Biomarqueurs du cancer bronchique non à petites cellules : du concept à la pratique clinique MISE AU POINT

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mise au point
Biomarqueurs du cancer bronchique
non à petites cellules : du concept à la pratique clinique
Biomarkers for non-small-cell lung cancer:
from concept to molecular analysis-based treatment strategies
M. Pérol*, D. Arpin*, J.C. Soria**
L
e cancer broncho-pulmonaire représente
toujours la première cause de mortalité par
cancer en France, en étant responsable de près
de 28 000 décès chaque année. Malgré l’amélio­ration
des traitements classiques du cancer bronchique
que représentent la chirurgie, la radiothérapie et
la chimiothérapie, les progrès enregistrés demeurent modestes, avec une certaine stagnation des
données de survie, toutes formes confondues. Durant
la dernière décennie, les progrès dans la connaissance
de la biologie des cellules cancéreuses ont été cependant considérables, catalysant ainsi le passage des
traitements classiques du cancer aux thérapeutiques
ciblées. Ces progrès permettent d’envisager le développement de marqueurs biologiques susceptibles
d’intervenir à tous les stades de la prise en charge des
patients atteints de cancer bronchique ou suspectés
de l’être, depuis le diagnostic des lésions précancéreuses ou des formes précoces jusqu’à l’individualisation de la thérapeutique pour chaque patient.
Nous exposerons dans cette revue l’état actuel et
les perspectives de l’utilisation des biomarqueurs
dans la prise en charge des cancers bronchiques non
à petites cellules (CBNPC).
* Unité d’oncologie thoracique,
hôpital de la Croix-Rousse, Lyon.
** Département de médecine,
institut Gustave-Roussy, Villejuif.
Définition, objectifs
et différentes catégories
de biomarqueurs
Au sens strict du terme, un biomarqueur est un état
physique, biologique ou moléculaire identifiant un
état physiologique spécifique. En cancérologie,
un biomarqueur peut se définir comme un paramètre biologique identifiant une entité nosologique
distincte ou un sous-groupe de pronostic homogène
au sein d’une population de patients atteints d’une
maladie donnée, ou permettant de prédire la réponse
à un traitement donné.
Dans le domaine du cancer bronchique, le champ
d’application des biomarqueurs est très vaste :
marqueurs de risque de développer un cancer bronchique au sein de la population générale ou à risque
(tabagisme), marqueurs de dépistage des lésions
précancéreuses et de diagnostic des formes précoces
accessibles à un traitement curatif, éventuellement
en combinaison avec les techniques endoscopiques
ou radiologiques, biomarqueurs tumoraux pronostiques permettant l’évaluation de la probabilité de
récidive ou de progression tumorale, par exemple
après exérèse chirurgicale d’un cancer bronchique
avant tout traitement adjuvant, biomarqueurs
prédictifs de la réponse, de la résistance ou de la
tolérance à un traitement (chimiothérapie, thérapeutique ciblée), marqueurs de monitoring posttraitement utilisés pour la détection de la récidive
tumorale (surveillance des cancers opérés). L’identification de biomarqueurs fait également partie
intégrante du développement des thérapeutiques
ciblées ; cette étape paraît en effet fondamentale,
ayant pour but de caractériser au mieux les patients
susceptibles de bénéficier de ces traitements ou
d’individualiser des critères biologiques de réponse
au traitement (marqueurs pharmacodynamiques)
[1]. L’absence de sélection adéquate de la population
cible d’une thérapeutique peut en effet expliquer en
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Résumé
L’amélioration de la compréhension des mécanismes de la carcinogenèse et de la progression tumorale dans les cancers
broncho-pulmonaires a permis l’identification de gènes, de profils d’expression et de voies de signalisation intracellulaires
constituant la base du développement de biomarqueurs pronostiques ou prédictifs de l’efficacité des traitements traditionnels ou ciblés. L’étude du profil d’expression génique des tumeurs bronchiques pourrait conduire à une taxonomie
moléculaire de ces tumeurs en rapport avec les différents mécanismes d’oncogenèse. Plusieurs marqueurs apportent des
informations pronostiques indépendantes des facteurs cliniques classiques pour les cancers bronchiques non à petites
cellules opérés, comme l’expression d’ERCC1, de RRM1 ou de BRCA1, ou certains profils d’expression génique. D’autres
facteurs interviennent par leur capacité à prédire l’efficacité d’une thérapeutique donnée, comme les mutations de K-ras
ou de l’EGFR pour les inhibiteurs de tyrosine kinase de l’EGFR, ERCC1 pour les sels de platine, RRM1 pour la gemcitabine,
la β-tubuline de classe III pour la vinorelbine ou les taxanes. De nombreux obstacles, dont la nécessité d’une validation
prospective, subsistent néanmoins avant que l’on ne voie apparaître ces marqueurs en pratique clinique.
Prélèvement
Biomarqueurs
Épidermoïde
Grandes cellules
Adénocarcinome
Classe génomique
Cancer bronchique
non à petites cellules
Biomarqueurs
Génomique
Summary
Suspicion de cancer
bronchique
Diagnostic histologique
Mots-clés
Classe
pronostique
Traiter
ou ne pas traiter ?
Risque
métastatique
Génomique
ERCC1
BRCA1
RRM1
Prédictifs
Quel traitement ?
Cibles
Oncogenèse
EGFR
K-ras
p53
Rb
mTor
Thérapeutiques
TS
ERCC1
RRM1
BRCA1
β-tubuline
Toxicité
Figure. Utilisations potentielles des biomarqueurs dans le CBNPC.
partie certains échecs de développement en phase III
de traitements ciblés (2). La figure illustre l’utilisation potentielle des biomarqueurs en cancérologie
thoracique dans la perspective d’une individualisation thérapeutique.
L’un des principaux domaines d’application des
biomarqueurs est la prédiction de l’efficacité de
la chimiothérapie ou d’une thérapeutique ciblée.
La valeur prédictive d’un biomarqueur est souvent
confondue ou intriquée avec sa valeur pronostique.
Un facteur pronostique est une caractéristique du
patient ou de la tumeur prédisant le devenir du
patient (survie) indépendamment du traitement ;
il s’agit donc d’un marqueur de l’histoire naturelle
de la maladie qui définit l’effet de la tumeur sur le
patient. Un facteur prédictif est un facteur clinique
ou biologique associé à l’efficacité d’un traitement
donné ; il définit l’effet du traitement sur la tumeur.
Il implique donc un bénéfice différent du traitement
selon qu’il est présent ou non. En termes statistiques, il peut se définir par une interaction entre le
bénéfice thérapeutique et le statut du biomarqueur
(3). La détermination de la signification prédictive
ou pronostique d’un marqueur nécessite une étude
randomisée avec un groupe contrôle ; en effet, la
mise en évidence d’un devenir différent de deux
sous-groupes définis par la présence ou l’absence
d’un biomarqueur au sein d’une cohorte de patients
recevant tous le traitement évalué ne suffit pas pour
différencier la valeur prédictive ou pronostique de ce
biomarqueur. Cependant, l’interprétation des études
est parfois rendue difficile par l’intrication d’une
valeur prédictive et d’une signification pronostique
du même marqueur.
Évolution actuelle des concepts
et de la technologie
liés aux biomarqueurs :
des marqueurs tumoraux
sériques à la génomique
Improved understanding in
carcinogenesis and biology
of tumour progression in
lung cancer has resulted in
the identification of genes,
gene expression profiles and
signalling pathways leading to
new prognostic or predictive
biomarkers for usual treatment as chemotherapy or
targeted therapies. Studies of
gene expression profiles might
define a new molecular taxonomy of lung cancer. Several
markers give prognostic
information independent of
standard clinical parameters
in non-small-cell lung cancer
after surgical resection as
ERCC1, RRM1, BRCA1 or some
gene expression profiles. Some
markers with a predictive value
can impact therapeutic efficacy
as K-ras or EGFR mutations for
EGFR tyrosine-kinase inhibitors,
ERCC1 for platinum, RRM1 for
gemcitabine, class III β-tubulin
for vinorelbine and taxanes.
However, there are still many
barriers before implementation
of these technologies into the
clinic, particularly the need of
a prospective validation.
Keywords
Non-small-cell lung cancer
Biomarkers
Genomics
Les biomarqueurs peuvent être recherchés dans
les tissus normaux ou tumoraux, dans le sérum, le
plasma, le sang, le liquide pleural ou péritonéal,
avant ou après le traitement. Les premiers biomarqueurs utilisés ont été les marqueurs tumoraux
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Biomarqueurs du cancer bronchique non à petites cellules :
du concept à la pratique clinique
sériques, dont l’intérêt clinique, que ce soit pour
le dépistage ou le monitoring thérapeutique, s’est
révélé trop faible. L’avènement des techniques
immunohistochimiques, de réalisation facile mais
de reproductibilité plus aléatoire, a permis la mise
en évidence semi-quantitative de l’expression de
protéines par la tumeur, avec la perspective d’une
standardisation et d’une généralisation plus aisées
que les techniques plus sophistiquées. Les progrès
réalisés dans la connaissance des modifications génomiques et moléculaires impliquées dans le processus
de carcinogenèse et de croissance tumorale ont
permis l’individualisation de biomarqueurs potentiels, tant pour la détection précoce d’un cancer
que pour la personnalisation des thérapeutiques
(4). Actuellement, il est en effet techniquement
possible au niveau de la cellule tumorale d’évaluer
les modifications du génome en termes de contenu
ou de séquences d’ADN, la transcription génique
par la mesure des ARN messagers (ARNm) ou des
microARN, ainsi que la synthèse des protéines ou
des métabolites. Les techniques utilisées peuvent
s’intéresser à un gène cible en particulier, comme,
par exemple, le gène de l’epidermal growth factor
receptor (EGFR), en recherchant une amplification
génique (par hybridation in situ), son niveau d’expression par la mesure de son ARNm, des mutations
par séquençage ou un polymorphisme touchant un
nucléotide (single nucleotide polymorphism, SNP).
Les nouvelles technologies telles que les puces à
ADN à haut débit permettent désormais d’avoir
une véritable signature moléculaire de la tumeur,
avec la mise en évidence par l’hybridation génomique comparative de gains ou de pertes de matériel
génétique, de mutations ou de polymorphismes de
nucléotides sur l’ensemble du génome, de l’expression simultanée de milliers de gènes tumoraux par
l’analyse du transcriptome (ARNm) [5], voire de
prendre en compte les modifications post-transcriptionnelles par l’analyse des protéines synthétisées par la cellule tumorale grâce aux techniques de
protéomique. Cette caractérisation des tumeurs au
niveau moléculaire pose néanmoins des problèmes
importants de coût, de reproductibilité, d’analyse
statistique (interprétation d’un très grand nombre
de variables – allant parfois jusqu’à plusieurs milliers
de gènes pour chaque échantillon tumoral – chez un
nombre limité de patients) ; ces difficultés rendent
pour l’instant la perspective d’une utilisation clinique
assez lointaine (5).
D’une façon plus générale, la recherche de biomarqueurs dans les tumeurs solides se heurte à plusieurs
obstacles : hétérogénéité tumorale spatiale avec
une expression différente des marqueurs entre la
tumeur primitive et ses métastases (6), hétérogénéité temporelle avec une possible discordance
entre les biopsies tumorales faites au moment
du diagnostic initial et celles faites au moment
de la rechute au stade métastatique, difficultés à
réaliser de nouveaux prélèvements biopsiques chez
un patient en rechute, taille limitée des prélèvements en oncologie thoracique (à l’exception des
pièces opératoires), reproductibilité incertaine des
techniques utilisées pouvant résulter de différences
dans les conditions de prélèvement et de conservation de ceux-ci. Des technologies non invasives se
développent pour contourner la difficulté d’effectuer des prélèvements tumoraux itératifs, comme
l’analyse des cellules tumorales circulantes ou
de l’ADN circulant ou l’analyse protéomique sur
le sérum. Par ailleurs, l’interprétation statistique
des études de biomarqueurs concerne souvent
des études rétrospectives, sans bras contrôle, ne
permettant pas de distinguer la valeur réellement
prédictive du marqueur étudié de son éventuelle
signification pronostique. La validation prospective
des nouveaux biomarqueurs du CBNPC n’en est qu’à
ses débuts pour certains d’entre eux (mutations de
l’EGFR, pharmacogénomie). Les résultats présentés
doivent être interprétés avec prudence à cause de
ces limitations.
Biomarqueurs
du cancer bronchique
non à petites cellules
Marqueurs tumoraux sériques
Des marqueurs onco-fœtaux, comme l’antigène
carcino-embryonnaire (ACE), ou des marqueurs de
différenciation, comme la neuron specific enolase
(NSE) ou le CYFRA 21-1, ont été étudiés dans le
CBNPC (ou le cancer à petites cellules pour la NSE) :
leur intérêt clinique est faible. Ces marqueurs sont
plus ou moins directement le reflet de la masse
tumorale à l’échelon individuel, avec une sensibilité
et une spécificité insuffisantes pour recommander
leur utilisation en pratique courante, que ce soit dans
le cadre du dépistage, du monitoring du traitement
ou de la surveillance post-thérapeutique (7). De
même, leur valeur pronostique ne semble pas indépendante des autres variables cliniques pronostiques,
sauf peut-être pour le CYFRA 21-1 dans les cancers
épidermoïdes (8).
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Marqueurs de l’EGFR
◆ Mutations de l’EGFR
Le séquençage du gène de l’EGFR (9-11) a permis
d’individualiser des mutations somatiques hétérozygotes situées sur le domaine tyrosine kinase (TKI)
du récepteur chez 80 à 90 % des patients répondeurs au gefitinib ou à l’erlotinib (exons 18 à 21).
Deux types de mutation représentent 85 à 90 % des
mutations décrites et sont corrélés à la sensibilité
des cellules tumorales mutées aux inhibiteurs de la
tyrosine kinase de l’EGFR (EGFR TKI) : délétions dans
l’exon 19 en position 746-750, substitution L858R
dans l’exon 21. Les tumeurs portant ces mutations
activatrices de l’EGFR paraissent dépendantes de
la voie de l’EGFR, dont l’inhibition par les EGFR TKI
entraîne une mort cellulaire par apoptose (9-11). La
fréquence de ces mutations semble plus importante
chez les femmes, en l’absence de tabagisme, pour
les adénocarcinomes et chez les patients d’origine
asiatique, ce qui est cohérent avec la relation existant
entre présence d’une mutation et réponse au traitement. La probabilité de réponse aux TKI en présence
d’une mutation est de l’ordre de 70 à 80 % (12). On
constate cependant environ 10 % de répondeurs
parmi les patients dont la tumeur n’exprime pas
de mutations : celles-ci ne constituent donc pas le
déterminant unique de la réponse aux EGFR TKI.
L’analyse de la valeur des mutations de l’EGFR pour
prédire un bénéfice de survie sous EGFR TKI a fait
l’objet de plusieurs études rétrospectives portant
sur des séries de patients traités majoritairement
par géfitinib (13) ainsi que sur l’essai BR21 (14), qui
comporte un bras contrôle. Les résultats sont discordants, probablement en raison de l’hétérogénéité des
séries, notamment en ce qui concerne la prévalence
des mutations, le matériel tumoral et les techniques
utilisées pour la recherche des mutations. Les essais
randomisés disposant d’un bras contrôle (placebo ou
chimiothérapie + placebo) suggèrent que les mutations activatrices de l’EGFR ont une signification
pronostique favorable, quel que soit le traitement
administré – placebo, EGFR TKI en monothérapie,
chimiothérapie seule ou associée aux TKI (15, 16) ;
il est difficile dans ces études d’affir­mer la valeur
prédictive des mutations concernant un gain de
survie sous EGFR TKI par rapport aux tumeurs dont
l’EGFR est de type “sauvage” (14, 15). Actuellement,
il n’est donc pas indiqué de sélectionner les patients
susceptibles de recevoir un traitement par TKI en
seconde ou troisième ligne sur la seule présence de
mutations de l’EGFR, car celles-ci (qui concernent
moins de 10 % des patients d’origine caucasienne et
environ 30 % des patients originaires d’Asie de l’Est)
n’expliquent pas la totalité du bénéfice de survie
obtenu avec l’erlotinib, d’une part, et, d’autre part,
ne constituent pas le déterminant unique de la
réponse au traitement. La recherche de mutations
permettra en revanche de sélectionner une population de patients dont la tumeur est extrêmement
sensible aux EGFR TKI, susceptibles de bénéficier de
leur utilisation en première ligne avec des taux de
réponse considérables (17). La validation prospective
en première ligne de cette sélection fondée sur la
présence de mutations du récepteur de l’EGFR fait
actuellement l’objet d’essais de phase III.
◆ Augmentation du nombre de copies
du gène de l’EGFR
L’augmentation du nombre de copies du gène de
l’EGFR, évaluée par hybridation in situ (FISH), peut
résulter soit d’un degré élevé de polysomie, soit d’une
véritable amplification du gène (18). Les deux essais
randomisés ISEL (2) et BR21 (14), comparant un EGFR
TKI à un placebo, témoignent d’un bénéfice de survie
lié au géfitinib ou à l’erlotinib supérieur pour les
patients dont la tumeur contient un nombre de copies
élevé du gène de l’EGFR, par rapport aux patients
dont la tumeur est “FISH–”, pour lesquels il n’y a pas
de bénéfice de survie. Il existe probablement une
corrélation entre la présence de mutations et l’amplification du gène (19) ; l’incertitude quant au rôle
prédictif réel de l’amplification tient à l’absence de
distinction entre l’amplification des allèles sauvages
et celle des allèles mutés (12). Les tumeurs FISH+
(qui touchaient environ 30 % des patients de l’étude
ISEL) définissent une population cliniquement moins
“ciblée” que les mutations de l’EGFR (19) : sex-ratio
voisin de 1, présence de carcinomes épidermoïdes,
patients fumeurs ; l’augmentation du nombre de
copies du gène de l’EGFR définie par la positivité du
test FISH (18) pourrait ainsi constituer un marqueur
prédictif de bénéfice en termes de survie dans l’utilisation des EGFR TKI en seconde ou troisième ligne, car
elle caractérise à la fois les patients répondeurs et les
patients stabilisés par le traitement. Néanmoins, la
reproductibilité de ces résultats, obtenus par une seule
équipe, reste à démontrer, de même que l’application
en routine de cette technique délicate.
◆ Expression de l’EGFR
évaluée par immunohistochimie
Le rôle prédictif d’un bénéfice de l’expression de
la protéine EGFR évaluée par immunohistochimie
a été étudié dans les deux études ISEL et BR21 (2,
15, 19). L’erlotinib procure, par rapport au placebo,
un bénéfice de survie lié aux TKI significatif pour les
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Biomarqueurs du cancer bronchique non à petites cellules :
du concept à la pratique clinique
patients dont la tumeur exprime l’EGFR en immunohistochimie, avec une médiane de survie à 10,7 mois
versus 3,8 mois avec le placebo (15) ; on note une
tendance semblable avec le géfitinib dans l’essai
ISEL (19). Il n’y a aucun bénéfice avec le géfitinib ou
l’erlotinib pour les patients dont la tumeur n’exprime
pas l’EGFR en immunohistochimie, mais le test d’interaction entre l’effet de l’EGFR TKI et l’expression
de l’EGFR n’est positif que dans l’étude ISEL (19).
Une réserve importante concerne la variabilité des
résultats obtenus avec l’immunohistochimie selon
le type d’anticorps utilisé et l’échelle retenue pour
affirmer la positivité d’un échantillon (20). De ce fait,
il est difficile d’utiliser l’immunohistochimie comme
seul moyen de sélection des patients candidats à
une monothérapie de seconde ou troisième ligne
par erlotinib, les données actuelles ne permettant
pas d’exclure un bénéfice potentiel pour des tumeurs
négatives.
◆ Marqueurs de résistance aux EGFR TKI
La présence d’une mutation de K-ras, souvent associée au tabagisme, constitue un facteur de résistance
primaire au géfitinib et à l’erlotinib (21), l’activation
des voies d’aval étant alors assurée indépendamment
de l’activation de l’EGFR. Les mutations de K-ras et
celles de l’EGFR semblent ainsi s’exclure mutuellement. La quasi-totalité des patients répondeurs
à l’erlotinib ou au géfitinib voient, au terme d’un
délai variable, leur tumeur progresser à nouveau
sous traitement. Plusieurs mécanismes expliquant
l’émergence d’une résistance acquise à l’erlotinib
ou au géfitinib ont été décrits. L’apparition ou la
sélection d’une seconde mutation dans l’exon 20
(mutation T790M) semble responsable d’environ
la moitié des résistances en restaurant la fonctionnalité du récepteur par empêchement de l’ancrage
de l’erlotinib ou du géfitinib sur le site de fixation de
l’adénosine triphosphate (ATP) [22] ; une autre mutation de l’exon 19 (D761Y) semble exercer le même
rôle. Le développement d’inhibiteurs irréversibles
de l’EGFR, comme l’HKI 272, actifs même en cas de
mutation T790M, permet d’espérer pouvoir traiter
efficacement ce type de rechute. Plus récemment,
l’amplification de l’oncogène MET, rétablissant la
fonctionnalité de la voie de pAkt par le biais d’Erb-B3
malgré le blocage de l’EGFR, a été décrite comme
un mécanisme isolé ou associé à la mutation T790M
de résistance (23). La détermination du mécanisme
de résistance pouvant avoir dans l’avenir des implications thérapeutiques, la réalisation d’un nouveau
prélèvement au moment de la rechute sera sans
doute nécessaire.
Biomarqueurs pharmacogénomiques
La pharmacogénomie est l’étude des gènes qui
influencent l’activité ou la toxicité des drogues, en
particulier des cytotoxiques ; elle s’intéresse, par
exemple, à des gènes codant pour la cible enzymatique d’un cytotoxique comme la thymidylate
synthétase, pour le 5-fluoro-uracile ou le pémétrexed ou pour des enzymes intervenant dans les
mécanismes de réparation des dommages créés
par le cytotoxique sur l’ADN, comme l’excision
repair cross-complementary group 1 (ERCC1) pour
les lésions induites par les sels de platine. La pharmacogénomie a ainsi pour objectif d’adapter le
traitement à chaque tumeur et à chaque individu
en prédisant la réponse à la chimiothérapie pour
en limiter les effets indésirables sévères ; un plus
grand nombre de patients pourrait ainsi bénéficier
en théorie d’un traitement avec une optimisation
du rapport bénéfice/risque.
◆ ERCC1
ERCC1 est une enzyme appartenant à l’un des
systèmes de réparation de l’ADN appelé NER
(nucleotide excision repair), qui permet l’excision
des adduits formés par les sels de platine sur l’ADN et
la synthèse d’un brin d’ADN de remplacement. Une
forte capacité de réparation de l’ADN par la cellule
tumorale peut ainsi être corrélée à une résistance
au cisplatine. La valeur prédictive d’une résistance
au cisplatine de l’expression d’ERCC1 (ARNm) a été
testée de façon prospective dans les CBNPC avancés
lors d’une étude de phase III où une chimiothérapie standard de type cisplatine docétaxel a été
comparée à un traitement adapté en fonction de
l’expression d’ERCC1 : cisplatine-docétaxel en cas
de faible expression d’ERCC1, schéma sans platine
docétaxel-gemcitabine en cas de forte expression
d’ERCC1 (24). Cette première étude prospective
a montré une augmentation significative des taux
de réponses avec l’adaptation de la chimiothérapie
selon le niveau d’expression d’ERCC1, sans impact
néanmoins sur la survie sans progression ni sur la
survie. La valeur pronostique et prédictive de l’expression d’ERCC1 en situation adjuvante, évaluée
par immunohistochimie, a été étudiée de manière
rétrospective sur les prélèvements de 761 patients
représentatifs de la population totale de l’essai
IALT, qui a démontré un bénéfice de survie avec la
chimiothérapie à base de cisplatine (25). La première
constatation est qu’une forte expression d’ERCC1 a
une valeur pronostique favorable chez les patients du
bras observation. À l’inverse, le bénéfice de la chimio-
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thérapie adjuvante ne s’observe que pour les patients
dont la tumeur n’exprime pas ERCC1, c’est-à-dire
pour les tumeurs non dotées d’une capacité élevée
de réparation de l’ADN. Il n’existe en effet aucun
bénéfice de survie avec la chimiothérapie à base de
cisplatine après résection d’une tumeur exprimant
fortement ERCC1, celle-ci résistant probablement
au cisplatine. L’absence d’expression d’ERCC1 par la
tumeur en immunohistochimie constitue donc à la
fois un facteur pronostique défavorable après résection chirurgicale et un facteur fortement prédictif du
bénéfice d’une chimiothérapie adjuvante à base de
cisplatine (tableau). L’interprétation de la limitation du bénéfice de la chimiothérapie adjuvante aux
tumeurs n’exprimant pas ERCC1 n’est pas univoque ;
ce bénéfice peut s’expliquer par le pronostic défavorable de ces patients, pour lesquels l’apport de la
chimiothérapie adjuvante peut être plus important
en raison du risque de rechute plus élevé, ou par
la prédiction d’une efficacité de la chimiothérapie
adjuvante à base de cisplatine sur des tumeurs à
faible capacité de réparation de l’ADN. Ces résultats,
utilisant une technique facilement applicable dans
la pratique quotidienne, sont en cours de validation
sur d’autres études adjuvantes ainsi que dans des
projets prospectifs.
◆ Sous-unité M1 de la ribonucléotide réductase
La ribonucléotide réductase (RR) joue un rôle essentiel dans la synthèse des nucléotides responsables
du remplacement du brin d’ADN manquant après
excision des adduits formés par les sels de platine.
Son gène est situé sur le chromosome 11p15.5 (zone
de perte d’hétérozygotie fréquente dans les CBNPC).
Elle est composée de deux sous-unités, M1 (RRM1)
et M2. La sous-unité M1 intervient dans le métabolisme cellulaire de la gemcitabine ; celle-ci exerce
une inhibition de RRM1, qui a pour conséquence une
réduction du pool de désoxynucléotides nécessaires
à la synthèse de l’ADN. Dans le cadre des CBNPC
avancés, la surexpression de RRM1 évaluée par RTPCR sur prélèvements congelés ou inclus en paraffine
est associée à une résistance aux schémas comportant de la gemcitabine et un sel de platine, mais non
lorsque le platine est combiné à une autre molécule (26). L’étude de l’expression de RRM1 sur pièce
opératoire par une technique immunohistochimique
semi-automatisée montre une corrélation avec l’expression d’ERCC1 et la valeur pronostique favorable
d’un haut niveau d’expression (27). Le pronostic des
patients opérés (en l’absence de tout traitement
adjuvant) paraît significativement meilleur lorsqu’il
existe une forte expression conjointe d’ERCC1 et de
RRM1, comme si cette expression impliquait une
résistance aux événements moléculaires à l’origine
de la progression tumorale. L’utilisation conjointe
de l’expression d’ERCC1 et de RRM1, évaluée par RTPCR, a été testée de façon prospective en situation
métastatique comme critère du choix d’une chimiothérapie par carboplatine et gemcitabine (28), avec
des taux de réponses intéressants ; cette approche
nécessite cependant une validation prospective en
phase III.
◆ β-tubuline III
La tubuline, dont la polymérisation et la dépolymérisation interviennent dans la dynamique des
microtubules au moment de la formation du fuseau
Tableau. Valeur prédictive de l’expression immunohistochimique d’ERCC1 sur l’effet d’une chimiothérapie adjuvante à
base de cisplatine (25).
Observation
Risque de décès
Hazard-ratio (HR) :
chimiothérapie versus
observation (IC95)
p
47
56
39
42
0,65 (0,5-0,86)
0,002
43
52
40
50
46
55
1,14 (0,84-1,55)
0,40
43
50
44
53
42
48
0,84 (0,68-1,03)
0,09
0,88
(0,71-1,1)
1,16
(0,86-1,56)
0,66
(0,49-0,90)
0,26
0,34
0,009
Ensemble
des patients
Chimiothérapie
adjuvante
ERCC1–
Survie à 5 ans (%)
Médiane de survie (mois)
44
48
ERCC1+
Survie à 5 ans (%)
Médiane de survie (mois)
Ensemble des patients
Survie à 5 ans (%)
Médiane de survie (mois)
Risque de décès
HR : ERCC1+ versus
ERCC1– (IC95)
p
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Biomarqueurs du cancer bronchique non à petites cellules :
du concept à la pratique clinique
mitotique, constitue la cible cellulaire des taxanes
(paclitaxel, docétaxel) et des vinca-alcaloïdes, dont
la vinorelbine. La β-tubuline de classe III est une
isoforme de la tubuline dont l’expression peut être
assez aisément étudiée en immunohistochimie. Deux
études rétrospectives ont permis d’établir une corrélation entre une faible expression de la β-tubuline III
et, d’une part, une meilleure survie sans progression
ou survie chez des patients traités par une association cisplatine-vinorelbine (29), et, d’autre part, une
meilleure réponse à un schéma cisplatine-paclitaxel
(30), corrélation non retrouvée avec un schéma
cisplatine-gemcitabine. La valeur pronostique et
prédictive pour la β-tubuline III de l’efficacité d’une
chimiothérapie par cisplatine-vinorelbine en situation adjuvante a été l’objet de l’étude canadienne
JBR10, portant sur des stades pIB et pII (31). L’analyse
des patients, surveillés uniquement après résection
chirurgicale, montre une valeur pronostique défavorable d’une forte expression de la β-tubuline III ; cette
valeur disparaît pour les patients recevant effectivement la chimiothérapie adjuvante cisplatinevinorelbine, ce qui peut traduire soit l’intérêt accru
de la chimiothérapie adjuvante pour les tumeurs
exprimant fortement la β-tubuline III du fait d’un
risque élevé de rechute, soit une valeur prédictive de
l’expression de la β-tubuline III quant à l’efficacité de
la chimiothérapie cisplatine-vinorelbine. L’analyse de
la valeur prédictive de l’expression de la β-tubuline III
montre ainsi que seuls les patients dont la tumeur
exprime fortement la β-tubuline III semblent tirer
bénéfice de la chimiothérapie adjuvante, sans que
l’on puisse déterminer si ce résultat tient à la valeur
pronostique défavorable de la β-tubuline III ou à
sa capacité à prédire l’activité de la chimiothérapie
cisplatine-vinorelbine. Ces résultats, contredisant
ceux observés en situation métastatique, demandent une validation prospective, d’autant que le test
d’interaction entre l’expression de la β-tubuline III et
l’effet de la chimiothérapie adjuvante est négatif.
◆ BRCA1
BRCA1 (breast cancer 1) est l’un des composants du
système de réparation de l’ADN et serait l’un des
déterminants de la réponse à plusieurs agents cytotoxiques, notamment en annulant l’apoptose induite
par les cytotoxiques endommageant l’ADN (32) tels
que le cisplatine, et en facilitant l’action des agents
antimicrotubules, dont les taxanes. L’expression de
l’ARNm de BRCA1 paraît corrélée à celle d’ERCC1
et de RRM1 ; elle constitue un facteur pronostique
indépendant dans une série de 126 patients opérés
pour un CBNPC sans traitement adjuvant (33).
Les tumeurs exprimant fortement BRCA1 seraient
résistantes à la chimiothérapie fondée sur le cisplatine, comme cela a été montré avec le schéma
néo-­adjuvant cisplatine-gemcitabine (34), mais
sensibles en revanche aux taxanes, notamment au
docétaxel (32).
Biomarqueurs issus des techniques
génomiques
Compte tenu de la multiplicité des altérations
génétiques et épigénétiques accumulées lors de
la carcinogenèse pulmonaire au cours de l’exposition tabagique, et de l’hétérogénéité tumorale
observée dans les cancers bronchiques, la découverte
de nouveaux biomarqueurs prédictifs ou pronostiques ne peut résulter de la mesure de l’expression de quelques gènes particuliers. Les techniques
actuelles d’exploration “pangénomique” sont de
fait plus appropriées pour prendre en compte la
complexité des carcinomes bronchiques. Les études
récentes utilisant des technologies d’analyse génique
à haut débit permettent ainsi de mettre en évidence
des facteurs géniques de risque de développer un
cancer bronchique, d’élaborer une nouvelle taxonomie moléculaire des cancers bronchiques en sus
des catégories histopathologiques, et d’individualiser des signatures moléculaires pronostiques ou
prédictives (35).
◆ Recherche de gènes de susceptibilité
vis-à-vis du cancer bronchique
Trois études très récentes d’analyse comparative du
génome de patients atteints de cancer bronchique
par rapport à des cas contrôle montrent une corrélation entre certains polymorphismes génétiques
situés sur une zone de la région 15q25 (dans le
bras long du chromosome 15) et le risque de développer un cancer bronchique (36-38) ; parmi les
gènes identifiés comme siège de ce polymorphisme,
deux codent pour des sous-unités des récepteurs
nicotiniques à l’acétylcholine. Les interprétations
divergent sur l’indépendance de ce risque vis-à-vis
du tabagisme, et notamment sur le risque de dépendance à la nicotine.
◆ Recherche de marqueurs de dépistage
de lésions précancéreuses ou précoces
L’analyse génomique comparative de biopsies
bronchiques effectuées chez des fumeurs atteints
de cancer bronchique et des fumeurs sans cancer
bronchique a permis d’isoler une signature molé-
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culaire de 80 gènes, qui a montré une sensibilité
de 80 % et une spécificité de 84 %, lors d’une validation réalisée chez 35 fumeurs avec une suspicion
de cancer bronchique. Parmi les gènes faisant partie
de cette signature, on note certains gènes impliqués
dans la voie de K-ras, participant à l’oncogenèse des
cancers bronchiques liés à l’exposition tabagique. La
sensibilité de cette signature combinée à l’analyse
cytologique par fibroscopie bronchique atteint 95 %,
alors que celle de la cytologie seule n’est que de
53 % (39). Ce type de signature génomique pourrait être utilisé comme point de départ d’études de
chimioprévention du cancer bronchique.
Ce type d’analyse a également été utilisé pour étudier
les différences dans l’oncogenèse des adénocarcinomes entre le fumeur et le non-fumeur ; l’analyse
génomique fait ainsi apparaître des anomalies différentes du transcriptome entre les deux catégories
d’adénocarcinome (40), comme le laissent supposer
les implications respectives des mutations de K-ras
et de l’EGFR dans la genèse des adénocarcinomes
du fumeur et du non-fumeur.
L’étude de l’hyperméthylation des promoteurs de
gènes suppresseurs de tumeurs interrompant leur
transcription et survenant de manière précoce dans
le développement des cancers bronchiques permet
d’individualiser certains facteurs précurseurs du
développement d’un cancer bronchique. Plusieurs
gènes peuvent ainsi faire l’objet d’une méthylation
aberrante : p16 INK4a, RASSF1, DAPK1, APC, FHIT,
etc. associée au cancer bronchique ou aux lésions
précancéreuses.
◆ Taxonomie moléculaire des cancers
bronchiques
Trois études (41-43) ont montré, par l’analyse
comparative du transcriptome d’échantillons de
poumons tumoraux et normaux, qu’il était possible
de distinguer des modalités d’expression génique
différentes entre les différentes classes histologiques de cancer broncho-pulmonaire (notamment
les carcinomes épidermoïdes et les cancers à petites
cellules), d’une part, et d’autre part que les adénocarcinomes constituaient une classe hétérogène de
tumeurs avec plusieurs profils moléculaires distincts.
La méta-analyse de ces études génomiques (44)
permet de distinguer trois grandes catégories d’adénocarcinome, appelées bronchoïde (formes associées plus fréquemment aux mutations de l’EGFR
et à une composante bronchiolo-alvéolaire, et de
meilleur pronostic), squamoïde (formes présentant
des similarités avec les carcinomes épidermoïdes
avec expression des gènes de l’angiogenèse) et
magnoïde (formes plus proches des carcinomes à
grandes cellules). Ce type de classification molé­
culaire pourrait, dans le futur, compléter les données
histopathologiques habituelles dans l’optique d’une
décision thérapeutique plus adaptée.
◆ Développement de signatures moléculaires
de valeur pronostique
L’hypothèse d’une détermination du potentiel
métastatique à partir du profil d’expression génique
de la tumeur primitive a conduit à rechercher une
signature moléculaire corrélée au pronostic d’un
CBNPC opéré. Plusieurs études ont ainsi déterminé, sur des séries “tests” de pronostic connu,
un ensemble de gènes dont l’expression permet de
prédire le risque de récidive et la survie après exérèse
chirurgicale complète d’un CBNPC ; la validation de
ces signatures moléculaires a été ensuite effectuée
sur des séries indépendantes de patients, démontrant une signification pronostique indépendante,
et souvent plus importante, des paramètres pronostiques usuels, en particulier du stade pTNM (35).
L’équipe de H.Y. Chen a ainsi isolé une signature
à partir de l’expression de 5 gènes, évaluables de
façon plus facile par RT-PCR que par puces à ADN,
protecteurs ou facilitateurs vis-à-vis de la récidive
(45). On note parmi ces gènes la présence d’ERBB3,
qui intervient dans la voie de l’EGFR, et du gène de
transduction STAT1. L’équipe de la Duke University a
également pu distinguer par l’expression d’un groupe
de gènes deux groupes de pronostic distinct parmi
les patients souffrant d’un cancer de stade pIA, avec
une valeur prédictive de la rechute proche de 80 %
(46). Cette signature moléculaire fera l’objet d’une
validation prospective par un essai clinique randomisant les patients atteints de cancer de stade pIA
à mauvais pronostic entre chimiothérapie adjuvante
et surveillance simple.
Curieusement, les gènes dont l’expression paraît
déterminante pour le pronostic des CBNPC opérés
se révèlent très divers selon les séries étudiées, avec
un recouvrement très faible, même si certains appartiennent aux mêmes voies de signalisation cellulaire
(47), ce qui illustre le problème de la reproductibilité
de ces analyses d’expression génomique à grande
échelle, et de leur applicabilité clinique future.
Néanmoins, il faut admettre que, probablement,
plusieurs signatures moléculaires indépendantes
ont une valeur pronostique, tandis que la reproductibilité et la standardisation des données recueillies
semblent s’améliorer (35).
Les techniques de protéomique, offrant l’avantage de prendre en compte les modifications
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Biomarqueurs du cancer bronchique non à petites cellules :
du concept à la pratique clinique
post-­transcriptionnelles de la cellule tumorale,
peuvent également être utilisées dans l’évaluation
du pronostic des carcinomes bronchiques opérés,
avec, là encore, la nécessité d’une démonstration
de reproductibilité suffisante pour une application
à plus grande échelle (48).
Conclusion
L’utilisation de biomarqueurs pronostiques et prédictifs de l’effet d’une thérapeutique donnée constitue
une voie de progrès considérable dans le traitement
des cancers bronchiques, à la fois pour optimiser les
indications des thérapeutiques existantes et pour
découvrir de nouvelles cibles thérapeutiques ainsi
que les traitements correspondants. Les grandes
avancées dans la connaissance des mécanismes
moléculaires et génétiques impliqués dans la carci-
nogenèse broncho-pulmonaire forment la base du
développement de nouveaux biomarqueurs. Malgré
les progrès technologiques effectués, notamment
dans le domaine de l’analyse génétique tumorale,
de nombreuses barrières – techniques, scientifiques,
méthodologiques, logistiques et commerciales –
subsistent, et l’utilisation en routine clinique de ces
nouveaux marqueurs biologiques ne peut pas encore
se traduire concrètement par une amélioration des
résultats thérapeutiques via une meilleure adaptation individuelle des traitements. En effet, l’étape
de la validation prospective fondée sur des essais
cliniques souvent complexes du point de vue méthodologique (49) ne fait que commencer. Les premières
applications pratiques concerneront probablement
certains marqueurs des adénocarcinomes, tels que
les mutations de K-ras ou de l’EGFR, qui viendront
bientôt s’intégrer aux algorithmes de prise en charge
des cancers bronchiques.
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