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Cancers bronchiques
Lung cancer
● D. Moro-Sibilot*
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LES TRAITEMENTS CIBLANT LE VEGF
Le facteur de croissance VEGF est un élément clé pour la formation des néovaisseaux ; son hyperexpression a été observée
dans de nombreux types de tumeurs et associée à la progression
de la maladie. L’inhibition du VEGF est donc une cible thérapeutique potentielle. Les résultats d’une étude randomisée de
phase II comparant une chimiothérapie par paclitaxel et carboplatine (32 patients) à la même chimiothérapie associée à un
anticorps monoclonal anti-VEGF (bevacizumab 7,5 mg/kg :
32 patients ; 15 mg/kg : 34 patients) ont été publiés l’année dernière (1). L’addition des anticorps monoclonaux à la chimiothérapie améliorait le taux de réponse, puisque celui-ci était à 31,5 %
pour le dosage fort (15 mg/kg). En revanche, l’amélioration était
moindre (28,1 %) pour le dosage faible (7,5 mg/kg) [21,9 % de
réponse]. Un des problèmes importants observés dans cette étude
initiale était la survenue d’hémorragies, qu’il s’agisse d’épistaxis
ou d’hémorragies graves comme les hémoptysies de grade 3-4.
Ces hémoptysies étaient plus fréquentes dans les tumeurs épidermoïdes, qui sont des tumeurs proximales. Cette étude a été
suivie d’une étude de phase III (ECOG 4599) incluant 878 carcinomes non épidermoïdes de stade IIIB ou IV sans métastases
cérébrales, ECOG 0,1, sans antécédents d’hémoptysie, INR et
taux de prothrombine normaux (abstract 4).
La randomisation a comparé, dans un groupe, l’association paclitaxel + carboplatine (444 patients) à la même chimiothérapie
associée au bevacizumab dans l’autre groupe (15 mg/kg :
434 patients). Les caractéristiques des deux groupes de patients
sont résumées dans le tableau I. L’addition de bevacizumab à la
chimiothérapie augmente les phénomènes hémorragiques et
l’hypertension artérielle, mais, dans cette population de tumeurs
non épidermoïdes, ces phénomènes restent à un taux acceptable,
bien inférieur à ce qui avait été observé dans le traitement des
* UF oncologie thoracique, CHU Grenoble, INSERM U578.
La Lettre du Cancérologue - Volume XIV - n° 3 - mai-juin 2005
Tableau I. Caractéristiques des patients traités dans l’étude ECOG 4599.
PC
PCB
Stades IIIB/IV (%)
14/86
13/87
PS 0/1 (%)
38/62
40/60
Hommes/femmes (%)
58/42
50/50
RC/RP (%)
0/10
1,4/25,8
0,0001
Hémorragie (%)
0,7
4,5
< 0,001
Hypertension (%)
0,7
6
< 0,001
p
Neutropénie de grade 4 (%)
16,4
24
0,006
RC = réponse complète ; RP : réponse partielle ; PC = paclitaxel + carboplatine ; PCB = paclitaxel
+ carboplatine + bevacizumab.
tumeurs proximales épidermoïdes. L’effet sur la survie est
majeur, avec une augmentation très significative de la survie globale et de la survie sans progression (figure 1). Le bevacizumab
est la première thérapeutique ciblée qui démontre son intérêt en
première ligne thérapeutique associé à la chimiothérapie dans les
phases avancées de cancers bronchiques non à petites cellules
(CBNPC) ; c’est aussi la première fois que la médiane de survie
des patients porteurs de stades IIIB et IV dépasse 12 mois. De
façon étonnante, il existe une différence entre les hommes et les
femmes quant au bénéfice en matière de survie dans cette étude.
En effet, les femmes n’ont qu’un bénéfice de survie sans progression, mais pas de bénéfice de survie globale. Cela est peutêtre lié à des différences dans les traitements de seconde ligne,
et notamment les inhibiteurs de tyrosine kinase de l’EGFR (TKI),
qui ont été probablement plus efficaces dans la population fémi12 mois
1
Probabilité de survie (%)
es thérapeutiques ciblées ont fait leur apparition dans
notre pratique quotidienne depuis cinq à six ans. Après
les inévitables balbutiements du début, ces traitements
entrent pleinement dans notre quotidien avec des indications qui
sont assez clarifiées en seconde ou troisième ligne thérapeutique.
L’année 2005 marque un tournant avec, pour la première fois, la
démonstration de l’impact en réponse et en survie des traitements
ciblés antiangiogéniques administrés en première ligne.
PC
PCB
0,8
0,6
24 mois
43,7 %
16,9 %
51,9 %
22,1 %
HR = 0,77 (0,65-0,93)
p = 0,007
Médiane : 10,2-12,5
0,4
0,2
0
0
6
12
PC : paclitaxel + carboplatine
18
Mois
24
30
36
PCB : paclitaxel + carboplatine + bevacizumab
Figure 1. Caractéristiques de survie globale dans l’étude ECOG 4599.
137
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nine. L’utilisation du bevacizumab dans les cancers bronchiques
non épidermoïdes est donc à prévoir à l’avenir. Il nous faudra
sûrement définir les modalités de prescription de ce médicament
à des situations particulières, mais néanmoins fréquentes dans les
cancers bronchiques, telles que, par exemple, les états d’hypercoagulabilité et de thrombose associés au cancer et qui risquent
d’être aggravés, ou dont le traitement sera compliqué par la prescription de bevacizumab. Nous devrons certainement anticiper
les modalités de diagnostic de ces cancers profonds, et il ne faudra pas faire courir un risque hémorragique après médiastinoscopie ou thoracotomie diagnostique. Il nous faudra probablement faire un choix permettant de respecter la nécessité de
prélèvements adéquats pouvant être cryopréservés pour des analyses phénotypiques ou génomiques, et, d’autre part, s’assurer
d’un risque hémorragique post-thérapeutique maîtrisable.
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majeure aux inhibiteurs de kinase. Cette mutation est corrélée
au profil clinique décrit ci-dessus, mais cela n’explique cependant pas tout, car il y a, d’une part, des répondeurs aux inhibiteurs de kinase chez les non-mutés et, d’autre part, un bénéfice
global en survie de l’utilisation d’inhibiteurs de kinase chez les
non-répondeurs non porteurs de la mutation. D’autres cibles
biologiques explorant EGFR ou ses voies de signalisation sont
actuellement à l’étude, l’amplification de l’EGFR (FISH ou
CISH), l’hyperexpression de l’EGFR (immunohistochimie), la
mutation de K-ras et l’expression de pAKT.
Ces anomalies biologiques ne sont pas toutes associées. Certaines
sont exclusives : par exemple, la mutation de ras exclut la mutation de l’EGFR. D’autres sont incomplètement associées : par
exemple, la mutation de l’EGFR est parfois responsable d’amplification génique, sans que toutes les amplifications soient associées à cette mutation. L’impact de la mutation et de l’amplification de l’EGFR sur les paramètres de survie varie selon les
études disponibles (abstracts 7006-7008) (2-4) [tableau II]. Cette
variabilité est liée, d’une part, à des variations épidémiologiques
dans les populations à l’étude, d’autre part à une absence de standardisation des méthodes d’étude. L’impact de ces modifications
biologiques sur la survie et la réponse fait l’objet de travaux, qui
sont parfois un peu discordants, mais qui soulignent la nécessité
de standardiser leurs techniques de réalisation.
Plusieurs études de phase II ont évalué l’intérêt de l’erlotinib ou
du gefitinib en monothérapie de première ligne dans les stades
localement avancés inopérables IIIB ou IV.
La majorité des ces études (tableau III) (abstracts 7073, 7148,
7072, 7074, 7082, 7094, 7256) montre des taux de réponse encou-
LES INHIBITEURS DE TYROSINE KINASE DE L’EGFR
ET LA BIOLOGIE DE L’EGFR
Dans les années 1990, l’oncologie clinique et la recherche biologique sur les cancers portaient sur les mêmes maladies, mais,
en pratique, elles étaient très éloignées l’une de l’autre. Cette
distance est en train de se réduire significativement avec l’introduction dans les soins courants des thérapeutiques ciblées et des
facteurs prédictifs de réponse à ces traitements. Environ 20 %
des cancers bronchiques ont une mutation de k-ras et, dans les
populations non asiatiques, 10 % des cas observés ont une mutation de l’EGFR. Ces deux mutations sont, dans la majorité des
cas, mutuellement exclusives. Les mutations de l’EGFR sont
Tableau II. Effet sur la survie des différentes modifications connues de l’EGFR.
TKI
n
Mutation
SSP
Mutation
survie
Amplification
SSP
Amplification
survie
Lynch
gefitinib
79
Oui
Non
Oui
Non
Tsao
erlotinib
177
-
Non
-
Oui
Gummerlock
gefitinib
65
Non
Non
Non
Oui
Han
gefitinib
90
Oui
Oui
-
-
Mitsudomi
gefitinib
59
-
Oui
-
-
Cappuzzo
gefitinib
89
Oui
Non
Oui
Oui
SSP = survie sans progression ; TKI = inhibiteurs de tyrosine kinase.
un facteur prédictif de la réponse aux inhibiteurs de kinase alors
que la mutation de K-ras est généralement associée à la résistance à ces médicaments. Ce concept de pouvoir prédire la
réponse aux inhibiteurs de kinase est évoqué depuis plusieurs
années, et l’ASCO 2005 est le premier congrès où ce thème est
développé à grande échelle. Les critères cliniques permettant
de prédire la réponse sont maintenant bien connus : le sexe féminin, l’origine asiatique, le fait d’être non fumeur et, enfin, le
type histologique adénocarcinome, tout particulièrement le
sous-type carcinome bronchiolo-alvéolaire. Sur le plan biologique, la mutation du site kinase de l’EGFR sur les exons 18 à
21 a permis de déterminer une population qui répond de façon
138
Tableau III. Essais de TKI en première ligne dans les CBNPC.
Auteur Abstr. n Médicament RC-RP Stable Adénocarcinomes
(%)
(%)
(%)
Soria
7073 54
erlotinib
23
32
Jackman 7148 58
erlotinib
10,9
54,5
73
Lee
7072 55
gefitinib
61
11
100
Kasahara 7074 30
gefitinib
33
30
ND
Suzuki
7082 34
gefitinib
26,5
ND
73
Reily
7094 198
gefitinib
6,3
40,6
66
Winson
7256 45
gefitinib
9,8
36,6
33
Abstr. = abstract.
54
ND = non déterminé.
La Lettre du Cancérologue - Volume XIV - n° 3 - mai-juin 2005
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rageants, mais elles concernent des populations de patients souvent sélectionnées en fonction de la présence de facteurs prédictifs de réponse aux inhibiteurs de kinase.
BEXAROTÈNE ET CBNPC
Le bexarotène est un rétinoïde qui à déjà son autorisation de mise
sur le marché (AMM) dans le traitement des manifestations cutanées des lymphomes cutanés T épidermotropes, au stade avancé
et réfractaires à au moins un traitement systémique. Le bexarotène est un composé synthétique qui exerce son action biologique
par une liaison sélective et une activation de trois récepteurs aux
rétinoïdes (RXR) : α, ß et γ. Une fois activés, ces récepteurs fonctionnent comme des facteurs de transcription qui régulent les processus tels que la différenciation et la prolifération cellulaires,
l’apoptose et la sensibilisation à l’insuline. La capacité des RXR
à former des hétérodimères avec divers récepteurs, qui sont
importants pour la fonction cellulaire et en physiologie, indique
que les activités biologiques du bexarotène sont plus variées que
celles des composés qui activent les récepteurs de l’acide rétinoïque (RAR). In vitro, le bexarotène inhibe la croissance des
lignées de cellules tumorales d’origine hématopoïétique et épithéliale. In vivo, le bexarotène cause une régression tumorale
dans certains modèles animaux et empêche l’induction tumorale
dans d’autres.
Deux essais randomisés de phase III (SPIRIT 1 et 2, abstracts 7001,
7024) ont étudié l’intérêt du Targretin® (bexarotène), qui avait
donné des résultats prometteurs dans des essais de phase II. Ces
deux études portaient sur des CBNPC de stade IV traités en première ligne métastatique par cisplatine-vinorelbine ou carboplatine-paclitaxel, associés ou non au bexarotène. Ces deux essais
ne montrent aucun avantage en termes de survie ou de réponse,
avec une toxicité augmentée en termes de neutropénie et d’hypertryglicéridémie malgré un traitement adapté.
En revanche, les patients avec une augmentation des triglycérides semblent avoir une meilleure survie, sans que l’explication
soit claire (sélection de deux populations ?).
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TRAITEMENT ADJUVANT DES PATIENTS OPÉRÉS
Depuis la méta-analyse de 1995 (5), qui avait laissé penser, sans
pouvoir toutefois le démontrer, que les traitements adjuvants
administrés en situation postopératoire étaient à même d’augmenter la survie des patients opérés, et malgré la négativité
de l’étude ALPI (6), plusieurs études randomisées publiées ces
deux dernières années (7-11) [tableau IV] ont démontré l’intérêt de la chimiothérapie adjuvante.
L’étude ANITA (abstract 7013), présentée cette année, compare
une abstention thérapeutique après résection complète d’un
cancer non à petites cellules de stade IB à III à une chimiothérapie adjuvante par vinorelbine et cisplatine. L’objectif principal
de cette étude était le taux de survie, et cet objectif a été atteint
avec une valeur statistiquement très significative (figure 2). Par
ailleurs, la tolérance a été bonne, aucune toxicité inattendue n’a
été observée et le taux de décès lié au traitement faible était de
1,7 %. Dans cette étude, la chimiothérapie adjuvante n’a pas semblé apporter de bénéfice dans le stade précoce (IB), confirmant
ainsi les résultats de l’étude IALT (7). En revanche, le bénéfice
est très net dans les stades II et les stades IIIA.
1,00
Médiane
(mois)
p
0,75
Survie (%)
C
Observation
VNR + CDDP
43,8
65,8
0,013
0,79 [0,66-0,95]
HR
0,50
VNR + CDDP
0,25
Observation
0
0
24
48
60
84
108
132
Mois
Figure 2. Survie globale dans l'étude ANITA, qui compare une abstention thérapeutique après résection complète d’un cancer non à
petites cellules de stade IB à III à une chimiothérapie adjuvante par
vinorelbine (VNR) et cisplatine (CDDP).
Tableau IV. Les études récentes de chimiothérapie adjuvante.
Étude
n
CT
Stade IA
(%)
Stade IB
(%)
Stade II
(%)
Stade IIIA
(%)
Oddsratio
p
0,87
0,08
Méta-analyse1995
1 394
ALPI
1209
M, Vd, P
39
33
28
0,96
NS
381
Avec P
27
38
34
1
NS
1 867
Avec P
27
24
39
0,86
0,03
–
Big Lung
Trial
IALT
10
NCIC JBR10
482
Vnr, P
–
45
55
CALGB 9633
344
Tx, Cb
–
100
–
0,69
0,011
0,62
0,028
Lung Cancer 04
119
Vd, P
–
–
–
100
0,74
0,01
ANITA
840
Vnr, P
–
35
30
35
0,79
0,013
P : cisplatine, Vd : vindésine, Vnr : vinorelbine, Tx : paclitaxel, Cb : carboplatine, NS : non significatif.
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C’est donc, au total, la quatrième étude adjuvante et le deuxième
essai qui étudient l’impact de l’association vinorelbine + cisplatine en postopératoire et qui démontrent une amélioration de la
survie globale dans le groupe traité par chimiothérapie adjuvante.
Le bénéfice des traitements adjuvants dans les cancers bronchiques est comparable à ce que l’on observe pour les cancers
mammaires ou colorectaux, où cette approche est un standard
thérapeutique. On peut donc considérer actuellement qu’il est
conseillé d’administrer trois ou quatre cycles d’un doublet comportant un sel de platine pour les tumeurs de stade IB à IIIA en
résection complète. Des questions importantes restent sans
réponse, notamment la place de la radiothérapie dans les stades
IIIA, l’attitude thérapeutique dans les stades IA et les incertitudes
sur l’impact de la chimiothérapie adjuvante dans les stades IB.
TRAITEMENTS NÉOADJUVANTS DES PATIENTS OPÉRÉS
La question de l’intérêt de la chimiothérapie néoadjuvante des
stades précoces a été soulevée par les résultats de l’étude française MIP 91, publiée en 2002 (12). Cet essai comparait deux
stratégies : chimiothérapie par mitomycine-ifosfamide-platine
(MIP) (deux cycles) suivie de chirurgie comparée à chirurgie première. Les patients répondeurs au schéma MIP recevaient
deux cycles supplémentaires de chimiothérapie en postopératoire
immédiat et, dans certains cas, une radiothérapie. Le bénéfice de
la chimiothérapie préopératoire dans cette étude était observé
dans les stades I et II plutôt que dans les stades III (N2). Cette
étude a été à l’origine de plusieurs travaux confirmatifs
(tableau V), dont l’étude S9900 (abstract 7012), présentée par
K. Pisters. Elle compare une chimiothérapie par trois cycles de
Tableau V. Résumé des études néoadjuvantes actuelles et à venir.
Étude
Nombre
de patients
Modalités
État
Depierre (10)
355
MIP avant et après
Publiée
S9900
354
Pac C
Présentée ASCO 2005
CHEST
256
GC
En cours
NATCH
600
PC avant et après
En cours
Lu22
600
Chimiothérapie avec P
En cours
IFCT 0002
600
Pac, C ou GP avant
En cours
ou
avant et après
P : cisplatine, G : gemcitabine, C : carboplatine, Pac : placlitaxel, P : cisplatine, M : mitomycine,
I : ifosfamide.
Tableau VI. Caractéristiques des patients de l’étude EORTC 08941.
Hommes/femmes (%)
Épidermoïdes (%)
Radiothérapie
n = 165
Chirurgie
n = 167
77/23
71/29
40
39
cT1/2/3 (%)
13/72/15
12/73/16
RC/RP/R mineure (%)
5/80/13
7/82/9
–
47/38
Pneumonectomie/lobectomie (%)
140
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paclitaxel 225 mg/m2 et carboplatine ASC 6 puis chirurgie
(168 patients évaluables) à un groupe de patients traités par chirurgie seule (167 patients évaluables). Les patients inclus dans
l’étude étaient de stade IB à IIIA (T3N1). Les caractéristiques
des patients sont représentées dans le tableau VI. Cette étude a
été prématurément stoppée à 354 patients du fait d’un manque
de recrutement résultant de la publication des résultats des études
de chimiothérapie adjuvante. L’effectif de patients est donc insuffisant pour avoir la puissance statistique nécessaire. Dans le
groupe de patients traité par chimiothérapie, l’observance a été
bonne, avec 77 % des patients qui ont reçu les trois cycles de chimiothérapie prévus. Le taux de réponse à la chimiothérapie
d’induction est de 41 %, ce qui est très étonnamment inférieur à
ce qui avait été noté dans l’étude MIP. Cent soixantedeux patients ont été opérés dans le groupe chirurgie seule et 149
dans le groupe chimiothérapie puis chirurgie. Il y a sept décès
postopératoires dans le groupe chimiothérapie puis chirurgie
contre 4 dans le groupe chirurgie seule. En dépit d’une amélioration à la fois de la survie globale et de la survie sans progression, la différence reste statistiquement non significative. Cette
absence de signification statistique s’explique par l’insuffisance
du nombre de patients, mais aussi par une survie du groupe
contrôle meilleure que celle envisagée dans le plan statistique et
que celle observée dans l’étude Depierre. Il est donc trop tôt pour
conclure de façon définitive sur l’intérêt ou l’absence d’intérêt
du néoadjuvant. D’autres études sont en cours (tableau V) et une
méta-analyse sera probablement justifiée.
TRAITEMENTS D’INDUCTION PRÉOPÉRATOIRE
Deux grandes études randomisées ont été présentées ; elles ont
évalué l’intérêt des traitements d’induction en situation préopératoire chez des patients N2 opérables ou non. Dans les deux cas,
le statut N2 était prouvé par médiastinoscopie préalable. En
revanche, le caractère opérable ou non d’une atteinte N2 reste
l’objet de débats et résulte souvent de différences dans l’expérience des médecins ou des chirurgiens. Il y a évidemment des
situations caricaturales de N2 opérables telles que, par exemple,
le N2 solitaire paratrachéal droit, et d’autres situations incontestablement inopérables telles que les N2 multiples de grande taille
comprimant les structures médiastinales, mais entre ces deux
extrêmes existent de nombreuses situations où l’appréciation
varie d’une équipe à l’autre. Cela complique bien évidemment
l’interprétation des études qui nous ont été présentées.
Les résultats actualisés après une médiane de 81 mois de suivi de
l’étude intergroupe 0139 (RTOG 93-09) ont été présentés par
K. Albain (abstract 7014). Cette étude cherche à préciser la place
de la chirurgie dans les cancers non à petites cellules de
stade III (N2) opérables. La chimiothérapie néoadjuvante des
stades IIIA (N2) n’a pas donné de résultats significatifs dans l’essai
de Depierre et al. (12), et seules les études anciennes de Roth et
Rosell avaient envisagé un possible impact favorable de la chimiothérapie d’induction. Cela souligne l’intérêt de cet essai, dans lequel
les patients traités par chimioradiothérapie d’induction soit reçoivent ensuite un complément de radiothérapie, soit sont opérés.
Les toxicités de grade 3-4 ont été observées principalement dans
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Dcd/total
100
CT/RT/C
57/90
CT/RT/C
74/90
Survie (%)
75
Log Rank p = 0,002
50
25
0
0
12
24
36
48
60
Mois depuis randomisation
Figure 3. Essai intergroupe 0139 (RTOG 93-09). L’analyse en sousgroupe montre un bénéfice en termes de survie pour les patients
traités par lobectomie.
le groupe de patients traités par chimioradiothérapie seule (20 %
contre 9 % ; p = 0,001). Cependant, 16 décès liés au traitement
sont à déplorer dans le groupe de patients opérés, contre seulement 4 dans le groupe chimioradiothérapie.
La survie sans rechute était plus longue dans le groupe de patients
opérés (médiane 12,8 mois contre 10,5 mois ; p = 0,017). La survie
globale à cinq ans était également meilleure (27,2 % contre
20,3 %), quoique non statistiquement significative.
Le bénéfice semble clair en matière de survie sans rechute, mais
n’est pas observé pour la survie globale. L’analyse en sous-groupe
montre un bénéfice en termes de survie pour les patients traités
par lobectomie (figure 3) et un bénéfice majeur pour les patients
présentant un downstaging ganglionnaire. Les auteurs concluent
sur la nécessité de se limiter à la lobectomie chez les patients ayant
été traités par chimioradiothérapie d’induction. L’obtention d’un
stade pN0 après traitement d’induction est un facteur pronostique
important de longue survie retrouvé dans cette étude et suggéré
dans des travaux antérieurs (13-16).
L’étude EORTC 08941, présentée par Van Meerbeck (abstract
LBA 7015), a concerné les stades IIIA (N2) considérés comme
non résécables d’emblée. Les 579 patients inclus ont été initialement traités par trois cycles de chimiothérapie contenant des
sels de platine et au moins un autre médicament. Trois cent trentedeux patients répondeurs après cette chimiothérapie ont ensuite
été randomisés entre un traitement par radiothérapie (n = 165) et
une chirurgie d’exérèse (n = 167), suivie d’une radiothérapie en
cas de résection incomplète. Cent cinquante-quatre patients ont
été opérés, avec 14 % de thoracotomies exploratrices, 38 % de
lobectomies et 47 % de pneumonectomies. La mortalité opératoire (30 jours) a été de 4 %. Les résultats de cette étude sont
extrêmement décevants, car il n’y a pas été observé d’amélioration de la survie ou de la survie sans progression chez les patients
opérés. La conclusion de cette étude est que le traitement d’induction ne permet pas d’obtenir un bénéfice lors de la chirurgie chez
les patients initialement inopérables ; on discute là encore le
meilleur pronostic des patients ayant un downstaging ganglionnaire, et la nécessité, si une chirurgie est malgré tout envisagée,
de ne pas prévoir plus qu’une lobectomie.
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TRAITEMENT DES STADES LOCALEMENT AVANCÉS
INOPÉRABLES
R. Gervais a présenté les résultats d’une étude randomisée (abstract 7016) évaluant une chimiothérapie d’induction suivie d’une
radiothérapie thoracique associée ou non à du carboplatine à dose
dite “radio-sensibilisante” dans les cancers bronchiques non à
petites cellules localement avancés (IIIA et IIIB). L’objectif principal de l’étude était le taux de contrôle local un an après la randomisation. Les critères d’inclusion étaient assez larges par rapport à la plupart des études récemment publiées : performance
status (indice fonctionnel) 0 à 2 ; la présence d’un syndrome cave
supérieur et/ou d’un envahissement ganglionnaire sus-claviculaire était autorisée, et le volume cible était laissé à l’appréciation des cliniciens et radiothérapeutes. Sur le plan statistique,
l’étude était construite de façon à mettre en évidence une amélioration de 10 % du taux de contrôle local, et 507 patients étaient
nécessaires. Cependant, une analyse intermédiaire programmée,
réalisée en 1999, a montré l’absence de différences significatives
entre les deux bras, mais une survie médiane si faible chez les
premiers patients inclus que le protocole de l’étude a été modifié, et le schéma de la chimiothérapie d’induction rallongé. En
conséquence, le nombre total de patients requis a été porté à 585.
L’étude comparait une chimiothérapie d’induction associant cisplatine et vinorelbine (durée de 6 semaines avant amendement
du protocole : cohorte 1 ; 9 semaines après amendement du
protocole : cohorte 2) suivie d’une radiothérapie thoracique
conventionnelle délivrant un total de 66 Gy à un bras expérimental associant à cette radiothérapie une perfusion journalière
de carboplatine à visée radiosensibilisante, à la posologie de
15 mg/m2. La tolérance de ce traitement a été satisfaisante. En
revanche, l’amélioration sur le plan du contrôle local n’a pas été
significative. Une analyse “exploratoire” montre cependant que
la longueur de la chimiothérapie d’induction a un effet significatif sur le contrôle local, en l’améliorant. Depuis les résultats
positifs de C. Schaake-Koning et al. (17), il y a plus de 10 ans,
le concept de radiosensibilisation n’a pas été clairement confirmé.
Cette dernière étude négative met probablement un terme à cette
question, la chimiothérapie à dose “uniquement sensibilisante”
laissant la place à la chimiothérapie à dose conventionnelle,
concomitante de la radiothérapie.
CHIMIOTHÉRAPIE DES CARCINOMES À PETITES CELLULES
L’association irinotécan-cisplatine avait montré une amélioration significative de la survie chez les patients atteints de cancer
bronchique à petites cellules disséminées dans une étude japonaise publiée en 2002 (18). Ces résultats ne sont pas confirmés
par l’étude présentée cette année. L’association cisplatine
60 mg/m2 J1 et étoposide 120 mg/m2 J1 à J3 a été comparée à
l’association cisplatine 30 mg/m2 et irinotécan 65 mg/m2/j de J1
à J3. Trois cent trente et un patients ont été inclus entre décembre
2000 et juin 2003. Le taux de réponse objective (51 % versus
52 %), le temps avant progression (4,6 mois versus 4,1 mois), la
survie médiane (10,2 mois versus 9,3 mois) et la survie à 1 an
(36,1 % versus 35 %) sont identiques dans les deux bras.
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Les toxicités sont globalement comparables et acceptables. Ces
résultats, qui contrastent avec ceux de l’étude japonaise, peuvent
avoir comme explication une différence de schéma (mais la doseintensité en irinotécan était supérieure dans cette étude) ou bien
des différences de pharmacogénomique entre les populations de
ces deux études. La négativité de cet essai ne pousse pas à l’introduction de l’association irinotécan + cisplatine dans les standards
thérapeutiques des cancers bronchiques à petites cellules.
CONCLUSION
Les carcinomes à petites cellules restent donc encore les parents
pauvres de cette année. On retiendra essentiellement le couronnement des traitements adjuvants dans les carcinomes non à
petites cellules opérés, et l’amélioration très significative de la
survie des stades IIIB et IV traités par bevacizumab et chimio■
thérapie.
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La Lettre du Cancérologue - Volume XIV - n° 3 - mai-juin 2005
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