FEV 98 MEP 27/04/04 12:29 Page 3607 Revue de presse Anorexie : l’efficacité à long terme des psychothérapies Londres (Grande-Bretagne) Quatre-vingt patientes (57 anorexiques, 23 boulimiques) ayant bénéficié d’une psychothérapie ambulatoire d’une durée d’un an après une hospitalisation favorable (poids), ont été évaluées juste après la psychothérapie puis 5 ans plus tard, selon la même méthode : pesée et entretien structuré (Morgan-Russell) recensant de l’information sur la nutrition, le cycle menstruel, l’état psychique, l’adaptation psycho-sexuelle, le statut socio-économique. L’objectif à un an était de comparer les mérites respectifs de la thérapie familiale (TF) et de la thérapie individuelle (TI). L’objectif à cinq ans était d’apprécier le maintien des résultats à long terme (Family and individual therapy in anorexia nervosa. A 5-year follow-up, Arch. Gen. Psychiatry, 1997, 54 : 10251030). I. Eisler et coll. ont réparti leur cohorte au hasard en 2 groupes (TF et TI) puis en 4 sous-groupes : anorexie précoce de courte durée (APCD), anorexie précoce de longue durée (APLD), anorexie tardive (AT), boulimie de faible poids (B). Les 2 psychologues évaluateurs n’ont pas participé aux psychothérapies. L’analyse des données permet un classement des résultats des traitements en 3 catégories selon l’état général des patientes (bon : poids et cycle menstruel normaux ; moyen : poids normal, aménorrhée persistante ; faible : écart de poids supérieur à 15 % par rapport au poids normal moyen, ou développement de symptômes boulimiques) et selon les 5 dimensions cliniques de Morgan-Russell. Les résultats à un an confirment et affinent les données de travaux antérieurs. Les résultats à 5 ans affirment le maintien, voire l’amélioration des résultats à un an : 1) Amélioration générale et significative à 5 ans, même pour les résultats faibles à 1 an (le rôle de l’évolution naturelle semble donc non négligeable). 2) TF > TI pour l’APCD, surtout pour le poids et le cycle menstruel : la TF se confirmerait donc comme le traitement de choix des anorexiques adolescentes (18 ans au plus et moins de 3 ans d’anorexie). 3) APLD et B : résultats plutôt faibles. 4) TI > TF pour A1 (> 18 ans) surtout pour l’état mental et l’adaptation psychosexuelle. 5) Il n’existe pas de corrélation entre le niveau familial d’Emotion Exprimée (marotte anglo-saxonne ?) et les résultats à 5 ans. Attention : les effectifs par sousgroupes sont faibles et l’information sur ce qui s’est fait thérapeutiquement entre 1 et 5 ans est imparfaite. Mots-clés : Anorexie, Psychothérapie familiale, Psychothérapie individuelle. Ch. L. Hôpital de jour : facteurs prédictifs de la durée de séjour Londres (Grande-Bretagne) Sensés limiter les effets de l'aliénation institutionnelle, les hôpitaux de jour permettent de proposer des prises en charge structurées qui représentent une réelle alternative à l'hospitalisation temps plein. Cependant, derrière ces déclarations d'intention qui ont des accents de langue de bois, se cachent des difficultés pour objectiver les bénéfices attendus de cet outil de qualité ; en particulier, beaucoup de centres accueillent des malades pour des séjours prolongés ce qui retentit sur leur fonctionnement. Devant ce constat, S. Shergill et coll. ont tenté d'identifier une sorte de profil typique des patients 3607 qui pouvaient le plus bénéficier d'un séjour limité dans le temps en hôpital de jour. Dans cette étude prospective, les caractéristiques socio-démographiques, cliniques et diagnostiques qui peuvent avoir une influence sur la durée de séjour ont été évaluées à l'entrée, et après 6 semaines de soins, à l'aide de 4 échelles : l'échelle abrégée d'évaluation psychiatrique (BPRS), de dépression de Beck, d'évaluation globale de fonctionnement (GAF) et le questionnaire de fonction sociale. Les 57 malades, âgés en moyenne de 37 ans, sont admis dans ce centre pour des moments féconds schizophréniques (36 %), des troubles de l'humeur à tonalité dépressive (30 %) ou bipolaire (16 %), et des perturbations de la personnalité (16 %). Si dans leur totalité les échelles confirment l'amélioration clinique des patients après 6 semaines d'hospitalisation, en particulier pour les sujets vivants isolés (50 %), seuls les scores à la GAF permettent de prévoir la durée de séjour approximative ; cette échelle d'évaluation dite globale, qui permet de réaliser une estimation des symptômes, du comportement et du niveau de fonctionnement des patients, reflète ici de manière assez fidèle le besoin en soins : les patients souffrant de dépressions avec un score élevé à la GAF font un séjour bref ; au contraire, l'association d'un faible score et du diagnostic de trouble de la personnalité permet de prévoir un séjour prolongé en hôpital de jour. Finalement, en tenant compte des limites des résultats de cette étude, les auteurs se demandent si cet outil est réellement le plus adapté à certaines prises en charge au long cours (Predictors of length of stay in day hospital patients, Psychiatric Bulletin, 1997, 21 : 760-763). P.B. Mots-clés : Hôpital de jour, Troubles de la personnalité, Durée séjour. FEV 98 MEP 27/04/04 12:29 Page 3608 Revue de presse Dépression majeure : deux thérapies valent mieux qu’une Pittsburgh (Etats-Unis) La méta-analyse des données originales de 595 patients dépressifs majeurs inclus dans 6 études standardisées de protocoles thérapeutiques réalisées entre 1982 et 1992 a permis d’obtenir une cohorte à la fois plus vaste et plus hétérogène en termes de caractéristiques socio-culturelles et de variables évaluées, que ne pourrait le permettre une étude isolée. Diagnostic : trouble dépressif majeur primaire, non bipolaire, non psychotique, sans comorbidité (DSM III et DSM III-R) ; score > 14 à l’échelle de Hamilton, passée après une fenêtre thérapeutique de 14 jours. Age moyen : 44 ans ; 31 % de femmes, 69 % d’hommes. L’objectif général de M.E. Thase et coll. (Treatment of major depression with psychotherapy or psychotherapy-pharmacotherapy combinations. Arch. Gen. Psychiatry, 1997, 54 : 1009-1015) est de comparer l’efficacité respective de la psychothérapie (P) à l’association psychothérapiepharmacothérapie (APP). Tous les patients ont reçu 16 semaines de traitement ; 243 une psychothérapie seule, soit cognitivo-comportementale (TCC), soit interpersonnelle de soutien (TIS) ; 352 l’association antidépresseur + thérapie interpersonnelle. La guérison est définie comme l’observation d’une période de 4 semaines avec un score < 7 à la Hamilton, se maintenant jusqu’à la 16e semaine. Résultats : 1) Les auteurs présentent leur étude comme la démonstration la plus probante à ce jour de la supériorité de l’APP sur la P seule dans le traitement ambulatoire des dépressions les plus sévères et récurrentes tant en termes de taux de guérison que de rapidité de la rémission. 2) Il n’y a pas de différence pour les dépressions dites moyennes ; ainsi Act. Méd. Int. - Psychiatrie (15), n°207, Février 1998 en ambulatoire pour la dépression “moyenne” l’APP ou la pharmacothérapie seule ne se justifieraient pas en première intention pour la majorité des patients si une TCC ou une TIS peut être proposée. 3) Les femmes et les sujets âgés obtiennent des résultats moins favorables. 4) Il n’y a pas de corrélation entre le résultat et l’âge au premier épisode ou le nombre d’épisodes antérieurs. Attention : les taux de guérison sont faibles (de 23 à 51 % selon les études ; pas de données sur l’association TCC + antidépresseurs ; pas de données sur l’APP-vs pharmacothérapie seule. Ch. L. Mots-clés : Dépression majeure, Psychothérapie, Pharmacothérapie. monaire d'antidépresseurs est donc déplacée par d'autres antidépresseurs avec une augmentation des concentrations plasmatiques qui peut avoir des conséquences éventuellement toxiques. Sans nous tenir en haleine, ces résultats aux implications cliniques évidentes font souffler un vent de renouveau dans la recherche en psychopharmacologie. P.B. Mots-clés : Poumon, Imipramine, Sérotonine. Clomipramine, Infections au cours du premier trimestre de grossesse et psychoses cycloïdes Wuerzburg (Allemagne) Le poumon, le poumon vous dis-je Chiba (Japon) A vous couper le souffle ! Les poumons fonctionnent probablement comme un réservoir pour les antidépresseurs qui ont une affinité forte pour la sérotonine. Inspirés par quelques travaux antérieurs, réalisés surtout chez le rat, les chercheurs japonais à l'origine de cette étude : T. Suhara et coll. (Lung as reservoir for antidepressants in pharmacokinetic drug interactions, 1998, The Lancet, 1998, 351 : 332-335). Ils ventilent les volontaires sains, qui ne manquent pas d'air, en 2 groupes afin de réaliser des dosages d'imipramine marquée dans le cerveau et dans le poumon. Résultats à l'expiration de ce travail : une forte proportion de dérivé imipraminique marqué se fixe dans les poumons (68 à 86 %) et l'administration de clomipramine diminue cette accumulation pulmonaire de plus de 40 %. Par contraste, le taux cérébral d'antidépresseur oscille entre 1,7 et 2 % et augmente aux environs de 5 % suite à l'administration de clomipramine. Cette réserve pul- 3608 Plusieurs études épidémio-cliniques et morphométriques cérébrales plaident en faveur de l’hypothèse neuro-développementale de certains troubles mentaux (schizophrénie, PMD). Selon cette théorie, les complications obstétricales pré- et péri-natales, ainsi que les infections virales induiraient des anomalies neuro-organiques fœtales pendant la grossesse et contribueraient plus tard au développement de désordres mentaux. Partant de ces données, Stöber et coll. ont présenté les résultats d’une enquête originale auprès de mères de sujets atteints de troubles mentaux. L’objectif de ce travail était de confirmer ou d’infirmer l’existence de corrélation entre certaines pathologies psychiatriques constatées chez l’adulte jeune et une éventuelle atteinte neuro-anatomique précoce liée soit à une agression virale pendant le premier trimestre de grossesse soit à des complications obstétricales (First-trimester maternal gestational infection and cycloïd psychosis. Acta Psychiatr. Scand., 1997, 96 : 319324). Ainsi, à l’aide d’entretiens et FEV 98 MEP 27/04/04 12:29 Page 3609 d’évaluations standardisés, les auteurs ont pu sélectionner 120 mètres. Ils les ont réparties ensuite en 3 groupes “homogènes” de 40 personnes chacun (le premier regroupe des mères de patients présentant une psychose cycloïde, le deuxième une PMD, et le troisième est un groupe contrôle indemne de tout désordre mental avéré). Aucune relation statistiquement significative n’a été trouvée entre le groupe PMD et des atteintes maternelles au cours du premier trimestre qu’elles soient liées à des agressions infectieuses ou inhérentes à des complications obstétricales. Par contre, pour le groupe des psychoses cycloïdes, les auteurs ont noté une corrélation positive entre ce groupe et des infections maternelles constatées au cours du premier trimestre de grossesse mais non avec les complications obstétricales. Ce résultat a fort logiquement inspiré le titre de cet article. Mais, en fait, qu’est-ce qu’une psychose cycloïde ? Ces psychoses sont décrites par Léonard dès 1954 à partir des travaux de Schröder et de Kleist (“psychoses dégénératives”, “psychoses métaboliques”, et “psychoses phasophréniques”) et reprises en 1974 par Perris. Elles sont principalement caractérisées par la survenue d’états psychotiques aigus périodiques évoluant généralement selon des dimensions bipolaires : agitation-ralentissement ; anxiété-élation et akinésie-hyperkinésie). Autrement dit, c’est une entité hybride empreintant d’une part, la bipolarité et la cyclicité à la PMD mais pas les troubles de l’humeur, et d’autre part les troubles de la pensée (confusion psychotique) à la schizophrénie. Nous avons assisté ces dernières années à une efflorescence de travaux concernant l’hypothèse neurodéveloppementale des troubles mentaux. Leurs résultats sont souvent contradictoires. Outre les critiques légitimes de l’enquête rétrospective utilisée dans l’actuel travail (entretiens vingt ans ou plus après la grossesse), c’est le recours au concept de psychoses cycloïdes qui rend les conclusions floues et inutilisables à l’heure où tout le monde ou “presque” utilise le DSM IV. M. Bouzekraoui Mots-clés : Psychoses cycloïdes, PMD, Infection gravidique, Complications obstétricales. Apologie d'une affaire de famille : la dépression Une revue de la littérature à propos de la dépression chez l'enfant, réalisée il y a 20 ans, concluerait à un diagnostic “hâtif, prématuré et à un traitement sans garantie” selon S.V. Faraone, car à cette époque la dépression de l'enfant était décrite par les auteurs anglo-saxons comme une phase du développement, ou un symptôme qui cachait d'autres problèmes (A family affair, The Lancet, 1998, 351 : 1581). Que les troubles dépressifs aient des caractéristiques familiales et une composante génétique, au sein d'une étiologie complexe, tient désormais du truisme ; si les parents déprimés ne sont pas les seuls à engendrer des enfants tristes, les plus jeunes ne sont pas pour autant épargnés : la dépression de l'enfance peut donc être l'expression précoce d'une forme de ce trouble bien connu chez l'adulte. Selon M.M. Weissman et coll., la controverse à propos de l'émergence de ces troubles dépressifs durant les phases prépubertaires est liée à la comorbidité fréquente, car la dépression juvénile prend rarement des formes pures (Offspring of depressed parents : 10 years later, Archives General Psychiatry, 1997, 54 : 932-942). 83 % des enfants déprimés à haut risque présentent aussi des troubles anxieux ou une appé- 3609 tence pour les toxiques, sans écarter les troubles hyperactifs avec déficit de l'attention qui semblent souvent précéder l'apparition des signes dépressifs. Les données actuelles justifient donc cette nouvelle maxime : les enfants anxieux et présentant des troubles du comportement avec turbulence qui remplissent les critères de troubles dépressifs.... sont probablement déprimés ! La méconnaissance de la dépression de l'enfant n'est pas uniquement alimentée par la comorbidité psychiatrique ; sa présentation clinique peut paraître atypique si l'on s'en réfère aux standards de l'adulte : les enfants déprimés sont souvent plus irritables que tristes, selon une évolution sub-aiguë, sans rémissions, ce qui complique le diagnostic différentiel. Si les cliniciens avisés ne sont pas dupes, plus d'un tiers des enfants à haut risque ne sont toujours pas pris en charge pendant la période de suivi de leurs parents déprimés, ce en dépit des perturbations familiales (Weissman). Les implications pratiques sont importantes et dépassent la polémique idéologique car l'identification précoce des troubles dépressifs chez ces enfants permet de mettre en œuvre des mesures préventives dont l'efficacité est reconnue (V. Beardslee : Sustained change in parents receiving preventive interventions for families with depression, Am. J. Psychiatry, 1997, 154 : 510-15). En somme, le diagnostic et le traitement des dépressions devraient enfin être considérés comme une affaire de famille. P.B. Mots-clés : Troubles dépressifs, Enfant. Imprimé en France - Differdange S.A. 95110 Sannois - Dépôt légal 1er trimestre 1998. © Décembre 1984 - Médica-Press International S.A.