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Le cholangiocarcinome : une maladie complexe
et une prise en charge multidisciplinaire
쐌쎲 Olivier Rosmorduc*
L
e cholangiocarcinome est une tumeur maligne rare issue
de l’épithélium de l’arbre biliaire. Le terme de cholangiocarcinome désignait initialement les tumeurs primaires
des voies biliaires intrahépatiques. Actuellement, il englobe les
tumeurs de l’ensemble des voies biliaires : d’une part le cancer
de la vésicule (principale tumeur des voies biliaires, mais dont
l’incidence diminue) et, d’autre part, les tumeurs canalaires de
localisations intrahépatique (20 à 25 %), périhilaire (tumeur de
Klatskin) [50-60 %], extrahépatique (25 à 25 %) et multifocale
(5 %).
La grande majorité des cholangiocarcinomes sont des adénocarcinomes bien différenciés, mais il existe des formes histologiques
rares (hépatocholangiocarcinome, carcinome indifférencié,
carcinome à cellules claires, carcinome papillaire ou à petites
cellules).
L’incidence du cholangiocarcinome augmente progressivement
dans les pays occidentaux depuis 30 ans (essentiellement dans sa
forme intrahépatique), sans que se dégage d’explication claire.
Il représente 5 à 30 % des cancers primitifs du foie et son incidence moyenne est de 1,5/105 (actuellement un peu moins de
2 000 nouveaux cas par an en France). L’âge moyen au moment
du diagnostic est de 59 ans, avec une discrète prédominance
féminine.
En dehors des facteurs de risque connus (essentiellement les
processus inflammatoires chroniques des voies biliaires, parmi
lesquels la cholangite sclérosante primitive, la papillomatose
biliaire, la lithiase intrahépatique, les kystes biliaires congénitaux, certaines anastomoses biliodigestives chirurgicales ou les
distomatoses), de nouveaux facteurs de risque ont récemment été
identifiés, comme les cirrhoses – quelle qu’en soit l’étiologie –,
les maladies alcooliques du foie, des infections par le VIH ou le
VHC. D’autre part, des facteurs génétiques de susceptibilité à ce
cancer pourraient aussi être impliqués au cours des cholangites
sclérosantes (polymorphisme du gène codant pour le cytochrome
P450 1A2 ou pour la N-acétyltransférase 2).
Des modèles expérimentaux de cholangiocarcinomes ont été
développés en vue de mieux préciser les étapes de la carcinogenèse
biliaire et de proposer de nouvelles pistes thérapeutiques. Des
études chez l’homme ont montré une surexpression de erbB2/
* Pôle d’hépato-gastroentérologie, service d’hépatologie, hôpital Saint-Antoine, Inserm U680,
Université Pierre-et-Marie-Curie, Paris.
HER2, de COX-2 et d’IL-6 non seulement dans les cholangiocarcinomes, mais aussi dans des états précancéreux tels que la
lithiase biliaire intrahépatique ou la cholangite sclérosante. Plus
tardivement, des altérations génétiques sont observées dans ces
tumeurs (mutations activatrices de K-ras, mutations du récepteur
de l’EGF, instabilité microsatellitaire, expression de la télomérase,
inactivation de gènes suppresseurs de tumeurs, expression aberrante de mucine ou expression de facteurs d’angiogenèse).
Le diagnostic de cholangiocarcinome est parfois difficile ; il
repose sur un faisceau d’arguments cliniques, biologiques,
morphologiques et, si possible, histologiques. L’échographie est
en général le premier examen permettant d’évoquer ce diagnostic.
Il permet de détecter une masse intrahépatique, une dilatation
des voies biliaires ou d’orienter vers un autre diagnostic, telle
une lithiase biliaire. Le scanner peut montrer l’association d’une
atrophie ou d’une hypertrophie hépatique liée à l’obstruction
chronique d’un lobe hépatique avec envahissement de la veine
portale ipsilatérale. Il permet souvent d’identifier l’origine de
l’obstruction biliaire et de compléter le bilan d’extension locorégional, lymphatique et vasculaire. L’IRM (parenchymateuse,
biliaire et vasculaire) permet aussi d’avoir une évaluation de la
tumeur et de déterminer son caractère potentiellement résécable.
Parmi les nouvelles techniques, le TEP-FDG permet d’apporter
des arguments en faveur de la malignité et de rechercher des
localisations extrahépatiques. L’intérêt de cet examen semble
plus limité en cas de lésions infiltrantes, s’il existe des foyers
infectieux (en particulier au cours de la cholangite sclérosante)
ou en présence d’une prothèse biliaire. L’intérêt de l’écho-endoscopie (associée à une cytologie guidée) pour le bilan d’extension
locorégional ganglionnaire doit être évalué.
Il n’y a pas de marqueur tumoral spécifique pour le cholangiocarcinome. Le CA 19-9 et l’ACE peuvent être élevés en cas de
cholestase, mais ces marqueurs n’ont été validés que chez les
patients atteints de cholangite sclérosante.
Une confirmation histologique (ou cytologique) est nécessaire
pour affirmer le diagnostic de cholangiocarcinome si la lésion
n’est pas résécable et si un traitement palliatif est envisagé. La
cytologie biliaire a une faible sensibilité (30 %), mais celle-ci peut
être améliorée par un brossage (40 à 70 % de positivité) ou une
biopsie endocanalaire. Les techniques de biologie moléculaire
(cytométrie en flux, recherche de mutation de K-ras, analyse
d’images cellulaires en fluorescence pour la détection d’aberrations chromosomiques) ne sont pas utilisables en routine.
Les possibilités de traitement du cholangiocarcinome sont
guidées par l’extension locale de la tumeur, l’invasion vasculaire
La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue - Vol. X - n° 8 - septembre-octobre 2007
Dossier thématique
Avant-propos
D ossier thématique
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Dossier thématique
D ossier thématique
locorégionale et la présence de métastases. Le seul traitement
potentiellement curatif est la résection de la tumeur, mais ce
traitement ne concerne qu’un faible pourcentage de patients. La
possibilité d’exérèse ne peut d’ailleurs souvent être confirmée
qu’après évaluation locale par laparoscopie. L’embolisation
portale préopératoire pourrait permettre de diminuer le risque
opératoire de mortalité et d’effectuer des résections hépatiques
plus larges. Un drainage biliaire préopératoire se justifie en cas
de résection hépatique majeure ou de complication (angiocholite). Les résultats de la chirurgie à visée curative évalués dans
les séries les plus récentes restent cependant assez décevants :
survie à 5 ans de 30 à 40 % pour les lésions hilaires et de 20 à
30 % pour les lésions intrahépatiques. L’un des facteurs pronostiques les plus importants semble être la présence d’une marge
saine sur la pièce opératoire. Les traitements néo-adjuvants
(chimiothérapie ou radiothérapie) doivent être évalués. La
transplantation hépatique n’est actuellement pas recommandée
dans cette indication, mais elle pourrait se discuter chez un
petit nombre de patients sélectionnés après réponse complète
à une chimio-radiothérapie intensive. Aucun traitement adjuvant (chimiothérapie ou radiothérapie) n’a apporté à ce jour de
bénéfice en termes de survie.
La majorité des patients va finalement bénéficier d’un traitement palliatif, avec souvent une décompression biliaire par la
mise en place de prothèses. Ce traitement permet d’améliorer
la qualité de vie mais ne semble pas influencer la survie. Il n’y a
pas de différence en termes de survie entre le drainage par voie
endoscopique ou radiologique et la décompression chirurgicale,
mais la morbidité semble plus importante dans ce dernier cas.
La question de l’utilisation de prothèses plastiques ou métalliques doit être posée au cas par cas en fonction du pronostic.
Pour les lésions hilaires, une décompression satisfaisante peut
souvent être obtenue avec un simple drainage du côté du lobe
non atrophié. L’utilisation de prothèses associées à des agents
thérapeutiques (chimiothérapie ou radio-éléments) doit être
examinée. La photothérapie dynamique, en permettant un drainage biliaire efficace et prolongé, a apporté un bénéfice sur le
plan de la survie dans des études randomisées. Son association
avec la chimiothérapie conventionnelle pourrait être intéressante,
mais elle doit être évaluée.
Les nombreux protocoles de chimiothérapie proposés jusqu’à ce
jour n’ont pas fait la preuve d’un bénéfice en termes de survie.
Il n’y a pas non plus de bénéfice démontré de la radiothérapie à
visée palliative. L’utilisation de chimiothérapies ciblées (fondée
sur les données de la biologie moléculaire de ces tumeurs) en
association avec des traitements plus conventionnels pourrait être intéressante et justifie l’inclusion des patients dans les
protocoles à venir.
Le traitement prophylactique du cholangiocarcinome se limite au
traitement antiparasitaire (douve de Chine) dans les régions d’endémie, peut-être à l’AUDC au cours de la cholangite sclérosante
et à la résection chirurgicale de rares lésions prénéoplasiques
(kystes congénitaux, vésicule porcelaine, papillomatose).
Comme le montrent les différents articles de ce dossier thématique, le cholangiocarcinome reste en 2007 une maladie de
mécanisme encore mal connu, de diagnostic souvent difficile, de
mauvais pronostic et qui nécessite au mieux une prise en charge
multidisciplinaire dans des centres spécialisés. Des progrès
pourraient découler de la connaissance des mécanismes précoces
de la carcinogenèse biliaire, de nouveaux traitements prophylactiques des lésions prénéoplasiques bilaires, de l’amélioration des
méthodes de dépistage (en particulier au cours de la cholangite
sclérosante) permettant une prise en charge chirurgicale précoce
et, peut-être, de nouvelles chimiothérapies ciblées ou d’associations thérapeutiques fondées sur la photothérapie dynamique
et la chimiothérapie.
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왘 BLOC-NOTES
Journées de l’hôpital Saint-Antoine
Maison de la Chimie - 28, Saint-Dominique - 75007 Paris
왘 Vendredi 16 novembre 2007
journée de gastro-entérologie
organisée par J. Cosnes
왘 Samedi 17 novembre 2007
journée d’hépatologie
organisée par R. Poupon
Secrétariat d’organisation :
BCA, 38, rue Anatole-France – 92594 Levallois-Perret Cedex – Tél. : 01 70 94 65 18 – Fax : 01 70 94 65 01
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