Effets du sildénafil
Inhibiteur spécifique de la phospho-
diestérase 5 (PDE5) présente dans le
corps caverneux, le sildénafil prolonge
l’action du GMP cyclique, second mes-
sager du NO et principal médiateur de
la relaxation musculaire et de la vasodi-
latation dans le pénis.
Au plan cardiovasculaire, à la différence
de la milrinone, inhibiteur de la PDE3,
le sildénafil n’a pas d’action inotrope
sur les fibres musculaires cardiaques, à
une concentration 3 000 fois supérieure
à celle inhibant la PDE5. Le sildénafil
induit une chute modérée de la pression
artérielle systolique (8 à 10 mmHg) et
diastolique (5 à 6 mmHg), avec un effet
maximal une heure après la prise et une
normalisation à la 4eheure. Il n’y a pas
de modification significative de la fré-
quence cardiaque lors de la prise de sil-
dénafil.
Le sildénafil induit une vasodilatation
artérielle et veineuse périphérique.
Chez les patients porteurs d’un angor
stable, l’injection intraveineuse de sil-
dénafil réduit les résistances systé-
miques, pulmonaires et le débit car-
diaque respectivement de 8,25 et 7 %.
Du fait de l’élévation des taux de GMP
cyclique dans le muscle lisse vasculaire,
le sildénafil a donc un discret effet
vasodilatateur entraînant généralement
une baisse modérée de la pression arté-
rielle s’il est pris isolément.
S’il est pris en association avec des
nitrés, incluant le nitrite d’amyle ou
“poppers”, ou d’autres donneurs de
NO, son effet vasodilatateur sera très
nettement amplifié avec apparition
d’une hypotension marquée, pouvant
survenir jusque 24 heures après la prise
de sildénafil.
Le sildénafil a également un effet indi-
rect sur la fonction plaquettaire puis-
qu’il potentialise l’effet inhibiteur du
NO sur l’agrégation plaquettaire ex
vivo induite par l’ADP. Sous sildénafil,
il n’a jamais été constaté de saignement
ou de modification du taux de pro-
thrombine en association avec de l’as-
pirine ou de la warfarine.
Cependant, aucune étude n’a été réali-
sée en association avec les autres anti-
agrégants plaquettaires, tel que ticlopi-
dine, clopidogrel ou dipyridamole.
Deux questions principales se
posent au cardiologue
Faut-il évaluer tout d’abord la capa-
cité cardiovasculaire du patient à
l’activité sexuelle ?
Quelles précautions prendre lors de
la prise du Viagra®?
L’activité sexuelle est assimilée à un
effort physique modéré
Les études ont montré que la fréquence
cardiaque de l’homme variait entre 110
et 127/minute, en fonction de sa posi-
tion par rapport à sa partenaire (avec
toutefois d’importantes variations indi-
viduelles).
En pratique, il s’agit d’évaluer l’aptitu-
de du patient à la pratique d’une activi-
té sportive de loisir. Selon les recom-
mandations ACC/AHA (1, 2) :
– En l’absence d’antécédent cardiovas-
culaire et de symptôme, s’il existe une
activité physique régulière, l’activité
sexuelle peut être autorisée.
– En l’absence d’antécédent ou de
symptôme cardiovasculaire mais aussi
d’activité physique régulière, les fac-
teurs de risque sont à évaluer. S’ils sont
peu nombreux, l’activité sexuelle peut
être autorisée. S’il en existe beaucoup,
une épreuve d’effort est nécessaire. En
cas de positivité à un seuil inférieur à
120/min, l’activité sexuelle peut repré-
senter un risque pour le patient.
– Chez les patients présentant une
insuffisance cardiaque sévère ou une
hypertension non équilibrée, l’activité
sexuelle devrait être déconseillée.
– Chez les patients porteurs d’un angor
stable, d’une hypertension artérielle
traitée et équilibrée ou d’une insuffi-
sance cardiaque modérée ou compen-
sée, l’épreuve d’effort sous traitement
devrait permettre d’évaluer l’aptitude
cardiovasculaire du patient à pratiquer
une activité sexuelle. Si celle-ci est
négative, elle doit suffire pour autoriser
la prescription. Par ailleurs, la reprise
de l’activité sexuelle après un arrêt
chez ce type de patient doit se faire pré-
férentiellement dans un cadre familier
et stable (lieu, partenaire) en limitant
les dépenses énergétiques (à distance
de l’absorption d’un repas abondant ou
d’alcool, mise en condition progressive
Angio-Clinique
Act. Méd. Int. - Angiologie (15) n° 9-10, novembre/décembre 1999 170
Problèmes cardiovasculaires
posés par le sildénafil (Viagra®)
S. Cohen*
Depuis la mise à disposition du sildénafil (Viagra®), il est apparu
que le cardiologue allait jouer un rôle important dans la prise en
charge de ces patients.
* Cardiologue, Paris.
171
du couple, intensité modérée de l’effort
sexuel, etc.).
– Le post-infarctus récent est un cas
particulier puisque le sildénafil n’a pas
été étudié ; il est jusqu’à présent contre-
indiqué dans cette éventualité.
L’interaction avec les dérivés nitrés
soulève de nombreuses questions
Le patient coronarien ou insuffisant
cardiaque recevant des dérivés nitrés en
traitement chronique ne devra en aucun
cas recevoir de prescription de sildéna-
fil. En cas de survenue d’une hypoten-
sion grave sous sildénafil, un remplis-
sage vasculaire s’impose avec utilisation
parfois nécessaire d’alpha-agoniste
comme la néosynéphrine.
Il est recommandé à un patient coro-
narien ayant une prescription de dérivés
nitrés en traitement aigu d’une éventuelle
douleur angineuse, de ne pas prendre ce
traitement tant qu’il est sous sildénafil,
l’arrêt de l’effort et le repos pendant
quelques minutes permettant dans la
grande majorité des cas de faire dispa-
raître la douleur en quelques minutes. La
persistance de la douleur plus de 10
minutes impose le recours à une hospita-
lisation et la mise en route d’un traite-
ment antiangineux, en excluant les
nitrés : les bêtabloquants et les antical-
ciques n’ont pas montré d’interaction
avec le sildénafil et peuvent être utilisés.
En cas de nécessité, il est souhaitable
d’attendre au moins 24 heures après la
dernière prise de sildénafil pour réintro-
duire un traitement nitré.
Enfin, d’autres questions restent encore
sans réponse : qu’en est-il de l’interaction
avec les antiagrégants plaquettaires non
salicylés, ou avec d’autres inhibiteurs des
phosphodiestérases, qu’ils soient spéci-
fiques (milrinone, énoximone) ou non
spécifiques (théophylline, dipyridamole,
papavérine, pentoxyphiline) ?
Conclusion
Le sildénafil constitue un progrès cer-
tain dans le traitement des troubles de
l’érection et les patients cardiaques doi-
vent pouvoir en bénéficier en toute
sécurité. Les restrictions concernent
d’une part les contre-indications liées
au malade, et d’autre part les interac-
tions médicamenteuses en particulier
avec les nitrés.
L’introduction récente sur le marché
impose une vigilance accrue face à ces
patients.
Références bibliographiques
1. ACC/AHA Expert Consensus Document :
Use of sildenafil (Viagra®) in patients with
cardiovascular disease. Circulation 1999 ;
99 : 168-77.
2. Puel J. Troubles de l’érection et sildénafil
en pratique cardiologique ; symposium
Pfizer : la dysfonction érectile et le cardio-
logue. Paris, 01/03/1999.
Imprimé en France
Differdange S.A. - 95110 Sannois
Dépôt légal 4etrimestre 1999
© Septembre 1984 -
Médica-Press International S.A.
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