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La Lettre du Cancérologue - volume XI - n° 6 - novembre-décembre 2002
CHIMIOTHÉRAPIE INTRAVEINEUSE EN PREMIÈRE LIGNE
Le paclitaxel en première ligne ou non ?
Divers essais avaient montré l’intérêt du paclitaxel en associa-
tion avec le cisplatine en première ligne de traitement des can-
cers de l’ovaire avancés. Le GOG-111 a montré un gain de
survie globale de 15 mois et de survie sans maladie de 5 mois
avec l’association de paclitaxel-cisplatine par rapport à celle
de cisplatine-cyclophosphamide (7). L’intergroupe européen et
canadien (OV10) confirme ces données, avec des gains de 10 et
4mois, respectivement (8). Le GOG-132, en revanche, n’a pas
démontré de bénéfice en ajoutant le paclitaxel au cisplatine
(9). Cependant, en l’absence de réponse satisfaisante au cispla-
tine seul, un rattrapage par paclitaxel était fait. Les résultats de
l’ICON 3 ont été publiés cette année (10). Il s’agit d’une étude
randomisée multicentrique (130 centres européens) comparant
un bras expérimental par carboplatine-paclitaxel à un bras
standard comprenant soit du carboplatine seul aux mêmes
doses, soit du carboplatine associé au cyclophosphamide et à
la doxorubicine (tableau I). Entre février 1995 et octobre
1998, 2 074 patientes ont été incluses. La survie globale à deux
ans est de 62,6 % dans le groupe paclitaxel-carboplatine et de
62 % dans le groupe contrôle ; le gain de survie médiane est de
0,7 mois (36,1 mois vs 35,4 mois) en faveur du bras paclitaxel-
carboplatine. Les différences ne sont pas significatives.
Curieusement, le taux de réponse n’est pas un objectif de cette
étude. Cela est dommage car il survient plus de rechutes dans
le bras standard, et un tiers de ces rechutes sont rattrapées par
le paclitaxel à la première progression (et probablement beau-
coup plus après, mais cela n’est pas indiqué dans l’article). Or,
on sait que le paclitaxel reste actif, quelle que soit la ligne de
traitement. Ainsi, dans les essais récents portant sur les
taxanes, les taux de survie du bras standard augmentent du fait
de l’utilisation, rendue nécessaire par l’éthique, des taxanes en
cas de rechute. Cela démontre qu’en fait, une chimiothérapie
séquentielle par carboplatine puis par paclitaxel est aussi effi-
cace que l’association paclitaxel-carboplatine. Cependant,
compte tenu du nombre important de rechutes, la chimiothéra-
pie séquentielle allonge considérablement le temps de traite-
ment des patientes et, finalement, altère leur qualité de vie. De
plus, l’association paclitaxel-carboplatine est plus rapidement
efficace qu’une monothérapie par carboplatine, ce qui est
important chez des patientes symptomatiques au moment du
diagnostic.
Au bout du compte, les données actuelles sont insuffisantes
pour modifier le standard actuel associant en première ligne le
paclitaxel et le carboplatine.
Le standard de chimiothérapie intraveineuse en pre-
mière ligne reste l’association paclitaxel-carboplatine
Paclitaxel ou docétaxel ?
En 2001, des études avaient porté sur la comparaison du pacli-
taxel et du docétaxel en association avec le carboplatine. Les
résultats, bien que préliminaires, avaient permis de conclure à
une efficacité similaire mais à des profils de toxicité différents,
avec une neurotoxicité plus importante pour le paclitaxel et
une myélotoxicité plus forte pour le docétaxel. Les résultats,
présentés dans le tableau II, ont été actualisés cette année avec
un suivi médian de 21 mois (11). Ils ne montrent toujours
aucune différence significative entre les deux taxanes. Les taux
de réponse sont de 62 % dans le bras paclitaxel contre 65 %
dans le bras docétaxel. Les survies sans progression sont de
15,4 et 15,1 mois, alors que les survies globales à 2 ans sont de
69,8 % contre 65,7 %, respectivement. En utilisant le score de
qualité de vie de l’EORTC (QLQ C30), il n’est pas observé de
différence significative entre les deux types de taxanes. Le
docétaxel est donc une alternative validée au paclitaxel en trai-
tement de première ligne des cancers de l’ovaire. Cependant,
le docétaxel n’a pas l’AMM dans cette indication.
Les trithérapies n’apportent rien
Pas d’intérêt à l’ajout d’un anti-MDR (le PSC 833)
Le gène MDR (multidrug resistance) confère aux cellules can-
céreuses une résistance à de nombreux agents cytotoxiques.
Des inhibiteurs de ce gène ont été développés. Un essai de
phase III a étudié l’ajout d’un de ces composés à une chimio-
thérapie standard (paclitaxel-carboplatine) en traitement de
première ligne de patientes souffrant d’un cancer de l’ovaire à
un stade avancé (12). La dose de paclitaxel dans le bras expéri-
mental avait été réduite à 80 mg/m2. Il n’existe pas de diffé-
rence significative en termes de survie sans progression ou de
survie globale. La seule différence statistiquement significative
concerne les taux de réponse et elle est en faveur du bras de
référence. De plus, le bras expérimental se révèle plus hémato-
toxique.
L’ajout d’épirubicine est-il bénéfique ?
Les résultats préliminaires de l’étude NSGO-EORTC-NCIC
CTG concernant l’intérêt de l’ajout d’épirubicine (75 mg/m2)
r
é
f
l
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ICON 3 (n = 2 074)
Bras Taux de Survie Survie
réponse médiane globale
(mois) à 2 ans (%)
P 175 mg/m2? 36,1 62,6
C AUC5 ou 6 selon clairance
C AUC5 ou 6 selon clairance
ou ? 35,4 62
D 50 mg/m2, Cy 500 mg/m2, Cp 50 mg/m2
Tableau I.
P : paclitaxel, C : carboplatine, D : doxorubicine, Cy : cyclophosphamide,
Cp : cisplatine
Comparaison paclitaxel/docétaxel (n = 1 077)
Bras Taux de Survie sans Survie globale
réponse progression (mois) à 2 ans (%)
P 175 mg/m2, C AUC5 62 % 15,4 69,8
Do 75 mg/m2, C AUC5 65 % 15,1 65,7
Tableau II.
P : paclitaxel, C : carboplatine, Do : docétaxel.