Hépatologie complications pendant l’hospitalisation, durée de séjour), la différence était à chaque fois en faveur de la stratégie restrictive. Ces résultats suggèrent que, chez les patients présentant une hémorragie digestive haute, une stratégie transfusionnelle consistant à ne pas transfuser tant que le taux d’hémoglobine est supérieur à 7 g/dl est sûre et bénéfique. Bien évidemment, cette stratégie doit s’ajuster à l’état du patient (âge, antécédents cardiovasculaires, etc.). Par ailleurs, si elle est valable à la phase aiguë de l’hémorragie, la correction ulté- EVIDENCE-BASED MEDICINE rieure d’une anémie sévère peut être justifiée chez les patients fragiles (par exemple, les cirrhotiques avec un score de Child-Pugh C). ■ Références bibliographiques 1. Conférence de consensus. Complications de l’hypertension portale chez l’adulte. Gastroenterol Clin Biol 2004;28:B324-34. 2. Villanueva C, Colorno A, Bosch A et al. Transfusion strategies for acute upper gastrointestinal bleeding. N Engl J Med 2013;368(1):11-21. Antibioprophylaxie primaire de l’infection du liquide d’ascite : oui, mais seulement en cas de cirrhose grave Arnaud Pauwels, Gonesse. D Ce qu’il faut retenir L’antibioprophylaxie primaire permet de prévenir la survenue d’une infection du liquide d’ascite (ILA) chez les patients cirrhotiques ascitiques avec un taux bas de protéines dans l’ascite (< 15 g/l), mais elle favorise l’émergence de bactéries résistantes. Les recommandations actuelles sont d’en réserver l’indication aux patients présentant une insuffisance hépatique sévère et un état hémodynamique précaire, tout particulièrement s’ils sont en attente d’une transplantation hépatique. ou un syndrome hépatorénal (28 versus 41 % ; p = 0,02). À 3 mois, la survie était améliorée (94 versus 62 % ; p = 0,003), tandis qu’à 1 an, le bénéfice était moindre, à la limite de la significativité (60 versus 48 % ; p = 0,05). Des résultats comparables ont été obtenus avec la ciprofloxacine (3). Si un taux bas de protéines dans l’ascite est prédictif de la survenue d’une ILA (20 % à 1 an), ce paramètre est jugé insuffisant pour définir le sous-groupe de patients devant bénéficier d’une antibioprophylaxie primaire. Les dernières recommandations de l’European Association for the Study of the Liver (EASL) niveau de preuve ans une enquête de pratique récente, 72 % des hépatologues français déclaraient prescrire une antibioprophylaxie primaire de l’ILA – par exemple, par l’administration à long terme d’un antibiotique chez un patient cirrhotique ascitique sans antécédent d’ILA – dès lors que le taux de protéines dans l’ascite était inférieur à 10-15 g/l (1). Pour la moitié d’entre eux, cette prescription était courante. Les quinolones, et tout particulièrement la norfloxacine, étaient de loin les plus utilisées. Les recommandations des sociétés savantes sont pourtant prudentes sur le sujet, car une telle prophylaxie favorise l’émergence de bactéries résistantes. La question est de trouver le meilleur compromis entre le bénéfice clinique de l’antibioprophylaxie et son impact sur l’épidémiologie microbienne, mais pour cela nous ne disposons que de peu d’études conparatives. Dans l’essai rapporté par J. Fernandez et al. en 2007 (2), tous les patients inclus avaient une cirrhose grave, définie par un score de ChildPugh supérieur ou égal à 9, une insuffisance rénale (créatininémie > 105 μmol/l) ou une hyponatrémie (< 130 mmol/l). Chez ces patients, la norfloxacine, comparée au placebo, diminuait la probabilité à 1 an de développer une ILA (7 versus 61 % ; p < 0,001) 2 La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue • Vol. XVII - n° 1 - janvier-février 2014 | 11 EVIDENCE-BASED MEDICINE Questions non résolues » Quel est le bénéfice à long terme de cette antibioprophylaxie ? » Quel serait l’impact de sa généralisation sur l’épidémiologie des infections bactériennes chez le malade cirrhotique ? Hépatologie indiquent que cette antibioprophylaxie doit être réservée aux patients cirrhotiques ascitiques ayant un taux de protéines dans l’ascite inférieur à 15 g/l, présentant une insuffisance hépatique sévère et dont l’état hémodynamique est précaire (4). Cela s’applique tout particulièrement aux patients en attente de transplantation hépatique, afin de leur donner le maximum de chances de bénéficier d’une greffe. ■ Références bibliographiques 1. Thevenot T, Degand T, Grelat N et al. A French national survey on the use of antibiotic prophylaxis in cirrhotic patients. Liver Int 2013;33(3):389-97. 2. Fernandez J, Navasa N, Planas R et al. Primary prophylaxis of spontaneous bacterial peritonitis delays hepatorenal syndrome and improves survival in cirrhosis. Gastroenterology 2007;133(3):818-24. 3. Terg R, Fassio E, Guevara M et al. Ciprofloxacin in primary prophylaxis of spontaneous bacterial peritonitis in cirrhosis: a randomized, placebo-controlled study. J Hepatol 2008;48(5):774-9. 4. European Association for the Study of the Liver. EASL clinical practice guidelines on the management of ascites, spontaneous bacterial peritonitis, and hepatorenal syndrome in cirrhosis. J Hepatol 2010;53(3):397-417. La régression de la cirrhose est-elle possible ? Philippe Sogni, Paris. Ce qu’il faut retenir La cirrhose n’est pas un stade homogène, mais peut être divisée en stades de progression clinique, hémodynamique ou de quantification de la fibrose. La cirrhose peut régresser si la maladie hépatique est traitée suffisamment tôt. La régression de la cirrhose a surtout été démontrée avec la guérison virologique de l’hépatite C et la viro-suppression prolongée de l’hépatite B. La présence d’une comorbidité, comme un syndrome métabolique, diminue les chances de régression de la cirrhose. La régression de la cirrhose est associée à la diminution de la morbimortalité. La régression de la cirrhose est un processus habituellement lent dont la réalité ne peut être appréciée de manière faible que par la comparaison de l’histologie hépatique avant et après le traitement. niveau de preuve 1a P endant longtemps, la cirrhose a représenté le stade ultime et définitif des maladies chroniques du foie, à partir duquel les complications pouvaient survenir. Depuis une dizaine d’années, cette conception a été remise en cause, et 2 autres idées sont apparues : premièrement, la cirrhose n’est pas un stade homogène, et, deuxièmement, la cirrhose peut régresser si la maladie hépatique est traitée suffisamment tôt. 12 | La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue • Vol. XVII - n° 1 - janvier-février 2014 La cirrhose n’est pas un stade homogène La cirrhose est définie histologiquement par de la fibrose formant de larges septa, désorganisant la structure normale du foie et délimitant des nodules de régénération. Parmi les scores de fibrose publiés, le score METAVIR, dans lequel la cirrhose est représentée par le stade F4, est sans doute le plus utilisé. Cependant, au sein de la cirrhose, il a été montré qu’il existait une gradation concernant l’aspect clinique, la quantification de la fibrose et l’hypertension portale (tableau) [1, 2]. À partir des données de la littérature, il a ainsi été décrit 4 stades de cirrhose (1) avec un risque de mortalité croissant (tableau). La concordance entre ces stades de cirrhose, les données cliniques et les résultats des tests non invasifs de fibrose, et notamment du FibroScan®, n’est pas encore bien établie. La cirrhose peut régresser si la maladie hépatique est traitée suffisamment tôt La cirrhose est un processus évolutif (2). Alors que sa réversibilité était établie dans des pathologies rares, comme les hépatites auto-immunes et les cirrhoses biliaires secondaires, c’est avec le traitement de pathologies fréquentes, comme l’hépatite B ou C,