Le Courrier de colo-proctologie (II) - n° 3 - septembre 2001
a plupart des cancers du côlon sur-
viennent à partir d’adénomes poly-
poïdes (1). Il y a une quinzaine d’années,
une autre voie de la cancérisation colique
a été décrite (2-4) partir de lésions adé-
nomateuses différentes, planes et/ou dépri-
mées, qui, bien que souvent plus petites
que les lésions polypoïdes, seraient asso-
ciées à une incidence plus élevée de dys-
plasie de haut grade et de cancer invasif
(atteinte de la sous-muqueuse). Ces lésions
planes, initialement décrites par les auteurs
japonais, ont été presque ignorées en Occi-
dent, jusqu’à une époque très récente où
elles ont été également observées dans la
population occidentale, avec une préva-
lence élevée (5-7).
DÉFINITION
Il s’agit de lésions adénomateuses peu
visibles en endoscopie, planes et/ou dépri-
mées, dont la hauteur est inférieure à la moi-
tié du diamètre (8) et de couleur différente
de la muqueuse normale (plus rouge). Elles
sont classifiées en IIa (surélévation plane),
IIc (légèrement déprimée) et IIa + IIc (sur-
élévation plane et déprimée) (figure). Ces
lésions ont la particularité d’être difficile-
ment visibles en endoscopie, et accentuées
par la coloration à l’indigo carmin (elles ne
sont pas colorées, à l’inverse des élevures
hyperplasiques). Il existe une autre défini-
tion purement histologique (hauteur de la
muqueuse de l’adénome plan supérieure à
deux fois la hauteur de la muqueuse nor-
male), mais elle n’a pas d’intérêt pratique.
Histologiquement, les adénomes plans ont
une structure tubuleuse, avec, par définition,
des glandes dysplasiques.
DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL
Il existe d’autres polypes plans dans le
côlon. Les polypes hyperplasiques plans,
qui sont caractérisés par une hyperplasie
des cryptes sans dysplasie. Il existe par
ailleurs des polypes où se juxtaposent des
glandes adénomateuses et des glandes
hyperplasiques. Parfois, il existe même
dans certaines glandes hyperplasiques des
cellules dysplasiques (adénomes dentelés).
PRÉVALENCE
La prévalence initiale était plus faible que
la prévalence actuelle, surtout dans la
population occidentale. Cela est proba-
blement la conséquence d’une améliora-
tion de la sensibilité des moyens de détec-
tion endoscopique (endoscope grossissant
et coloration). Ainsi, en 1991, elle était
chiffrée à 8 % parmi 340 adénomes de
taille inférieure à 1 cm (9). Des données
très récentes concernant la population
occidentale font état d’une prévalence
supérieure comprise entre 12 et 22 %
(6, 7),les lésions adénomateuses poly-
poïdes étant deux fois plus fréquentes.
Dans une étude récente, 60 % des adé-
nomes plans n’ont été détectés que par la
coloration à l’indigo carmin (7). La pré-
valence des lésions adénomateuses parmi
les lésions planes est de 80 % plus élevée
que celle au sein des petites lésions poly-
poïdes (7). La distribution dans le côlon
semble se faire de manière comparable
dans les côlons droit et gauche (7). Dans
la population générale, les lésions planes
Adénomes plans
* Institut mutualiste Montsouris, département
médico-chirurgical. de pathologie digestive, Paris.
La prévalence des adénomes plans en
Occident est plus élevée (12 à 20 % des
adénomes) que ne le laissaient supposer
les premières études.
Un polype plan peut correspondre à un
adénome, un polype hyperplasique ou un
polype mixte.
Le recours à des colorants au cours de
la coloscopie augmente probablement la
sensibilité du diagnostic.
Un adénome plan a d’autant plus de
risque d’avoir une histologie défavorable
qu’il dépasse 10 mm et/ou qu’il est
déprimé.
Points forts
Points forts
Points forts
L
Dossier thématique
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F. Mal*
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ne semblent pas prédominer dans une eth-
nie particulière (7),mais elles sont rares
avant 40 ans s’il n’y a pas de prédisposi-
tion (5, 9). Chez les sujets ayant une pré-
disposition génétique, les adénomes plans
sont fréquemment observés, en particulier
au cours des polyposes adénomateuses
familiales, typiques ou atténuées (10). Il
existe un syndrome décrit par Lynch, dit
des adénomes plans héréditaires localisés
dans le côlon droit. Les adénomes plans
sont retrouvés dans le syndrome HNPCC,
avec une fréquence variable, faible en
Occident, plus élevée au Japon (11).
Prévalences de la dysplasie
de haut grade,
du carcinome intramuqueux
et du cancer invasif
Elles ont été comparées dans les popula-
tions japonaise et suédoise et sont res-
pectivement de 24 versus 13 %, 7 versus
1%,et 10 versus 1 % (12). Une étude amé-
ricaine récente trouve 4,5 % de carcinome
invasif parmi les adénomes plans (7).
Il faut noter que, dans cette étude, toutes
les lésions ayant une histologie avancée
étaient détectables par coloscopie dans des
conditions normales, c’est-à-dire sans
coloration. La prévalence de la dysplasie
sévère ou plus dans les adénomes plans est
considérée comme nettement plus élevée,
à taille égale, que dans les adénomes poly-
poïdes (7). Mais une étude récente (6)
montre, pour les adénomes plans de moins
de 10 mm, une prévalence de dysplasie
sévère ou plus comparable à celle des adé-
nomes polypoïdes (respectivement 4 et
6%). En revanche, la prévalence de lésion
de grade supérieur ou égal à la dysplasie
sévère est plus élevée pour les adénomes
plans de plus de 10 mm par rapport aux
adénomes polypoïdes de même taille (29
versus 16 %). Les lésions déprimées sont
rares, mais la prévalence de lésions de
grade élevé est forte (75 %), alors même
que leur diamètre est modeste (9 mm en
moyenne). Une prévalence élevée, de la
dysplasie sévère (ou plus) dans les lésions
déprimées de moins de 10 mm a aussi été
retrouvée par les auteurs japonais (13).
TRAITEMENT
Le traitement des adénomes plans repose
sur la résection endoscopique à l’anse dia-
thermique, de préférence selon la tech-
nique de mucosectomie. Les petits adé-
nomes plans, non déprimés, de moins de
5mm peuvent être réséqués à la pince
chaude. Les lésions planes de plus grande
taille peuvent être retirées par mucosecto-
mie applicable jusqu’à une taille de
25 mm. L’analyse histologique de la pièce
permettant de savoir, en cas de cancer inva-
sif, si le traitement endoscopique est suf-
fisant. Si une lésion ne se laisse pas défor-
mer lors de l’insufflation-aspiration, s’il
existe une convergence des plis, une inva-
sion doit être suspectée. Les lésions dépri-
mées de plus de 10 mm ne doivent pas être
traitées endoscopiquement (13).
Mots clés. Adénome plan – Dysplasie sévère –
Polype – Carcinome in situ.
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IIa
IIc + IIa IIa + IIc
IIb
IIc
Les lésions coliques d’aspect endoscopique superficiel sont classées en type I
(polypoïde),II (plane avec trois sous-types),et III (franchement ulcérée).
IIa :lésion en plateau suréle
IIb :lésion complètement plane
IIc :lésion déprimée (non ulcérée)
IIc + IIa :la dépression a la priorité
IIa + IIc :l’élévation périphérique a la priorité
Figure. Sous-type II du stade 0 du cancer colique.
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