Sildénafil (Viagra ) : pharmacologie, effet primaire, effets secondaires*

DOSSIER
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La Lettre du Gynécologue - n° 244 - septembre 1999
iagra ! À peine sorti, déjà un mythe. Un mot qui
fait rêver, éveillant les fantasmes des bien-por-
tants, évoquant le satyre de Pompéi, le bouc pro-
verbial. Plus de cinquante sites Internet, une centaine de morts,
des milliers d’histoires, des millions d’utilisateurs, pour
un pro-
duit qui touche directement aux rêves (mourir en pleine
extase)
et aux craintes les plus profondes (mourir avant d’y arriver) de
l’homme, et qui pose des questions inattendues : Combien de
comprimés, donc de rapports, les assurances maladies vont-
elles ou doivent-elles rembourser ?, définissant l’activité
sexuelle “normale”. Faudra-t-il donc limiter les excès autant
que de combler les déficits ? Comment peut-on interpréter le
remboursement de la pilule contraceptive et, non du Viagra®
autrement que comme une volonté politique de limiter la nata-
lité ? Que fait lÉglise ? Aurait-on la même effervescence pour
un produit similaire agissant chez la femme ? À quand les mou-
vements de soutien aux “érectilement diminués” (en anglais,
“erectally challenged”)réclamant le remboursement total du
Viagra®, et la prise en charge des Viagra®-résistants (pourrait-
on appeler ce mouvement ÉRACTION ?)
L’objectif de cet article est de faire le point sur ce qu’est et
ce que n’est pas le Viagra®, sur ce qu’on peut en attendre et
en craindre. Il n’est pas certain que l’histoire soit vraie, qui
veut que l’on ait cru que le sildénafil puisse entraîner des
troubles du comportement parce que les volontaires sains
sous sildénafil se mettaient sur le côté ou sur le ventre lors du
passage des infirmières (mais pas des investigateurs mâles),
et que plus de 90 % des sujets “actifs” voulaient continuer le
traitement en fin d’essai. Il est, en revanche, certain qu’initia-
lement
le sildénafil était développé comme antiangineux
(inefficace),
et que la découverte de l’action érectogène a été
“sérendipiteuse”. Il est heureux que le laboratoire n’ait pas
abandonné le produit, mais se soit posé la question de l’utili-
sation thérapeutique d’un effet secondaire de type A.
En effet, la mise à disposition d’un traitement oral actif et
bien toléré serait un progrès thérapeutique considérable dans
une pathologie pour laquelle les traitements sont soit peu
efficaces (papavérine, yohimbine per os), soit difficiles à uti-
liser (injections intracaverneuses d’alphabloquant, applica-
tions locales de trinitrine ou d’alprostadil), soit encore inva-
sifs (prothèses péniennes).
Les données de cette revue proviennent des données publiées
(www.ncbi.nlm.nih.gov/Entrez/medline.html), du rapport
Sildénafil (Viagra®)[1] : pharmacologie, effet primaire,
effets secondaires*
N. Moore**, M. Molimard**, B. Bégaud**
[1] Adresse du site Internet de l’Agence du Médicament et du dernier commu-
niqué de presse sur le Viagra®: http://agmed.sante.gouv.fr/htm/6/6100.htm
* © La Lettre du Pharmacologue.
** Département de pharmacologie, Université Victor-Segalen, CHU de Bor-
deaux, place Raba-Leon, 33076, Bordeaux cedex.
RÉSUMÉ.
Le sildénafil est un inhibiteur de la phosphodiestérase 5 (PDE5), lenzyme qui dégrade le GMPc dans le corps caverneux, indi-
qué dans le traitement des dysfonctionnements érectiles de lhomme. Le GMPc étant synthétisé en réponse au NO libéré lors de la stimula-
tion sexuelle, le sildénafil est donc inefficace en cas de déficit de libido. Il est actif dans 50 à 70 % des cas, améliorant à la fois la qualité
et la durée de lérection, permettant des rapports sexuels satisfaisants. Son délai daction est de 20 à 40 minutes, et il est actif pendant 4 à
6 heures (durée de leffet proérectogène, et non de lérection). Ses principaux effets indésirables sont liés à linhibition de la PDE5 (gas-
tralgies, vasodilatation avec baisse tensionnelle, céphalées) mais également à linhibition de la PDE6 rétinienne (troubles visuels réver-
sibles). Il a par ailleurs été signalé un certain nombre de décès après utilisation de sildénafil, en général dorigine coronarienne, pour les-
quels la part respective de la vasodilatation et de lexercice physique intense inhabituel chez des sujets à haut risque coronarien est
discutée. La principale interaction est avec les donneurs de NO (dérivés nitrés) liés à la libération de GMPc NO-dépendante, entraînant
une vasodilatation périphérique intense. En outre, les utilisateurs de dérivés nitrés sont précisément les sujets à risque daccident corona-
rien cités plus haut. En conclusion, le sildénafil semble un produit actif dans une pathologie difficile, dont la large et très médiatique utili-
sation outre-Atlantique laisse à penser quil sagit dun produit dans lensemble sûr, sous réserve des risques liés aux pathologies vascu-
laires accompagnant souvent la pathologie traitée.
Le sildénafil représente certainement un progrès thérapeutique majeur dans une pathologie pour laquelle les traitements étaient soit peu
efficaces (papavérine, yohimbine per os), soit difficiles à utiliser (injections intracaverneuses dalphabloquant, applications locales de tri-
nitrine ou dalprostadil), soit encore invasifs (prothèses péniennes).
Mots-clés :
Sildénafil - Dysfonctionnement érectile - Revue.
V
public d’expertise, disponible à l’Agence européenne d’éva-
luation du Médicament (www.eudra.org/emea.html),
et des données rendues publiques par la FDA
(www.fda.gov/cder/consumerinfo/viagra/default.htm) et d’autres
sites (voir liste en fin d’article).
PHARMACOLOGIE DU SILDÉNAFIL
Le citrate de sildénafil est le 1-[[3-(6,7-dihydro-1-méthyl-7-
oxo-3-propyl-1H-pyrazolo [4,3-d]pyrimidin-5-yl)-4-ethoxy-
phenyl]sulfonyl]-4-méthylpipérazine (figure 1).
C’est un inhibiteur relativement sélectif du sous-type 5 de la
phosphodiestérase (PDE5), que l’on retrouve dans les vais-
seaux et le corps caverneux. La PDE5 dégrade le GMPc. Le
GMPc est synthétisé par la guanylate cyclase, sous
l’influence du monoxyde d’azote (NO) libéré de l’endothé-
lium sous l’effet de la stimulation cholinergique d’origine
parasympathique. Dans le corps caverneux, le NO est libéré
lors de l’excitation sexuelle, de l’activation de la libido (et
souvent spontanément en fin de nuit lorsque le tonus para-
sympathique est maximal). La relaxation caverneuse, secon-
daire à la synthèse de GMPc NO-dépendante, augmente le
volume du corps caverneux, contribuant à la compression des
veines sinusoïdes contre le fourreau de l’albuginée. Du fait de
la vasodilatation artérielle et de la compression veineuse, le
corps caverneux se remplit de sang, augmente de volume et
se durcit. Puis la dégradation du GMPc et l’activation sympa-
thique entraînent une constriction artérielle et une contraction
du corps caverneux, qui diminuent l’afflux sanguin artériel et
libèrent le drainage veineux, entraînant une déturgescence (en
général postorgasmique ou postéjaculatoire), mais également
post-activation sympathique (sport, douche froide). Ces
mécanismes expliquent l’utilisation locale proérectogène
d’alphabloquants (amplifiant l’afflux artériel initial), de nitrés
(mais avec des effets généraux chez l’utilisateur et chez la
partenaire), et le traitement du priapisme par les vasoconstric-
teurs alphastimulants. On peut noter qu’alors que l’utilisation
de vasodilatateurs artériels, surtout localement, entraîne une
érection indépendamment de la stimulation sexuelle, et donc
un risque de priapisme (traité par l’injection d’alphastimu-
lants) ; ce n’est pas le cas du sildénafil, avec lequel l’érection
ne survient qu’en cas d’activation de la libido.
De par son effet inhibiteur de la phosphodiestérase, le sildéna-
fil inhibe la dégradation du GMPc, donc en augmente et en
prolonge l’action vasodilatatrice et caverno-relaxante. En
revanche, il n’a aucun effet sur la production initiale du
GMPc, qui est NO-dépendante, que le NO soit endogène (sti-
mulation cholinergique) ou exogène (donneurs de NO : nitro-
prussiate, nitrite d’amyle, nitroglycérine…) : le sildénafil traite
l’impuissance, pas l’indifférence. L’effet du sildénafil est inhibé
par le bleu de méthylène (inhibiteur de la GMP cyclase) et par
la L-n-nitro arginine (inhibiteur de la NO-synthase).
Il existe au moins six isoformes de la phosphodiestérase, qui
dégradent les nucléotides cycliques (AMPc, GMPc). L’iso-
forme 1 est présente dans le rein et le muscle lisse, les iso-
formes 2, 3, et 4 dans le poumon et le cœur, la 5 dans les
vaisseaux, les plaquettes et le corps caverneux et la 6 dans la
rétine, où elle est impliquée dans la phototransmission.
Parmi les autres produits inhibiteurs des phosphodiestérases,
on connaît les inhibiteurs non spécifiques que sont les xan-
thines (théophylline, caféine) ou le dipyridamole, les inhibi-
teurs spécifiques de la PDE3 inotropes positifs (enoximone,
amrinone, milrinone…).
Le sildénafil a une affinité environ 1 000 fois plus forte pour
la PDE5 que pour les PDE2, 3 ou 4, 80 fois plus que pour la
PDE1 et 10 fois plus que pour la PDE6 rétinienne. L’affinité
pour d’autres types de récepteurs (alpha, bêta-adrénergiques,
dopaminergiques, histamine H1, 5HT1, 5HT2, muscariniques
et opiacés, dihydropyridine, arylalkylamines (vérapamil), ben-
zothiazépines (diltiazem), benzodiazépines est négligeable.
PHARMACOLOGIE EXPÉRIMENTALE
Outre son effet sur le corps caverneux, le sildénafil a des
effets plaquettaires, hémodynamiques, gastro-intestinaux et
rétiniens.
Effets plaquettaires
Le sildénafil a un effet antiagrégant plaquettaire in vitro uni-
quement par la potentialisation de l’effet antiagrégant et
désagrégant plaquettaire des donneurs de NO (nitroprus-
siate). Cet effet apparaît chez l’animal à des concentrations
10 à 80 fois supérieures à celles ayant un effet sur la pression
caverneuse.
Effets hémodynamiques
Le sildénafil a un effet vasodilatateur pouvant à forte dose
entraîner une baisse de la pression artérielle, accompagnée
d’une tachycardie réactionnelle, expliquant les effets indési-
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La Lettre du Gynécologue - n° 244 - septembre 1999
Figure 1. Structure chimique du sildénafil.
CH3CH2O
O2S
CH3
CH3
HOOC CO2H
CO2H
CH
CH2CH2CH3
HN N
N
N
N
N
O
rables observés chez l’homme (flush, céphalées). Cependant,
ces effets ne sont pas systématiques, jusqu’à des concentra-
tions plasmatiques atteignant 25 fois celles actives sur le
corps caverneux.
Effets gastro-intestinaux
In vitro, le sildénafil inhibe la motricité intestinale et en par-
ticulier gastrique. Chez l’homme, il ne paraît pas augmenter
la fréquence des œsophagites par reflux, bien que les dys-
pepsies soient l’un des effets indésirables les plus fréquents.
Effets rétiniens
Le sildénafil modifie la réponse rétinienne à la lumière
bleue, du fait de l’inhibition de la PDE6 qui dégrade le
GMPc impliqué dans la phototransmission.
PHARMACOLOGIE CLINIQUE
Chez l’homme ayant une dysfonction érectile, le sildénafil
entraîne une érection après stimulation sexuelle visuelle
et/ou tactile avec une médiane de réponse de 27 minutes
(placebo 50 minutes) pour 50 mg. Il n’y a pas de relation
dose-réponse nette sur la qualité de l’érection, mais plutôt
sur le nombre de répondeurs. La durée de l’érection,
lorsqu’elle survient, va de 22 à plus de 30 minutes en
moyenne, selon la concentration plasmatique.
À la dose de 100 mg en prise unique (le Viagra®est commer-
cialisé en comprimés de 25 et 50 mg), il apparaît des erreurs
au test de discrimination des couleurs, mais pas aux doses
thérapeutiques usuelles.
Une diminution moyenne de la pression artérielle de
8,7 mmHg (systolique) et 5,5 mmHg (diastolique) est notée
après 100 mg en prise unique, de 7,7 et 4,5 mmHg respecti-
vement après 50 mg. Les valeurs reviennent aux valeurs ini-
tiales en 4 heures.
Il n’y a pas de modification de l’agrégation plaquettaire in
vivo, ni du temps de saignement.
Il n’y a pas d’effet sur la mobilité, morphologie ou vitalité
du sperme 1,5 et 4 heures après la prise de 100 mg en prise
unique.
PHARMACOCINÉTIQUE
Le sildénafil est rapidement résorbé, avec une biodisponibi-
lité
absolue de l’ordre de 40 % du fait d’un premier passage
hépatique. La prise alimentaire simultanée retarde le Tmax et
diminue la Cmax.
Le sildénafil est fixé aux protéines plasmatiques à 96%, avec
un volume de distribution élevé (1 00l environ). L’éjaculat
contient moins de 0,0002 % de la dose totale administrée.
L’élimination est essentiellement hépatique, avec une méta-
bolisation oxydative par le cytochrome 450 CYP3A4 (voie
majeure, inductible ou inhibable) et CYP2C9 (voie
mineure). Deux des quatre principaux métabolites semblent
actifs, avec une sélectivité comparable mais une puissance
inhibitrice nettement inférieure (50 % et 10 % respective-
ment), et des concentrations plasmatiques finales de 20 à
40 % de celles du sildénafil : leur contribution aux effets
pharmacologiques chez l’homme paraît mineure.
La clairance du sildénalfil est extrarénale, de l’ordre de 40 l/h,
similaire au débit sanguin hépatique, et sa demi-vie d’élimina-
tion est de 4 heures. Aucune accumulation n’est attendue si le
produit est pris quotidiennement ou moins souvent.
INTERACTIONS MÉDICAMENTEUSES
Pharmacocinétiques
Du fait de son métabolisme prédominant par le CYP3A4, les
inhibiteurs de ce dernier (kétoconazole, érythromycine,
cimétidine) vont diminuer la clairance du sildénafil, effet
confirmé in vivo en présence de cimétidine, qui augmente de
56 % environ les concentrations plasmatiques de sildénafil.
En cas d’utilisation concomitante d’un inhibiteur de CYP
3A4, il est conseillé de commencer par une dose de 25 mg.
De son côté, le sildénafil est un inhibiteur faible de nom-
breuses isoformes de P450, mais compte tenu des faibles
concentrations plasmatiques, aucune interaction significative
n’est attendue. Cela a été confirmé pour le tolbutamide et la
warfarine. Il n’a pas été retrouvé d’interaction non plus avec
l’aspirine, les anti-acides ou l’alcool.
Pharmacodynamiques
Il n’y a pas encore de données sur une interaction éventuelle
avec les inhibiteurs non spécifiques de la phosphodiestérase
(théophylline, caféine, dipyridamole).
Compte tenu de l’effet ex vivo sur la fonction plaquettaire, et
en l’absence de données en cas de diathèse hémorragique ou
d’ulcère gastro-duodénal, l’utilisation chez ces patients devra
être prudente. Il n’y a pas de données sur l’association avec la
ticlopidine, mais la prudence devrait également être de mise.
Pour ce qui concerne les médicaments antihypertenseurs, il
ne paraît pas y avoir plus d’effets indésirables en cas d’asso-
ciation avec le sildénafil qu’avec le placebo pour toute une
série de produits (IEC, bêtabloqueurs, antagonistes du cal-
cium, diurétiques), et une étude spécifique d’interaction
montre un effet additif avec l’amlodipine (baisse tension-
nelle supérieure de 8 mmHg en cas d’association, égale à la
baisse tensionnelle trouvée après sildénafil seul).
En revanche, comme prévu, le sildénafil potentialise les
effets hypotenseurs des dérivés nitrés, qui sont donc contre-
indiqués (y compris le nitrite d’amyle, souvent utilisé sous
forme de “poppers”, à des fins similaires…).
POPULATIONS PARTICULIÈRES
Chez l’insuffisant rénal sévère, mais pas chez l’insuffisant
rénal modéré, il apparaît une augmentation sensible des
concentrations plasmatiques du sildénafil et surtout de son
métabolite actif : la prudence est donc de mise. De la même
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La Lettre du Gynécologue - n° 244 - septembre 1999
manière, le métabolisme du sildénafil est sérieusement com-
promis en cas d’insuffisance hépatique sévère, qui est donc
une contre-indication.
Du fait de l’augmentation des concentrations plasmatiques
de sildénafil et de son métabolite actif chez le sujet âgé sain
(65-81 ans), la plus faible dose (25 mg) est recommandée.
Le sildénafil n’est pas indiqué chez la femme (compte tenu
de la faible excrétion séminale, le problème de la résorption
transvaginale ne devrait pas se poser), ni chez l’enfant.
EFFICACITÉ
Quatre études principales à dose fixe ou variable contre pla-
cebo ont été réalisées, complétées par des études chez des
sujets ayant des atteintes médullaires et chez des diabétiques,
couvrant au total plus de 3 000 patients. Compte tenu de la
difficulté à maintenir ou obtenir l’insu, aucune comparaison
n’a été faite avec les traitements actuels de référence (injec-
tion intracaverneuse d’alphabloquants).
N’ont pas été inclus dans ces études les patients ayant eu une
irradiation ou une chirurgie pelvienne, une insuffisance
rénale ou hépatique sévère, un accident vasculaire cérébral
ou un infarctus de moins de six mois, une insuffisance car-
diaque, un angor instable ou une arythmie sévère dans les six
mois précédents, ainsi que les patients traités par trazodone,
testostérone ou un autre agent érectogène, ceux ayant une
prolactinémie élevée ou une testostéronémie basse, les
patients ayant une hypotension (< 90/50), une rétinite pig-
mentaire, une rétinopathie diabétique proliférative, un ulcère
gastro-duodénal en activité ou une autre maladie instable.
Plus de 90 % des sujets étaient caucasiens.
Ces études prenaient comme critère d’efficacité la qualité
(qualité de la pénétration et du maintien de l’érection après
pénétration pour un rapport satisfaisant) et la durée de l’érec-
tion, dans des conditions naturelles, sur une évaluation par
autoquestionnaire, sur des échelles à 5 ou 6 points. Pour une
réponse moyenne de l’ordre de 2,2/5 sous placebo, les scores
étaient de 3 avec 25 mg, entre 3 et 4 avec 50 mg et presque
4 avec 100 mg, avec des réponses similaires à 3 et 6 mois (le
score était de 0 : pas d’essai de rapports ; 1 : jamais ou
presque jamais ; 2 : rarement ; 3 : parfois, à peu près la moitié
du temps ; 4 : souvent, plus de la moitié du temps et 5 : tou-
jours - presque toujours) Cette érection était obtenue réguliè-
rement chez 50 à 55 % des sujets, contre 6 à 9 % sous pla-
cebo. Sauf chez le diabétique, 62 à 73 % des tentatives de
rapports étaient couronnées de succès sous sildénafil, contre
22-25 % sous placebo. Les partenaires indiquaient des indices
de satisfaction similaires. Plus de 91 % des sujets dans les
études ouvertes voulaient continuer à utiliser le produit.
Parmi les facteurs influençant la réponse thérapeutique, on
note que la qualité de la réponse semble diminuer un peu
avec l’âge. Si la durée de la dysfonction ne semble pas
influencer le résultat, la sévérité de celle-ci semble un fac-
teur de moins bons résultats. La cause de la dysfonction ne
semble pas jouer de rôle majeur, si ce n’est de moins bons
résultats chez les diabétiques (restant cependant toujours
supérieurs au placebo). Globalement, le pourcentage de
réponses positives en fonction de l’étiologie s’établit comme
suit : dysfonction psychogène 84 %, dysfonction mixte
77 %, dysfonction organique 68 %, sujets âgés 67 %, diabète
59 %, ischémie cardiaque 69 %, hypertension artérielle
68 %, résection prostatique transurétrale 61 %, prostatecto-
mie complète 41 %, lésion spinale y compris transsection
médullaire 83 %, dépression 75 %.
EFFETS INDÉSIRABLES AU COURS DES ESSAIS CLINIQUES
Quatre mille deux cent treize sujets ont participé aux essais
cliniques comparatifs en double insu, 3 003 sous sildénafil et
1 832 sous placebo, dont 769 ont ultérieurement reçu du sil-
dénafil dans des études ouvertes. Mille six cent quatre-vingt-
deux ont commencé par une dose de 50 mg ou plus et 559 en
ont pris plus d’un an. La dose moyenne était de 8 à 9 doses
par mois pendant les premiers mois, et de 3 doses par mois à
partir du cinquième mois.
Décès et infarctus
Une première évaluation de l’ensemble des essais cliniques en
février 1997 faisait état de 13 décès sous sildénafil contre 2 sous
placebo (fréquences respectives 0,3 et 0,1 pour cent patients trai-
tés, risque relatif 3,16 ; IC95 : 0,71-14,4 [NS]). Si l’on tient
compte des durées d’exposition de 1 719,3 pour le sildénafil et
de 366,3 patients-années avec le placebo, les fréquences corres-
pondantes sont de 0,8 et 0,5 % patients-années, risque relatif :
1,38 ; IC95 : 0,31 à 6,16. Pour ce qui concerne la survenue
d’infarctus, les fréquences respectives sont de 1,33 et 1,36 %
patients-années (RR : 0,98 ; IC95 : 0,37-2,59). Une réévaluation
un an plus tard, avec des durées de suivi plus longues
(4 900 patients-années sous sildénafil), trouve 22 morts, soit une
fréquence de 0,45 % patients-années (RR 0,74 ; IC95 : 0,18-3,37).
La diminution du risque relatif est un bon exemple de déplétion
des susceptibles : les plus à risque mourant d’abord, l’allonge-
ment de la durée de suivi chez les mêmes patients entraîne une
diminution du risque de mortalité…
Arrêts prématurés
La fréquence d’arrêts prématurés de traitement était plus éle-
vée avec le placebo (13,9 %) qu’avec le sildénafil (8,5 %),
liée surtout à un surcroît d’arrêts pour inefficacité (5,5 %
versus 1,5 %). Le nombre d’arrêts pour effets indésirables
était similaire (2,3 % [placebo] versus 2,6 %).
Autres effets indésirables
Les effets indésirables les plus fréquemment rapportés avec
le sildénafil étaient des effets digestifs (19,3 % versus 7,3 %),
essentiellement dyspepsie, certains effets étant en rapport
avec la vasodilatation (17 % versus 4,8 % : céphalées, flush),
des effets visuels (6,5 % versus 0,4 % : frange colorée bleue
ou halo, augmentation de la perception lumineuse ou vision
floue). Ces effets visuels n’étaient pas plus fréquents chez
les diabétiques (6 %) que chez les non-diabétiques.
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On retrouve également davantage de myalgies (2,1 % versus
0,8 %) sans autre anomalie, en particulier biologique,
quoique l’on signale également une augmentation des CPK
(2,3 % versus 1,2 %) et des hémoglobinuries (16,7 versus
6,8 %). On peut se demander si l’un comme l’autre ne pour-
raient être en rapport avec l’activité sexuelle : l’effort mus-
culaire augmente les CPK. Les rapports sexuels sont-ils une
source d’hémoglobinurie ?
Une rhinite ou sensation de nez bouché (effet fréquent avec
tous les vasodilatateurs) ont également été signalées (1,1 %).
Aucun priapisme n’a été observé au cours des essais cli-
niques, mais des cas ont été signalés après commercialisa-
tion, le plus souvent lors d’une association avec un autre
traitement des troubles de l’érection (injection intracaver-
neuse), qui est, rappelons-le, contre-indiquée.
DONNÉES DE PHARMACOVIGILANCE
De la mise sur le marché aux États-Unis en mars 1998
jusqu’à la fin du mois de novembre 1998, environ
6 millions d’ordonnances de Viagra®ont été délivrées,
représentant plus de cinquante millions de comprimés
(www.fda.gov/cder/consumerinfo/viagra/ default.htm).
Outre les effets indésirables connus, qui ne diffèrent pas par
leur nature ou leur fréquence apparente des données des
essais cliniques, un certain nombre de décès ont été signalés.
Leur analyse a été remise très récemment à jour.
Deux cent quarante-deux morts ont été déclarées à la FDA.
Pour diverses raisons (patients étrangers, information invéri-
fiable, incertitude quant à la prise du produit), 112 cas ont été
éliminés, laissant 130 morts, 2 d’homicide et de noyade, 48
de cause inconnue, de causes cardiovasculaires pour 77, prin-
cipalement infarctus (41) et arrêt cardiaque (27). Tous ceux
dont le sexe était mentionné étaient des hommes. Pour les
104 dont on connaît l’âge, celui-ci allait de 29 à 87 ans
(médiane 64 ans). Sur les 62 cas pour lesquels on connaît la
dose absorbée, 3 avaient pris 25 mg, 46 avaient pris 50 mg, 9,
100 mg, 2 avaient une ordonnance pour 50-100 mg et 2 pour
plus de 100 mg. Seize avaient pris des dérivés nitrés (contre-
indiqués) ou en avaient une prescription et 3 en avaient en
leur possession au moment du décès, sans que l’on sache s’ils
en avaient pris. Quarante-quatre cas sont morts dans les 4 à
5 heures suivant la prise, dont 27 pendant ou juste après un
rapport, 6 sont morts le jour de la prise du Viagra®, 8 le len-
demain, 5 le jour suivant et 4 trois à sept jours après. Le délai
entre la prise du Viagra®et le décès était inconnu chez
61 hommes (48 %). Quatre-vingt-dix (70 %) des 128 morts
avaient un ou plusieurs facteurs de risque cardiovasculaires,
trois autres avaient une atteinte coronaire sévère à l’autopsie.
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