é d i t o r i a l L Édito ria

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ACTUALITÉ NEURO JUIN
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éditorial
Éditoria
Le XXIe siècle
sera
neurologique…
C. Geny*
* Service de neurologie, CHU de Pau.
Act. Méd. Int. - Neurologie (1) n° 3, juin 2000
L
e 17 juillet 1990, Georges Bush, président des États-Unis,
a lancé l’important programme de recherche intitulé The Decade
of the Brain. Le caractère solennel de cette déclaration
témoignait de l’ambition du projet. Dans son discours,
le président Bush précisait l’importance (électorale ?)
des problèmes de santé publique liés aux maladies du système nerveux,
en insistant sur les pathologies classiques neurologiques, mais aussi
en élargissant le domaine de recherche à d’autres affections comme le sida
les lésions médullaires post-traumatiques, la toxicomanie et surtout
la psychiatrie, recréant la non si lointaine neuropsychiatrie.
Qu’en est-il dix après, des espoirs thérapeutiques soulevés ? Certes,
les neurosciences fondamentales n’ont pas déçu, car les avancées ont été
majeures. Les progrès des moyens d’investigation du fonctionnement cérébral au niveau moléculaire, cellulaire ou macroscopique, comme l’IRM
fonctionnelle ou le PET scanner, ont surpris même les plus optimistes
d’entre nous. Mais peut-on parler de révolution thérapeutique ?
Les nouveaux médicaments changent-ils réellement la vie de nos patients
Ainsi, le NIHM a été attaqué sur le peu de recherches effectuées pendant
cette décennie sur les maladies psychiatriques. Les associations de
malades, ces nouveaux partenaires du monde médical, attendent beaucoup
plus que les résultats préliminaires de travaux même très prometteurs.
Mais il ne faut pas bouder son plaisir ; la neurologie, au cours de la
décennie, a effectué un tournant majeur, celui d’avoir une réelle ambition
thérapeutique. En outre, grâce aux médias qui ont su rendre attractif
l’aspect fascinant du fonctionnement cérébral, cette discipline à la
réputation contemplative est devenue mieux connue du grand public. Il est
dépassé, l’âge où il fallait discourir pendant de longues minutes pour
expliquer à son concierge ou à sa belle-mère en quoi consistait le travail
de neurologue. Les médias commencent à faire pénétrer le neurologue dan
le panthéon des professions médicales honorables où régnaient en maîtres
d’autres collègues comme les chirurgiens ou les cardiologues. Le Téléthon
a pointé le projecteur des médias sur les maladies musculaires, enfants
délaissés de la neurologie, et nourri nombre de chercheurs
en neurosciences. Les émissions sur la mémoire ont popularisé la maladie
d’Alzheimer, la faisant sortir du cadre des maladies honteuses.
La recherche prend enfin sa place dans le champ des préoccupations de
santé publique avec la Semaine du cerveau, la Journée sur la maladie de
Parkinson et la maladie d’Alzheimer. Les débats concernant la vaccination
contre l’hépatite B et la SEP, la transmission humaine de l’encéphalopathi
bovine spongiforme confirment l’importance de notre discipline dans
les préoccupations de santé des Français. La création de la Fédération
française de neurologie est aussi une étape importante, car elle organise
les forces grandissantes de notre discipline afin de pouvoir faire entendre
son opinion dans ces débats de santé publique.
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À tous nos lecteurs,
à tous nos abonnés,
Les Actualités en Neurologie
vous souhaitent un bel été
et vous remercient
de votre soutien.
Le prochain numéro
paraîtra en septembre.
Pendant cette période, près d’une vingtaine de molécules sont venues
enrichir notre arsenal thérapeutique, mais c’est surtout la définition
de nouvelles cibles thérapeutiques par les progrès de nos connaissances sur
la physiopathologie de nombreuses affections qui va changer profondément
notre pratique quotidienne. La neurogénétique, depuis la révolution du
génome, inonde la littérature médicale de protéines comme l’huntingtine,
la dystrophine, etc. Le séquençage du génome humain, qui sera complété
en 2002-2003, permettra de déterminer l’origine de toutes les maladies
monogéniques si nombreuses en neurologie. Certes, les promesses de la
thérapie génique, n’ont, pour le moment, pas été tenues, mais des procédés
dignes de films de science-fiction des années 80, comme la greffe intracérébrale, les stimulations intracérébrales chroniques, la neuronavigation,
nous ont convaincus que la profanation du sanctuaire cérébral pouvait être
bénéfique, même dans des pathologies où l’inexorable perte cellulaire nous
avait habitués à une certaine résignation thérapeutique. Dans ces maladies
neurodégénératives, les neurosciences nous ont appris que nos cellules
nerveuses avaient des tendances suicidaires mais nous font rêver avec
le concept de plasticité et l’existence des cellules souches, certes en
nombre limité, dans le cerveau adulte. Les années 70-80 étaient les années
neuromédiateurs. Les années 90 ont été marquées par l’invasion des
facteurs neurotrophiques et des cytokines, dont le nombre a finalement
vaincu nos capacités d’apprentissage. Tous ces progrès en neurosciences
relégueraient-ils le neurologue de terrain inculte en neurosciences dans les
musées d’histoire de la médecine, accompagné de son inséparable marteau
à réflexes datant d’un autre siècle ? A-t-il toujours sa place dans cette ère
où le triumvirat de l’Evidence Based Medicine, de l’accréditation et des
caisses d’assurance-maladie dicterait ses lois aux praticiens qui oseraient
se fier à leur intuition clinique sans se connecter au Web ? Certes non,
les nombreux travaux sur la qualité de vie, la prise en charge globale
montrent qu’il est plus important d’apprécier la souffrance du conjoint
d’un patient atteint de maladie d’Alzheimer que de connaître
les connections cholinergiques cérébrales, que la manière d’annoncer
un diagnostic peut réduire à néant le bénéfice d’un interféron dans la SEP,
que réduire un diagnostic à la positivité d’un seul examen complémentaire
ou une piètre expertise clinique expose à l’iatrogénécité, fléau de moins en
moins toléré par notre société. Le neurologue du XXIe siècle peut rester fier
de l’art (ancestral ?) de la sémiologie, décrit par Dejerine comme
un exposé des rapports existant entre les facultés sensorielles des médecins
et les troubles objectifs présentés par les malades. Il peut aborder
cette nouvelle ère thérapeutique sereinement et en profitant pleinement
des nouvelles acquisitions en neurosciences.
Gageons que Les Actualités en neurologie, par l’ambition de rendre
accessibles à tous, de manière compacte et sans complexe, ces nouvelles
avancées, joueront un rôle important dans cette neurologie future.
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