Interview Pancréatites et mucoviscidose es mutations responsables de mucoviscidose sont multiples et pas toujours connues. Les tableaux cliniques en résultant peuvent être très variés, d’où les difficultés diagnostiques. Le Professeur Jean-Pierre Cézard (service de gastro-entérologie pédiatrique, Hôpital Robert Debré, Paris) expose les différentes affections pancréatiques observées chez le patient atteint de mucoviscidose en nous expliquant que l'allongement de la durée de vie de ces malades induit la nécessité d'une prise en charge par les gastro-entérologues « adultes ». Pancréascopie : Observez-vous des poussées de pancréatite aiguë ? Pr J-P. Cézard : Pancréascopie : Au cours de la mucoviscidose, quelles sont les manifestations cliniques de l'atteinte pancréatique ? Pr J-P. Cézard : La mucoviscidose mesure de l’excrétion fécale des graisses avant et après la supplémentation, mais surtout sur la croissance des enfants en poids et taille. Pancréascopie : Quelles mesures thérapeutiques êtes-vous amené à prendre ? Pr J-P. Cézard : Les cas de pancréa- « typique », qu'elle soit homozygote delta F508 ou hétérozygote delta F508 associée à une mutation sévère, se traduit par une atteinte respiratoire sévère et, dans environ 85 % des cas, par une insuffisance pancréatique secondaire à l’absence de pancréas exocrine dès la naissance. En l’absence de pancréas exocrine, les patients ne développent pas de pancréatite. La prescription d’enzymes pancréatiques est nécessaire dans le cadre d'une insuffisance pancréatique exocrine. Son bénéfice est apprécié par la Au cours de la mucoviscidose sévère, l’atteinte pancréatique s’exprime par une insuffisance pancréatique secondaire à l’absence du pancréas exocrine. L Pancréascopie : Quels sont alors les signes radiologiques ? Pr J-P. Cézard : La dégénérescence du pancréas peut se voir à l'échographie, au scanner ou à l'IRM. Le pancréas est de petite taille, atrophique, hétérogène du fait de la fibrose. LES MUTATIONS DE LA MUCOVISCIDOSE Plus de 750 mutations ont été décrites sur le gène CFTR (Cystic Fibrosis Transmembrane conductence Regulator), gène responsable de la mucoviscidose. Dans environ 80 % des cas, il existe une mutation delta F508, notamment en Europe du Nord. Les mucoviscidoses homozygotes delta F508 (c'est-à-dire avec la même mutation sur les 2 chromosomes) représentent 40 % des mucoviscidoses. Restent 40 à 45 % qui sont delta F508 hétérozygotes avec une autre mutation variable (dans le cadre des 750 décrites). Ces mutations peuvent être, d'une part, des mutations « non-sens » ou des mutations « faux sens » qui aboutissent à l'absence totale de synthèse de la protéine CFTR et donc à une mucoviscidose sévère ou grave. D’autre part, ces mutations peuvent être à l’origine d’une diminution de la synthèse de la protéine CFTR ou d’une synthèse normale d'une protéine dysfonctionnelle. 2 Parmi les enfants atteints de mucoviscidose (homozygotes delta F508 ou hétérozygotes delta F508), un petit nombre, environ 5 %, sont suffisants pancréatiques. Ils sécrètent alors des enzymes pancréatiques en quantité suffisante. Chez ces patients, des poussées de pancréatite aiguë peuvent être observées. tites aiguës sont traités comme toutes les pancréatites, qu'elles soient aiguës ou chroniques avec poussée aiguë. Le traitement consiste en la mise au repos du pancréas exocrine et en des antalgiques jusqu'à l’obtention d’une baisse suffisante des enzymes pancréatiques. Une fois ce résultat obtenu, un régime sans graisse peut être réintroduit. Pancréascopie : L'allongement de la durée de vie de ces malades va-telle provoquer la nécessité d'une prise en charge par les gastro-entérologues « adultes » ? Pr J-P. Cézard : Absolument, puisque l’espérance de vie des mucoviscidoses « sévères » est de 29 à 30 ans et celle des mucoviscidoses dites « atypiques » peut atteindre 70 ans. Les gastro-entérologues « adultes » sont donc amenés à faire le diagnostic de mucoviscidose atypique chez un patient ayant atteint l’âge adulte, et à prendre en charge des mucoviscidoses sévères après 18 ans. Pancréascopie : Où en est-on de la description du polymorphisme génétique de cette affection ? Pr J-P. Cézard : Plus de 750 mutations ont été identifiées. Quelques-unes sont fréquentes, les plus fréquentes étant celles aboutissant à la mucoviscidose « classique ». En revanche, on sait main- Interview tenant qu’un certain nombre de mutations peuvent donner des formes atypiques. Ce sont ces formes qui posent problème surtout aux gastro-entérologues et pneumologues « adultes ». Il s'agit de formes à révélation souvent tardive, au-delà de l'adolescence. Pancréascopie : Quelles sont les modifications génétiques responsables de ces formes atypiques de mucoviscidose ? Pr J-P. Cézard : Il peut s'agir d'une téine CFTR dysfonctionnelle. Ce sont les formes dites mineures de mucoviscidose. répétition, sans que l'on ait trouvé d’anomalie anatomique, métabolique ou alcoolique. Mutation majeure : forme grave ; mutations mineures : formes atypiques. À signaler aussi, dans le cadre de ces pancréatites chroniques dites idiopathiques, que 5 à 10 % des cas sont liés à des modifications du gène du trypsinogène, les deux étiologies pouvant être associées. Il s'agit souvent, comme pour la mucoviscidose, de pancréatites chroniques idiopathiques familiales. Pancréascopie : Quelles sont les manifestations des formes mineures ou des formes hétérozygotes composites ? Pr J-P. Cézard : Un certain nombre de symptômes sont évocateurs : seule mutation majeure, qui touche notamment delta F508. Mais toutes les mutations n'ayant pas encore été identifiées, ces formes atypiques peuvent provenir d’une anomalie génétique reconnue sur l'un des gènes et une autre non encore identifiée. On sait, de plus, que certaines mutations entraînent non pas une absence de synthèse de la protéine CFTR, mais une diminution de sa synthèse ou une anomalie de la fonction de la protéine CFTR, d'où certaines formes de mucoviscidose incomplètes et donc « atypiques », à révélation tardive. Pancréascopie : Y a-t-il une corrélation génotype-phénotype ? Pr J-P. Cézard : Effectivement, BSIP il existe une corrélation génotype-phénotype. Les mutations ont été classées en fonction de la sévérité de la maladie : ● Les mucoviscidoses sévères dont la mutation la plus importante est la delta F508. Elles aboutissent à l'absence de synthèse de protéine CFTR : les canaux chlore ne fonctionnent pas et les enfants ont tous une mucoviscidose grave (atteinte respiratoire, insuffisance pancréatique exocrine, secondairement un diabète, etc…) ● Les mucoviscidoses atypiques : avec une mutation sévère et une autre mutation mineure qui permet une synthèse à minima de protéine CFTR ou la synthèse normale d'une pro- ● Manifestations respiratoires retardées d'évolution lente : infections pulmonaires à répétition, bronchites chroniques, dilatations de bronches de l'adulte jeune ou moins jeune ● Polypes nasaux ● Stérilité chez l'homme par obstruction des canaux déférents ● Pancréatites chroniques, qui représentent 20 à 30 % des pancréatites chroniques idiopathiques de l'adulte jeune. Il s'agit d'un sujet ayant des épisodes de pancréatites aiguës à 3 Pancréascopie : Comment rechercher une mucoviscidose dans ses formes mineures ? Tests génétiques ? Examen ORL ? Test de la sueur ? Pr J-P. Cézard : Le test de la sueur est le plus souvent normal dans les séries de pancréatites chroniques publiées de mucoviscidose prouvée par tests génétiques. L'examen capital est la recherche des mutations, en gardant à l’esprit que certes, une mutation est très en faveur d'une mucoviscidose, mais qu’en son absence, il ne faut pas éliminer ce diagnostic puisque toutes les mutations ne sont pas connues. Il est intéressant aussi de rechercher une mutation pour le gène du trypsinogène. La mesure de la différence de potentiel (DDP) nasale semble être un examen sensible. En effet, la DDP est perturbée lorsqu'il existe des anomalies des canaux chlore, ces perturbations étant moins importantes que dans les mucoviscidoses avec mutations sévères. Ces données demandent à être confirmées, ce d'autant que cet examen, difficile à réaliser, reste très opérateur-dépendant. Propos recueillis par le Dr A. Nayrac POUR EN SAVOIR PLUS : MV Vodoff Archives de Pédiatrie 2000 ; 7 : 388-7 JA Cohn New Engl J Med 1998 ; 339 : 653 -8 N Sharer New Engl J Med 1998 ; 339 : 645-52 P Durie New Engl J Med 1998 ; 339 : 687-8