130 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XIX - n° 2 - février 2010
Points forts
dilatées et remplies de mucus, réparties dans un
chorion très abondant et souvent inflammatoire. Le
chorion peut renfermer de rares fibres musculaires
ainsi que des vaisseaux de taille et d’aspect variés,
parfois dystrophiques ou malformatifs. Des contin-
gents adénomateux peuvent être identifiés au sein
des polypes juvéniles. L’estomac correspond à la
seconde localisation des polypes juvéniles par ordre
de fréquence. La prévalence de l’atteinte gastrique
est cependant variablement appréciée. Elle serait
plus élevée en cas de mutation germinale du gène
MADH4. Les données disponibles concernant les
autres localisations digestives sont rares. Des polypes
juvéniles du duodénum, et notamment de la région
péri-ampullaire, et de l’intestin grêle ont été décrits,
mais la prévalence réelle de ces lésions n’est pas
connue.
En 1998, J.R. Jass et al. ont défini des critères diagnos-
tiques de la polypose juvénile (3). Ces auteurs indi-
quent que le diagnostic peut être retenu en présence
de l’un des trois critères suivants :
➤multiples polypes juvéniles coliques (> 5) ;
➤
polype(s) juvénile(s) chez un individu ayant une
histoire familiale de polypose juvénile, quel que soit
leur nombre et leur localisation ;
➤
polype(s) juvénile(s) répartis sur les différents
segments du tube digestif… sous réserve que
les autres polyposes digestives susceptibles de
comporter des polypes juvéniles aient été exclues.
◆Risques tumoraux
Il existe une augmentation indiscutable mais varia-
blement appréciée du risque de tumeurs malignes
gastro-intestinales chez les sujets atteints de
polypose juvénile (2). Ce risque concerne essen-
tiellement les cancers colorectaux, dont l’inci-
dence cumulée pourrait atteindre, voire dépasser,
40 %. L’âge médian au diagnostic est voisin de
celui décrit au cours de la polypose adénoma-
teuse familiale et très inférieur à celui des cancers
colorectaux sporadiques. Des cas diagnostiqués
chez des jeunes enfants ont été rapportés dans
différentes séries. Le risque de cancer gastrique
semble moindre et l’âge au diagnostic plus élevé.
Les cancers du duodénum, de la région ampullaire,
du pancréas et de l’intestin grêle sont beaucoup
plus rares.
◆Association lésionnelle
Une coségrégation de la polypose juvénile avec
une maladie de Rendu-Osler, ou maladie des
télangiectasies hémorragiques héréditaires, a été
rapportée dans plusieurs familles indépendantes
avec mutation germinale du gène MADH4 (4).
En pratique, la présence de télangiectasies doit
être recherchée systématiquement chez les sujets
atteints de polypose juvénile. La découverte de
telles lésions implique le dépistage de malforma-
tions vasculaires viscérales afin de confirmer le
diagnostic de maladie de Rendu-Osler et de mettre
en œuvre, le cas échéant, les mesures thérapeu-
tiques adaptées.
◆Recommandations pour la prise en charge
des sujets atteints
Les individus atteints de polypose juvénile doivent
faire l’objet d’une surveillance endoscopique diges-
tive régulière. Les modalités de cette surveillance
ont fait l’objet de recommandations britanniques
et françaises (5, 6). En pratique, les coloscopies
doivent être couplées à une fibroscopie œsogas-
troduodénale et réalisées au moins tous les
2 ans. L’objectif des examens endoscopiques est
de dépister les polypes et d’en réaliser l’exérèse.
Lorsque l’exérèse endoscopique n’est pas possible
en raison du nombre et/ou des caractéristiques
endoscopiques des polypes, la chirurgie doit être
envisagée, en particulier en cas de lésions adéno-
mateuses associées aux polypes juvéniles. En ce
qui concerne la polypose colorectale, il n’existe pas
de consensus sur le type d’intervention à proposer.
Les colectomies segmentaires ne sont a priori pas
recommandables compte tenu du risque élevé de
lésions métachrones. Le choix entre colectomie
totale avec anastomose iléo-rectale et coloproc-
tectomie avec anastomose iléo-anale dépend de
l’existence et de la sévérité de l’atteinte rectale,
du souhait du patient après qu’il a été informé
des avantages et des inconvénients de chacune
de ces deux techniques, et de l’observance prévi-
sible au suivi endoscopique ultérieur. Dans tous
les cas, la chirurgie doit être réalisée par un expert
en chirurgie colorectale et l’abord cœlioscopique
doit être préféré à la laparotomie, au moins pour
les colectomies avec anastomose iléo-rectale.
»
La polypose juvénile et le syndrome de Peutz-Jeghers sont des polyposes hamartomateuses rares, à
transmission autosomique dominante, associées à un risque élevé de cancer colorectal (risque cumulé au
cours de l’existence de l’ordre de 50 %).
»Il existe une augmentation du risque d’autres cancers au cours de ces affections, justifiant la mise en
place de stratégies de dépistage spécifiques : cancer gastrique pour la polypose juvénile ; cancers digestifs,
pancréatiques, mammaires, gynécologiques et bronchiques pour le syndrome de Peutz-Jeghers.
»
Les polyposes hyperplasiques sont également associées à un risque accru de cancer colorectal. Le ou
les gènes en cause ne sont pas connus.
»
Il existe des formes héréditaires de cancers colorectaux sans polypose ne correspondant pas au syndrome
de Lynch et qui pourraient relever d’un déterminisme oligogénique.
Mots-clés
Cancer colorectal
héréditaire
Polypose juvénile
Syndrome de Peutz-
Jeghers
Polypose
hyperplasique
Keywords
Hereditary colorectal cancer
Juvenile polyposis
Peutz-Jeghers syndrome
Hyperplastic polyposis