La chimiothérapie des cancers bronchiques Chemotherapy in advanced non-small-cell lung cancers M

L
es cancers bronchiques non à petites cellules (CBNPC)
de stade IV, c’est-à-dire métastatiques au moment du diag-
nostic (1), sont très fréquents, puisqu’ils représentent en
MISE AU POINT
La chimiothérapie des cancers bronchiques
non à petites cellules de stade IV
Chemotherapy in advanced non-small-cell lung cancers
B. Mennecier*, M. Perol**, E. Quoix*
7
La Lettre du Pneumologue - VII - no1 - janvier-février 2004
* Service de pneumologie Lyautey, CHU de Strasbourg.
** Service de pneumologie, hôpital de la Croix-Rousse, Lyon.
Points forts
L’intérêt du traitement systémique par rapport au traitement symptomatique seul n’est actuellement plus discuté pour les
patients ayant un cancer bronchique non à petites cellules (CBNPC) de stade IV.
Le cisplatine reste à ce jour la drogue de référence, mais doit certainement être réservé en pratique aux patients de moins de
70 ans ayant un index de performance conservé.
La meilleure combinaison reste à déterminer, car les essais de phase III ayant comparé les différents doublets cisplatine +
“drogue de nouvelle génération” n’ont pas permis de dégager une supériorité significative d’un doublet par rapport aux autres.
Seuls les profils de toxicité paraissaient quelque peu différents. Les triples associations n’apportent pas de gain d’efficacité
par rapport aux doublets.
Les associations sans cisplatine sont faisables, mais leur véritable intérêt reste à préciser.
La chimiothérapie de deuxième ligne est souvent rendue nécessaire. Elle a démontré son intérêt dans deux grands essais de
phase III, lorsqu’elle repose sur une monothérapie par docétaxel.
IressaTM (ZD 1839), inhibiteur intracellulaire du récepteur de l’EGF, a démontré son intérêt chez les patients lourdement pré-
traités par chimiothérapie.
Les chimiothérapies orales mériteraient certainement d’être plus largement étudiées, notamment en ce qui concerne l’amé-
lioration de la qualité de vie que l’on pourrait en attendre.
Mots-clés : Cancer bronchique non à petites cellules - Stade IV - Chimiothérapie.
Main points
Based on the results of two meta-analysis of all the randomized clinical trials comparing chemotherapy versus best suppor-
tive care, chemotherapy is now well accepted for stage IV non-small-cell lung cancer (NSCLC) patients.
Cisplatinum-based chemotherapy is currently considered to be the standard first line but is probably appropriate only for
patients aged less than 70 and with a good performance status.
The “best” platinum-based regimen is not well defined.
Combinations without platinum are feasible and showed a considerable activity but their interest still has to be better defined.
Second-line chemotherapy is currently also accepted in selected stage IV NSCLC patients and, at this time, single-agent docetaxel
should remain the gold standard.
Iressa
TM
(ZD 1839) demonstrated encouraging results in heavily pretreated patients.
Oral chemotherapy should be investigated further in an attempt to improve the quality of life for stage IV NSCLC patients.
Keywords: Non-small-cell lung cancer - Stage IV - Chemotherapy.
France environ 43 % des CBNPC pris en charge dans les hôpitaux
généraux (2).
Le traitement de choix consiste en général en une chimiothérapie.
Son intérêt a en effet été clairement démontré en termes de survie
dans deux grandes méta-analyses (3, 4), des essais comparant une
chimiothérapie au traitement symptomatique seul. Lorsqu’elle
contient du platine, la chimiothérapie permet d’augmenter le taux
de survie à un an de 10 % (4) par rapport au traitement sympto-
matique seul. Par ailleurs, elle permet d’améliorer significative-
ment la qualité de vie des patients répondeurs, notamment du fait
de la disparition de certains symptômes liés à la maladie (5, 6).
Toutefois, le choix des drogues et la meilleure façon de les admi-
nistrer doivent prendre en compte différents paramètres. D’une part,
parce que, très souvent, en pratique clinique courante, les patients
ayant un stade IV présentent par ailleurs des comorbidités impor-
tantes ou un index de performance altéré, qui peuvent contre-
indiquer certaines drogues, voire orienter les objectifs thérapeu-
tiques uniquement dans le sens d’une meilleure qualité de vie. D’autre
part, parce que, à l’inverse, certains patients, en dépit de l’exten-
sion de la maladie, gardent un excellent état général (sans perte de
poids majeure ou autre facteur de mauvais pronostic) et peuvent
très certainement tirer un bénéfice de traitements plus agressifs.
Enfin, certaines situations plus rares requièrent une réflexion pluri-
disciplinaire. C’est le cas, par exemple, des métastases uniques,
cérébrales ou surrénaliennes, d’un CBNPC résécable par ailleurs.
Le développement récent des thérapeutiques ciblées ou modulatrices
de la réponse cellulaire permettra peut-être d’améliorer notre prise
en charge de ces patients, dont le pronostic reste très péjoratif.
LES AGENTS ACTIFS
Parmi ce qu’il est convenu d’appeler les “anciennes drogues”, peu
ont permis d’obtenir des taux de réponses supérieurs ou égaux à
15 % en monothérapie, taux retenu comme étant le témoin d’une
efficacité dans le CBNPC. Il s’agit du cisplatine, de la vindésine,
de la vinblastine, de l’étoposide, de l’ifosfamide et de la mitomy-
cine (7). Dans les études de phase II concernant les “nouvelles
drogues”, en revanche, les taux de réponses semblent plus inté-
ressants, puisqu’ils avoisinent les 30 % pour la vinorelbine, la
gemcitabine et les taxanes. Ces drogues permettent également
d’obtenir un bénéfice en termes de survie (parfois également en
termes de qualité de vie) dans des études de phase III comparant
une monothérapie aux soins palliatifs, cela pour le paclitaxel, le
docétaxel (6), et la vinorelbine (8) chez les sujets âgés. En
revanche, la gemcitabine (9) n’a pas démontré l’obtention d’un
bénéfice de survie dans le seul essai où elle a été comparée aux
soins palliatifs (probablement en raison d’un cross over significa-
tif entre les deux bras), mais elle a amélioré la qualité de vie des
patients traités.
LES ASSOCIATIONS À BASE DE CISPLATINE
Le cisplatine (CDDP) reste à ce jour la drogue de référence dans
le CBNPC. Dans la plupart des études qui ont comparé une mono-
thérapie à une association à base de platine, les taux de réponses
se révélaient supérieurs dans le bras contenant le platine (10-19)
(tableau I), sans toutefois que cela soit forcément associé à une
meilleure survie (10, 17, 19).
D’autres études se sont attachées à tester l’adjonction d’un agent au
cisplatine. Là encore, les taux de réponses obtenus avec la bithé-
rapie sont constamment supérieurs à ceux obtenus avec une mono-
thérapie par platine (20-26) (tableau II), mais la survie n’est pas
forcément améliorée (23-25).
Il paraît clair actuellement que ces associations doivent être réser-
vées aux patients en bon état général, car les patients de PS 2
ne semblent pas tirer de bénéfice de l’administration du cispla-
tine (27, 28).
La dose de CDDP à utiliser chez les patients en PS 0-1 reste égale-
ment sujette à caution. Il n’y a pas d’argument à l’heure actuelle
pour préconiser l’administration de fortes doses dans les stades IV
(29), mais, à l’inverse, des doses trop faibles, de l’ordre de 50-
60 mg/m2/cycle, sont certainement insuffisantes (30). Aujourd’hui,
il est recommandé, dans les Standards, Options, Recommanda-
tions (31), d’utiliser des posologies supérieures ou égales à
70 mg/m2/cycle.
Enfin, la drogue à associer au platine pour obtenir les meilleurs résul-
tats reste à déterminer. Les études de phase III publiées récemment
ont du mal à démontrer une supériorité nette d’une association par
rapport à une autre. Une étude a comparé trois schémas, CDDP-
docétaxel, CDDP-vinorelbine et carboplatine-docétaxel (32), avec
plus de 400 patients par bras. L’efficacité paraît meilleure dans le bras
CDDP-docétaxel que dans le bras CDDP-vinorelbine, avec des
taux de réponses respectivement à 31,6 % et 24,5 % (p = 0,029)
et une survie à 2 ans à 21 % et 14 % (p = 0,044). Un gain signi-
ficatif sur certains items des échelles de qualité de vie ou de symp-
tomatologie est également obtenu dans le bras CDDP-docétaxel.
Il faut noter qu’il s’agit de l’étude conduite sur le plus grand effec-
tif, donc la plus susceptible de mettre en évidence une faible diffé-
rence de survie, et qu’un tiers des patients étaient atteints de CBNPC
de stade IIIB, population pour laquelle il est probablement plus
facile de démontrer un écart de taux de réponses ou de survie que
pour les stades métastatiques. Néanmoins, dans cette étude, le
bras de référence était l’association cisplatine-vinorelbine et, du
fait de ce schéma statistique, la différence en termes de survie
n’est pas significative.
Une autre étude de phase III, elle aussi publiée très récemment,
a comparé trois schémas de traitement (CDDP-gemcitabine,
CDDP-paclitaxel et carboplatine-paclitaxel) à CDDP-docétaxel
(bras de référence), chez 1 207 patients de stades IIIB/IV (28).
Aucune de ces associations n’a démontré de supériorité par rap-
port aux autres, tant en ce qui concerne les taux de réponses qu’en
ce qui concerne la survie globale. La seule différence concernait
le temps jusqu’à progression, qui paraissait meilleur dans le bras
CDDP-gemcitabine (4,2 mois ; p = 0,001). L’absence de prise en
compte des traitements de seconde ligne a pu contribuer à mas-
quer un éventuel bénéfice en termes de survie. Enfin, deux autres
études de phase III ont récemment comparé CDDP-vinorelbine
versus carboplatine-paclitaxel (33) et CDDP-vinorelbine versus
CDDP-gemcitabine versus carboplatine-paclitaxel (34). Là encore,
aucun doublet n’a démontré de supériorité. L’absence de modi-
fication sensible quant à la survie impose de disposer d’autres
critères de jugement, comme la survie sans progression ou l’étude
de la qualité de vie des patients sous traitement.
Globalement, ces études montrent, avec les cytostatiques de “nou-
velle génération”, un progrès de faible amplitude pour la survie
des patients atteints de CBNPC au stade métastatique conservant
un bon état général, avec une médiane de survie de l’ordre de 8 mois
MISE AU POINT
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La Lettre du Pneumologue - Volume VII - no1 - janvier-février 2004
et une survie à un an de 35 %, soit environ 10 % de plus que la sur-
vie enregistrée dans la méta-analyse (4), celle-ci ayant porté sur
des essais plus anciens, probablement moins sélectifs dans les
critères d’inclusion, mais comportant une proportion importante
de stades IIIB. Ces derniers peuvent aujourd’hui bénéficier de
traitements comportant une association chimio-radiothérapie et
ne sont donc, en règle générale, plus inclus dans les essais thé-
rapeutiques actuels, qui ne concernent que les patients de stade
IIIB avec pleurésie et/ou péricardite, ou les stades IV.
Le meilleur schéma reste donc à déterminer, même si l’ECOG a
retenu l’association carboplatine-paclitaxel comme “bras standard”
pour ses prochaines études (28), compte tenu du plus faible taux
d’effets indésirables observé avec cette association qu’avec les
autres doublets.
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La Lettre du Pneumologue - Volume VII - no1 - janvier-février 2004
Tableau I. Comparaison des cytostatiques versus cytotoxiques + sel de platine (études de phase III).
Auteur Nombre Traitement Taux Médiane
de patients de réponses de survie
Depierre
(10)
250 Vinorelbine 16 % 32 sem.
Vinorelbine + cisplatine 43 %* 33 sem.
Le Chevalier
(11)
612 Vinorelbine 14 % 31 sem.
Vinorelbine + cisplatine 30 %* 40 sem.*
Georgoulias
(12)
308 Docétaxel 20 % 8 mois
Docétaxel + cisplatine 36 %* 10 mois
Lilenbaum
(13)
561 Paclitaxel 17 % 6,7 mois
Paclitaxel + carboplatine 29 %* 8,8 mois*
Sederholm
(14)
334 Gemcitabine 11,5 % 9 mois
Gemcitabine + carboplatine 29,6 %* 10 mois*
Masuda
(15)
265 Irinotécan 20,5 % 47,1 sem.
Irinotécan + cisplatine 43,3 %* 51,7 sem.
Elliot
(16)
105 Vindésine 7 % 4 sem.
Vindésine + cisplatine 33 % 11 sem.*
Rosso
(17)
193 VP16 7 % 24 sem.
VP16 + cisplatine 26 % 32 sem.
Splinter
(18)
225 Téniposide 6 % 5,8 mois
Téniposide + cisplatine 22 % 7,2 mois*
Einhorn
(19)
124 Vindésine 14 % 18 sem.
Vindésine + cisplatine 27 % 26 sem.
Vindésine + cisplatine + mitomycine 20 % 17 sem.
* p < 0,05.
Tableau II. Comparaison cisplatine + cytostatique versus cisplatine (études de phase III).
Auteur Étude Taux de réponses Survie à un an
ou médiane de survie
Wozniak
(20)
Cisplatine + vinorelbine 26 %* 36 %*
Cisplatine 12 % 20 %
Sandler
(21)
Cisplatine + gemcitabine 30 %* 39 %*
Cisplatine 11 % 28 %
Von Pawel
(22)
Cisplatine + tirapazamine 27,5 %* 33 %*
Cisplatine 13,7 % 22 %
Gatzemeier
(23)
Cisplatine (80 mg/m2) + paclitaxel 26 %* 30 %
Cisplatine (100 mg/m2) 17 % 36 %
Kawahara
(24)
Cisplatine 12 % 9 mois
Cisplatine + vindésine 29 % 10 mois
Klastersky
(25)
Cisplatine 13 % 6 mois
Cisplatine + étoposide 26 % 5,1 mois
Crino
(26)
Cisplatine 4 % 4,2 mois
Cisplatine + étoposide 30 % 8,1 mois*
* p < 0,05.
LES ASSOCIATIONS SANS CISPLATINE
Compte tenu de ses contre-indications et de ses effets secondaires,
le cisplatine n’est pas utilisable chez tous les patients. Il est pos-
sible de le remplacer par du carboplatine en association avec cer-
taines “nouvelles drogues”, ce qui permet d’obtenir, à considérer
les études récentes, de très bons taux de réponses (28, 32, 35),
qui sont même comparables aux schémas à base de cisplatine,
avec, dans les études de Schiller et de Fossella (28, 32), une meil-
leure tolérance. L’équivalence d’activité entre le carboplatine et le
cisplatine dans les CBNPC n’est toutefois probablement pas exacte,
comme semble le démontrer l’étude publiée par Rosell et al., qui
a comparé carboplatine-paclitaxel et cisplatine-paclitaxel (36).
Cependant, au vu des résultats discordants de la littérature, l’éven-
tualité d’une infériorité du carboplatine paraît ne pas compromettre
significativement les chances de survie pour les patients atteints
au stade métastatique. À ce titre, l’association carboplatine-pacli-
taxel, la plus largement validée dans cette indication, bénéficie
d’un index thérapeutique favorable, hormis pour la neurotoxicité
périphérique liée à la dose cumulative du paclitaxel.
Des associations sans dérivés du platine ont également été éva-
luées. Une étude publiée très récemment par Gridelli et al. (37)
a comparé gemcitabine + vinorelbine versus CDDP + gemcita-
bine versus CDDP + vinorelbine chez 501 patients de stade
IIIB/IV âgés de moins de 70 ans. La survie paraît meilleure dans
les bras contenant du platine, sans toutefois atteindre le seuil de
significativité. Le bras sans platine est pourvoyeur de moindres
toxicités, mais il n’améliore pas la qualité de vie globale de façon
significative.
L’association gemcitabine-paclitaxel semble donner des résul-
tats équivalents, en termes de taux de réponses et de survie, à ceux
du schéma “classique” de carboplatine-paclitaxel (38). Néanmoins,
lorsque cette association est comparée à paclitaxel-CDDP et à
gemcitabine-CDDP (39), les taux de réponses paraissent effecti-
vement similaires, mais les survies sans progression et globale ont
une tendance statistique à être moins bonnes dans le bras sans pla-
tine. L’association gemcitabine-docétaxel a également fait l’objet
d’une étude de phase III en première ligne, avec couverture par
facteurs de croissance hématopoïétique (40). Cette étude n’a pas
montré de différence entre cette association et le bras de réfé-
rence (CDDP-docétaxel) en termes de taux de réponses, de survie
sans progression et de survie globale.
En pratique, les associations sans platine sont faisables, mais leur
véritable intérêt reste à démontrer, et il est nécessaire de dispo-
ser d’études confirmatives pour pouvoir affirmer que ces com-
binaisons sont équivalentes, en termes de survie, aux associations
de référence à base de platine.
PLACE DES ASSOCIATIONS TRIPLES
Malgré certaines études préliminaires encourageantes, mais
conduites sur des effectifs assez limités (41), l’association à un sel
de platine de deux autres cytostatiques actifs, souvent un taxane
et la gemcitabine, ou bien la gemcitabine et la vinorelbine, ne semble
pas accroître significativement l’activité de la chimiothérapie,
mais elle augmente singulièrement la toxicité (42). Les bithérapies
fondées sur un sel de platine associé à une drogue active demeurent
donc, à l’heure actuelle, le traitement de référence des CBNPC
de stade avancé ou métastatique.
DURÉE OPTIMALE DE LA CHIMIOTHÉRAPIE
DE PREMIÈRE LIGNE
Deux essais récents (43, 44) ont comparé l’administration d’un
nombre fixe de cycles de chimiothérapie (3 ou 4 cycles, avec pos-
sibilité de reprise d’une chimiothérapie de seconde ligne en cas
de réévolution) avec la poursuite de la même chimiothérapie
jusqu’à l’apparition d’une progression de la maladie. Dans les
deux cas, la poursuite systématique de la chimiothérapie est asso-
ciée à une plus grande toxicité et à une altération de certains para-
mètres de qualité de vie (44), sans bénéfice en termes de taux de
réponses ou de survie. Ainsi, il peut être recommandé de ne pas
dépasser quatre cycles de chimiothérapie en première ligne dès
lors que la réponse maximale au traitement semble être obtenue.
CAS PARTICULIERS DES SUJETS AYANT UN INDEX
DE PERFORMANCE ALTÉRÉ ET DES SUJETS ÂGÉS
Le traitement optimal des patients atteints de CBNPC métasta-
tique avec un état général altéré n’est pas standardisé. Il n’est pas
certain que le bénéfice en termes de survie mis en évidence par la
méta-analyse (4) puisse s’appliquer à cette population particulière
de patients, et l’analyse de phases III récentes (27, 28) confirme que
les patients dont le performance status (PS) est supérieur à 1 ne
tirent aucun bénéfice des traitements à base de cisplatine. Les
données concernant ces patients inclus dans l’essai de Le Che-
valier et al. (45), qui a comparé le schéma cisplatine-vinorelbine
(avec une dose élevée de cisplatine) et la monothérapie par vinorel-
bine, montrent une survie identique dans les deux bras, avec une
toxicité moindre pour les patients traités par monothérapie. Ces
données justifient le traitement des patients de PS 2 par une mono-
thérapie active ; néanmoins, les résultats récents de l’étude
CALGB 9730 (13) montrent que le bénéfice en termes de survie
obtenu avec la bithérapie carboplatine-paclitaxel par rapport à la
monothérapie par paclitaxel se maintient dans le sous-groupe des
patients de PS 2. De même, les associations paclitaxel-gemcitabine
et paclitaxel-carboplatine semblent bien tolérées chez les patients
de PS 2 dans l’étude de Kosmidis et al. (38). Il est donc possible, chez
certains patients, d’utiliser une bithérapie adaptée ; la place des asso-
ciations sans sels de platine mérite notamment d’être précisée chez
ce type de patients, qui sont progressivement exclus des essais
thérapeutiques de première ligne comportant du cisplatine.
L’allongement de l’espérance de vie dans les pays occidentaux,
associée à l’évolution de l’épidémiologie du cancer bronchique,
est responsable d’une importante augmentation de ce cancer chez
les sujets âgés. L’utilisation d’une chimiothérapie à base de cis-
platine chez le sujet de plus de 70 ans paraît possible au vu des don-
nées de la littérature, mais celles-ci doivent être interprétées avec
précaution dans la mesure où les patients âgés inclus dans les essais
thérapeutiques sont manifestement sélectionnés et non représen-
tatifs de la population générale. Chez des patients en excellent état
général et sans un nombre excessif de comorbidités, l’efficacité
MISE AU POINT
10
La Lettre du Pneumologue - Volume VII - no1 - janvier-février 2004
en termes de réponse et de gain de survie d’une chimiothérapie à
base de cisplatine est identique à celle obtenue chez des patients
plus jeunes, au prix cependant d’une toxicité hématologique accrue
(46). L’analyse rétrospective de deux essais coopératifs du SWOG
(47) montre cependant que les arrêts thérapeutiques pour toxicité
sont significativement plus fréquents avec le schéma cisplatine-
vinorelbine qu’en employant l’association carboplatine-paclitaxel.
Il semble donc plus raisonnable d’utiliser, chez des patients âgés
de plus de 70 ans ayant un état général conservé, une association
comportant du carboplatine plutôt que du cisplatine, en tenant compte
de la majoration prévisible de la toxicité hématologique. Le dou-
blet gemcitabine-vinorelbine, évalué chez le sujet âgé, apporte
des résultats discordants selon les études (48, 49), mais il semble
que cette association majore la toxicité sans améliorer les résultats
observés lorsque les drogues sont utilisées en monothérapie (49).
Le standard thérapeutique demeure la monothérapie par la vino-
relbine, qui a montré sa supériorité par rapport aux soins pallia-
tifs seuls (8), sans bénéfice évident d’une association avec la gem-
citabine (49).
LA CHIMIOTHÉRAPIE DE DEUXIÈME LIGNE
La majorité des patients traités en première ligne sera confrontée
à une progression de la maladie, que ce soit au cours du traitement
de première ligne (réfractaires) ou après une période sans traitement
(sensibles). Il n’est pas démontré que la réponse à une première
ligne influence les résultats d’une seconde ligne. Deux essais de
phase III (50, 51) ont permis de démontrer l’intérêt du docétaxel
administré en monothérapie à la posologie de 75 mg/m2toutes
les trois semaines, comparativement aux soins palliatifs (50) ou
à une monothérapie par vinorelbine ou ifosfamide (51). L’intérêt
en termes de qualité de vie, malgré un taux de réponses objectives
faible, est important, probablement en raison des stabilisations
tumorales induites par le docétaxel. Le docétaxel administré à
75 mg/m2est alors devenu la drogue de référence en deuxième
ligne. Néanmoins, l’analyse rétrospective des patients inclus dans
ces deux études a montré que les patients ayant une perte de poids
supérieure à 10 %, un taux de LDH augmenté, des métastases
hépatiques ou une extension métastatique dans plusieurs organes
ne tiraient aucun bénéfice de la chimiothérapie de deuxième ligne.
En revanche, l’âge, le PS ou la réponse à la chimiothérapie à base
de platine ne constituaient pas des facteurs pronostiques (52).
L’association de gemcitabine au docétaxel en deuxième ligne per-
met d’augmenter les taux de réponses, sans toutefois améliorer la
survie et au prix d’une toxicité nettement supérieure (53).
Très récemment, une étude de phase III concernant 571 patients
a comparé le pemetrexed au docétaxel en deuxième ligne (54).
L’efficacité des deux schémas paraissait comparable et la tolérance
meilleure dans le bras pemetrexed.
Enfin, le gefitinib, ou IressaTM (ZD 1839), inhibiteur intracellu-
laire du récepteur à l’EGF, a montré son efficacité chez les sujets
lourdement prétraités (55). Pallis et al. rapportent, à partir de leur
expérience personnelle, 3 % de réponses partielles et 29 % de stabi-
lisation sur une population de 31 patients antérieurement traités
par CDDP, puis par taxanes (56). Cette indication reste la meilleure,
puisque les essais de phase III de première ligne ayant comparé
carboplatine + paclitaxel (57) ou CDDP + gemcitabine (58) à ces
mêmes combinaisons associées à du gefitinib se sont montrés
décevants.
LES CHIMIOTHÉRAPIES ORALES
Plusieurs drogues administrées per os ont été évaluées dans le
CBNPC. Certaines, comme l’UFT®(tégafur-uracile), sont très uti-
lisées dans d’autres pays, notamment au Japon, où les résultats
des études sur son utilisation en postopératoire sont très sédui-
sants (59), mais toutes ces drogues n’ont pas l’autorisation de mise
sur le marché en France. D’autres, comme le satraplatine (analogue
oral du platine), sont encore en cours de développement, mais
semblent prometteuses (60). En pratique, en France et à l’heure
actuelle, seuls l’étoposide et la vinorelbine sont utilisables. L’effi-
cacité de cette dernière en monothérapie semble comparable à celle
de la forme intraveineuse (61). Le principal intérêt de l’étoposide
et de la vinorelbine est d’éviter les hospitalisations prolongées ou
itératives, dans des schémas d’association avec le platine.
CONCLUSION
Le traitement systémique des formes métastatiques de CBNPC
n’est actuellement plus discuté depuis les méta-analyses des essais
ayant comparé la chimiothérapie au traitement purement symp-
tomatique. Si le cisplatine reste, à l’heure actuelle, la molécule de
référence pour les patients de moins de 70 ans avec un index de
performance conservé, il n’existe pas, en revanche, d’association
standard. De nombreux essais de phase II ont permis d’identifier
des agents efficaces, mais les essais de phase III n’ont pas permis
de dégager une supériorité d’efficacité nette d’une association
par rapport à une autre. Seuls les profils de toxicité paraissaient
différents. Chez le sujet âgé, une monothérapie sans cisplatine
semble préférable, mais certaines associations telles que carbo-
platine + paclitaxel peuvent également être discutées.
Enfin, d’autres essais sont nécessaires afin de mieux préciser la
place et l’intérêt des chimiothérapies administrées par voie orale
et des thérapeutiques dites ciblées.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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