combinaisons associées à du gefitinib se sont montrés décevants. LES CHIMIOTHÉRAPIES ORALES Plusieurs drogues administrées per os ont été évaluées dans le CBNPC. Certaines, comme l’UFT® (tégafur-uracile), sont très utilisées dans d’autres pays, notamment au Japon, où les résultats des études sur son utilisation en postopératoire sont très séduisants (59), mais toutes ces drogues n’ont pas l’autorisation de mise sur le marché en France. D’autres, comme le satraplatine (analogue oral du platine), sont encore en cours de développement, mais semblent prometteuses (60). En pratique, en France et à l’heure actuelle, seuls l’étoposide et la vinorelbine sont utilisables. L’efficacité de cette dernière en monothérapie semble comparable à celle de la forme intraveineuse (61). Le principal intérêt de l’étoposide et de la vinorelbine est d’éviter les hospitalisations prolongées ou itératives, dans des schémas d’association avec le platine. LA CHIMIOTHÉRAPIE DE DEUXIÈME LIGNE CONCLUSION La majorité des patients traités en première ligne sera confrontée à une progression de la maladie, que ce soit au cours du traitement de première ligne (réfractaires) ou après une période sans traitement (sensibles). Il n’est pas démontré que la réponse à une première ligne influence les résultats d’une seconde ligne. Deux essais de phase III (50, 51) ont permis de démontrer l’intérêt du docétaxel administré en monothérapie à la posologie de 75 mg/m2 toutes les trois semaines, comparativement aux soins palliatifs (50) ou à une monothérapie par vinorelbine ou ifosfamide (51). L’intérêt en termes de qualité de vie, malgré un taux de réponses objectives faible, est important, probablement en raison des stabilisations tumorales induites par le docétaxel. Le docétaxel administré à 75 mg/m2 est alors devenu la drogue de référence en deuxième ligne. Néanmoins, l’analyse rétrospective des patients inclus dans ces deux études a montré que les patients ayant une perte de poids supérieure à 10 %, un taux de LDH augmenté, des métastases hépatiques ou une extension métastatique dans plusieurs organes ne tiraient aucun bénéfice de la chimiothérapie de deuxième ligne. En revanche, l’âge, le PS ou la réponse à la chimiothérapie à base de platine ne constituaient pas des facteurs pronostiques (52). L’association de gemcitabine au docétaxel en deuxième ligne permet d’augmenter les taux de réponses, sans toutefois améliorer la survie et au prix d’une toxicité nettement supérieure (53). Très récemment, une étude de phase III concernant 571 patients a comparé le pemetrexed au docétaxel en deuxième ligne (54). L’efficacité des deux schémas paraissait comparable et la tolérance meilleure dans le bras pemetrexed. Enfin, le gefitinib, ou IressaTM (ZD 1839), inhibiteur intracellulaire du récepteur à l’EGF, a montré son efficacité chez les sujets lourdement prétraités (55). Pallis et al. rapportent, à partir de leur expérience personnelle, 3 % de réponses partielles et 29 % de stabilisation sur une population de 31 patients antérieurement traités par CDDP, puis par taxanes (56). Cette indication reste la meilleure, puisque les essais de phase III de première ligne ayant comparé Le traitement systémique des formes métastatiques de CBNPC n’est actuellement plus discuté depuis les méta-analyses des essais ayant comparé la chimiothérapie au traitement purement symptomatique. Si le cisplatine reste, à l’heure actuelle, la molécule de référence pour les patients de moins de 70 ans avec un index de performance conservé, il n’existe pas, en revanche, d’association standard. De nombreux essais de phase II ont permis d’identifier des agents efficaces, mais les essais de phase III n’ont pas permis de dégager une supériorité d’efficacité nette d’une association par rapport à une autre. Seuls les profils de toxicité paraissaient différents. Chez le sujet âgé, une monothérapie sans cisplatine semble préférable, mais certaines associations telles que carboplatine + paclitaxel peuvent également être discutées. Enfin, d’autres essais sont nécessaires afin de mieux préciser la place et l’intérêt des chimiothérapies administrées par voie orale ■ et des thérapeutiques dites ciblées. La Lettre du Pneumologue - Volume VII - no 1 - janvier-février 2004 R É F É R E N C E S B I B L I O G R A P H I Q U E S 1. Mountain CF. Revisions in the international system for staging lung cancer. Chest 1997 ; 111 (6) : 1710-7. 2. Blanchon F, Grivaux T, Collon T et al. Épidémiologie du cancer bron- chique primitif pris en charge dans les CHG francais. Rev Mal Respir 2002 ; 19 : 727-34. 3. Souquet PJ, Chauvin F, Boissel JP et al. Polychemotherapy in advanced non-small-cell lung cancer : a meta-analysis. Lancet 1993 ; 342 (8862) : 19-21. 4. Chemotherapy in non-small-cell lung cancer : a meta-analysis using updated data on individual patients from 52 randomised clinical trials. Non-Small-Cell Lung Cancer Collaborative Group. Br Med J 1995 ; 311 (7010) : 899-909. 5. Helsing M, Bergman B, Thaning L, Hero U. 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NOUVELLES DE L’INDUSTRIE PHARMACEUTIQUE Communiqués des conférences de presse, symposiums, manifestations organisés par l’industrie pharmaceutique Ciclésonide : une nouvelle génération de corticostéroïdes inhalés Autriche, 30 septembre 2003 – Les résultats d’une étude multicentrique randomisée, en double aveugle, à groupes parallèles, menée au CHU de Homburg, en Allemagne, ont été présentés au 13e Congrès annuel de l’ERS (European Respiratory Society), à Vienne, en Autriche. Ces résultats ont montré que les patients traités avec le ciclésonide, un nouveau corticostéroïde inhalé (CSI) dans le traitement de l’asthme bronchique, présentent une amélioration significativement supérieure de la fonction respiratoire, comparativement aux patients sous budésonide, le traitement actuel de référence. En moyenne, les participants qui ont reçu un traitement quotidien en monoprise de ciclésonide (320 mg) pendant les douze semaines de l’étude ont présenté des améliorations du volume expiratoire maximum/seconde et de la capacité vitale – deux paramètres cliniques communément utilisés pour évaluer la fonction respiratoire – significativement supérieures à celles obtenues avec le budésonide (400 mg). L’apparition des bénéfices thérapeutiques avec le ciclé- sonide était également plus précoce (jour 3) en comparaison avec le budésonide (semaine 2). “Le ciclésonide est un corticostéroïde inhalé unique en son genre qui réunit toutes les qualités souhaitées des corticoïdes inhalés actuellement sur le marché,” explique le Dr Dieter Ukena, du CHU de Homburg en Allemagne. Le ciclésonide produit un dépôt pulmonaire important à son site d’activation : les bronches et les poumons. La propriété unique du ciclésonide est un phénomène qu’on appelle “l’activation au site”. Le ciclésonide est métabolisé en principe actif au site où a lieu l’inflammation asthmatique. Par conséquent, le ciclésonide a un taux d’efficacité élevé et présente moins de risques d’effets indésirables locaux que les autres CSI. La fraction absorbée dans le courant sanguin se lie rapidement aux protéines plasmatiques et reste inactive jusqu’à son élimination par le foie, de sorte que les effets secondaires systémiques seront probablement inférieurs à ceux provoqués par d’autres corticostéroïdes inhalés. Dans le cadre d’une autre étude multicentrique sur douze semaines dirigée par le Dr Trevor Hansel, du Collège impérial de Londres, aucun La Lettre du Pneumologue - Volume VII - no 1 - janvier-février 2004 changement statistiquement significatif du taux de cortisol urinaire n’a été enregistré par rapport aux données de prétraitement chez les patients asthmatiques recevant du ciclésonide (320 mg). En revanche, on observait une baisse significative du cortisol chez les patients traités avec le budésonide (400 mg). Le ciclésonide, entraînant une baisse moins importante du cortisol, semble indiquer un progrès important en matière d’innocuité des corticothérapies inhalées. Le cortisol est une hormone sécrétée par le cortex surrénal (tissu situé au-dessus des reins), qui peut être abaissée par les corticothérapies inhalées, entraînant une insuffisance surrénale. Une recherche menée à l’Institut für Medizinforschung Allensbach, en Allemagne, a démontré que, même au bout de sept jours consécutifs de prises biquotidiennes, la quantité de ciclésonide circulant dans le sérum était inférieure à celle du budésonide. Par ailleurs, une étude complémentaire a démontré que les taux sériques de ciclésonide sont comparables après une seule inhalation et après sept jours consécutifs de monoprises inhalées – pratique qui imite plus étroitement l’administration courante. Selon le Dr Rüdiger Nave, de Altana Pharma AG, principal investigateur de cette étude, cette biodisponibilité systémique extrêmement faible pourrait être une explication à l’absence d’effets adverses systémiques observée avec le ciclésonide. 13