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Les applications thérapeutiques de l’évaluation
de HER2/neu : place d’Herceptin®
● N. Dohollou*, L. Gladieff**
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es dix dernières années ont été marquées par de
grandes avancées à la fois diagnostiques et thérapeutiques dans la prise en charge du cancer du sein,
notamment par l’arrivée de nouvelles molécules dirigées contre
des cibles cellulaires dont le rôle restait mal connu jusque-là.
Parmi ces nouvelles armes thérapeutiques, le trastuzumab, commercialisé sous le nom d’Herceptin® a montré une efficacité
remarquable dans le traitement de certains cancers du sein métastatiques. Nos patientes sont très demandeuses d’informations
sur cette molécule qui leur semble révolutionnaire, car la presse
féminine lui a donné un écho parfois exagéré. Nous vous proposons de faire une mise au point sur cette molécule et son utilisation actuelle.
QU’EST-CE QUE HER2 (OU HER2/NEU OU C-ERB B2) ?
Les tumeurs du sein sont associées à l’expression de nombreux
facteurs de croissance ou de leurs récepteurs et leurs cellules
paraissent soumises à de multiples facteurs de prolifération
cellulaire autocrine ou paracrine. Parmi les différents récepteurs
concernés, l’une des familles les mieux connues est celle des
récepteurs erb B à activité tyrosine kinase. Elle comprend quatre
récepteurs homologues : le facteur de croissance épidermique
(Epidermal Growth Factor) HER1, HER2, HER3 et HER4 et
elle est impliquée dans le développement et la régulation de la
croissance mammaire normale.
Le rôle essentiel de HER2 dans l’oncogenèse est suggéré par la
forte proportion de tumeurs humaines présentant une surexpression
du récepteur protéique : ces tumeurs sont dites alors HER2+.
Cette surexpression, qui résulte habituellement d’une amplification génique (production de plusieurs copies du même gène),
aboutit à une activation continue des récepteurs et stimule la
croissance cellulaire.
Environ 20 à 25 % des cancers du sein sont HER2+, cette surexpression étant un facteur prédictif de mauvais pronostic
(réduction de la survie sans récidive et de la survie globale).
Déjà paru :
Mathieu MC. Dé
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du sénologue 2002 res. La lettre
; 17 : 20-2.
QU’EST-CE QU’HERCEPTIN® ?
Le trastuzumab est un anticorps monoclonal humanisé dont la
cible est le récepteur HER2, à condition que celui-ci soit surexprimé à la surface des cellules tumorales. Il possède deux
mécanismes d’action principaux : une action antiproliférative
directe par blocage sélectif des récepteurs et un effet cytotoxique lié
au recrutement et à la stimulation des cellules immunes impliquées
dans la toxicité cellulaire dépendant des anticorps (ADCC).
QUELS SONT LES RÉSULTATS DES PREMIERS ESSAIS
CLINIQUES AVEC HERCEPTIN® ?
Les premiers essais cliniques ont été initiés chez l’homme en
1992.
• En monothérapie, chez des patientes lourdement prétraitées, le
taux de réponse objective est de 18 %, la durée médiane de
réponse est de 9,1 mois et la survie médiane de 16,4 mois. Le
bénéfice le plus important a été observé lorsqu’il existait une
surexpression +++ du récepteur HER2/neu (1).
• En association avec la chimiothérapie (soit paclitaxel seul, soit
adriamycine et cyclophosphamide), en première ligne métastatique, le trastuzumab permet d’augmenter le taux de réponse
objective, la durée de cette réponse et la survie (tableau) (2).
Les résultats de ces premiers essais ont ainsi permis l’obtention
d’une autorisation de mise sur le marché dans deux indications,
chez des patientes métastatiques dont la tumeur surexprime
HER2 (+++ en IHC) : soit en monothérapie chez des patientes
traitées (au moins deux lignes de chimiothérapie ayant inclus au
moins une anthracycline et un taxane) soit en association avec
le paclitaxel chez des patientes non prétraitées et chez lesquelles
la prescription d’une anthracycline n’est pas envisageable.
Tableau.
Taux de réponse objective
Temps jusqu'à progression
Survie médiane
Chimiothérapie Chimiothérapie + trastuzumab
32 %
50 %
4,6 mois
7,4 mois
20,3 mois
25,1 mois
HERCEPTIN® EST-IL BIEN TOLÉRÉ ?
* Polyclinique de Bordeaux nord Aquitaine.
** Institut Claudius-Régaud, Toulouse.
La Lettre du Sénologue - n° 18 - octobre/novembre/décembre 2002
Le trastuzumab s’administre par voie intraveineuse selon un
rythme hebdomadaire et il est habituellement bien toléré (figure).
Lors de la première injection, en particulier, des réactions
fébriles, avec frissons, peuvent être observées, plus rarement des
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Première perfusion
Perfusions suivantes
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des données d’efficacité et de tolérance. Toutefois, les patientes
présentant une insuffisance respiratoire symptomatique, quelle
que soit son origine, ne doivent pas recevoir ce traitement.
La fonction cardiaque doit être systématiquement évaluée avant
et pendant toute la durée de prescription selon les recommandations de l’AMM.
CONCLUSION
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Figure. Tolérance d’Herceptin®.
réactions sévères pouvant aller jusqu’à la détresse respiratoire.
Ces formes les plus graves ont toutes été observées chez des
patientes présentant une atteinte métastatique pulmonaire symptomatique. Une surveillance prolongée de l’ordre de six heures
est recommandée après la première injection, cette surveillance
peut être plus brève, de l’ordre de deux heures, pour les injections suivantes.
L’effet secondaire le plus fréquemment retrouvé a été une
cardio-toxicité concernant 8,5 % des patientes en monothérapie,
la plupart d’entre elles avaient reçu préalablement des anthracyclines. Plusieurs travaux sont en cours pour tenter d’en comprendre les mécanismes.
QUAND ET COMMENT UTILISER HERCEPTIN® ?
Chaque patiente présentant une évolutivité métastatique doit
bénéficier d’une recherche d’expression de HER2 sur la tumeur
initiale ou, éventuellement, sur la métastase, si un prélèvement
a été effectué. En cas de surexpression, le trastuzumab devrait
être proposé le plus précocement possible dans la prise en charge
thérapeutique des patientes métastatiques, tenant compte à la fois
Vingt ans après la découverte de HER2, sa détermination en pratique courante apparaît comme essentielle dans la prise en
charge du cancer du sein, mais de nombreuses questions se
posent encore concernant, par exemple :
– les modalités d’administration : plusieurs travaux sont en cours
afin d’évaluer les possibilités d’administration toutes les trois
semaines (3) ;
– la durée du traitement, en particulier en cas de réponse observée ;
la plupart des prescripteurs poursuivent actuellement le traitement jusqu’à progression ou toxicité ;
– la meilleure association possible : en effet, des résultats très
intéressants commencent à être publiés avec des médicaments
comme la vinorelbine ou les sels de platine (4, 5).
Mais le challenge incontestable des années à venir est celui de
son introduction en situation adjuvante, et de nombreux essais
sont d’ores et déjà en cours à travers le monde.
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1. Cobleigh MA, Vogel CL, Tripathy D et al. Multinational study of the efficacy
and safety of humanized anti-HER2 monoclonal antibody in women who have
HER2-overexpressing metastatic breast cancer that has progressed after
chemotherapy for metastatic disease. J Clin Oncol ; 17 (9) : 2639-48.
2. Slamon DJ, Leyland-Jones B, Shak S et al. Use of chemotherapy plus a
monoclonal antibody against HER2 for metastatic breast cancer that overexpresses HER2. N Engl J Med 2001 ; 344 (11) : 783-92.
3. Gelmon K, Arnold A, Verma S et al. Pharmacokinetics (PK) and safety of
trastuzumab (Herceptin) when administered every three weeks to women with
metastatic breast cancer. Proc Am Soc Clin Oncol 2001 ; 271.
4. Burstein HJ, Kuter I, Campos SM et al. Clinical activity of trastuzumab and
vinorelbine in women with HER2-overexpressing metastatic breast cancer.
J Clin Oncol 2001 ; 19 (10) : 2722-30.
5. Nabholtz JM, Pienkowski T, Nothfelt D et al. Results of two open label multicentre phase II pilot study with Herceptin in combination with docetaxel and
platinum salts (cis or carboplatin) (TCH) as therapy for advanced breast cancer
(ABC) in women with tumors overexpressing the HER2 neu prot-oncogene.
Eur J Cancer 2001 ; 37 (6) : A695.
Les articles publiés dans “La Lettre du Sénologue”
le sont sous la seule responsabilité de leurs auteurs.
Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés réservés pour tous pays.
© juin 1998 - EDIMARK S.A. - Imprimé en France - JOUVE
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La Lettre du Sénologue - n° 18 - octobre/novembre/décembre 2002
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