Le Courrier de la Transplantation - Volume I - n
o
1 - avril-mai-juin 2001
!H. Kreis*
Apostrophe
e rejet chronique, si l’on entend sous ce
vocable toute lésion chronique du greffon
secondaire à l’alloréaction induite par la présence
des antigènes du donneur, est – ou en tout cas
devrait être – la première préoccupation du trans-
planteur. La pathologie chronique du greffon,
dénommée “néphropathie chronique du greffon”
lorsque le greffon est rénal, est un ensemble
lésionnel complexe ; elle résulte des multiples
agressions qui peuvent endommager un organe
greffé, parmi lesquelles le rejet chronique figure
en bonne place. Ces lésions chroniques du gref-
fon, aujourd’hui encore inévitables, conduisent à
son dysfonctionnement chronique.
La pathologie chronique du greffon peut com-
porter une définition clinique se fondant sur la
diminution progressive de la ou des fonction(s)
du greffon, qu’il soit rénal, cardiaque, hépatique
ou autre, et une définition histologique dépendant
donc de son analyse anatomopathologique. Le
rejet chronique du greffon a, quant à lui, une triple
définition, selon que l’on considère sa répercus-
sion clinique, histologique ou les perturbations
immunologiques qui sont la source des lésions
histologiques, cellulaires ou tissulaires.
On comprend donc l’importance que devrait
avoir l’examen histologique systématique du
transplant, à une période où sa fonction n’est pas
encore altérée. En effet, l’immunologie ne nous
a pas encore fourni les instruments nécessaires
au diagnostic de l’alloréaction, c’est-à-dire du
rejet, qu’il soit aigu ou chronique. Le diagnostic
préclinique de survenue d’un rejet ne peut donc
reposer que sur l’analyse d’un fragment de
l’organe transplanté. Cela est tellement vrai que
certaines équipes, comme celle de l’hôpital
Necker (Paris), pratiquent, depuis plus de qua-
rante ans, cet examen de façon protocolaire,
c’est-à-dire systématique, à certaines périodes
fixes après la greffe. C’est ainsi que l’on a pu
s’apercevoir à la fois de l’intérêt que revêtent
ces examens répétés, qui nous permettent de
découvrir des lésions souvent conséquentes du
transplant en l’absence de la moindre dégrada-
tion fonctionnelle, et de leurs limites, qui sont
malheureusement importantes.
En effet, les lésions qui frappent le transplant
sont, dans la majorité des cas, d’une grande hété-
rogénéité de répartition. Cela est particulière-
ment évident lorsque, par exemple, à la suite d’un
accident chirurgical, on est amené à pratiquer
l’ablation du transplant à un stade quelconque
de son évolution et que l’on fait l’analyse histo-
logique de larges fragments. Dans ces condi-
tions, une simple biopsie ne peut être considé-
rée comme une juste représentation des lésions
de l’organe greffé. Ce que l’on voit existe, bien
sûr, mais de façon non quantifiable, et l’on ne
peut pas dire que ce que l’on ne voit pas n’existe
pas ! Ces deux données devraient toujours venir
pondérer les conclusions diagnostiques et les
interprétations trop souvent péremptoires des
examens histologiques des transplants. Cela, à
tout le moins, chez un seul sujet ou un petit
nombre de sujets. L’analyse statistique d’un
grand nombre de biopsies, dans des études ran-
domisées, vient cependant atténuer cet aléa
majeur.
La deuxième limitation de l’analyse histolo-
gique, qu’elle soit systématique ou non, est
l’absence de spécificité des lésions observées.
L’infiltration cellulaire du parenchyme de
l’organe greffé n’est que le témoin d’une réac-
tion inflammatoire présente en son sein, qui peut
être la cause ou la conséquence du rejet, voire
même en être totalement indépendante. L’arté-
riopathie sclérosante n’est certes pas l’apanage
du rejet chronique, même si elle en est évoca-
trice, et la fibrose parenchymateuse n’est peut-
être initialement qu’un processus de guérison,
qui a ensuite dépassé son but et détruit l’organe,
quel que soit le mécanisme originel de son
Considérations critiques sur la biopsie
des organes transplantés
L
* Service de transplantation et de réanimation, hôpital
Necker, 75743 Paris Cedex 15.
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