Un Français sur cinq touché par la dépression - Inter

Un Français sur cinq touché par la dépression.
Catherine PETITNICOLAS - Publié le 16 octobre 2007
L'association France dépression veut lutter contre les a priori et la stigmatisation
dont les patients sont l'objet.
PLUS de trois millions de Français sont submergés chaque année par les ravages de la
dépression, un mal qui ne cesse de progresser avec la précarité, la solitude, l'avancée en âge.
C'est le trouble mental le plus répandu dans les sociétés occidentales, ont pointé les
psychiatres lors de la quatrième journée européenne organisée la semaine dernière à Paris à
l'initiative de France-Dépression (1). Une association composée de patients, de famille et de
médecins.
D'après le ministère de la Santé, près d'une personne sur cinq aura à subir au cours de son
existence les affres de cette indicible souffrance morale qui vous laisse K.-O. debout, avec
une intense dévalorisation de soi, une perte de toutes ses capacités habituelles et une seule
envie, celle d'en finir.
Les Français ont une perception du phénomène qui majore les chiffres officiels, puisque 35 %
d'entre-eux, interrogés par le Credoc, estiment avoir déjà souffert d'une dépression.
Elle frappe en fait près de 8 % de la population de 15 à 75 ans en France, avec deux classes
d'âge plus à risques : les 18 - 25 ans dans les deux sexes, les hommes de 35 à 44 ans, les
femmes de 45 à 54 ans.
Plusieurs enquêtes mettent en évidence une prévalence plus importante chez les personnes au
chômage ou chez celles qui vivent dans des conditions précaires. Analysant les rapports entre
notre culture contemporaine axée sur la performance, l'individualisme et la dépression, le P
r
Didier Sicard, président du Comité d'éthique, estime que la société actuelle fait le lit de la
maladie. « On ne prend pas assez en cause les conditions de contrainte que vivent les salariés
face à des situations de harcèlement moral, de menace de licenciement ou d'exclusion si
fréquentes », dénonce-t-il.
« Des réponses graduées ».
En outre, cette longue descente aux enfers suscite encore beaucoup trop d'incompréhension,
voire de stigmatisation et de rejet. Elle reste de surcroît encore trop mal diagnostiquée et trop
peu prise en charge. « Seule la moitié des malades ont accès au système de soins et parmi
ceux-ci, 50 % seulement recevraient un traitement adéquat », affirme le P
r.
Emmanuelle
CORRUBLE, chef du service de psychiatrie au CHU de Bicêtre. Pour plusieurs raisons. À
commencer par le fait que la grande majorité des patients vont consulter leur généraliste. Or
celui-ci n'a souvent ni le temps ni la formation suffisante pour les traiter correctement. Mais
cette spécialiste se garde bien de mettre en cause les médecins de ville. Bien au contraire : « Il
faut bien souvent de trois-quarts d'heure à une heure pour bien poser le diagnostic, une durée
bien trop longue pour le généraliste qui ne peut y consacrer autant de temps ».
Autre problème mis en avant par le P
r.
CORRUBLE, « le fait que les antidépresseurs soient
prescrits à dose insuffisante et pour une période trop courte ». Mais on ne saurait pour autant
oublier la prise en charge psychologique. « Psychothérapie seule pour les troubles dépressifs
légers, résume-t-elle. Mais en revanche, c'est une faute de ne proposer qu'une psychothérapie
isolée en cas d'épisode modéré à sévère. » Il faut obligatoirement y adjoindre une prescription
adaptée d'antidépresseurs. « Des travaux récents ont montré qu'ils interviennent sur la
neuroplasticité cérébrale », précise le P
r
Jean-Pierre OLIE, chef de service au centre
hospitalier Sainte-Anne à Paris. « Lors d'une dépression, la fabrication de nouveaux neurones
est ralentie essentiellement au niveau du cortex préfrontal et du cerveau émotionnel, ajoute-t-
il. Mais sous antidépresseurs tout comme d'ailleurs sous psychothérapie, de nouveaux
neurones réapparaissent ».
La psychothérapie reste complémentaire des traitements médicamenteux. « À condition
d'avoir au préalable évalué les degrés de souffrance du patient afin de lui proposer des
réponses adaptées et graduées, estime le P
r.
Frédéric ROUILLON, chef de service de
psychiatrie à l'hôpital Sainte-Anne à Paris. Mais cette thérapie doit être réalisée par des
professionnels dûment formés et non pas par des psychothérapeutes autoproclamés. » Il
plaide aussi pour que « le patient soit réellement informé par son thérapeute des résultats
escomptés et des délais nécessaires pour les obtenir ».
Désireux d'éviter des surprises désagréables à la personne en quête de « soutien par la
parole », il insiste aussi pour que « le prix de la consultation et le mode de règlement soient
bien précisés. Rien ne devrait d'ailleurs s'opposer au règlement par chèque ». Enfin, il
souhaite que les jeunes psychiatres mais également les jeunes psychologues « puissent
bénéficier d'un véritable cursus de formation, axé sur les multiples pratiques et que celles-ci
soient correctement évaluées ».
(1) Renseignements : www.france-depression.org
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