Le Courrier de colo-proctologie (II) - n° 3 - septembre 2001
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plus précoces, en passant par les pertes d’hé-
térozygotie sur les chromosomes 17 et 18, à
l’augmentation de la taille et du degré de dys-
plasie des adénomes coliques pour aboutir aux
lésions infiltrantes.
DÉFINITION
DES DIFFÉRENTES LÉSIONS
ADÉNOMATEUSES
Données macroscopiques
Les adénomes colorectaux peuvent être clas-
sés en deux groupes : polypoïdes et plans.
◆Le polype est une lésion macroscopique-
ment décelable, faisant saillie dans la lumière
colique. Les adénomes polypoïdes se présen-
tent, notamment au début, comme une lésion
sessile, directement implantée dans la
muqueuse colique, ou pédiculée, l’implanta-
tion, du fait de la traction, se faisant par
l’intermédiaire d’un pédicule de longueur
variable.
◆Les adénomes plans (4), ou non saillants,
se reconnaissent à l’aspect rougeâtre de leur
revêtement et à de discrètes modifications de
consistance parfois confirmées par des tech-
niques de coloration. On distingue les adé-
nomes non déprimés, dont la surface est au-
dessus en tout point de la muqueuse colique,
et les lésions déprimées, “en creux” ou
dépourvues de relief. Les adénomes déprimés
sont souvent sous-évalués et plus petits que
les autres. Les formes non déprimées ont une
hauteur ne dépassant pas deux fois celle de la
muqueuse normale et un diamètre propor-
tionnellement important. (Il peut être difficile
de distinguer, en cas de petites lésions, un adé-
nome sessile d’un adénome plan non
déprimé.)
Données histologiques
Les adénomes sont des lésions précancéreuses
(5),définies par l’existence d’une anomalie
histologique appelée “dysplasie”, ou “néo-
plasie intra-épithéliale”, dont seules des dif-
férences de degré et non de nature permettent
de séparer :
– la dysplasie de bas grade, où les cellules,
basophiles, ont un noyau hyperchromatique,
avec pseudo-stratification de l’épithélium,
diminution de la sécrétion muqueuse facile-
ment mise en évidence par les colorations des
mucines, sans anomalies architecturales mar-
quées ;
– la dysplasie de haut grade (ou carcinome in
situ), où les lésions sont les mêmes que dans
la dysplasie de bas grade mais plus accentuées
et plus étendues. Il existe alors une nette aug-
mentation du rapport nucléo-cytoplasmique,
de plus importantes atypies nucléaires avec de
plus nombreuses mitoses, une muco-sécrétion
souvent absente et surtout une désorganisation
architecturale marquée, avec désorganisation
des cryptes bourgeonnantes et ramifiées, mais
sans rupture de la membrane basale entourant
les glandes ni envahissement du chorion adja-
cent.
Ainsi définis, les adénomes, dont le précur-
seur morphologique le plus précoce est la for-
mation de foyers cryptiques aberrants (ACF),
peuvent être divisés en :
– adénomes tubuleux, dont les plus petits
sont sessiles, voire plans, et les plus volumi-
neux, pédiculés, dont la taille dépasse rare-
ment 2,5 cm de diamètre, et où les zones de
dysplasie sévère peuvent voisiner avec des
zones de carcinome intra-muqueux, quand
les cellules tumorales ont franchi la mem-
brane basale des glandes adénomateuses pour
infiltrer le chorion adjacent ;
– adénomes villeux, typiquement sessiles,
avec une surface chevelue constituée de
franges papillaires recouvertes d’un épithé-
lium dysplasique. L’axe des expansions papil-
laires est centré par des prolongements de la
musculaire muqueuse, l’absence de pédicule
intermédiaire expliquant que l’invasion de la
sous-muqueuse se fasse directement dans la
paroi colique ;
–adénomes tubulo-villeux, en raison de la dis-
tinction parfois difficile entre des structures
villeuses et des structures tubuleuses sous-
jacentes, l’architecture villeuse étant arbitrai-
rement définie par une longueur des glandes
excédant deux fois l’épaisseur de la muqueuse
colo-rectale normale. Les adénomes tubulo-
villeux sont un mélange des deux types de
structures avec un ratio de 20 à 80 % de cha-
cun d’eux.
Cas particuliers
Adénomes dentelés
Les adénomes dentelés (serrated adenomas)
ont été mis en évidence dans l’étude rétros-
pective de carcinomes survenus dans l’évolu-
tion de polypes considérés comme hyper-
plasiques, donc non adénomateux, sans
potentiel de malignité. Ils sont caractérisés par
une configuration en dents de scie de polype
hyperplasique, à faible grossissement, mais
l’épithélium bordant la partie supérieure des
cryptes est dysplasique. Les adénomes dente-
lés seraient plus fréquents au niveau du côlon
droit.
Polypes hyperplasiques
Les polypes hyperplasiques, définis
comme une surélévation de la muqueuse
colique sous forme de cryptes allongées et
dentelées, sont classiquement considérés
comme de nature non néoplasique, mais la
mutation “ras” est souvent présente à leur
niveau, et une clonalité a été mise en évi-
dence, associée à des anomalies biochi-
miques et à des caractères épidémiolo-
giques retrouvés dans la séquence
adénome-carcinome colo-rectal. Ces ano-
malies suggèrent que les polypes hyper-
plasiques puissent être de nature néopla-
sique, mais avec des particularités
moléculaires qui les distinguent de la
séquence adénome-adénocarcinome en rai-
son de l’absence d’inactivation de la voie
APC-ß-caténine.
Polypes juvéniles
Considérés habituellement comme hamar-
tomateux, les polypes juvéniles peuvent
également être le siège de lésions néopla-
siques intra-épithéliales.
Polypes de Peutz-Jeghers
Trois faits laissent supposer que les
polypes du syndrome de Peutz-Jeghers
puissent être d’authentiques lésions pré-
cancéreuses :
Figure 1. Immunoexpression de la protéine
du gène p53. Immunoperoxydase x 200.
Dossier thématique