Dossier thématique
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La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue - Vol. X - n° 8 - septembre-octobre 2007
L
e cholangiocarcinome est une tumeur maligne rare issue
de l’épithélium de l’arbre biliaire. Le terme de cholangio-
carcinome désignait initialement les tumeurs primaires
des voies biliaires intrahépatiques. Actuellement, il englobe les
tumeurs de l’ensemble des voies biliaires : d’une part le cancer
de la vésicule (principale tumeur des voies biliaires, mais dont
l’incidence diminue) et, d’autre part, les tumeurs canalaires de
localisations intrahépatique (20 à 25 %), périhilaire (tumeur de
Klatskin) [50-60 %], extrahépatique (25 à 25 %) et multifocale
(5 %).
La grande majorité des cholangiocarcinomes sont des adénocar-
cinomes bien diff érenciés, mais il existe des formes histologiques
rares (hépatocholangiocarcinome, carcinome indiff érencié,
carcinome à cellules claires, carcinome papillaire ou à petites
cellules).
L’incidence du cholangiocarcinome augmente progressivement
dans les pays occidentaux depuis 30 ans (essentiellement dans sa
forme intrahépatique), sans que se dégage d’explication claire.
Il représente 5 à 30 % des cancers primitifs du foie et son inci-
dence moyenne est de 1,5/105 (actuellement un peu moins de
2 000 nouveaux cas par an en France). L’âge moyen au moment
du diagnostic est de 59 ans, avec une discrète prédominance
féminine.
En dehors des facteurs de risque connus (essentiellement les
processus infl ammatoires chroniques des voies biliaires, parmi
lesquels la cholangite sclérosante primitive, la papillomatose
biliaire, la lithiase intrahépatique, les kystes biliaires congéni-
taux, certaines anastomoses biliodigestives chirurgicales ou les
distomatoses), de nouveaux facteurs de risque ont récemment été
identifi és, comme les cirrhoses – quelle qu’en soit l’étiologie –,
les maladies alcooliques du foie, des infections par le VIH ou le
VHC. D’autre part, des facteurs génétiques de susceptibilité à ce
cancer pourraient aussi être impliqués au cours des cholangites
sclérosantes (polymorphisme du gène codant pour le cytochrome
P450 1A2 ou pour la N-acétyltransférase 2).
Des modèles expérimentaux de cholangiocarcinomes ont été
développés en vue de mieux préciser les étapes de la carcinogenèse
biliaire et de proposer de nouvelles pistes thérapeutiques. Des
études chez l’homme ont montré une surexpression de erbB2/
HER2, de COX-2 et d’IL-6 non seulement dans les cholangio-
carcinomes, mais aussi dans des états précancéreux tels que la
lithiase biliaire intrahépatique ou la cholangite sclérosante. Plus
tardivement, des altérations génétiques sont observées dans ces
tumeurs (mutations activatrices de K-ras, mutations du récepteur
de l’EGF, instabilité microsatellitaire, expression de la télomérase,
inactivation de gènes suppresseurs de tumeurs, expression aber-
rante de mucine ou expression de facteurs d’angiogenèse).
Le diagnostic de cholangiocarcinome est parfois diffi cile ; il
repose sur un faisceau d’arguments cliniques, biologiques,
morphologiques et, si possible, histologiques. L’échographie est
en général le premier examen permettant d’évoquer ce diagnostic.
Il permet de détecter une masse intrahépatique, une dilatation
des voies biliaires ou d’orienter vers un autre diagnostic, telle
une lithiase biliaire. Le scanner peut montrer l’association d’une
atrophie ou d’une hypertrophie hépatique liée à l’obstruction
chronique d’un lobe hépatique avec envahissement de la veine
portale ipsilatérale. Il permet souvent d’identifi er l’origine de
l’obstruction biliaire et de compléter le bilan d’extension loco-
régional, lymphatique et vasculaire. L’IRM (parenchymateuse,
biliaire et vasculaire) permet aussi d’avoir une évaluation de la
tumeur et de déterminer son caractère potentiellement résécable.
Parmi les nouvelles techniques, le TEP-FDG permet d’apporter
des arguments en faveur de la malignité et de rechercher des
localisations extrahépatiques. L’intérêt de cet examen semble
plus limité en cas de lésions infi ltrantes, s’il existe des foyers
infectieux (en particulier au cours de la cholangite sclérosante)
ou en présence d’une prothèse biliaire. L’intérêt de l’écho-endos-
copie (associée à une cytologie guidée) pour le bilan d’extension
locorégional ganglionnaire doit être évalué.
Il n’y a pas de marqueur tumoral spécifi que pour le cholangio-
carcinome. Le CA 19-9 et l’ACE peuvent être élevés en cas de
cholestase, mais ces marqueurs n’ont été validés que chez les
patients atteints de cholangite sclérosante.
Une confi rmation histologique (ou cytologique) est nécessaire
pour affi rmer le diagnostic de cholangiocarcinome si la lésion
n’est pas résécable et si un traitement palliatif est envisagé. La
cytologie biliaire a une faible sensibilité (30 %), mais celle-ci peut
être améliorée par un brossage (40 à 70 % de positivité) ou une
biopsie endocanalaire. Les techniques de biologie moléculaire
(cytométrie en fl ux, recherche de mutation de K-ras, analyse
d’images cellulaires en fl uorescence pour la détection d’aberra-
tions chromosomiques) ne sont pas utilisables en routine.
Les possibilités de traitement du cholangiocarcinome sont
guidées par l’extension locale de la tumeur, l’invasion vas culaire
Le cholangiocarcinome : une maladie complexe
et une prise en charge multidisciplinaire
쐌쎲 Olivier Rosmorduc*
* Pôle d’hépato-gastroentérologie, service d’hépatologie, hôpital Saint-Antoine, Inserm U680,
Université Pierre-et-Marie-Curie, Paris.
Avant-propos