Éditorial Croyances médicales et relation médecin-malade S oigner reste l’un des enjeux les plus exaltants de notre époque mais aussi des plus périlleux. En effet, depuis 50 ans, les progrès de la science médicale sont tels que la relation médecin-malade a beaucoup évolué. D’un côté, le médecin cherche la juste place de son pouvoir découlant de son savoir, éclairé ou malheureusement parfois aveuglé par le flot des publications scientifiques aux conclusions parfois contradictoires. De l’autre, le patient souhaite, à juste titre, voir son identité et ses droits de plus en plus reconnus. Selon que le médecin se considère comme exerçant une science ou pratiquant un art, son comportement vis-à-vis du patient n’est pas du tout le même. Mais tout comportement humain n’est-il pas fondé sur ses croyances, ses connaissances, sa culture ? Il en va ainsi de son attitude vis-à-vis des patients présentant une sclérose en plaques. Maladie chronique, elle reste pour lui, malgré l’évolution récente des connaissances, d’étiologie inconnue et d’évolution imprévisible de par ses incertitudes temporelles (imprévisibilité des poussées) et spatiales (le handicap). Malgré les progrès thérapeutiques de ces dix dernières années, elle demeure pour une majorité de patients invalidante. Le comportement du médecin vis-à-vis de ces formes évoluées est assez démonstratif à cet égard. Si sa culture est *Patrick Hautecœur est professeur de neurologie à la faculté libre de médecine de Lille et chef de service de neurologie à l’hôpital SaintPhilibert. Ce service est notamment spécialisé dans la prise en charge pluridisciplinaire de la SEP. Il participe activement au réseau G-SEP. Il travaille principalement sur les aspects biologiques (isoélectrophorèse des larmes, protéine Mxa) et socio-économiques de la sclérose en plaques. Act. Méd. Int. - Neurologie (3) n° 9, novembre 2002 fondée de manière exclusive sur la science et ses progrès, elles le pousseront naturellement à prendre plus “soin” des formes débutantes, offrant interférons, informations, parfois éducation mais surtout prescription. Cette orientation se fera au détriment des formes plus anciennes, invalidantes, au stade où les interférons ou les immunosuppresseurs n’ont plus aucune utilité. Le comble n’est-il pas que le temps de la consultation soit inversement proportionnel au chiffre de l’EDSS ! Son impuissance à prescrire dans ces formes de Charcot et Vulpian explique naturellement cette attitude de “je ne peux rien pour vous”... Si, au contraire, le même neurologue estime devoir d’abord et avant tout jouer son rôle de médecin – à savoir rendre service en priorité au patient qui vient lui demander assistance et ne pas jouer uniquement le rôle de prescripteur –, son comportement sera bien différent. N’est-ce pas légitime pour ces patients qui, in fine, représentent la majorité ? Cinquante pour cent passent en forme secondairement progressive après 10 ans d’évolution, 90 % après 25 ans. Souvent les mieux informés sur leur maladie, ils ne sont toujours pas candidats aux thérapeutiques novatrices. Et du côté du malade ? Son comportement est également fondé sur sa culture et ses croyances, résultant des informations discordantes données par le neurologue mais aussi les médias , les revues, les associations, etc. Cela génère des doutes, des ambiguïtés, des craintes. Sa perception de la maladie, telle qu’il l’imagine et non telle qu’elle est réellement, est souvent très éloignée de celle du neurologue, surtout si ce dernier raisonne sur le principe de “la médecine fondée sur les preuves”. Les divergences conduisent à l’incompréhension et poussent naturellement les patients Éditorial P. Hautecœur* 197 Éditorial vers d’autres horizons, dont les buts sont hélas ! éloignés de la mission de soins… Le médecin – technicien par excellence, devoir d’exigence oblige – se doit, par conséquent, d’être un soignant convaincant et à l’écoute des plaintes des patients, notamment dans les formes évoluées. Les patients ne doivent pas être résumés à l’alchimie des interrelations entre une empreinte génétique et des facteurs environnementaux responsables d’une dérégulation d’un microcosme cytokinique partiellement modulable par des molécules salvatrices n’agissant qu’au premier stade de la maladie. Le neurologue, éloigné des principes d’éthique dépassés du paternalisme (souvent sous l’influence exclusive de la science) ou, à l’inverse, de l’autonomie totale du patient, animé des principes de bienfaisance et de bienveillance (ne pas nuire et vouloir positivement le bien pour son patient), soucieux de la liberté et du libre choix du patient, respectueux de son identité et de sa temporalité, se doit de faire “alliance thérapeutique” avec lui et de le faire participer activement à sa prise en charge. Il doit lui donner le maximum d’informations pour lui permettre de réfléchir sur sa maladie et sur les possibilités thérapeutiques. Mais cela demande une grande disponibilité de temps et une ouverture sur les autres acteurs dans le cadre d’une approche pluridisciplinaire. Les problèmes sont en effet trop complexes pour que le neurologue seul puisse y répondre. Le neurologue se doit d’utiliser à bon escient son savoir issu de la rigueur sémiologique qu’il détient plus que tout autre et de se tenir informé des progrès scientifiques sans en faire une nouvelle religion. Il se doit aussi de passer alternativement d’un rôle d’interventionniste à celui d’écoutant et d’éducateur. Il doit informer le patient de manière à le faire participer activement à la prise en charge de ses symptômes. ✂ O UI, À découper ou à photocopier JE M’ABONNE AU MENSUEL Les Actualités en N e u r o l o g i e Merci d’écrire nom et adresse en lettres majuscules ❏ Collectivité ............................................................................... à l’attention de ............................................................................ 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