La victoire socialiste en France a créé beaucoup d’attentes au sein de la famille socialiste
européenne. Comment commentez-vous aujourd’hui une certaine désillusion de la
gauche européenne qui, au demeurant, qualifie de ‘trahison’ les récentes réformes
françaises ?
En arrivant au pouvoir en 2012, la gauche a hérité d'une situation très dégradée, notamment
en matière de dettes et déficits publics. Il fallait donc agir. La gauche est forte quand elle
s’occupe du réel. Mon souci, c’est l’efficacité dans la justice : faire que tous nos choix soient
guidés par le principe de justice sociale. Je comprends l’attente de résultats concrets. C’est
celle de tous les Français et de tous les peuples européens, et la gauche ne doit être jugée que
sur ces résultats. Nous y travaillons. La France a besoin de mener les réformes nécessaires
pour que son économie reste compétitive. Sans cela, pas de création de richesses, pas de
créations d’emplois, et pas de redistribution possible. Et nous travaillons en parallèle à casser
les inégalités à la racine, par l’éducation, la formation tout au long de la vie, la modernisation
de nos services publics, l’accès à la santé, au logement, une lutte acharnée contre toutes les
discriminations. C'est tout cela l'enjeu idéologique de la nouvelle social-démocratie en
Europe. J’en discute régulièrement avec mon ami Antonio Costa.
Bruxelles a donné deux années de plus à Paris pour redresser ses comptes publics. En
même temps, les dirigeants européens ont opté pour une négociation très dure avec la
Grèce. Y a-t-il deux poids et deux mesures dans le processus européen, selon la
dimension du pays ?
Absolument pas. La France n’a bénéficié d’aucune dérogation, exemption ou traitement de
faveur. La mauvaise conjoncture économique en 2014 et la très faible inflation ont conduit à
une détérioration de notre trajectoire budgétaire, rendant nécessaire ce délai de deux ans. Mais
la commission a estimé que la France avait bien réalisé en 2014 l’effort budgétaire qui lui
avait été demandé. D’ailleurs, le déficit de la France pour l’année 2014 est finalement de 4%,
au lieu de 4,3 %.
Quelle est la position de Paris sur la question de l’allègement de l’austérité en Grèce ?
Le bras-de-fer d’Athènes avec les institutions européennes peut-il dégénérer en une
sortie de la Grèce de la zone euro ?
La position de la France n’a jamais varié : il faut tenir compte du vote du peuple grec, mais il
y a aussi un cadre institutionnel et des engagements pris. Ils doivent être respectés. Comme
vous le savez, le temps presse. L’Etat grec doit faire face prochainement à des échéances de
remboursement importantes. Et les choses sont simples : pour que l’assistance financière
européenne puisse jouer normalement, le gouvernement grec doit définir rapidement une liste
de réformes plus profondes. Il y a des progrès, mais ils sont encore insuffisants. Nous devons
donc inviter les autorités grecques à persévérer dans leurs efforts. Depuis le début, la France
cherche à créer les conditions d’une solution acceptable pour tous. Pour nous, une sortie de la
Grèce de la zone euro n’est pas une option envisageable.
Syriza en Grèce, Podemos en Espagne mais aussi le Front National en France montrent
combien les Européens se sentent attirés par les mouvements plus radicaux. Pourquoi
est-ce que les partis ‘mainstream’, dont les partis français, perdent de plus en plus
d’électeurs ? Sur quels points font-ils défaut ?
Les raisons sont bien connues : la faiblesse de la croissance économique, la persistance d’un
chômage de masse, la perte de confiance dans les institutions et les représentants politiques,
l'intensification de la globalisation économique, l'accélération des mouvements migratoires. A
ces questions complexes, les populistes apportent des réponses simplistes – xénophobes, dans
le cas de l’extrême droite. C'est fondamentalement ce qui les rend attractives. Face à cela, il