LA MUCOVISCIDOSE: ASPECTS EPIDEMIOLOGIQUES ET ASPECTS GENETIQUES Fattoum S. Messaoud T. Laboratoire de Biochimie et de Biologie Moléculaire Hôpital d'Enfants, Tunis I- INTRODUCTION : La Mucoviscidose est la maladie Héréditaire autosomique récessive la plus fréquente dans les populations caucasiennes d'Europe Centrale (1/2500). Elle est réputée rare en Afrique du Nord et au Maghreb. Son diagnostic a toujours reposé sur des signes cliniques d'orientation (pulmonaires et ou digestifs) complété par un test de la sueur positif avec des chlorures ≥ 60 mmol/l}. Depuis l'identification du gène CF (Cystic Fibrosis) en1989, l'étude moléculaire est devenue indispensable pour confirmer le diagnostic. Plus de 1000 mutations différentes responsables de mucoviscidose ont été identifiées sur ce gène de par le monde. La mutation ∆F 508 reste la plus fréquente en Europe. II- EXPERIENCE PERSONNELLE Dans le présent travail 'nous rapportons les résultats de notre expérience au laboratoire de Biochimie de l'Hôpital d'Enfants de Tunis. Les premiers travaux ont commencé en 1990 avec l'analyse du test de la sueur, réalisé sur des enfants suspects de mucoviscidose. Ce test était positif dans 7% des cas. L'analyse moléculaire a été effectuée chez les sujets présentant des signes cliniques évocateurs de mucoviscidose avec au moins 2 tests de la sueur positifs. La stratégie d'étude moléculaire fait appel à une extraction de l'ADN, suivie d'une amplification PCR et d'une électrophorèse sur gel de polyacrylamide pour l'identification de certaines mutations comme la AF508 et la 2766 de18. L'analyse est complétée par une : électrophorèse sur gel à gradient dénaturé (DGGE) et une réaction de séquençage direct pour les mutations non connues. Une PCR multiplex utilisant à la fois plusieurs couples d'amorces marqués nous permet actuellement de tester 31 Mutations à la fois au moyen d'un analyseur automatique de fragments. MARDIS PEDIATRIQUE Sur la population étudiée, l'analyse moléculaire a révélé 13 mutations différentes dont 2 mutations nouvelles décrites pour la première fois en Tunisie (la 2766 del8 et la T665 S). La mutation ∆F 508 est de loin la mutation prédominante suivie de 3 autres mutations réputées pour être relativement fréquentes dans les pays du pourtour Méditerranéen: G542X, W1282X et N 1303K. La 2766del 8 occupe la 5éme place. Les autres mutations identifiées sont plus rares : 711 + 1G → T, E1104X, G85E, D1270N, R74W, R1066C et Y122X. Nous remarquons par ailleurs le nombre important de formes homozygotes pour le même allèle, même pour les mutations les plus rares. L 'homozygotie vraie est retrouvée dans 72% dont 62% sont ∆F 508/ ∆F 508. Les Homozygoties vraies non ∆F 508/ ∆F 508 représentent 38% des cas. Ce phénomène est favorisé par le taux élevé de consanguinité en Tunisie, comme il a déjà été observé dans d'autres maladies génétiques fréquentes telles que la β -thalassémie et la drépanocytose. Dans notre série la consanguinité a été étudiée dans 59 couples. Le degré de parenté concerne 86% des cas dont 90% sont du 1èr ou du 2ème degré. La répartition géographique a permis de constater que les sujets étudiés sont originaires de 19 gouvernorats sur les 24 gouvernorats du pays que conte le pays. Les régions du Nord-Ouest (NO) et du Centre-Est (CE) semblent être les plus concernées. La répartition des mutations permet de constater une grande hétérogénéité dans la plupart des régions. DISCUSSION ET CONCLUSION : Sur l'ensemble des chromosomes étudiés dans notre population 70% ont été identifiés présentant 13 Mutations CF différentes. La mutations ∆F 508 est la plus fréquente avec 36.9% ce qui peut cadrer avec le gradient décroissant décrit pour cette mutation du Nord-Ouest de l'Europe au Sud-Est. Les nouvelles mutations tunisiennes: T665S et en particulier la 2766 del8 retrouvée dans 7 familles non apparentées de diverses régions du pays, la plupart du temps associée à la N1303K n'ont pas encore été rapportées dans d'autres ethnies suggérant vraisemblablement une spécificité à la population tunisienne étudiée. Des études complémentaires sont nécessaires pour un typage précis afin d'expliquer cette hétérozygotie composite. MARDIS PEDIATRIQUE Le taux élevé (30%) de mutations restant non identifiées après une recherche exhaustive ayant comporté l'analyse de tous les exons n'est pas pour nous étonner, cette même proportion a été rapportée dans d'autres pays du monde tels que l'Espagne, l'Italie et certaines régions de la France. En tout état de cause, l'identification de la nature de la mutation contribue largement à comprendre les mécanismes d'expression de la mucoviscidose et d'ouvrir des perspectives thérapeutiques nouvelles dans cette pathologie fortement invalidante. Elle est également indispensable pour le conseil génétique et un éventuel diagnostic prénatal chez les couples à risque. Les données épidémiologiques et moléculaires que nous venons d'évoquer sont de nature à attirer l'attention sur]a nécessité de ne pas exclure la mucoviscidose de la routine des explorations chez l'enfant pour permettre un diagnostic précoce et une prise en charge adaptée de cette affection. MARDIS PEDIATRIQUE