Dossier thématique
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La Lettre du Cancérologue - Vol. XVI - n° 4 - avril 2007
de la prolifération et de diagnostic anatomopathologique diffi cile.
Les polypes composites ou mixtes peuvent s’intégrer au groupe
des polypes festonnés lorsque l’un des contingents constitutifs au
moins présente cette caractéristique architecturale. Les polypes
festonnés peuvent être uniques ou multiples et réaliser un aspect
de polypose. Des formes familiales de polyposes “festonnées” ont
été décrites. Elles sont rares et pourraient regrouper plusieurs
entités. Les gènes en cause ne sont pas connus. La polypose
hyperplasique est caractérisée par la présence de multiples
polypes hyperplasiques (parfois de grande taille et/ou de localisa-
tion colique proximale), généralement associés à d’autres types de
polypes festonnés (adénomes festonnés et adénomes festonnés
sessiles) et à des adénomes “classiques” (2, 3). Le diagnostic est
porté le plus souvent au cours de la cinquième ou de la sixième
décennie, et il existe un potentiel de dégénérescence certain.
Les formes familiales sont caractérisées par une hétérogénéité
phénotypique intrafamiliale, et les agrégations décrites sont
généralement évocatrices d’un mode de transmission autoso-
mique récessif. J. Young et J.R. Jass suggèrent que la polypose
hyperplasique doit être distinguée d’une autre forme de polypose
festonnée baptisée serrated pathway syndrome, caractérisée par
un nombre moindre de polypes, une prédominance féminine
ainsi qu’une agrégation plus marquée et transgénérationnelle
de cancers colorectaux évocatrice d’un mode de transmission
autosomique dominant (4).
Des altérations génétiques et épigénétiques sont observées de
façon récurrente au niveau des lésions survenant dans le contexte
de ces polyposes festonnées. Il s’agit de l’hyperméthylation des
îlots CpG de l’ADN (phénotype “méthylateur”) et des mutations
activatrices du proto-oncogène B-Raf responsables de l’activation
constitutionnelle de la voie de signalisation Ras/Raf/MAPki-
nase. L’hyperméthylation des séquences CpG de l’ADN semble
être particulièrement précoce et déterminante dans la genèse
de ces lésions. Elle suggère que les gènes en cause pourraient
être impliqués dans le contrôle de la méthylation de l’ADN. Ses
conséquences phénotypiques et fonctionnelles varient en fonc-
tion de la nature des gènes cibles dont l’expression est réprimée.
Cela explique la variabilité du phénotype moléculaire, certaines
lésions présentant une instabilité des microsatellites et d’autres non
(phénotype MSI-H en cas de méthylation du promoteur des deux
allèles du gène MLH1 ; phénotype MSI-L en cas de méthylation du
promoteur des deux allèles du gène MGMT 0-6-méthylguanine
DNA méthyltransférase, notamment ; phénotype MSS en cas de
conservation de l’expression de ces deux gènes).
FORMES NON POLYPOSIQUES
OU SYNDROME HNPCC (HEREDITARY NON
POLYPOSIS COLORECTAL CANCER)
Nouveau mécanisme d’inactivation germinale
des gènes du système MMR
Le syndrome HNPCC est classiquement dû à une altération
délétère germinale et héritée d’un gène du système MMR
(mismatch repair) responsable de la faillite de ce système
d’identifi cation et de réparation des lésions de l’ADN à type
de mésappariements de bases et d’erreurs de réplication de
l’ADN polymérase. Si diff érents types de mutations “ponc-
tuelles” de la séquence codante de ces gènes (faux-sens, non
sens, insertion ou délétion d’un ou de plusieurs nucléotides
responsables d’un décalage du cadre de lecture et fi nalement
de la synthèse d’une protéine tronquée, non fonctionnelle) sont
le plus souvent en cause, l’implication de réarrangements de
grande taille de ces gènes a été plus récemment démontrée.
Il s’agit de délétions ou de duplications d’un ou de plusieurs
exons, méconnues par la technique de séquençage classique et
dont l’identifi cation nécessite la mise en place de techniques
de génétique moléculaire particulières (QMPFS ; MLPA). Des
travaux récents indiquent la possibilité d’un troisième méca-
nisme d’inactivation de ces gènes correspondant à un défaut
d’expression (silencing) en rapport avec une hyperméthylation
du promoteur correspondant alors que la séquence codante
est intacte. T.L. Chan et al. ont en eff et rapporté un cas de
syndrome HNPCC en rapport avec une hyperméthylation
constitutive, stable et transmissible, du promoteur du gène
MSH2 (5). Le cas index correspondait à une femme ayant déve-
loppé un cancer colique à l’âge de 40 ans. La tumeur présentait
une instabilité des microsatellites (phénotype MSI-H) et un
défaut d’expression de la protéine MSH2 en immunohisto-
chimie. L’étude constitutionnelle ne permettait pas d’identifi er
d’altération délétère du gène MLH2 (pas de mutation position
de la séquence codante et des régions introniques adjacentes
ni de réarrangement de grande taille) mais une hyperméthyla-
tion allèle-spécifi que du promoteur de ce gène. Cette dernière
était identifi ée au niveau de l’ADN extrait des lymphocytes du
sang périphérique ainsi que de cellules jugales et de muqueuse
colique saine. Une hyperméthylation du promoteur du gène
MSH2 était également observée au niveau des lymphocytes
sanguins et de la muqueuse rectale de 10 des 12 individus testés
de cette famille, répartis sur trois générations successives (en
particulier chez deux sœurs de la proposante ayant développé
un cancer du côlon à l’âge de 30 ans et un carcinome in situ de
l’endomètre à l’âge de 43 ans, ainsi que chez sa mère, porteuse
de plusieurs polypes adénomateux colorectaux).
Une hyperméthylation constitutionnelle du promoteur du gène
MLH1 a également été rapportée dans le contexte du syndrome
HNPCC (6-9). Elle était observée en proportion variable dans
les diff érents types cellulaires testés et en particulier dans les
spermatozoïdes d’un homme atteint (7). Ainsi, l’hyperméthy-
lation constitutionnelle du promoteur d’un gène du système
MMR correspond à une altération épigénétique potentiellement
responsable du syndrome HNPCC. L’inactivation somatique de
l’allèle fonctionnel restant (par mutation ou perte de matériel
chromosomique) dans une cellule “hémi-méthylée” est respon-
sable de la perte de fonction biologique initiatrice de la trans-
formation cancéreuse. La prévalence de ce type d’altération
au cours du syndrome HNPCC n’est pas connue mais il s’agit
très certainement d’un phénomène rare. De même, il existe
des incertitudes vis-à-vis de l’expression phénotypique de la
maladie dans ce contexte.