PANCRASCOPIE N¡18

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Interview
Pancréatites et mucoviscidose
es mutations responsables de mucoviscidose sont multiples
et pas toujours connues. Les tableaux cliniques en résultant
peuvent être très variés, d’où les difficultés diagnostiques. Le
Professeur Jean-Pierre Cézard (service de gastro-entérologie pédiatrique, Hôpital Robert Debré, Paris) expose les différentes affections pancréatiques observées chez le patient atteint de mucoviscidose en nous expliquant que l'allongement de la durée de vie
de ces malades induit la nécessité d'une prise en charge par les
gastro-entérologues « adultes ».
Pancréascopie : Observez-vous des
poussées de pancréatite aiguë ?
Pr J-P. Cézard :
Pancréascopie : Au cours de la
mucoviscidose, quelles sont les
manifestations cliniques de l'atteinte pancréatique ?
Pr J-P. Cézard : La mucoviscidose
mesure de l’excrétion fécale des
graisses avant et après la supplémentation, mais surtout sur la croissance
des enfants en poids et taille.
Pancréascopie : Quelles mesures
thérapeutiques êtes-vous amené à
prendre ?
Pr J-P. Cézard : Les cas de pancréa-
« typique », qu'elle soit homozygote
delta F508 ou hétérozygote delta F508
associée à une mutation sévère, se traduit par une atteinte respiratoire
sévère et, dans environ 85 % des cas,
par une insuffisance pancréatique
secondaire à l’absence de pancréas
exocrine dès la naissance. En l’absence
de pancréas exocrine, les patients ne
développent pas de pancréatite.
La prescription d’enzymes pancréatiques est nécessaire dans le cadre
d'une insuffisance pancréatique exocrine. Son bénéfice est apprécié par la
Au cours de la mucoviscidose sévère, l’atteinte pancréatique s’exprime par une
insuffisance pancréatique
secondaire à l’absence du
pancréas exocrine.
L
Pancréascopie : Quels sont alors les
signes radiologiques ?
Pr J-P. Cézard : La dégénérescence du
pancréas peut se voir à l'échographie,
au scanner ou à l'IRM. Le pancréas est
de petite taille, atrophique, hétérogène
du fait de la fibrose.
LES MUTATIONS DE LA MUCOVISCIDOSE
Plus de 750 mutations ont été décrites sur le gène CFTR (Cystic
Fibrosis Transmembrane conductence Regulator), gène responsable de
la mucoviscidose.
Dans environ 80 % des cas, il existe une mutation delta F508, notamment en Europe du Nord.
Les mucoviscidoses homozygotes delta F508 (c'est-à-dire avec la
même mutation sur les 2 chromosomes) représentent 40 % des
mucoviscidoses.
Restent 40 à 45 % qui sont delta F508 hétérozygotes avec une autre
mutation variable (dans le cadre des 750 décrites). Ces mutations
peuvent être, d'une part, des mutations « non-sens » ou des mutations « faux sens » qui aboutissent à l'absence totale de synthèse de
la protéine CFTR et donc à une mucoviscidose sévère ou grave.
D’autre part, ces mutations peuvent être à l’origine d’une diminution de la synthèse de la protéine CFTR ou d’une synthèse normale
d'une protéine dysfonctionnelle.
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Parmi les enfants atteints de mucoviscidose (homozygotes delta F508 ou
hétérozygotes delta F508), un petit
nombre, environ 5 %, sont suffisants
pancréatiques. Ils sécrètent alors des
enzymes pancréatiques en quantité suffisante. Chez ces patients, des poussées
de pancréatite aiguë peuvent être
observées.
tites aiguës sont traités comme toutes
les pancréatites, qu'elles soient aiguës ou
chroniques avec poussée aiguë. Le traitement consiste en la mise au repos du
pancréas exocrine et en des antalgiques
jusqu'à l’obtention d’une baisse suffisante des enzymes pancréatiques. Une
fois ce résultat obtenu, un régime sans
graisse peut être réintroduit.
Pancréascopie : L'allongement de
la durée de vie de ces malades va-telle provoquer la nécessité d'une
prise en charge par les gastro-entérologues « adultes » ?
Pr J-P. Cézard : Absolument, puisque
l’espérance de vie des mucoviscidoses
« sévères » est de 29 à 30 ans et celle
des mucoviscidoses dites « atypiques »
peut atteindre 70 ans.
Les gastro-entérologues « adultes »
sont donc amenés à faire le diagnostic
de mucoviscidose atypique chez un
patient ayant atteint l’âge adulte, et à
prendre en charge des mucoviscidoses
sévères après 18 ans.
Pancréascopie : Où en est-on de la
description du polymorphisme
génétique de cette affection ?
Pr J-P. Cézard : Plus de 750 mutations
ont été identifiées. Quelques-unes sont
fréquentes, les plus fréquentes étant
celles aboutissant à la mucoviscidose
« classique ». En revanche, on sait main-
Interview
tenant qu’un certain nombre de mutations peuvent donner des formes atypiques.
Ce sont ces formes qui posent problème surtout aux gastro-entérologues
et pneumologues « adultes ». Il s'agit
de formes à révélation souvent tardive,
au-delà de l'adolescence.
Pancréascopie : Quelles sont les
modifications génétiques responsables de ces formes atypiques de
mucoviscidose ?
Pr J-P. Cézard : Il peut s'agir d'une
téine CFTR dysfonctionnelle. Ce
sont les formes dites mineures de
mucoviscidose.
répétition, sans que l'on ait trouvé
d’anomalie anatomique, métabolique
ou alcoolique.
Mutation majeure : forme
grave ; mutations mineures :
formes atypiques.
À signaler aussi, dans le cadre de ces
pancréatites chroniques dites idiopathiques, que 5 à 10 % des cas sont liés
à des modifications du gène du trypsinogène, les deux étiologies pouvant
être associées. Il s'agit souvent, comme
pour la mucoviscidose, de pancréatites
chroniques idiopathiques familiales.
Pancréascopie : Quelles sont les
manifestations des formes mineures
ou des formes hétérozygotes composites ?
Pr J-P. Cézard : Un certain nombre de
symptômes sont évocateurs :
seule mutation majeure, qui
touche notamment delta F508.
Mais toutes les mutations n'ayant
pas encore été identifiées, ces
formes atypiques peuvent provenir d’une anomalie génétique
reconnue sur l'un des gènes et
une autre non encore identifiée.
On sait, de plus, que certaines
mutations entraînent non pas
une absence de synthèse de la
protéine CFTR, mais une diminution de sa synthèse ou une
anomalie de la fonction de la
protéine CFTR, d'où certaines
formes de mucoviscidose incomplètes et donc « atypiques », à
révélation tardive.
Pancréascopie : Y a-t-il une
corrélation génotype-phénotype ?
Pr J-P. Cézard : Effectivement,
BSIP
il existe une corrélation génotype-phénotype. Les mutations
ont été classées en fonction de
la sévérité de la maladie :
● Les mucoviscidoses sévères
dont la mutation la plus
importante est la delta F508. Elles
aboutissent à l'absence de synthèse
de protéine CFTR : les canaux chlore
ne fonctionnent pas et les enfants
ont tous une mucoviscidose grave
(atteinte respiratoire, insuffisance
pancréatique exocrine, secondairement un diabète, etc…)
● Les mucoviscidoses atypiques : avec
une mutation sévère et une autre
mutation mineure qui permet une
synthèse à minima de protéine CFTR
ou la synthèse normale d'une pro-
● Manifestations respiratoires retardées d'évolution lente : infections
pulmonaires à répétition, bronchites
chroniques, dilatations de bronches
de l'adulte jeune ou moins jeune
● Polypes nasaux
● Stérilité chez l'homme par obstruction des canaux déférents
● Pancréatites chroniques, qui représentent 20 à 30 % des pancréatites
chroniques idiopathiques de l'adulte
jeune. Il s'agit d'un sujet ayant des
épisodes de pancréatites aiguës à
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Pancréascopie : Comment rechercher une mucoviscidose dans ses
formes mineures ? Tests génétiques ? Examen ORL ? Test de la
sueur ?
Pr J-P. Cézard : Le test de la sueur
est le plus souvent normal dans les
séries de pancréatites chroniques
publiées de mucoviscidose prouvée
par tests génétiques.
L'examen capital est la recherche
des mutations, en gardant à l’esprit que certes, une mutation est
très en faveur d'une mucoviscidose,
mais qu’en son absence, il ne faut
pas éliminer ce diagnostic puisque
toutes les mutations ne sont pas
connues. Il est intéressant aussi de
rechercher une mutation pour le
gène du trypsinogène.
La mesure de la différence de
potentiel (DDP) nasale semble être
un examen sensible. En effet, la
DDP est perturbée lorsqu'il existe
des anomalies des canaux chlore,
ces perturbations étant moins
importantes que dans les mucoviscidoses avec mutations sévères.
Ces données demandent à être
confirmées, ce d'autant que cet
examen, difficile à réaliser, reste très
opérateur-dépendant.
Propos recueillis par
le Dr A. Nayrac
POUR EN SAVOIR PLUS :
MV Vodoff Archives de Pédiatrie 2000 ; 7 : 388-7
JA Cohn New Engl J Med 1998 ; 339 : 653 -8
N Sharer New Engl J Med 1998 ; 339 : 645-52
P Durie New Engl J Med 1998 ; 339 : 687-8
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