Mesurer le potentiel économique

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Repères économiques
Vue d’ensemble pour les investisseurs
NUMÉRO 30 • JUIN 2014
POINTS SAILLANTS
ERIC LASCELLES
Économiste en chef
RBC Gestion mondiale d’actifs Inc.
ƒƒ Les techniques de prévision traditionnelles sont axées si étroitement sur
les actions quotidiennes des décideurs qu’elles perdent de vue ce que les
décideurs tentent de réaliser.
ƒƒ Une approche radicalement différente consiste à simplement évaluer ce qui
se passerait si les décideurs atteignaient leurs principaux objectifs, comme
équilibrer leur budget, ramener l’économie à son plein potentiel et mener leur
devise vers une juste évaluation.
ƒƒ De façon générale (bien qu’imprécise), l’indice de potentiel économique qui
en résulte indique que les pays qui ont le mieux traversé la crise financière –
comme le Canada et l’Australie – affichent maintenant le potentiel d’expansion
économique le plus faible pour les cinq prochaines années, alors que ceux qui
ont beaucoup souffert sont susceptibles de connaître un essor.
MESURER LE POTENTIEL ÉCONOMIQUE
Néanmoins, nous sommes toujours à l’affût de nouvelles
perspectives. Récemment, nous avons commencé à nous
demander si dans cette approche courante l’arbre ne cache
pas la forêt ; l’attention est axée si étroitement sur les actions
quotidiennes des décideurs que ce qu’ils tentent de réaliser
n’est pas pris en compte.
Quels sont les objectifs à moyen terme des décideurs ? En
termes simples, ils visent à équilibrer leur budget, à réduire
au minimum toute inadéquation entre l’offre et la demande, à
ramener l’économie à son plein potentiel, à entreprendre des
réformes qui améliorent le potentiel de l’économie et à mener
leur devise vers une évaluation raisonnable.
Qu’arrive-t-il si l’on supprime l’étape intermédiaire pour plutôt
mettre l’accent sur ces objectifs finaux ? Ce raisonnement
a inspiré la création de l’indice de potentiel économique,
15
Indice primaire
Hausse latente
10
Indice élargi
5
0
Turquie
Chili
Canada
R.-U.
É.-U.
Australie
France
Japon
Mexique
Corée
Allemagne
Suède
Italie
Espagne
Suisse
Portugal
Pays-Bas
Grèce
-5
Baisse latente
Irlande
Habituellement, les projections économiques à moyen terme
(portant sur les trois ou cinq prochaines années) sont générées
à partir de l’évolution anticipée des politiques monétaires et
budgétaires. Les actions des décideurs sont suffisamment
prévisibles et leurs effets d’assez longue durée pour permettre
l’établissement de prévisions plausibles concernant des
variables comme l’emploi, les salaires, les dépenses et les
investissements, qui forment en fin de compte une prévision
du PIB. Il s’agit là d’une composante habituelle de notre propre
coffre d’outils prévisionnels.
Figure 1 : Indice de potentiel économique
Potentiel cumulatif d'expansion de la
demande au-delà de la tendance
d'expansion (p. p.)
Après le froid temporaire de l’hiver, la reprise économique du
monde développé semble retrouver son cap. Un raffermissement
de la croissance est probable en 2014 et en 2015, et est de plus
en plus intégré dans les attentes du marché. Par conséquent,
la prochaine étape évidente pour les investisseurs futés est de
sonder l’avenir de façon encore plus approfondie.
Nota : Ces mesures estiment, pour les cinq prochaines années, le potentiel
cumulatif d’expansion de la demande au-delà de la tendance d’expansion
habituelle de chaque pays. On suppose que l’expansion découlera de la
résorption de déséquilibres de comptes courants, de déficits budgétaires,
d’écarts de production et d’écarts d’investissement résidentiel, et qu’elle tiendra
compte de l’incidence des tendances démographiques, des fluctuations des
devises et des réformes structurelles sur la capacité. L’indice élargi comprend
une variable supplémentaire qui prend en considération le poids du service de la
dette publique. Sources : Haver Analytics, RBC GMA
une nouvelle mesure qui part de l’idée que les décideurs
parviendront à leurs fins1 et qui offre ainsi le luxe d’évaluer les
conséquences économiques de ces victoires ultimes. Le résultat
final est une mesure qui évalue lesquels des 19 pays de l’OCDE
sont susceptibles de connaître une croissance de la demande
économique particulièrement robuste pour les cinq prochaines
années, par rapport à leur trajectoire habituelle.
Les conclusions de cette mesure sont au départ un peu
déconcertantes, compte tenu du discours martelé dans notre
1
Et qui reconnaît des facteurs inéluctables comme les changements
démographiques.
conscience collective ces dernières années. De façon générale
(bien qu’imprécise), l’indice de potentiel économique révèle que
les pays qui ont le mieux traversé la crise financière – comme
le Canada et l’Australie – affichent maintenant le potentiel
d’expansion économique le plus faible, alors que ceux qui
ont beaucoup souffert – comme la Grèce et l’Irlande – sont
susceptibles de connaître un essor (figure 1).
Figure 2 : Échelle de potentiel économique
Réformes
structurelles
Taux de change
structurel
Au cœur de l’indice de potentiel économique se trouve donc
une forte tendance de retour à la moyenne. Il n’est pas étonnant
qu’il en soit ainsi : les pays qui ont déjà joui d’une croissance
démesurée alors qu’ils réduisaient leur écart de production ont
moins de latitude pour l’avenir.
Situation
démographique
Méthodologie
Contrairement à la représentation stylistique de la figure
2, aucun pays ne peut s’attendre à ce que tous les objectifs
de ses politiques accentuent sa demande économique. Par
exemple, tous les pays s’acheminent vers une détérioration de
leur situation démographique, qui constituera un obstacle à la
croissance. La tâche est donc de faire le décompte des diverses
forces et d’arriver à un effet net sur la croissance économique.
Une croissance améliorée, et non la plus élevée
Précisons que le pays dont le potentiel est le meilleur ne
connaîtra pas nécessairement la croissance économique la
plus élevée. En général, les pays émergents continueront de
surpasser les pays développés, et les populations les plus
jeunes surpasseront normalement les plus vieilles. Les gagnants
de l’indice de potentiel économique sont plutôt les pays les
mieux placés pour dépasser leur taux de croissance normal
historique, quel qu’il soit.
Cette considération n’est pas aussi obscure qu’il n’y paraît au
départ. Les marchés financiers sont inexorablement tournés
vers l’avenir et tiennent compte des bénéfices prévus et de
la croissance économique anticipée. Dans un pays où une
croissance élevée est la norme, le maintien de cette tendance
ne garantit pas de feux d’artifice pour les marchés financiers.
La clé pour obtenir des rendements boursiers démesurés est
de repérer les pays qui devraient connaître une croissance plus
forte que d’habitude, et non une croissance simplement élevée.
2 REPÈRES ÉCONOMIQUES Numéro 30 • Juin 2014
Production
Taille de l'économie
L’indice de potentiel économique combine sept variables qui,
ensemble, évaluent à quel point la demande économique d’un
pays (au dernier échelon plein de l’échelle à la figure 2) pourra
croître davantage. Le premier niveau indique dans quelle
mesure la demande peut rattraper la production. Le niveau
suivant illustre dans quelle mesure la production peut rattraper
son plein potentiel. Les derniers échelons indiquent dans
quelle mesure le potentiel lui-même peut être stimulé par des
changements démographiques, des fluctuations de change et
des réformes structurelles.
Production
potentielle
Demande
Demande
discrétionnaire
Les réformes structurelles
stimulent la productivité et
augmentent le potentiel
économique
L'affaiblissement d'une
devise peut accroître le
potentiel économique
L'amélioration de la
situation démographique
augmente le potentiel
économique
L'élimination des
écarts de production
ramène la production
à son potentiel
La suppression d'un
excédent du compte
courant porte la demande
au niveau de la production
Des coûts moindres du
service de la dette
publique sont de nature à
favoriser la consommation
discrétionnaire
Source : RBC GMA
C’est précisément ce que l’indice de potentiel économique
permet de déceler.
Compilation
L’avantage des variables économiques utilisées (à l’exception
d’une seule) est qu’elles sont déjà compatibles avec le PIB. À
des fins d’illustration, une diminution de l’écart de production
de deux points de pourcentage ajoute deux points de
pourcentage à la demande économique, tout comme le ferait la
suppression d’un excédent du compte courant de deux points
de pourcentage. Alors, en principe, notre tâche est simple :
additionner les effets de chaque variable pour arriver à un
potentiel d’expansion économique global.
Hélas, deux difficultés viennent légèrement perturber cette
élégante construction. D’abord, la variable d’évaluation de la
devise ne s’incorpore pas directement dans le PIB ; elle doit être
convertie au moyen d’un coefficient multiplicateur standard.
De plus, pour maximiser la robustesse de l’indice, nous avons
intentionnellement inclus deux paires de variables dont les
concepts se chevauchent partiellement. Pour éviter un double
comptage de leurs résultats, chaque paire se partage une
pondération égale à un.
Repères économiques
Examinons maintenant les variables en question, la raison de
leur inclusion et ce qu’elles révèlent :
titre interprétés comme étant un potentiel d’expansion ou de
recul économique à exploiter.
1) Solde du compte courant
Conclusions
Les soldes des comptes courants donnent une idée claire des
pays qui vivent au-dessus (ou au-dessous) de leurs moyens.
Un déficit du compte courant indique que la demande d’un
pays surpasse de façon excessive sa production et qu’elle est
financée par des emprunts à l’étranger toujours plus importants.
En revanche, un excédent du compte courant révèle qu’un pays
consomme moins que ce qu’il peut se payer. Dans le jargon de
la figure 2, la demande peut augmenter de façon durable au
niveau de la production.
Cette mesure augure particulièrement bien pour les pays
affichant d’importants excédents du compte courant, comme
la Suisse, les Pays-Bas, l’Allemagne, l’Irlande et la Suède. Elle
n’augure rien de bon pour la Turquie, le Royaume-Uni, le Chili, le
Canada et l’Australie.
Pour calculer l’indice de potentiel économique global, nous
jumelons le solde du compte courant au solde budgétaire
structurel présenté à la section suivante du fait de leur
similitude, et lui attribuons donc une pondération réduite de 0,7.
2) Solde budgétaire
Présomption d’un retour à la moyenne
L’hypothèse selon laquelle cette demande additionnelle finira
par se matérialiser (figure 3) est inhérente au modèle de
potentiel économique.
Il est juste de dire que les déséquilibres des comptes courants
semblent converger vers des niveaux désirables à un rythme
beaucoup plus lent que plusieurs autres des variables, de sorte
qu’il n’est pas garanti qu’ils auront disparu d’ici cinq ans.
Heureusement, il y a lieu de croire que les déséquilibres des
comptes courants progresseront au moins dans une certaine
mesure vers cet idéal : après la crise financière, les décideurs
ont travaillé fort pour réduire la soi-disant surabondance
d’épargne mondiale ayant contribué aux excès de crédit. Ils ont
connu beaucoup de succès jusqu’à maintenant (figure 4).
Et si les déséquilibres des comptes courants n’ont pas disparu
d’ici cinq ans, les écarts restants pourront encore être à juste
Figure 3 : Les comptes courants révèlent une inadéquation entre
l’offre et la demande
Le solde budgétaire structurel indique à quel point un pays
est loin d’avoir un budget d’État équilibré2. On peut considérer
qu’un gouvernement présentant un déficit budgétaire vit
au-dessus de ses moyens, et un objectif normal à moyen
terme pour les décideurs est d’éliminer ce déficit au moyen de
mesures d’austérité. Il en résulte un coût économique d’une
ampleur à peu près égale à la taille du déficit initial.
Pourquoi avons-nous inclus cette variable financière quand le
solde du compte courant l’englobe déjà techniquement avec le
solde du secteur privé ? Pour trois raisons :
2
Parfois, un déficit budgétaire est simplement de nature cyclique, ce qui signifie
qu’il disparaîtra sans efforts particuliers des décideurs lorsque la prochaine
reprise économique s’installera. Nous ne cherchons à déceler que la part
structurelle restante d’un déficit budgétaire, soit la part dont l’élimination exige
un travail ardu et des sacrifices économiques.
Figure 4 : Rétrécissement des déséquilibres mondiaux
12
3
6
Hausse latente
4
2
0
-2
Baisse latente
-4
Turquie
Chili
R.-U.
Canada
É.-U.
Australie
France
Japon
Mexique
Grèce
Italie
Portugal
Espagne
Suède
Corée du S.
Irlande
Allemagne
-8
Suisse
-6
Nota : Selon les dernières données disponibles. Sources : OCDE, Haver Analytics,
RBC GMA
Solde des comptes courants
(en % du PIB mondial)
8
Pays-Bas
Solde des comptes courants
(en % du PIB)
10
2
1
0
-1
-2
-3
 Asie
 All.+JP
2000
 Europe périphérique
 Exportateurs de pétrole
 É.-U.
2002
2004
2006
2008
2010
2012
2014
Nota : L’Asie comprend la Chine, Hong Kong, l’Indonésie, la Corée, la Malaisie,
les Philippines, Singapour, Taïwan et la Thaïlande. All.+JP fait référence à
l’Allemagne et au Japon. L’Europe périphérique comprend la Grèce, l’Irlande,
l’Italie, le Portugal et l’Espagne. Estimations du FMI pour 2014. Sources : FMI,
Haver Analytics, RBC GMA
3
ƒƒ
Premièrement, le solde budgétaire structurel est nettement
supérieur à la mesure budgétaire plus générale comprise
dans le solde du compte courant.
ƒƒ
Deuxièmement, le solde du compte courant a tendance à
sembler plus robuste qu’il ne l’est réellement après des
périodes de difficultés économiques extrêmes (comme
pour certains pays européens à l’heure actuelle) ; le solde
budgétaire structurel aide à contrer cette distorsion.
Troisièmement, nous croyons que les déficits budgétaires
structurels sont plus susceptibles de se résorber que
les déséquilibres des comptes courants ne le sont de
disparaître, puisque les premiers sont gérés consciemment
par les décideurs et que les agences de notation et le
marché obligataire imposent une discipline à cet égard.
Le solde budgétaire structurel révèle plusieurs éléments
intéressants (figure 5). Contre toute attente, la Grèce se
trouve dans la meilleure position qui soit, car elle affiche
un excédent budgétaire structurel. Par conséquent, quand
l’économie grecque se sera finalement redressée, le budget
devrait afficher un net excédent sans qu’aucune autre mesure
d’austérité ne soit requise. La Corée du Sud, la Suisse et
l’Allemagne obtiennent aussi de très bons résultats. À l’autre
extrémité, le Japon présente un déficit budgétaire structurel
colossal. Les déficits des États-Unis, de l’Espagne, de la
Turquie et du Mexique sont également de taille, nécessitant
d’autres mesures d’austérité.
Pour prévenir un double comptage, le solde budgétaire structurel
reçoit une pondération de 0,3 (rappelons que son jumeau, le
solde du compte courant, a reçu une pondération de 0,7).
3) Écart de production
L’écart de production mesure les capacités inutilisées présentes
dans l’économie. Un écart de production négatif indique que la
Figure 5 : La plupart des pays doivent réduire leur déficit
budgétaire
Toujours dans la logique de la figure 2, la disparition de l’écart
de production fait augmenter la production à son plein potentiel
(et, ce faisant, fait croître la demande).
Ainsi, les pays dont les écarts de production négatifs sont les
plus importants3 ont certaines des perspectives de croissance
les plus démesurées pour les prochaines années, alors qu’ils
convergeront vers leur pleine capacité (figure 6). Parmi les pays
les mieux placés se trouvent les suspects européens habituels :
Grèce, Irlande, Portugal, Turquie, Italie et Espagne. Ceux dont
le potentiel d’expansion lié à l’écart de production est le plus
faible sont le Japon, le Chili, l’Allemagne et le Canada.
Nous avons jumelé l’écart de production à la mesure de
l’investissement résidentiel présentée à la section suivante, et
lui attribuons donc une pondération réduite de 0,7.
3
Ce rapport se fonde sur les estimations que fait l’OCDE de l’écart de production
de tous les pays. Il serait possible de nous convaincre que l’écart de production
des États-Unis est un peu inférieur à l’estimation officielle (en raison du déclin
économique), et que les écarts de production des pays européens périphériques
sont un peu plus importants (en raison des taux de chômage extrêmement
élevés qui l’emportent sur les forces contraires du déclin). Néanmoins, nous
croyons que ces chiffres se rapprochent le plus de la vérité parmi les diverses
estimations établies par les agences internationales.
Figure 6 : Capacités inutilisées dans l’économie = Potentiel de
croissance
-14
Hausse latente
-12
0
Nota : Selon les dernières données disponibles pour tous les paliers de
gouvernement. Sources : OCDE, Haver Analytics, RBC GMA
4 REPÈRES ÉCONOMIQUES Numéro 30 • Juin 2014
Chili
Japon
Allemagne
Corée
Canada
Mexique
R.-U.
Suisse
Baisse latente
Suède
É.-U.
Japon
Turquie
Espagne
Mexique
R.-U.
Irlande
Australie
France
Portugal
Canada
Chili
Suède
Italie
Pays-Bas
4
Allemagne
-8
Corée
2
Suisse
-7
É.-U.
-6
Hausse latente
-2
Australie
-5
-4
France
Baisse latente
Pays-Bas
-4
-6
Italie
-3
-8
Espagne
-2
-10
Turquie
-1
Portugal
Écart de production (%)
0
Grèce
1
Grèce
Solde budgétaire structurel
(en % du PIB)
2
Les décideurs visent naturellement à porter la production
économique à son plein potentiel – c’est là sans contredit
l’objectif le plus immédiat de la politique monétaire. Nous
n’avons pas besoin de savoir comment les décideurs prévoient
faire disparaître les capacités inutilisées au cours des
prochaines années, mais seulement qu’ils souhaitent le faire, et
qu’ils devraient finir par y arriver.
Irlande
ƒƒ
production économique est inférieure à son plein
potentiel, alors qu’un écart positif indique que l’économie
fonctionne temporairement au-dessus de sa capacité (et risque
donc de surchauffer).
Nota : Selon les dernières données disponibles. Sources : OCDE, Haver Analytics,
RBC GMA
Repères économiques
4) Investissement résidentiel
La part de l’investissement résidentiel dans le PIB est un
indicateur pratique de la mesure dans laquelle l’activité
résidentielle est anormalement élevée ou anémique. Quand
elle est trop faible – comme dans plusieurs pays en situation
d’après-crise à l’heure actuelle –, on s’attend à ce qu’elle
retourne vers les normes historiques, stimulant ainsi la
production économique (figure 7).
Cette mesure s’apparente à l’écart de production, car tous deux
dénotent des éléments d’une économie peu performante. Nous
gardons néanmoins l’investissement résidentiel dans l’indice
pour plusieurs raisons :
ƒƒ
Il joue souvent un rôle considérable dans les reprises
économiques et mérite donc une attention particulière.
ƒƒ
En le considérant en termes nominaux, plutôt qu’après
rajustement en fonction de l’inflation comme c’est le
cas pour l’écart de production, nous permettons aussi
indirectement une normalisation des prix des maisons.
ƒƒ
L’investissement résidentiel est une mesure concrète et
donc, en théorie, plus fiable que l’écart de production,
qui est une variable théorique dont l’estimation exige
un certain nombre d’hypothèses complexes et pour
laquelle différentes autorités fournissent des estimations
contradictoires.
Le calcul de l’écart de l’investissement résidentiel révèle que
plusieurs pays européens figurent parmi ceux qui offrent le
plus grand potentiel, dont la Grèce, le Portugal, l’Irlande et
l’Espagne, vu la dévastation précédente de leurs marchés
résidentiels. Ceux dont le potentiel d’expansion est le plus
faible ont des marchés résidentiels qui n’ont jamais réellement
connu de difficultés, notamment le Chili, la Turquie, le Canada,
l’Allemagne et le Mexique.
0.0
-0.2
-0.4
-0.6
-0.8
-1.0
-1.2
-1.4
-1.6
Corée
Turquie
Espagne
Chili
Australie
Canada
Italie
Mexique
É.-U.
Suisse
Grèce
Irlande
-2.0
Allemagne
-1.8
France
Chili
Turquie
Canada
Mexique
Allemagne
R.-U.
Suisse
France
Italie
Australie
É.-U.
Suède
Japon
Corée
Pays-Bas
Irlande
Baisse latente
Espagne
Nous pondérons à parts égales le taux de croissance de l’ensemble de la
population (un indicateur de la demande) et le taux de croissance de la
population en âge de travailler (un indicateur de la production).
5
Selon l’estimation des Nations Unies.
Portugal
0
Grèce
4
Pays-Bas
Hausse latente
Nota : Écart entre l’investissement résidentiel le plus récent en % du PIB et la
moyenne historique depuis 1980. Sources : OCDE, Haver Analytics, RBC GMA
Il se trouve que l’évolution démographique devrait assombrir
le taux de croissance potentielle de tous les pays examinés au
cours des cinq prochaines années. Bien entendu, le degré varie
(figure 8). Les pires effets se feront sentir en Corée du Sud, en
Espagne, en Turquie, en Australie et au Chili. Les meilleurs effets
(ou, dans ce cas-ci, les moins mauvais) seront observables en
Suède, au Royaume-Uni, au Japon et aux Pays-Bas.
R.-U.
-3
2
Nous comparons la croissance cumulative4 de la population de
chaque pays au cours des cinq dernières années à la croissance
prévue de la population5 au cours des cinq prochaines années.
L’écart entre les deux indique dans quelle mesure le niveau de
la production potentielle sera supérieur ou inférieur à celui que
laisse entrevoir la tendance antérieure.
Japon
-4
1
De façon très simpliste, le taux de croissance économique
durable est dérivé du taux de croissance des travailleurs
additionné du degré d’amélioration de leur productivité.
L’évolution démographique joue bien sûr un rôle central dans
l’anticipation des tendances du premier élément.
Suède
-5
-1
Nous abordons maintenant un trio de variables qui modifient le
taux de croissance potentielle durable lui-même, plutôt que de
simplement pousser la demande vers un potentiel préexistant.
Variation cumulative du taux de
croissance des populations au cours
des cinq prochaines années (p. p.)
-6
-2
5) Évolution démographique
Figure 8 : Recul de la situation démographique dans la plupart
des pays
-7
Portugal
Écart de l'investissement résidentiel
(p. p.)
Figure 7 : Potentiel de remontée de la plupart des marchés
immobiliers
Pour résoudre le problème du double comptage, nous
attribuons une pondération de 0,3 à l’écart de l’investissement
résidentiel (par rapport, comme mentionné plus haut, à la
pondération de 0,7 attribuée à l’écart de production).
Nota : Variation cumulative du taux de croissance de deux variables – population
totale et population active, à pondération égale – cinq prochaines années par
rapport aux cinq dernières années. Sources : ONU, Haver Analytics, RBC GMA
5
Contrairement aux autres variables, les évaluations inadéquates
des devises ne s’incorporent pas directement dans le portrait
de la croissance économique. La méthodologie utilisée pour
passer de l’un à l’autre figure dans l’encadré A. En bref, nous
multiplions chaque point de pourcentage de variation prévue de
la devise par -0,023.
Le calcul révèle que les pays dont la situation est la plus
prometteuse en matière de devises (c’est-à-dire qui ont les taux
de change les plus surévalués, capables de fléchir et de stimuler
la croissance) sont l’Australie, la Suisse, le Canada et le Chili.
Les pays dont la situation est la moins prometteuse sont le
Japon6, les États-Unis et le Royaume-Uni.
7) Réformes structurelles
Une autre avenue possible pour stimuler la croissance
économique potentielle est de recourir à des réformes
structurelles, notamment celles qui améliorent la qualité de
la gouvernance et des institutions publiques, accroissent la
transparence, assurent une application juste et cohérente des
règles, accentuent la flexibilité du droit du travail, suppriment
6
Même si le yen en valeur nominale semble encore solide en regard du dollar
US d’un point de vue historique, il ressort que le taux d’inflation du Japon a
été bien inférieur à celui des autres pays, de sorte que le taux de change réel
est considérablement plus faible que le taux nominal. Et quand la devise du
Japon est comparée à celles de ses partenaires commerciaux (dans une mesure
disproportionnée, les marchés émergents dont les devises se sont appréciées
ces dernières années), elle semble à nouveau beaucoup plus faible que selon
l’analyse classique. Nous avouons croire que le yen pourrait encore s’affaiblir
au cours des prochaines années, mais comme l’un des objectifs de l’Indice
d’expansion économique est d’exclure le jugement humain du processus
d’évaluation, nous laissons l’interprétation telle quelle.
6 REPÈRES ÉCONOMIQUES Numéro 30 • Juin 2014
15
Hausse latente
5
-5
-15
Baisse latente
É.-U.
Japon
R.-U.
Irlande
Allemagne
Grèce
Turquie
Corée
Suède
Portugal
Pays-Bas
Italie
France
Espagne
Chili
Mexique
-35
Suisse
-25
Canada
Nous considérons ensuite le niveau de la devise de chaque pays
par rapport à sa juste valeur, qui est définie comme le taux de
change réel moyen pondéré en fonction des échanges depuis
1996. Contrairement à ce que l’on pourrait d’abord croire, nous
estimons que les pays affichant les taux de change les plus
sous-évalués sont les plus désavantagés (figure 9). La raison
en est que les pays ayant une devise sous-évaluée ont profité
d’un avantage concurrentiel artificiel (et donc temporaire), et
qu’un frein s’exercera sur leur croissance lorsqu’à moyen terme,
l’évaluation de leur devise reviendra à sa juste valeur. L’inverse
est vrai pour les pays dont des taux de change sont surévalués.
25
Australie
6) Évaluation de la devise
Figure 9 : Devises surévaluées qui stimuleront la croissance
lorsqu’elles reviendront à la normale
Écart d'évaluation des devises (%)
Si le classement du Japon semble surprenant (le Japon n’a-t-il
pas la pire situation démographique au monde ?), rappelons
que cette composante mesure à quel point les tendances
démographiques se détériorent, et non à quel point elles
sont mauvaises au départ. Le fait que la population du Japon
diminue constitue certes une contrainte sérieuse pesant sur sa
croissance. Mais la question qui nous occupe est de savoir dans
quelle mesure cette contrainte s’accentuera à l’avenir. Dans le
cas du Japon, la réponse est dans une moindre mesure.
Nota : Surévaluation (sous-évaluation) du dernier taux de change effectif réel
par rapport à la moyenne historique depuis 1996 (en pourcentage). Le potentiel
d’expansion économique est obtenu en multipliant ce pourcentage par 1/3 pour
établir la fraction qui influe sur la production potentielle, puis par 0,07 pour
refléter l’élasticité du mouvement des devises sur le PIB. Sources : OCDE,
Haver Analytics, RBC GMA
ENCADRÉ A : INCORPORER LES DEVISES DANS LE PIB
Les fluctuations de change ne peuvent être incorporées
directement dans la croissance économique sans quelques
hypothèses et calculs.
La première tâche consiste à évaluer dans quelle mesure une
fluctuation de change influe sur le PIB. Selon une estimation
standard, une appréciation d’un point de pourcentage a une
incidence de -0,07 % sur la production économique.
De plus, nous devons reconnaître que la principale répercussion
d’une fluctuation de change ne fait que rapprocher ou éloigner
la production économique de son potentiel. Comme l’indice
de potentiel économique présume déjà que les écarts de
production se résorberont, nous ferions un double comptage en
tenant compte du rôle que les fluctuations de change peuvent
jouer dans l’atteinte de ce résultat.
Ainsi, nous ne nous préoccupons que de l’effet relativement
faible que les fluctuations des changes ont sur le niveau de la
production potentielle elle-même. Comment les fluctuations
des changes peuvent-elles influer sur le taux de croissance
potentielle ? Un affaiblissement de la devise peut améliorer
la compétitivité en entraînant des investissements en
immobilisation additionnels qui renforcent la productivité et
en permettant une accélération de la croissance des salaires
qui attire davantage de personnes sur le marché du travail. Ces
deux éléments augmentent l’offre durable d’une économie.
Nous présumons que deux tiers de l’effet économique
provenant d’une fluctuation des changes influent simplement
sur la demande, alors que l’autre tiers accentue aussi l’offre
potentielle. En multipliant par -0,07, nous arrivons à une
incidence de -0,023 point de pourcentage sur le PIB potentiel
pour chaque point de pourcentage d’appréciation d’une devise.
Repères économiques
les barrières à la libre circulation des gens, des biens et des
capitaux, et réduisent au minimum la bureaucratie.
potentiel primaire, mais incluse dans l’indice élargi (se reporter
aux traits bleus à la figure 1).
Il n’y a pas de moyen simple d’évaluer globalement les progrès
de telles réformes, de prévoir leur trajectoire future ou de les
incorporer dans le portrait de la croissance potentielle du PIB7.
Le principal attrait de l’inclusion d’une mesure de la dette
publique est de neutraliser la crainte que l’indice de potentiel
économique fasse la part trop belle aux pays européens
périphériques. Oui, ils seront avantagés quand leurs écarts
de production élevés se résorberont, que leurs faibles taux
d’investissement résidentiel augmenteront et que leurs
réformes structurelles entreront en vigueur. Mais n’agissonsnous pas de façon cavalière en négligeant le carcan que
constitue leur énorme dette publique ? Nous étudions cette
possibilité ici.
Nous utilisons donc notre propre jugement pour évaluer la
portée et l’efficacité probables des réformes structurelles des
différents pays, fondant cette évaluation sur une combinaison
d’engagements politiques récents, d’efforts déployés sur
le plan législatif et d’ententes commerciales anticipées. Le
résultat reflète la stimulation cumulative prévue du potentiel
économique, en points de pourcentage, pour chaque pays d’ici
cinq ans (figure 10).
Rappelons que l’objectif n’est pas de déterminer quel pays a le
meilleur contexte de politique publique, tout comme le but de
l’indice de potentiel économique n’est pas de déterminer quels
pays connaîtront la croissance la plus rapide. Il s’agit plutôt
d’évaluer quels pays pourraient jouir de l’amélioration la plus
considérable de leurs politiques publiques.
D’après nous, les pays qui ont entrepris (ou qui sont sur le
point d’entreprendre) les réformes économiques les plus
porteuses sont le Japon, la Grèce, le Mexique, l’Irlande, l’Italie et
l’Espagne. Les pays les moins actifs à cet égard sont la Suisse,
l’Allemagne, la Turquie et la Suède.
Choisir une mesure de la dette publique
Il y a plusieurs façons d’incorporer une mesure de la dette
publique dans l’indice de potentiel économique. À l’extrême,
on pourrait soutenir que les pays devraient avoir à rembourser
toute dette dépassant un niveau « normal », comme 60 % du
PIB. Évidemment, c’est à toutes fins pratiques impossible pour
des pays hautement endettés comme le Japon et la Grèce, du
moins pour toute période de moins de plusieurs générations.
Il est plus réaliste de reconnaître qu’un remboursement
considérable de la dette est peu probable, et que le véritable
fardeau peut plutôt être déterminé par le coût du service de la
dette additionnelle globale. Nous projetons les taux d’intérêt et
le niveau de la dette publique brute sur cinq ans8 et comparons
8) Service de la dette publique
Enfin, nous tenons compte du fardeau du service de la dette
publique. Cette mesure est en fait exclue de notre indice de
8
Des mesures telles que l’indice de la facilité à faire des affaires de la Banque
mondiale et l’indice de la compétitivité mondiale du Forum économique
mondial constituent un effort héroïque pour quantifier partiellement le contexte
structurel.
-3
Grèce
Irlande
Japon
Espagne
Portugal
É.-U.
R.-U.
Chili
Australie
Corée
Mexique
3
Canada
Baisse latente
2
Pays-Bas
Suisse
Turquie
Allemagne
É.-U.
Suède
Australie
Corée du S.
France
Canada
Pays-Bas
Chili
Portugal
Italie
Espagne
Irlande
Grèce
Mexique
-2
R.-U.
Baisse liée aux réformes
-1
1
Italie
0
0
France
1
Suède
2
-1
Suisse
Hausse liée aux réformes
3
Hausse latente
-2
Turquie
4
Allemagne
5
Sources : Haver Analytics, RBC GMA
Figure 11 : Fardeau du service de la dette publique
6
Japon
Variation cumulative prévue du PIB
pour les cinq prochaines années
(p. p.)
Figure 10 : Les réformes structurelles peuvent stimuler
l’expansion
Variation du paiement des intérêts
(% du PIB)
7
Nous utilisons les prévisions de la dette publique du FMI pour l’ensemble de
la période de prévision de cinq ans, mais les prévisions de taux de l’OCDE ne
vont que jusqu’à la fin de 2015. Nous présumons donc que les niveaux prévus
pour la fin de 2015 se maintiendront jusqu’en 2019. Pour illustrer ces effets,
mentionnons que le taux des obligations américaines à 10 ans reste à un niveau
projeté de 3,88 %, assez près de notre propre « normale » calculée de 4,0 %
(voir notre numéro de Repères économiques de novembre 2013 intitulé
« Estimation d’un taux “normal” »).
Nota : Écart entre le paiement des intérêts sur la dette publique en % du PIB en
2019 et avant la crise. Sources : FMI, OCDE Haver Analytics, RBC GMA
7
Un écart positif reflète une demande économique « gaspillée »
dans le service de la dette publique alors qu’elle aurait pu être
utilisée à meilleur escient. Il en résulte donc un fossé entre la
demande et la « demande discrétionnaire », c’est-à-dire les
dépenses pour des biens que les gens veulent vraiment, et non
qu’ils sont obligés d’acheter (se reporter au rectangle pointillé
jusqu’ici non mentionné au bas de la figure 2).
Résultats
Les conclusions de cet exercice sont présentées à la figure 11.
La Turquie, l’Allemagne, la Suisse et la Suède sont représentées
sous un jour favorable. En revanche, et comme prévu, la Grèce,
l’Irlande, l’Espagne, le Japon, le Royaume-Uni et les États-Unis
sont perçus de manière plus négative.
À ne pas utiliser
Pourquoi excluons-nous le coût du service de la dette
publique de l’indice de potentiel primaire ? Il y a deux bonnes
raisons à cela :
ƒƒ
ƒƒ
L’inclusion du coût du service de la dette publique
représenterait un double comptage, puisque la variable
du solde budgétaire englobe déjà ce coût dans le cadre de
l’équilibre du budget.
Même s’il n’était pas déjà inclus ailleurs, il est essentiel
de reconnaître que pour chaque pays payant plus d’intérêt
que d’habitude, quelqu’un d’autre encaisse ce paiement
accru et peut, en théorie, le réinvestir dans l’économie.
Incidence limitée
En fin de compte, l’inclusion de cette variable ne change pas
radicalement les notes ou les classements. À la limite, le
portrait des pays européens périphériques semble un peu plus
sombre et quelques pays changent de place dans le classement.
Cependant, les six pays en meilleure posture demeurent en tête,
alors que les six pays les moins bien placés demeurent au bas
du classement.
D’une façon plus générale, pertinente pour l’ensemble complet
des données du modèle, l’un des avantages d’une multitude
de données est une meilleure solidité des résultats. Une seule
variable mal spécifiée ou quelques données boiteuses ne
peuvent faire sombrer toute l’entreprise.
9
Soulignons que le taux d’intérêt sur la dette est présumé être égal au taux des
obligations d’État à 10 ans. Cette méthode est imprécise, car elle ne tient pas
compte de l’effet retardé des émissions d’obligations précédentes réalisées à
des taux d’intérêt antérieurs (qui empêcheront les coûts d’emprunt de croître
aussi rapidement que le taux à 10 ans), et aussi parce que la plupart des pays
ont un portefeuille d’une duration moyenne un peu plus courte par rapport aux
obligations à 10 ans.
8 REPÈRES ÉCONOMIQUES Numéro 30 • Juin 2014
Figure 12 : Pays dont le potentiel économique est le meilleur
Réformes structurelles
Données démographiques
Écart de production
Compte courant
21
Potentiel cumulatif d'expansion de la
demande au-delà de la tendance
d'expansion (p. p.)
le coût du service de la dette obtenu au niveau auquel il se
situait au milieu de 2007, soit juste avant la crise financière9.
18
Évaluation de la devise
Investissement résidentiel
Déficit structurel
Indice primaire
15
12
9
6
3
0
-3
Grèce
Irlande
Pays-Bas
Portugal
Suisse
Italie
Nota : Ces mesures estiment, pour les cinq prochaines années, le potentiel
cumulatif d’expansion de la demande au-delà de la tendance d’expansion
habituelle de chaque pays. On suppose que l’expansion découlera de la
résorption de déséquilibres de comptes courants, de déficits budgétaires,
d’écarts de production et d’écarts d’investissement résidentiel, et qu’elle tiendra
compte de l’incidence des tendances démographiques, des fluctuations des
devises et des réformes structurelles sur la capacité. L’indice élargi comprend
une variable supplémentaire qui prend en considération le poids du service de la
dette publique. Sources : Haver Analytics, RBC GMA
Résultats de l’indice de potentiel
économique
L’indice de potentiel économique contient certaines
conclusions fascinantes.
Globalement, la plupart des pays – 13 sur 19 – peuvent
s’attendre à une expansion économique positive (c’est-à-dire
une croissance supérieure à la normale) au cours des cinq
prochaines années. Cette hypothèse cadre bien avec notre
prévision d’une reprise économique mondiale.
La source de croissance de loin la plus puissante sera
l’élan provenant de la disparition des écarts de production,
suivi loin derrière par les effets de la hausse de
l’investissement résidentiel et des réformes structurelles, à
égalité au second rang.
L’entrave collective la plus importante à la croissance
proviendra de l’effort pour combler les déficits budgétaires,
alors que l’évolution démographique représentera une
contrainte beaucoup moins grande (bien qu’universelle).
Potentiel d’expansion
La figure 12 présente les six pays qui se distinguent nettement
des autres par leurs perspectives supérieures. Tous situés en
Europe, il s’agit de la Grèce, de l’Irlande, des Pays-Bas, du
Portugal, de la Suisse et de l’Italie. L’Espagne se classe tout
juste derrière, en septième position.
D’instinct, ce regroupement semble normal puisque ce sont
les pays qui ont subi les pires pertes, et selon le principe
Repères économiques
La Grèce – le pays le plus meurtri par la crise financière
mondiale et la crise de la dette souveraine en Europe – devance
de loin les autres pays pour ce qui est du potentiel d’expansion
économique, alors que l’Irlande et les Pays-Bas se classent
deuxième et troisième.
Le solide résultat des Pays-Bas est un peu surprenant,
puisque ce pays n’a pas traversé les mêmes épreuves que le
Portugal, l’Italie ou l’Espagne. La performance anticipée des
Pays-Bas s’appuie sur trois éléments : un écart de production
considérable, la possibilité apparente d’une hausse de
l’investissement résidentiel10 et, plus que tout, un excédent du
compte courant gigantesque qui laisse entrevoir une possibilité
d’accroissement marqué de la demande économique.
Potentiel de recul
À l’autre extrême, la figure 13 présente les six pays qui
devraient connaître les pires résultats. Il s’agit de la Turquie,
du Canada, du Chili, du Royaume-Uni, de l’Australie et des
États-Unis.
Ces six pays vivent techniquement au-dessus de leurs moyens,
ce qui signifie que, pour eux, l’indice de potentiel économique
est en fait davantage un indice de recul économique. Il importe
toutefois de noter qu’aucun pays ne présente un potentiel
de recul important : la Turquie culmine à -4,1 points de
pourcentage, tandis que les autres pays affichent des reculs
beaucoup plus faibles, de -1 à -2 points de pourcentage.
Pourquoi des marchés émergents autrefois prisés, comme la
Turquie et le Chili, obtiennent-ils des résultats aussi médiocres ?
L’indice considère comme des failles leurs déficits élevés du
compte courant (indiquant que la demande est bien supérieure
au taux durable), la forte décélération de leur croissance
démographique et le déficit budgétaire considérable de la
Turquie. Il importe de reconnaître que les pays examinés dans
ce rapport sont tous membres de l’OCDE, qui compte peu de
marchés émergents. Nous soupçonnons que l’inclusion d’un
groupe élargi de marchés émergents permettrait de trouver
beaucoup d’autres pays dans la même situation – la simple
réalité est que les pays en développement n’ont pas souffert
autant de la crise financière, et que leur potentiel d’expansion
actuel est donc moindre.
10
Même si, par ailleurs, un certain scepticisme pourrait être de mise au sujet du
potentiel d’expansion qui subsiste dans le marché résidentiel des Pays-Bas
puisque, il n’y a pas longtemps, ce marché était généralement perçu comme en
surchauffe.
Figure 13 : Pays présentant le plus grand potentiel de repli
économique
Potentiel cumulatif d'expansion de la
demande au-delà de la tendance
d'expansion (p. p.)
économique de la balle de caoutchouc, ils devraient donc être
les mieux placés pour rebondir. Néanmoins, il est encourageant
de reconnaître que les difficultés persistantes découlant de
l’austérité budgétaire dans ces pays devraient être supplantées
par la vigueur provenant d’une résorption des écarts de
production, d’une hausse de l’investissement résidentiel et des
réformes structurelles.
Réformes structurelles
Données démographiques
Écart de production
Compte courant
6
4
Évaluation de la devise
Investissement résidentiel
Déficit structurel
Indice primaire
2
0
-2
-4
-6
-8
Turquie
Canada
Chili
R.-U.
Australie
É.-U.
Nota : Ces mesures estiment, pour les cinq prochaines années, le potentiel
cumulatif d’expansion de la demande au-delà de la tendance d’expansion
habituelle de chaque pays. On suppose que l’expansion découlera de la
résorption de déséquilibres de comptes courants, de déficits budgétaires,
d’écarts de production et d’écarts d’investissement résidentiel, et qu’elle tiendra
compte de l’incidence des tendances démographiques, des fluctuations des
devises et des réformes structurelles sur la capacité. L’indice élargi comprend
une variable supplémentaire qui prend en considération le poids du service de la
dette publique. Sources : Haver Analytics, RBC GMA
Pourquoi le Royaume-Uni et les États-Unis obtiennent-ils
des notes négatives ? Principalement parce qu’ils continuent
d’afficher d’importants déficits budgétaires et du compte
courant. Leur performance inférieure s’explique aussi par le
fait qu’ils ont des taux de change sous-évalués et mettent en
œuvre moins de réformes structurelles que certains autres pays.
En outre, force est d’admettre qu’ils n’ont jamais eu d’espoir
véritable d’obtenir une meilleure note que les pays européens
périphériques, étant donné leurs difficultés économiques
relativement moins grandes ces dernières années. Nous
avouerons que notre propre opinion qualitative du Royaume-Uni
et des États-Unis est plus favorable.
La faiblesse projetée pour le Canada et l’Australie est tout à fait
logique. Ces pays se ressemblent comme deux gouttes d’eau :
leurs économies axées sur les ressources ont profité d’un essor
des marchandises pendant dix ans et leurs solides systèmes
bancaires ont évité le pire de la crise financière. Inévitablement,
leur performance économique des dernières années limite
maintenant le potentiel d’expansion économique future. En
comparaison du groupe, le Canada et l’Australie ont des écarts
de production relativement plus petits, un potentiel d’expansion
de l’investissement résidentiel moindre, des déficits du compte
courant plus importants et un accroissement de la population en
forte décélération.
Interprétation appropriée
Rappelons que nos conclusions ne signifient pas que la Grèce
progressera plus vite que tous les autres pays, ou que la Turquie
connaîtra la croissance la plus lente. En fait, il est fort probable
que la croissance de la Turquie continuera de surpasser celle
9
de la Grèce. D’un point de vue relatif, la Grèce devrait toutefois
connaître une accélération alors que la Turquie ralentira.
Même si ce raisonnement peut sembler alambiqué, il est
de grande importance parce que c’est ainsi que pensent
les marchés. Les marchés financiers tiennent compte de la
croissance anticipée de l’économie et des bénéfices pour
chaque pays, et les attentes sont régulièrement établies dans
le contexte des tendances historiques de croissance. Les pays
qui défient le plus habilement leur tendance précédente sont
ceux qui devraient être les plus récompensés par les marchés.
Si la Grèce devait véritablement enregistrer 15,6 points de
pourcentage de croissance économique additionnelle au
cours des cinq prochaines années – soit un impressionnant
gain de croissance de 3,1 points de pourcentage par an
comparativement à sa norme précédente –, les marchés
seraient euphoriques.
Nous admettons que l’indice de potentiel économique ne cadre
pas avec plusieurs de nos opinions préexistantes, notamment
pour les raisons suivantes :
ƒƒ
Il suppose que le yen s’appréciera fortement au cours des
cinq prochaines années, alors que nous soupçonnons qu’il
pourrait s’affaiblir.
ƒƒ
Il laisse entendre que le potentiel d’expansion est faible
aux États-Unis, alors que ce pays est, d’après nous,
susceptible d’enregistrer une croissance supérieure au
cours des prochaines années.
ƒƒ
Il prévoit que le marché immobilier espagnol connaîtra
un regain de vigueur, alors que nous ne sommes pas
convaincus que la correction est finie là-bas.
10 REPÈRES ÉCONOMIQUES Numéro 30 • Juin 2014
ƒƒ
Il présume que l’excédent élevé du compte courant de
l’Allemagne disparaîtra, alors qu’à notre avis, le système à
monnaie unique en zone euro pourrait empêcher que cela
se réalise pleinement.
Faut-il en déduire que l’indice de potentiel économique est un
indice inutile ?
Non, il offre une constance et une prévoyance à toute épreuve
que l’analyse qualitative humaine peine à égaler. Nous avons
besoin de plus de mesures comme celle-là.
Alors devrions-nous délaisser nos propres croyances ? Pas
nécessairement. L’indice de potentiel économique est parfois
naïf du fait de sa construction rigide, omettant de considérer
des facteurs pertinents en dehors de ses sept intrants toutpuissants. De plus, l’indice de potentiel économique aura
toujours besoin d’un humain, ne serait-ce que pour juger quand
la reprise économique est suffisamment amorcée pour que
les processus de retour vers la moyenne si essentiels à son
fonctionnement deviennent enfin pertinents.
En conclusion, une prévision gagnante exige plusieurs
intrants : certains humains, certains automatisés. L’indice
de potentiel économique est un ajout précieux au coffre
d’outils prévisionnels, mais il ne remplace pas carrément les
autres outils. Nous croyons qu’il fait un rappel utile au sujet
du potentiel élevé d’expansion économique en périphérie de
l’Europe, tout comme son message au sujet du potentiel limité
de pays comme la Turquie et le Canada pourrait aussi mériter
une attention particulière.
Repères
Repères économiques
économiques
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