Interview
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tenant qu’un certain nombre de muta-
tions peuvent donner des formes aty-
piques.
Ce sont ces formes qui posent pro-
blème surtout aux gastro-entérologues
etpneumologues « adultes ». Il s'agit
de formes à révélation souvent tardive,
au-delà de l'adolescence.
Pancréascopie : Quelles sont les
modifications génétiques respon-
sables de ces formes atypiques de
mucoviscidose ?
Pr J-P. Cézard : Il peut s'agir d'une
seule mutation majeure, qui
touche notamment delta F508.
Mais toutes les mutations n'ayant
pas encore été identifiées, ces
formes atypiques peuvent pro-
venir d’une anomalie génétique
reconnue sur l'un des gènes et
une autre non encore identifiée.
On sait, de plus, que certaines
mutations entraînent non pas
une absence de synthèse de la
protéine CFTR, mais une dimi-
nution de sa synthèse ou une
anomalie de la fonction de la
protéine CFTR, d'où certaines
formes de mucoviscidose incom-
plètes et donc « atypiques », à
révélation tardive.
Pancréascopie :Y a-t-il une
corrélation génotype-phéno-
type ?
Pr J-P.Cézard : Effectivement,
il existe une corrélation géno-
type-phénotype. Les mutations
ont été classées en fonction de
la sévérité de la maladie :
●
Les mucoviscidoses sévères
dont la mutation la plus
importante est la delta F508. Elles
aboutissent à l'absence de synthèse
de protéine CFTR :les canaux chlore
ne fonctionnent pas et les enfants
ont tous une mucoviscidose grave
(atteinte respiratoire, insuffisance
pancréatique exocrine,secondaire-
ment un diabète,etc…)
●
Les mucoviscidoses atypiques :avec
une mutation sévère et une autre
mutation mineure qui permet une
synthèse à minima de protéine CFTR
ou la synthèse normale d'une pro-
téine CFTR dysfonctionnelle. Ce
sont les formes dites mineures de
mucoviscidose.
Mutation majeure : forme
grave ;mutations mineures :
formes atypiques.
Pancréascopie : Quelles sont les
manifestations des formes mineures
ou des formes hétérozygotes com-
posites ?
Pr J-P.Cézard : Un certain nombre de
symptômes sont évocateurs :
●
Manifestations respiratoires retar-
dées d'évolution lente : infections
pulmonaires à répétition,bronchites
chroniques,dilatations de bronches
de l'adulte jeune ou moins jeune
●
Polypes nasaux
●
Stérilité chez l'homme par obstruc-
tion des canaux déférents
●
Pancréatites chroniques,qui repré-
sentent 20 à 30 % des pancréatites
chroniques idiopathiques de l'adulte
jeune. Il s'agit d'un sujet ayant des
épisodes de pancréatites aiguës à
répétition, sans que l'on ait trouvé
d’anomalie anatomique,métabolique
ou alcoolique.
À signaler aussi, dans le cadre de ces
pancréatites chroniques dites idiopa-
thiques,que 5 à 10 % des cas sont liés
à des modifications du gène du trypsi-
nogène, les deux étiologies pouvant
être associées.Il s'agit souvent,comme
pour la mucoviscidose,de pancréatites
chroniques idiopathiques familiales.
Pancréascopie : Comment recher-
cher une mucoviscidose dans ses
formes mineures ? Tests géné-
tiques ? Examen ORL ? Test de la
sueur ?
Pr J-P.Cézard :Le test de la sueur
est le plus souvent normal dans les
séries de pancréatites chroniques
publiées de mucoviscidose prouvée
par tests génétiques.
L'examen capital est la recherche
des mutations, en gardant à l’es-
prit que certes, une mutation est
très en faveur d'une mucoviscidose,
mais qu’en son absence, il ne faut
pas éliminer ce diagnostic puisque
toutes les mutations ne sont pas
connues.Il est intéressant aussi de
rechercher une mutation pour le
gène du trypsinogène.
La mesure de la différence de
potentiel (DDP) nasale semble être
un examen sensible. En effet, la
DDP est perturbée lorsqu'il existe
des anomalies des canaux chlore,
ces perturbations étant moins
importantes que dans les muco-
viscidoses avec mutations sévères.
Ces données demandent à être
confirmées, ce d'autant que cet
examen, difficile à réaliser, reste très
opérateur-dépendant.
Propos recueillis par
le Dr A. Nayrac
POUR EN SAVOIR PLUS :
MV Vodoff Archives de Pédiatrie 2000 ; 7 : 388-7
JA Cohn New Engl J Med 1998 ; 339 : 653 -8
N Sharer New Engl J Med 1998 ; 339 : 645-52
P Durie New Engl J Med 1998 ; 339 : 687-8
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