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Actualités dans le cancer de l’ovaire en 2000
! C. Boaziz*
AMÉLIORATION DE LA SURVIE DES PATIENTES TRAITÉES
EN PREMIÈRE LIGNE
L’apport du paclitaxel dans l’amélioration de la survie des cancers de l’ovaire est incontestable. Les résultats apparemment
contradictoires d’ICON 3 présentés à l’ASCO 2000 ne résistent pas à l’analyse critique. On rappelle que cet essai comparait, chez 2 074 patientes, un bras TC (paclitaxel 175 mg/m2
sur 3 heures + carboplatine AUC 5 minimum) à un bras sans
paclitaxel comprenant, selon les centres, carboplatine seul (C)
ou CAP (cyclophosphamide-doxorubicine-cisplatine) (1).
L’actualisation avec un suivi médian de 30 mois ne retrouve
pas de bénéfice en faveur du paclitaxel par rapport au bras
contrôle. L’absence de différence ne remet pas en question
l’apport du paclitaxel, mais souligne l’effet cross-over (introduction du paclitaxel en rechute et souvent même avant la
rechute clinique responsable de l’amélioration de la médiane
de survie du bras contrôle).
On peut d’ailleurs constater, à travers les résultats des essais
cliniques successifs, que la survie des patientes traitées dans le
bras contrôle s’est progressivement améliorée avec la commercialisation du paclitaxel.
Il y a donc une évolution logique : dans le premier essai, GOG
111, les patientes du bras contrôle n’ont pas pu recevoir de paclitaxel en rechute ; la survie du bras contrôle est de 24 mois (2).
Dans l’étude OV10 (Intergroup), les patientes ont pu recevoir
tardivement du paclitaxel lors de la rechute ; la survie est de
25,8 mois (3).
L’essai GOG 132, publié par Muggia dans le Journal of Clinical Oncology de janvier 2000, alimente cette argumentation :
614 patientes évaluables, dont 70 % de stade III, ont reçu en
première ligne, et après randomisation, 6 cures soit de cisplatine 100 mg/m2 ou de paclitaxel en perfusion de 24 heures, soit
de l’association paclitaxel (135 mg/m 2) + cisplatine
(75 mg/m 2). Les monothérapies ont été plus fréquemment
interrompues que l’association. Les patientes traitées par
l’association ont donc eu plus de cycles.
Les bras avec platine se révèlent supérieurs au bras paclitaxel
seul, confirmant le rôle essentiel d’un sel de platine en première intention. En revanche, on peut s’étonner de l’absence
de différence entre platine seul et platine associé au paclitaxel.
En fait, ici comme pour le bras contrôle d’ICON 3, le bras platine correspond à une administration séquentielle de platine
puis de paclitaxel souvent même avant la rechute (4).
* 6, avenue Charles-Péguy, 95100 Sarcelles.
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Ce concept de traitement séquentiel avec une nouvelle molécule active fait l’objet d’un essai du groupe GINECO évaluant,
en première ligne, 6 cycles de TC plus ou moins 4 cycles de
topotécan (TOP).
Dans les stades précoces, l’intérêt du traitement adjuvant fait
toujours l’objet de questions dans les formes à risque élevé, Ic,
II, et Ia, Ib d’histologie défavorable.
Dans le numéro spécial de Seminars in Oncology de juin 2000,
coordonné par Ozols, on peut retenir l’essai randomisé de
Young comparant 3 et 6 cycles de TC (paclitaxel 175 mg/m2
sur 7 heures et carboplatine AUC 7,5) chez 331 patientes après
une chirurgie optimale pour un stade II (32 %) ou Ic, Ia, Ib peu
différencié (68 % des cas). Avec un suivi médian de 3 ans, la
survie sans récidive est de 88 % dans les deux bras. Un recul
plus important est nécessaire pour mettre en évidence une différence éventuelle (5).
Un essai du GOG est en cours, évaluant, dans les stades précoces, 3 cycles de TC suivis ou non de paclitaxel hebdomadaire pendant 24 semaines.
QUEL SEL DE PLATINE À L’AVENIR ?
J.L. Misset a présenté à l’ASCO une étude comparant OXC
(oxaliplatine 130 mg/m2, cyclophosphamide 1 000 mg/m2) et
CPC (cisplatine 100 mg/m2, cyclophosphamide 1 000 mg/m2)
toutes les trois semaines pendant 6 cycles chez 182 patientes
ayant un cancer ovarien de stade IIc, III ou IV.
Les taux de réponse évalués par laparotomie sont respectivement de 67 % et 64 % pour CPC et OXC.
La tolérance est globalement en faveur de l’oxaliplatine en
termes d’anémie, de neutropénie et de nausées et vomissements de grades 3-4.
L’incidence globale des neuropathies périphériques est supérieure avec l’oxaliplatine, mais il faut noter que la toxicité neurologique de grades 3-4 est quasi inexistante (1 %). Les survies
sans récidive et globales ne diffèrent pas significativement (6).
EN SITUATION DE RECHUTE
En situation de rechute, l’oxaliplatine, le topotécan et la doxorubicine liposomale, qui est la révélation 2000, ont des activités comparables.
M. Piccart rapporte, dans le Journal of Clinical Oncology de
mars 2000, l’équivalence des taux de réponse et de survie chez
des patientes ayant reçu une à deux lignes d’un sel de platine et
traitées, après randomisation, par paclitaxel 175 mg/m2 ou oxaliplatine 130 mg/m2. Les profils de tolérance sont équivalents (7).
La Lettre du Cancérologue - volume IX - n° 6 - décembre 2000
Le topotécan a montré une activité au moins équivalente à
celle du paclitaxel en deuxième ligne. Le taux de réponse varie
selon la sensibilité préalable au platine. Il est de l’ordre
de 13 % chez les patientes réfractaires ou lourdement prétraitées, et va jusqu’à 29 % après un long intervalle libre.
Mac Guire a récemment publié une étude du GOG chez
46 patientes traitées par topotécan en première intention pour
une rechute survenant plus de 6 mois après l’administration de
sels de platine. Le taux de réponse est de 33 %, avec une durée
médiane de 11,2 mois. Une stabilisation est constatée dans
48 % des cas (8).
L’utilisation du topotécan en deuxième ligne pourrait être une
alternative à la reprise du platine chez les patientes sensibles,
permettant ainsi d’augmenter l’intervalle libre sans platine.
Cette question fait l’objet d’un essai randomisé de la Fédération française d’oncologie évaluant le topotécan versus TC en
rechute tardive.
La doxorubicine liposomale est efficace dans les rechutes survenant dans les 6 mois suivant un traitement par platine, avec
23 % de réponses et un temps avant progression de
28 semaines (ASCO 1999). Une étude de phase III présentée à
l’ASCO 2000 compare doxorubicine 50 mg/m2/j sur 1 heure
toutes les 4 semaines et topotécan 1,5 mg/m2/j de J1 à J5 toutes
les 3 semaines chez 474 patientes prétraitées par platine, dont
254 réfractaires au platine.
Sur l’ensemble de la population, les traitements sont équivalents
en termes de taux de réponse (20 % de réponses objectives avec
doxorubicine et 17 % avec topotécan) et de survie (les médianes
de survie sont respectivement de 53,4 et de 51,1 semaines). Il
faut noter que, chez les patientes préalablement sensibles au platine, la survie est augmentée significativement avec la doxorubicine (86,1 contre 63,6 semaines, p = 0,012).
Les érythrodysesthésies palmoplantaires représentent la toxicité la
plus fréquemment responsable de l’arrêt de la doxorubicine (9).
Un essai du groupe GINECO évalue l’association paraplatinedoxorubicine dans les rechutes après 6 mois, après une ou
deux lignes ayant inclus des sels de platine.
La gemcitabine est active chez les patientes réfractaires au platine, avec environ 19 % de réponses. En première ligne, son
association au carboplatine et au paclitaxel, testée en phase I, a
donné des résultats encourageants en termes de réponses complètes (14 patientes sur 24) (10). Un essai du groupe GINECO
évalue l’association oxaliplatine-gemzar en rechute précoce
après taxanes et platine.
L’administration hebdomadaire du paclitaxel dans les cancers
ovariens fait l’objet d’une revue dans le numéro de Seminars
in Oncology de juin 2000. Certaines réponses après échec du
schéma 3 semaines ont été constatées. Les doses de l’ordre de
60 mg/m2 donnent 22 % à 29 % de réponses dans des cas résistants au platine. La tolérance est meilleure qu’avec l’administration toutes les 3 semaines (11).
Cela est confirmé à l’ASCO chez 208 patientes prétraitées par
au moins une ligne avec platine. L’administration de paclitaxel
hebdomadaire à la dose de 67 mg/m2 sur 3 heures donne significativement moins de neutropénies de grades 3-4 (18 % contre
45 %, p < 0,001), de neuropathies périphériques (11 % contre
La Lettre du Cancérologue - volume IX - n° 6 - décembre 2000
29 %, p < 0,001) et d’alopécie (46 % contre 79 %, p < 0,001)
que 200 mg/m2 sur 3 heures toutes les 3 semaines (12).
L’éventail des molécules actives s’élargissant, seule l’évaluation dans le cadre de protocoles multicentriques pourra déboucher sur des stratégies et des schémas optimaux.
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1. Colombo N. Randomised trial of paclitaxel and carboplatin versus a control
arm of carboplatin or CAP (cyclophosphamide, doxorubicin and cisplatin) : the
Third International Collaborative Ovarian Neoplasm Study (ICON 3). Proc Am
Soc Clin Oncol 2000 ; 19 : 380a (abstr. 1500).
2. Mc Guire WP, Hoskin WJ, Brady MF et al .Cyclophosphamide and cisplatin
compared with paclitaxel and cisplatin in patients with stage III and IV ovarian
cancer. N Engl J Med 1996 ; 334 : 1.
3. Stuart G, Bertesen K, Mangioni C et al. Updated analysis shows a highly
significant improved overall survival (OS) for cisplatin-paclitaxel as first line
treatment of advanced ovarian cancer. Mature results of the Scottish Intergroup
Trial. Proc Am Soc Clin Oncol 1998 ; 17 : 1394a.
4. Muggia F et al. Phase II randomised study of cisplatin versus paclitaxel versus cisplatin and paclitaxel in patients with suboptimal stage II or IV ovarian
cancer : a Gynecologic Oncology Group Study. J Clin Oncol 2000 ; 18 : 106-15.
5. Young RC. Three cycles versus six cycles of adjuvant paclitaxel-carboplatin
in early stage ovarian cancer. Semin Oncol 2000 ; 17 (suppl. 7) : 1-2.
6. Misset JL. Multicenter phase II/III study of oxaliplatin plus cyclophosphamide versus cisplatin plus cyclophosphamide. Proc Am Soc Clin Oncol 2000 ;
19 : 380 1502a.
7. Piccart M. Oxaliplatin or paclitaxel in patients with platinium-pretreated
advanced ovarian cancer : a randomised phase II study of the European Organisation for Cancer Research. J Clin Oncol 2000 ; 18 : 1193-202.
8. Mac Guire P. Topotecan has substantial antitumor activity as first line salvage therapy in platinium-sensitive epithelial ovarian carcinoma : a Gynecologic Oncology Group Study. J Clin Oncol 2000 ; 18 : 1062-7.
9. Interim analysis of a phase III randomised trial of doxil/Caelyx® versus topotecan in patients with related ovarian cancer. Proc Am Soc Clin Oncol 2000 ;
19 : 380 1504a.
10. Ozols RF. The role of gemcitabine in the treatment of ovarian cancer.
Semin Oncol 2000 ; 27 : 40-3.
11. Markman M. Weekly paclitaxel in the management of ovarian cancer.
Semin Oncol 2000 ; 17 (suppl. 7) : 37-41.
12. Handerson H. An update analysis of a randomised study of single agent
paclitaxel given weekly vs every 3 weeks to patients with ovarian cancer treated
with prior platinium therapy. Proc Am Soc Clin Oncol 2000 ; 19 : 380 1505a.
Que retenir...
E. Pujade-Lauraine
Hôtel-Dieu, Paris
• L’essai ICON 3 confirme que, depuis l’arrivée du paclitaxel, la
médiane de survie des patientes porteuses d’un cancer de l’ovaire
avancé atteint 3 ans (contre 2 ans avant le paclitaxel), et ce que les
patientes soient traitées d’emblée par carboplatine-paclitaxel ou par
carboplatine seul (suivi de paclitaxel). Ces résultats montrent les
gros progrès réalisés dans le cancer de l’ovaire, et soulignent l’intérêt potentiel de stratégies basées sur des traitements séquentiels.
• La doxorubicine et l’oxaliplatine ont rejoint le topotécan et le
paclitaxel parmi les grandes molécules efficaces contre le cancer de
l’ovaire grâce à des essais de phase II randomisés convaincants en
deuxième ligne. Déterminer leur place dans la stratégie des cancers
de l’ovaire est l’objet de tous les efforts des essais nationaux et
internationaux.
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