ÉDITORIAL
176 | La Lettre du Pneumologue • Vol. XIII - n° 5 - septembre-octobre 2010
[CRLCC]), les plateformes réalisent les tests moléculaires
innovants pour l’ensemble des patients de leur région, quel
que soit l’établissement où ils sont pris en charge. Elles doivent
par ailleurs respecter des conditions d’assurance qualité opti-
misées et permettre des délais de rendu des résultats compa-
tibles avec la prise en charge clinique.
À ce jour, des thérapies ciblées efficaces dans des sous-
groupes spécifi ques de patients sont disponibles pour des
pathologies fréquentes comme le cancer du sein (prescrip-
tion du trastuzumab chez les patientes avec amplifi cation
d’HER2), le cancer colorectal (prescription du panitumumab
et du cétuximab chez les patients avec la forme sauvage du
gène KRAS). En ce qui concerne le cancer du poumon, les
données de la littérature font clairement un lien entre l’exis-
tence d’une altération du gène EGFR et l’effi cacité des traite-
ments ciblés anti-EGFR (gefi tinib et erlotinib)2. Ces mutations
sont plus fréquemment retrouvées chez les patients atteints
d’un adénocarcinome, chez les femmes, chez les personnes
d’origine asiatique et chez les non-fumeurs. Cependant, la
fréquence des mutations n’est jamais suffi samment élevée
pour se substituer à la détermination du statut EGFR. En avril
2009, l’Agence européenne du médicament a délivré une
Autorisation de mise sur le marché pour le gefi tinib réservée
aux patients dont la tumeur porte une mutation activatrice de
l’EGFR. La recherche de ces mutations est donc un préalable
indispensable à la prescription de cette molécule.
Les pneumologues et les oncologues médicaux ont aujourd’hui
à leur disposition les moyens de réaliser cette recherche de
mutation pour tous les patients atteints d’un adénocarcinome
bronchique. C’est donc au moins 10 000 tests EGFR que les
plateformes de génétique moléculaire vont devoir assurer.
Pour permettre cette importante montée en charge de l’ac-
tivité, l’INCa a alloué un budget exceptionnel de 1,7 million
d’euros en 2009 aux 28 plateformes de génétique moléculaire
afi n qu’elles effectuent ce test pour l’ensemble des patients
de leur région sans contrepartie fi nancière. Elles s’engagent
également à dédommager les pathologistes pour le désar-
chivage et l’envoi des prélèvements. Au-delà du soutien de
170 euros par test dont bénéfi cient les plateformes, des
études médico-économiques sont en cours pour évaluer
précisément le coût de ce type d’examen moléculaire.
Au cours du premier semestre 2010, 7 500 tests EGFR ont déjà
été réalisés en France, dont 40 % pour des patients traités en
CHU et CRLCC et 60 % pour des prescriptions provenant de
centres hospitaliers et d’établissements privés. Le pourcentage
de mutations identifi ées a été de 11,2 % ; il est conforme aux
données de la littérature. Le délai médian de réalisation du
test est de 11 jours à compter de l’arrivée du prélèvement à
la plateforme.
D’ores et déjà, un large accès au test EGFR est donc assuré
sur le territoire. C’est un succès pour nous tous, en particulier
pour les patients et les médecins qui les traitent.
En plus des mutations de l’EGFR, d’autres altérations molé-
culaires ont été identifi ées dans le cancer du poumon non
à petites cellules. Certaines d’entre elles sont relativement
fréquentes, comme les mutations du gène KRAS (environ 20 %
des patients). D’autres sont plus rares, comme la translocation
des gènes EML4-ALK ou les mutations de HER2 qui concernent
moins de 5 % des patients. Des molécules ciblant ces altéra-
tions moléculaires sont aujourd’hui en phase de développe-
ment clinique, certaines d’entre elles étant déjà en phase III.
Cette situation n’est pas restreinte au cancer du poumon. Afi n
d’anticiper l’arrivée de ces nouvelles molécules, un nouveau
programme INCa de détection prospective de biomar-
queurs émergents dans le cancer du poumon, dans le cancer
colorectal et dans le mélanome vient d’être lancé et 3 millions
d’euros ont été alloués aux plateformes à cet effet en 2010.
Dans le cancer du poumon, il s’agit, pour les patients chez
lesquels la mutation de l’EGFR doit être cherchée, de recher-
cher aussi les mutations des gènes KRAS, BRAF, PI3KCA et
HER2 ainsi que la translocation des gènes EML4-ALK. Ce
programme permettra aux plateformes d’être immédiate-
ment opérationnelles le jour où des thérapies ciblées dirigées
contre ces altérations seront disponibles pour les patients. Il
constituera également une opportunité unique d’améliorer
les connaissances sur les caractéristiques moléculaires de
ces cancers et de faciliter la mise en place d’essais cliniques
pour des sous-groupes spécifi ques de patients. Un partenariat
entre l’INCa et l’Intergroupe francophone de cancérologie
thoracique sera mis en place à cet effet en 2011.
Ainsi, le choix du traitement des patients sera orienté très
bientôt par le résultat de la détermination d’un panel de
biomarqueurs spécifi ques à chaque localisation tumorale.
La pneumologie, comme souhaite en témoigner cet éditorial,
est à ce titre particulièrement avancée. ■
2 Mutations de l’EGFR dans le cancer du poumon : mise en évidence d’une cible moléculaire
permettant un accès spécifi que aux thérapies ciblées, INCa, Boulogne-Billancourt, février
2010, disponible sur www.e-cancer.fr