La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue Vol. XVII - n° 1 - janvier-février 2014 | 11
EVIDENCE-BASED MEDICINE
Hépatologie
Antibioprophylaxie primaire
de l’infection du liquide d’ascite : oui,
mais seulement en cas de cirrhose grave
Arnaud Pauwels, Gonesse.
complications pendant l’hospitalisation, durée de
séjour), la différence était à chaque fois en faveur
de la stratégie restrictive.
Ces résultats suggèrent que, chez les patients présen-
tant une hémorragie digestive haute, une stratégie
transfusionnelle consistant à ne pas transfuser tant
que le taux d’hémoglobine est supérieur à 7 g/dl est
sûre et bénéfi que. Bien évidemment, cette stratégie
doit s’ajuster à l’état du patient (âge, antécédents
cardiovasculaires, etc.). Par ailleurs, si elle est valable
à la phase aiguë de l’hémorragie, la correction ulté-
rieure d’une anémie sévère peut être justifi ée chez
les patients fragiles (par exemple, les cirrhotiques
avec un score de Child-Pugh C).
Références bibliographiques
1. Conférence de consensus. Complications de l’hypertension
portale chez l’adulte. Gastroenterol Clin Biol 2004;28:B324-34.
2. Villanueva C, Colorno A, Bosch A et al. Transfusion strate-
gies for acute upper gastrointestinal bleeding. N Engl J Med
2013;368(1):11-21.
L’antibioprophylaxie primaire permet de prévenir la survenue d’une infec-
tion du liquide d’ascite (ILA) chez les patients cirrhotiques ascitiques
avec un taux bas de protéines dans l’ascite (< 15 g/l), mais elle favorise
l’émergence de bactéries résistantes. Les recommandations actuelles
sont d’en réserver l’indication aux patients présentant une insuffi sance
hépatique sévère et un état hémodynamique précaire, tout particulière-
ment s’ils sont en attente d’une transplantation hépatique.
Ce qu’il faut retenir
niveau
de preuve
2
D
ans une enquête de pratique récente, 72 %
des hépatologues français déclaraient pres-
crire une antibioprophylaxie primaire de l’ILA
– par exemple, par l’administration à long terme
d’un antibiotique chez un patient cirrhotique asci-
tique sans antécédent d’ILA – dès lors que le taux de
protéines dans l’ascite était inférieur à 10-15 g/l (1).
Pour la moitié d’entre eux, cette prescription était
courante. Les quinolones, et tout particulièrement
la norfl oxacine, étaient de loin les plus utilisées. Les
recommandations des sociétés savantes sont pour-
tant prudentes sur le sujet, car une telle prophylaxie
favorise l’émergence de bactéries résistantes.
La question est de trouver le meilleur compromis
entre le bénéfi ce clinique de l’antibioprophylaxie et
son impact sur l’épidémiologie microbienne, mais
pour cela nous ne disposons que de peu d’études
conparatives. Dans l’essai rapporté par J. Fernandez
et al. en 2007 (2), tous les patients inclus avaient
une cirrhose grave, défi nie par un score de Child-
Pugh supérieur ou égal à 9, une insuffi sance rénale
(créatininémie > 105 μmol/l) ou une hyponatrémie
(< 130 mmol/l). Chez ces patients, la norfl oxacine,
comparée au placebo, diminuait la probabilité à 1 an
de développer une ILA (7 versus 61 % ; p < 0,001)
ou un syndrome hépatorénal (28 versus 41 % ;
p = 0,02). À 3 mois, la survie était améliorée (94
versus 62 % ; p = 0,003), tandis qu’à 1 an, le bénéfi ce
était moindre, à la limite de la signifi cativité (60
versus 48 % ; p = 0,05). Des résultats comparables
ont été obtenus avec la ciprofl oxacine (3).
Si un taux bas de protéines dans l’ascite est prédictif
de la survenue d’une ILA (20 % à 1 an), ce paramètre
est jugé insuffi sant pour défi nir le sous-groupe de
patients devant bénéfi cier d’une antibioprophylaxie
primaire. Les dernières recommandations de l’Euro-
pean Association for the Study of the Liver (EASL)
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EVIDENCE-BASED MEDICINE Hépatologie
indiquent que cette antibioprophylaxie doit être
réservée aux patients cirrhotiques ascitiques ayant
un taux de protéines dans l’ascite inférieur à 15 g/l,
présentant une insuffi sance hépatique sévère et
dont l’état hémodynamique est précaire (4). Cela
s’applique tout particulièrement aux patients en
attente de transplantation hépatique, afi n de leur
donner le maximum de chances de bénéfi cier d’une
greffe.
Questions
non résolues
» Quel est le bénéfi ce
à long terme de cette
antibioprophylaxie ?
» Quel serait l’impact
de sa généralisation sur
l’épidémiologie des infec-
tions bactériennes chez le
malade cirrhotique ?
Références bibliographiques
1. Thevenot T, Degand T, Grelat N et al. A French national survey
on the use of antibiotic prophylaxis in cirrhotic patients. Liver Int
2013;33(3):389-97.
2. Fernandez J, Navasa N, Planas R et al. Primary prophylaxis of
spontaneous bacterial peritonitis delays hepatorenal syndrome and
improves survival in cirrhosis. Gastroenterology 2007;133(3):818-24.
3. Terg R, Fassio E, Guevara M et al. Ciprofl oxacin in primary prophy-
laxis of spontaneous bacterial peritonitis in cirrhosis: a randomized,
placebo-controlled study. J Hepatol 2008;48(5):774-9.
4. European Association for the Study of the Liver. EASL clinical
practice guidelines on the management of ascites, spontaneous
bacterial peritonitis, and hepatorenal syndrome in cirrhosis.
J Hepatol 2010;53(3):397-417.
La cirrhose nest pas un stade homogène, mais peut être divisée en stades
de progression clinique, hémodynamique ou de quantifi cation de la brose.
La cirrhose peut régresser si la maladie hépatique est traitée suffi sam-
ment tôt.
La régression de la cirrhose a surtout été démontrée avec la guérison
virologique de l’hépatite C et la viro-suppression prolongée de l’hépatite B.
La présence d’une comorbidité, comme un syndrome métabolique, diminue
les chances de régression de la cirrhose.
La régression de la cirrhose est associée à la diminution de la morbi-
mortalité.
La régression de la cirrhose est un processus habituellement lent dont la
réalité ne peut être appréciée de manière faible que par la comparaison
de l’histologie hépatique avant et après le traitement.
Ce qu’il faut retenir
P
endant longtemps, la cirrhose a représenté le
stade ultime et défi nitif des maladies chro-
niques du foie, à partir duquel les compli-
cations pouvaient survenir. Depuis une dizaine
d’années, cette conception a été remise en cause,
et 2 autres idées sont apparues : premièrement, la
cirrhose n’est pas un stade homogène, et, deuxiè-
mement, la cirrhose peut régresser si la maladie
hépatique est traitée suffi samment tôt.
La cirrhose n’est pas un stade
homogène
La cirrhose est définie histologiquement par de
la fi brose formant de larges septa, désorganisant
la structure normale du foie et délimitant des
nodules de régénération. Parmi les scores de brose
publiés, le score METAVIR, dans lequel la cirrhose
est représentée par le stade F4, est sans doute le
plus utilisé. Cependant, au sein de la cirrhose, il a
été montré qu’il existait une gradation concernant
l’aspect clinique, la quantifi cation de la brose et
l’hypertension portale (tableau) [1, 2]. À partir des
données de la littérature, il a ainsi été décrit 4 stades
de cirrhose (1) avec un risque de mortalité crois-
sant (tableau). La concordance entre ces stades
de cirrhose, les données cliniques et les résultats
des tests non invasifs de fi brose, et notamment du
FibroScan®, n’est pas encore bien établie.
La cirrhose peut régresser
si la maladie hépatique
est traitée suffi samment tôt
La cirrhose est un processus évolutif (2). Alors que sa
réversibilité était établie dans des pathologies rares,
comme les hépatites auto-immunes et les cirrhoses
biliaires secondaires, c’est avec le traitement de
pathologies fréquentes, comme l’hépatite B ou C,
La régression de la cirrhose
est-elle possible ?
Philippe Sogni, Paris.
niveau
de preuve
1a
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