> Écho des Congrès > Intérêt de la doxorubicine pégylée liposomale (Caelyx®) dans le “rechallenge” par anthracyclines du cancer du sein métastatique* Le Dr P. Conte de l’université de Modène (Italie) a résumé la problématique actuelle de la chimiothérapie optimale du cancer du sein en situation métastatique. Si l’apport démontré des taxanes (T) en association avec les anthracyclines (risque de rechute réduit de 50-60 % avec une association anthracyclines + T) et du trastuzumab chez les patientes avec tumeurs HER2+ (diminution de 39-52 % du risque de rechute avec une association trastuzumab-4 chimiothérapie [CT]) est incontestable, ce type de protocole thérapeutique soulève de nouveaux problèmes. En termes de toxicité, le surcoût en cardiotoxicité (1,7-4,1 % d’insuffisance cardiaque congestive) des associations triples anthracyclines + T + trastuzumab n’est pas négligeable. L’incidence des dysfonctionnements cardiaques dans les protocoles adjuvants contenant du trastuzumab ou associant anthracyclines et T est élevée (27 % avec le protocole doxorubicine + cyclophosphamide [ACT] + trastuzumab versus 7 % sous AC et 13 % avec une association T + trastuzumab) [1]. L’amélioration de la tolérance, notamment cardiaque, de ces traitements adjuvants est devenue essentielle, conduisant par exemple à préférer l’administration séquentielle des anthracyclines traditionnelles et des T (4 cycles seulement avec anthracyclines). L’objectif prioritaire du traitement de première ligne métastatique est bien une amélioration de la survie globale (SG) À ce propos, la méta-analyse de P. Bruzzi portant sur 2 126 patientes a montré que la qualité de la réponse objective obtenue en première ligne influençait la survie (2). La SG médiane est de 28,8 mois (IC 95 : 25,4-45,3) en cas de réponse complète, de 21,3 mois pour les réponses partielles (IC 95 : 19,2-22,4) et de seulement 14,6 mois (IC 95 : 13-15,4) chez les patientes non répondeuses. La réponse en première ligne métastatique est un facteur hautement prédictif de la survie (p < 0,0001). les plus puissants, dont les anthracyclines. Le ‘rechallenge’ thérapeutique avec ce type d’agent à l’efficacité prouvée est une option thérapeutique valable en première ligne dans le cancer du sein”. Pour P. Conte, “ceci signifie que la chimiothérapie de première ligne se doit d’être efficace et donc d’utiliser les cytotoxiques Les résultats obtenus dans la méta-analyse de A. Gennari avec l’association épirubicine + paclitaxel en première ligne métastatique vont dans ce sens (3). Une population de 291 patientes traitées * Symposium Schering-Plough Oncology - ECCO 13 (Paris, 30 octobre-3 novembre 2005) 26 La Lettre du Cancérologue - Suppl. Les Actualités au vol. XIV - n° 6 - décembre 2005 avec cette association dans 5 études a été analysée : en adjuvant, 35 % n’avaient pas reçu de CT, 37 % avaient eu une CT sans anthracyclines et 28 % une CT à base d’anthracyclines. Le taux global de réponses de 66 %, la survie sans progression (SSP) médiane de 10-12 mois et la SG médiane de 20-27 mois ne sont pas influencés par le type de traitement adjuvant. Quelle anthracycline choisir dans ce contexte de “rechallenge” thérapeutique en première ligne métastatique ? La cardiotoxicité cumulative des anthracyclines traditionnelles (doxorubicine libre et épirubicine) utilisées en adjuvant limite leur usage prolongé en première ligne métastatique. La doxorubicine pégylée liposomale est, dans ce contexte, un agent de choix, et ce pour plusieurs raisons : ✓ Efficacité sur la SG (21-23 mois) en première ligne comparable à celle de la doxorubicine libre selon les résultats d’une étude de phase III (n = 509 patientes) [4]. ✓ Risque minime de cardiotoxicité comparé à celui de la doxorubicine libre, même chez les patientes prétraitées en adjuvant par anthracyclines (doxorubicine libre HR = 3,16 ; p < 0,001) et bonne tolérance globale (pas d’alopécie, bonne tolérance digestive) [4]. ✓ Bonne tolérance cardiaque en association avec le trastuzumab (diminution de 10-15 % de la FEVG, sans signe clinique d’IC : 13 %) couplée à une haute efficacité (tableau) [5] ; il en va de même dans le protocole ECOG 3198 (doxorubicine pégylée liposomale + docétaxel + trastuzumab) [6]. Dans l’étude de phase II de Chia, 30 patientes atteintes d’un cancer du sein avec surexpression de HER2 ont été traitées en situation métastatique par l’association doxorubicine pégylée liposomale (50 mg/m2/toutes les 4 semaines x 6 cycles) + trastuzumab (4 mg/kg puis 2 mg/kg/semaine x 24 semaines) [5]. Quarante-trois pour cent des patientes avaient reçu en adjuvant une CT à base d’anthracyclines (dose cumulée moyenne de doxorubicine de 251 mg/m2 ou 530 mg/m2 d’épirubicine). Le taux global de réponses s’élève à 52 % et demeure à ce niveau important, que les patientes aient ou non reçu des anthracyclines en adjuvant. L’avis du Dr M. Piccard (Institut Jules-Bordet, Bruxelles), modératrice de ce symposium, sur le “rechallenge” par anthracyclines grâce à la doxorubicine pégylée liposomale “Le ‘rechallenge’ par anthracyclines en situation métastatique est pour moi une option thérapeutique justifiée si l’IL est long (> 12 mois) et en cas de surexpression d’HER2 (facteurs prédictifs d’une bonne sensibilité aux anthracyclines). De plus, la mise à disposition de la doxorubicine pégylée liposomale, molécule efficace dont l’administration présente un risque minime de cardiotoxicité même chez des patientes prétraitées en adjuvant par anthracyclines, nous permet désormais de retraiter avec la doxorubicine pégylée liposomale avec une bonne sécurité d’emploi. Si le trastuzumab a été administré en adjuvant, j’utiliserai volontiers la doxorubicine pégylée liposomale seule à sa dose usuelle de 40-45 mg/m2, traitement ayant l’avantage d’être peu contraignant car d’administration mensuelle. En revanche, chez les patientes n’ayant pas reçu du trastuzumab en adjuvant, l’apport de cet agent utilisé seul ou associé à un taxane n’est pas encore clairement établi, mais il pourrait être bénéfique quand la tumeur surexprime HER2. Si, pour la patiente, l’absence d’alopécie sous CT est vécue comme un critère important, j’orienterai mon choix de préférence vers l’association doxorubicine pégylée liposomale + trastuzumab en première ligne, réservant le taxane à la seconde ligne. Tout cela se conçoit, bien sûr, en fonction des facteurs de risque cardiovasculaire. Enfin, les protocoles d’administration tous les 15 jours de la doxorubicine pégylée liposomale à la dose de 20 mg/m2 sont intéressants, car ils pourraient réduire l’incidence du syndrome “mains-pieds”. De même, l’évaluation de l’administration séquentielle de la doxorubicine pégylée liposomale et d’un taxane doit se poursuivre en ■ situation métastatique”. Références bibliographiques 1. Seidman A, Hudis C, Pierri MK et al. Cardiac dysfunction in the trastuzumab clinical trials experience. J Clin Oncol 2002;20(5):1156-21. 2. Bruzzi P, Del Mastro L, Sormani MP et al. Objective response to chemotherapy as a potential surrogate end point in metastatic breast cancer patients. J Clin Oncol 2005;23(22):5117-25. 3. Gennari A, Bruzzi P, Orlandini C et al. Activity of firstline epirubicin and paclitaxel in metastatic breast cancer is independent of type of adjuvant therapy. Br J Cancer 2004;90(5):962-7. 4. O’Brien MER, Wigler N, Inbar M et al. Reduced cardiotoxicity and comparable efficacy in a phase III trial of pegylated liposomal doxorubicin HCI (Caelyx®/ Doxil®) versus conventional doxorubicin for first-line treatment of metastatic breast cancer. Ann Oncol 2004;15(3):440-9. 5. Chia et al. Proc Am Soc Clin Oncol 2004;23:34; Abstract 628. 6. Wolff et al. Breast Cancer Res Treat 2004;88:S125; Abstract 3040 + poster. Tableau I. Efficacité de l’association doxorubicine pégylée liposomale + trastuzumab en première ligne métastatique (5). Nombre de patientes évaluables n = 29 Taux de réponses global • Patientes sans anthracyclines en adjuvant • Patientes prétraitées par anthracyclines 52 % 53 % 50 % Survie sans rechute • Médiane (mois) • Taux à 1 an 9,9 (8-15,1) 44 % Survie globale • Médiane (mois) • Taux à 1 an Non atteinte 64 % La Lettre du Cancérologue - Suppl. Les Actualités au vol. XIV - n° 6 - décembre 2005 27