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La Lettre du Cancérologue - Volume XIV - n° 3 - mai-juin 2005
CANCERS BRONCHIQUES
C’est donc, au total, la quatrième étude adjuvante et le deuxième
essai qui étudient l’impact de l’association vinorelbine + cispla-
tine en postopératoire et qui démontrent une amélioration de la
survie globale dans le groupe traité par chimiothérapie adjuvante.
Le bénéfice des traitements adjuvants dans les cancers bron-
chiques est comparable à ce que l’on observe pour les cancers
mammaires ou colorectaux, où cette approche est un standard
thérapeutique. On peut donc considérer actuellement qu’il est
conseillé d’administrer trois ou quatre cycles d’un doublet com-
portant un sel de platine pour les tumeurs de stade IB à IIIA en
résection complète. Des questions importantes restent sans
réponse, notamment la place de la radiothérapie dans les stades
IIIA, l’attitude thérapeutique dans les stades IA et les incertitudes
sur l’impact de la chimiothérapie adjuvante dans les stades IB.
TRAITEMENTS NÉOADJUVANTS DES PATIENTS OPÉRÉS
La question de l’intérêt de la chimiothérapie néoadjuvante des
stades précoces a été soulevée par les résultats de l’étude fran-
çaise MIP 91, publiée en 2002 (12). Cet essai comparait deux
stratégies : chimiothérapie par mitomycine-ifosfamide-platine
(MIP) (deux cycles) suivie de chirurgie comparée à chirurgie pre-
mière. Les patients répondeurs au schéma MIP recevaient
deux cycles supplémentaires de chimiothérapie en postopératoire
immédiat et, dans certains cas, une radiothérapie. Le bénéfice de
la chimiothérapie préopératoire dans cette étude était observé
dans les stades I et II plutôt que dans les stades III (N2). Cette
étude a été à l’origine de plusieurs travaux confirmatifs
(tableau V),dont l’étude S9900 (abstract 7012), présentée par
K. Pisters. Elle compare une chimiothérapie par trois cycles de
paclitaxel 225 mg/m2et carboplatine ASC 6 puis chirurgie
(168 patients évaluables) à un groupe de patients traités par chi-
rurgie seule (167 patients évaluables). Les patients inclus dans
l’étude étaient de stade IB à IIIA (T3N1). Les caractéristiques
des patients sont représentées dans le tableau VI. Cette étude a
été prématurément stoppée à 354 patients du fait d’un manque
de recrutement résultant de la publication des résultats des études
de chimiothérapie adjuvante. L’effectif de patients est donc insuf-
fisant pour avoir la puissance statistique nécessaire. Dans le
groupe de patients traité par chimiothérapie, l’observance a été
bonne, avec 77 % des patients qui ont reçu les trois cycles de chi-
miothérapie prévus. Le taux de réponse à la chimiothérapie
d’induction est de 41 %, ce qui est très étonnamment inférieur à
ce qui avait été noté dans l’étude MIP. Cent soixante-
deux patients ont été opérés dans le groupe chirurgie seule et 149
dans le groupe chimiothérapie puis chirurgie. Il y a sept décès
postopératoires dans le groupe chimiothérapie puis chirurgie
contre 4 dans le groupe chirurgie seule. En dépit d’une amélio-
ration à la fois de la survie globale et de la survie sans progres-
sion, la différence reste statistiquement non significative. Cette
absence de signification statistique s’explique par l’insuffisance
du nombre de patients, mais aussi par une survie du groupe
contrôle meilleure que celle envisagée dans le plan statistique et
que celle observée dans l’étude Depierre. Il est donc trop tôt pour
conclure de façon définitive sur l’intérêt ou l’absence d’intérêt
du néoadjuvant. D’autres études sont en cours (tableau V) et une
méta-analyse sera probablement justifiée.
TRAITEMENTS D’INDUCTION PRÉOPÉRATOIRE
Deux grandes études randomisées ont été présentées ; elles ont
évalué l’intérêt des traitements d’induction en situation préopé-
ratoire chez des patients N2 opérables ou non. Dans les deux cas,
le statut N2 était prouvé par médiastinoscopie préalable. En
revanche, le caractère opérable ou non d’une atteinte N2 reste
l’objet de débats et résulte souvent de différences dans l’expé-
rience des médecins ou des chirurgiens. Il y a évidemment des
situations caricaturales de N2 opérables telles que, par exemple,
le N2 solitaire paratrachéal droit, et d’autres situations incontes-
tablement inopérables telles que les N2 multiples de grande taille
comprimant les structures médiastinales, mais entre ces deux
extrêmes existent de nombreuses situations où l’appréciation
varie d’une équipe à l’autre. Cela complique bien évidemment
l’interprétation des études qui nous ont été présentées.
Les résultats actualisés après une médiane de 81 mois de suivi de
l’étude intergroupe 0139 (RTOG 93-09) ont été présentés par
K. Albain (abstract 7014). Cette étude cherche à préciser la place
de la chirurgie dans les cancers non à petites cellules de
stade III (N2) opérables. La chimiothérapie néoadjuvante des
stades IIIA (N2) n’a pas donné de résultats significatifs dans l’essai
de Depierre et al. (12), et seules les études anciennes de Roth et
Rosell avaient envisagé un possible impact favorable de la chimio-
thérapie d’induction. Cela souligne l’intérêt de cet essai, dans lequel
les patients traités par chimioradiothérapie d’induction soit reçoi-
vent ensuite un complément de radiothérapie, soit sont opérés.
Les toxicités de grade 3-4 ont été observées principalement dans
Tableau V.
Résumé des études néoadjuvantes actuelles et à venir.
Étude Nombre Modalités État
de patients
Depierre (10) 355 MIP avant et après Publiée
S9900 354 Pac C Présentée ASCO 2005
CHEST 256 GC En cours
NATCH 600 PC avant et après En cours
Lu22 600 Chimiothérapie avec P En cours
IFCT 0002 600 Pac, C ou GP avant En cours
ou
avant et après
Tableau VI.
Caractéristiques des patients de l’étude EORTC 08941.
Radiothérapie Chirurgie
n = 165 n = 167
Hommes/femmes (%) 77/23 71/29
Épidermoïdes (%) 40 39
cT1/2/3 (%) 13/72/15 12/73/16
RC/RP/R mineure (%) 5/80/13 7/82/9
Pneumonectomie/lobectomie (%) – 47/38
P : cisplatine, G : gemcitabine, C : carboplatine, Pac : placlitaxel, P : cisplatine, M : mitomycine,
I : ifosfamide.