dossier thématique d ossier thématique Cancer de la prostate androgéno-indépendant : les traitements de première ligne Androgeno-independent prostate cancer: what is new in first line ● ● G. Gravis* actualisation de l’étude taX 327 L’étude TAX 327 a été présentée à l’ASCO en 2003 et publiée par I.F. Tannock en 2004. Elle montrait pour la première fois le bénéfice en termes de survie d’une chimiothérapie de type docétaxel administrée toutes les trois semaines chez des patients ayant un cancer de la prostate métastatique hormono-indépendant. Cette étude de phase III concernait 1 006 patients inclus de 2000 à 2002. Les patients étaient randomisés entre la mitoxantrone (M) associée à la prednisone (P), le docétaxel (D3) toutes les 3 semaines à la dose de 75 mg/m² + P et le docétaxel hebdomadaire à la dose de 30 mg/m² + P. Le D3 + P entraînait un bénéfice de survie mais également un bénéfice en termes de réponse sur la douleur, une amélioration de la qualité de vie et une meilleure réponse sur les antigènes spécifiques de la prostate (PSA). L’actualisation des données (1), avec 840 décès, a permis de confirmer la supériorité du docétaxel toutes les 3 semaines, avec une médiane de survie de 19,3 mois versus 16,3 mois pour l’association M + P (risque relatif RR : 0,79 [IC95 : 0,67-0,93], p = 0,005) [tableau I]. tableau i. actualisation de la taX 327. Docétaxel tous les 21 j (n = 335) Docétaxel hebdomadaire (n = 334) Mitoxantrone tous les 21 j (n = 337) Une analyse par sous-groupe a été présentée. Elle permet de donner des informations sur certaines catégories de la population. La survie est significativement améliorée pour les patients ayant un PSA ≥ 115 ng/ml avec le D3 + P (17,5 mois) versus M + P (12,8 mois, hazard-ratio [HR] : 0,73, p = 0,008). Cette différence n’est pas significative dans le groupe avec des PSA < 115 ng/ml ; cependant, la survie du groupe recevant le D3 + P est de 21,8 mois. Le bénéfice de survie était également supérieur pour les patients ne présentant pas de symptomatologie douloureuse (23 mois versus 19,8 mois avec M + P, HR : 0,73, p = 0,009), ceux ayant un bon indice de performance (indice de Karnofsky ≥ 90 %, 22,8 mois versus 19,8 mois avec M + P, HR : 0,75, p = 0,011). Un meilleur indice de qualité de vie au départ, mesuré par le FACT-P (< 109), est associé à une meilleure survie avec le D3 (18,3 mois versus 12,4 mois avec M + P, HR : 0,66, p = 0,02). Un des points importants concerne l’analyse en fonction de l’âge. Après 68 ans, le bénéfice en termes de survie avec le docétaxel hebdomadaire paraît assez comparable à celui du schéma toutes les 3 semaines (respectivement 18,6 mois et 18,9 mois versus 15,7 mois avec M + P) [tableau II]. Ces données sont à prendre avec précaution dans la mesure où cette analyse statistique en sous-groupes n’était pas prévue au départ. Leur valeur reste donc toute relative. tableau ii. actualisation de la taX 327. survie en fonction de l’âge. Docétaxel tous les 21 j (n = 335) Données originales 2003 n (%) décès 166 (50 %) 190 (57 %) 201 (60 %) Médiane de survie 18,9 (17,0-21,2) 17,4 (15,7-19,0) 16,5 (14,4-18,6) Hazard-ratio 0,76 (0,62-0,94) 0,91 (0,75-1,11) – 0,009 0,36 – 273 (81,5 %) 269 (80,5 %) 291 (86,4 %) Médiane de survie 19,3 (17,6-21,3) 17,8 (16,2-19,2) 16,3 (14,4-18,2) Hazard-ratio 0,79 (0,67-0,93) 0,87 (0,74-1,03) – 0,005 0,10 – p Données actualisées 2006 n (%) décès p * Institut Paoli-Calmettes, Marseille. 312 Docétaxel hebdomadaire (n = 334) Mitoxantrone tous les 21 j (n = 337) Âge ≤ 68 ans n (décès) 176 158 170 Médiane de survie 19,5 17,2 16,4 Hazard-ratio 0,81 0,93 – p 0,071 0,55 – n (décès) 159 176 167 Médiane de survie 18,9 18,6 15,7 Âge ≥ 68 ans Hazard-ratio 0,77 0,82 – p 0,036 0,091 – La Lettre du Cancérologue - Vol. XVI - n° 7 - septembre 2007 corrélation entre la réponse psa et la survie dans la taX 327 Une autre analyse a été menée sur cette étude TAX 327, dont le but était de valider un critère de survie décrit par D.P. Petrylak dans l’étude SWOG-9916 (2). Cette étude de phase III randomisée comparait le docétaxel associé à l’estramustine versus mitoxantrone + P. L’auteur a montré que le critère principal de survie était la diminution d’au moins 30 % du PSA à 3 mois. Dans l’étude TAX 327, la diminution de 30 % au moins du PSA à 3 mois reste le critère le plus fort : même si la réduction du PSA ou une diminution de la douleur sont des facteurs pronostiques indépendants, leur poids statistique reste inférieur à la diminution du PSA de 30 % ou plus à 3 mois (fi gure) [3]. Ces données sont importantes pour déterminer l’intérêt pour un patient de poursuivre un traitement ou, a contrario, de l’arrêter précocement. étaient similaires dans les deux bras, à l’exception de la thrombopénie de grade 3, plus fréquente dans le bras O + D (9 % versus 0 %). La réponse sur les PSA était observée chez 37 % des patients du groupe O + D et chez 46 % des patients traités par D seul (tableau III). tableau iii. association oblimersen et docétaxel versus docétaxel chez des patients ayant un cancer de la prostate androgéno-indépendant : étude de l’eortc (4). Réponse sur les PSA, n (%) IC95 D + O (n = 54) D (n = 57) 37 (20 %) 46 (26 %) 24-51 32-59 dossier thématique d ossier thématique atrasentan Normalisation PSA (n = 115) : 33,3 mois Baisse PSA ≥ 90 % (n = 106) : 26,6 mois Baisse PSA ≥ 50 % (n = 460) : 22,4 mois Baisse PSA ≥ 30 % (n = 591) : 21,6 mois Toute baisse PSA (n = 730) : 20,7 mois Aucune baisse PSA (n = 259) : 11,7 mois 1,00 0,75 0,50 0,25 0,00 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 55 60 Figure. Médiane de survie en fonction de la baisse du PSA (3). associations avec le docétaXel Docétaxel + oblimersen L’oblimersen est un oligonucléotide d’ADN antisens anti-Bcl-2. La protéine Bcl-2 est impliquée dans l’apoptose. Elle est hyperexprimée chez les patients ayant un cancer de la prostate androgéno-indépendant, et elle joue un rôle dans l’androgénoindépendance et la chimiorésistance. Une étude multicentrique réalisée par l’EORTC, randomisant l’oblimersen associé au docétaxel (O + D) versus le docétaxel (D) chez des patients ayant un cancer de la prostate androgéno-indépendant, a été présentée par C.N. Sternberg (4). L’oblimersen était administré à la dose de 7 mg/kg/j de J1 à J7 avec du docétaxel à 75 mg/m² toutes les 3 semaines versus docétaxel seul. Les tumeurs de plus de 90 % des patients étaient métastatiques ; 54 patients ont été randomisés dans le bras O + D et 57 dans le bras D. Les toxicités extra-hématologiques et hématologiques La Lettre du Cancérologue - Vol. XVI - n° 7 - septembre 2007 L’atrasentan est un antagoniste sélectif du récepteur A de l’endothéline. La fixation de l’endothéline sur son récepteur à la surface de l’ostéoblaste facilite la progression osseuse du cancer de la prostate. Une étude de phase III comparant l’atrasentan au placebo chez des patients androgéno-indépendants en rechute biologique, non métastatiques, a été présentée (5). L’objectif principal était de déterminer si l’atrasentan administré à la dose de 10 mg/j p.o. pouvait améliorer la durée de survie sans événement clinique ou radiologique. Les objectifs secondaires étaient de mesurer l’effet de l’atrasentan sur la survie sans progression biologique, le temps de doublement du PSA, les phosphatases alcalines leucocytaires (PAL) osseuses, la survie. Les toxicités rapportées sont en relation avec l’effet vasodilatateur du produit : rhinites, œdèmes périphériques, céphalées. Aucune différence significative en durées de survie sans progression clinique ou radiologique n’a été observée entre l’atrasentan et le placebo (tableau IV). Des modifications significatives du temps de doublement des PSA et du taux de PAL osseuses ont été notées. tableau iv. atrasentan versus placebo en rechute biologique androgéno-indépendante : résultats (5). Atrasentan n = 467 Placebo n = 474 Temps médian jusqu’à progression (jours) 764 671 HR : 0,915 p = 0,288 Survie médiane (jours) 1 477 1 403 HR : 0,909 p = 0,176 Progression 48,6 % 56,3 % – Métastases osseuses 36,2 % 44,3 % – – 1,51 UI/l + 2,20 UI/l – Évolution des PAL/inclusion 313 dossier thématique d ossier thématique tableau v. essai getug 15 : caractéristiques initiales des 150 premiers patients inclus (6). Bras A Docétaxel + ADT Bras B ADT n 76 (50,67 %) 74 (49,33 %) Âge médian, ans 61,5 (46-77) 62 (47-78) Karnofsky (%) 100 (70-100) 100 (60-100) 55 (72,37) 55 (74,33) Ganglionnaires (%) 31 (40 78) 42 (57 53) Pulmonaires (%) 9 (11,84 %) 5 (6,95) Hépatiques (%) 5 (6,58) 0 30,72 (0,2-928,6) 27,7 (0,4-11 900) 8 (3-10) 8 (5-10) Bon 35 (46,05 %) 33 (44,59 %) Intermédiaire 23 (30,26 %) 25 (33,78 %) Mauvais 18 (23,68 %) 16 (21,62 %) 17 (22,67 %) 11 (15,07 %) 9 (12 %) 6 (8,33 %) LDH 11 (14,67 %) 10 (13,89 %) PAL 34 (45,33) 24 (32,88 %) Sites métastatiques Osseux (%) Médiane PSA, ng/ml Score de Gleason Groupe pronostique Constantes biologiques anormales Hb Calcémie ADT : androgen-deprivation therapy. utilisation plus précoce du docétaXel dans les forMes Métastatiques ? L’étude GETUG 15/0403 est une étude de phase III multicentrique qui concerne des patients ayant un cancer de la prostate métastatique hormonosensible (6). Les patients sont randomisés 314 entre une hormonothérapie (agoniste de la LH-RH ou blocage androgénique complet ou pulpectomie) et une hormonothérapie associée à du docétaxel 75 mg/m² toutes les 3 semaines + P. Cette étude est actuellement en cours ; plus de 200 patients ont été inclus. L’objectif principal est de mettre en évidence une différence de survie en faveur du bras docétaxel + hormonothérapie. L’évaluation des 150 premiers patients montre une population d’un âge médian de 60 ans, avec un score de Gleason à 8, un taux de PSA d’environ 30 ng/ml. Une stratification par groupe pronostique et utilisant les critères de Glass révèle une majorité de patients de bon pronostic ou de pronostic intermédiaire (75 %) [tableau V] (7). Il est prévu d’inclure 378 patients pour tenter de démontrer le possible bénéfice de l’introduction du docétaxel plus précocement dans la maladie métastatique. ■ RéféRences bibliogRaphiques 1. Berthold DR, Pond G, De Wit R et al. Docetaxel plus prednisone or mitoxantrone plus prednisone for advanced prostate cancer: updated survival of the TAX 327 study: abstract 147. 2. Petrylak DP, Ankerst DP, Jiang CS et al. Evaluation of prostate-specific antigen declines for surrogacy in patients treated on SWOG 99-16. J Natl Cancer Inst 2006;98:516-21. 3. Armstrong AJ, Ou Yan Y, Garret-Mayer ES et al. Analysis of PSA decline as a surrogate for overall survival in metastatic hormone refractory prostate cancer (HRPC): abstract 148. 4. Sternberg CN, Dumez M, Van Poppel H et al. Multicenter randomized EORTC trial 30021 of docetaxel + oblimersen and docetaxel in patients (pts) with hormone refractory prostate cancer (HRPC): abstract 144. 5. Nelson JB, Chim JL, Love W et al. Results of a phase III randomized controlled trial of the safety and efficacy of atrasentan in men with nonmetastatic hormonerefractory prostate cancer (HRPC): abstract 146. 6. Gravis G, Fizazi K, Joly F et al. Randomized phase III study comparing docetaxel and androgen deprivation therapy (ADT) versus ADT alone in androgen dependent metastatic prostate cancer (GETUG-15/0403): a French national muticentric study sponsored by the French Fédération des centres de lutte contre le cancer (FNCLCC) with the collaboration of the French Association of Urologists (AFU): abstract 161. 7. Glass TR, Tangen CM, Crawford ED, Thompson I. Metastatic carcinoma of the prostate: identifying prognostic groups using recursive partitioning. J Urol 2003;169:164-9. La Lettre du Cancérologue - Vol. XVI - n° 7 - septembre 2007