
La Lettre du Cancérologue • Vol. XVII - n° 5 - mai 2008 | 213
MISE AU POINT
Marqueurs de l’EGFR
Mutations de l’EGFR
Le séquençage du gène de l’EGFR (9-11) a permis
d’individualiser des mutations somatiques hétéro-
zygotes situées sur le domaine tyrosine kinase (TKI)
du récepteur chez 80 à 90 % des patients répon-
deurs au gefitinib ou à l’erlotinib (exons 18 à 21).
Deux types de mutation représentent 85 à 90 % des
mutations décrites et sont corrélés à la sensibilité
des cellules tumorales mutées aux inhibiteurs de la
tyrosine kinase de l’EGFR (EGFR TKI) : délétions dans
l’exon 19 en position 746-750, substitution L858R
dans l’exon 21. Les tumeurs portant ces mutations
activatrices de l’EGFR paraissent dépendantes de
la voie de l’EGFR, dont l’inhibition par les EGFR TKI
entraîne une mort cellulaire par apoptose (9-11). La
fréquence de ces mutations semble plus importante
chez les femmes, en l’absence de tabagisme, pour
les adénocarcinomes et chez les patients d’origine
asiatique, ce qui est cohérent avec la relation existant
entre présence d’une mutation et réponse au traite-
ment. La probabilité de réponse aux TKI en présence
d’une mutation est de l’ordre de 70 à 80 % (12). On
constate cependant environ 10 % de répondeurs
parmi les patients dont la tumeur n’exprime pas
de mutations : celles-ci ne constituent donc pas le
déterminant unique de la réponse aux EGFR TKI.
L’analyse de la valeur des mutations de l’EGFR pour
prédire un bénéfice de survie sous EGFR TKI a fait
l’objet de plusieurs études rétrospectives portant
sur des séries de patients traités majoritairement
par géfitinib (13) ainsi que sur l’essai BR21 (14), qui
comporte un bras contrôle. Les résultats sont discor-
dants, probablement en raison de l’hétérogénéité des
séries, notamment en ce qui concerne la prévalence
des mutations, le matériel tumoral et les techniques
utilisées pour la recherche des mutations. Les essais
randomisés disposant d’un bras contrôle (placebo ou
chimiothérapie + placebo) suggèrent que les muta-
tions activatrices de l’EGFR ont une signification
pronostique favorable, quel que soit le traitement
administré – placebo, EGFR TKI en monothérapie,
chimiothérapie seule ou associée aux TKI (15, 16) ;
il est difficile dans ces études d’affirmer la valeur
prédictive des mutations concernant un gain de
survie sous EGFR TKI par rapport aux tumeurs dont
l’EGFR est de type “sauvage” (14, 15). Actuellement,
il n’est donc pas indiqué de sélectionner les patients
susceptibles de recevoir un traitement par TKI en
seconde ou troisième ligne sur la seule présence de
mutations de l’EGFR, car celles-ci (qui concernent
moins de 10 % des patients d’origine caucasienne et
environ 30 % des patients originaires d’Asie de l’Est)
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n’expliquent pas la totalité du bénéfice de survie
obtenu avec l’erlotinib, d’une part, et, d’autre part,
ne constituent pas le déterminant unique de la
réponse au traitement. La recherche de mutations
permettra en revanche de sélectionner une popu-
lation de patients dont la tumeur est extrêmement
sensible aux EGFR TKI, susceptibles de bénéficier de
leur utilisation en première ligne avec des taux de
réponse considérables (17). La validation prospective
en première ligne de cette sélection fondée sur la
présence de mutations du récepteur de l’EGFR fait
actuellement l’objet d’essais de phase III.
Augmentation du nombre de copies
du gène de l’EGFR
L’augmentation du nombre de copies du gène de
l’EGFR, évaluée par hybridation in situ (FISH), peut
résulter soit d’un degré élevé de polysomie, soit d’une
véritable amplification du gène (18). Les deux essais
randomisés ISEL (2) et BR21 (14), comparant un EGFR
TKI à un placebo, témoignent d’un bénéfice de survie
lié au géfitinib ou à l’erlotinib supérieur pour les
patients dont la tumeur contient un nombre de copies
élevé du gène de l’EGFR, par rapport aux patients
dont la tumeur est “FISH–”, pour lesquels il n’y a pas
de bénéfice de survie. Il existe probablement une
corrélation entre la présence de mutations et l’am-
plification du gène (19) ; l’incertitude quant au rôle
prédictif réel de l’amplification tient à l’absence de
distinction entre l’amplification des allèles sauvages
et celle des allèles mutés (12). Les tumeurs FISH+
(qui touchaient environ 30 % des patients de l’étude
ISEL) définissent une population cliniquement moins
“ciblée” que les mutations de l’EGFR (19) : sex-ratio
voisin de 1, présence de carcinomes épidermoïdes,
patients fumeurs ; l’augmentation du nombre de
copies du gène de l’EGFR définie par la positivité du
test FISH (18) pourrait ainsi constituer un marqueur
prédictif de bénéfice en termes de survie dans l’utili-
sation des EGFR TKI en seconde ou troisième ligne, car
elle caractérise à la fois les patients répondeurs et les
patients stabilisés par le traitement. Néanmoins, la
reproductibilité de ces résultats, obtenus par une seule
équipe, reste à démontrer, de même que l’application
en routine de cette technique délicate.
Expression de l’EGFR
évaluée par immunohistochimie
Le rôle prédictif d’un bénéfice de l’expression de
la protéine EGFR évaluée par immunohistochimie
a été étudié dans les deux études ISEL et BR21 (2,
15, 19). L’erlotinib procure, par rapport au placebo,
un bénéfice de survie lié aux TKI significatif pour les
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