R E V U E D E P R E S S E Les essais cliniques de la rentrée " L. Becquemont* L’ a n g i o p l a s t i e coronarienne a-telle encore une place dans le traitement des coronaropathies stables ? ? Il s’agit de l’étude ART (Atorvastatin versus Revascularisation Treatment), publiée dans le numéro du 8 juillet 1999 (341 : 70-6). C’est un essai multicentrique ouvert randomisé comparant un traitement hypolipémiant à fortes doses à une angioplastie coronarienne. Cet essai a été mené chez des patients ayant une coronaropathie stable avec une ou deux sténoses coronariennes supérieures ou égales à 50 %, une fonction ventriculaire gauche conservée et un LDL cholestérol supérieur ou égal à 3 mmoles/l, adressés pour une procédure de revascularisation percutanée. Trois cent quarante et un patients ont été inclus, 164 ont reçu 80 mg/j d’atorvastatine, 177 ont bénéficié de l’angioplastie ainsi que des soins habituels pouvant comprendre un traitement hypolipémiant. Le critère d’analyse était le nombre de patients présentant un ou des épisodes ischémiques sur un suivi de 18 mois. Les épisodes ischémiques étaient définis par mort d’origine cardiaque, réanimation après arrêt cardiaque, infarctus myocardique non fatal, accident vasculaire cérébral, pontage coronarien, angioplastie et aggravation de l’angor nécessitant une hospitalisation. L’analyse était faite en intention de traiter, la comparaison des deux groupes 206 avec un test de CochraneMantel-Haenszel. Vingt-deux patients (13 %) ont présenté un épisode ischémique dans le groupe atorvastatine versus 37 (21 %) dans le groupe angioplastie. Cette diminution de 36 % de l’incidence des événements ischémique entre les deux groupes (p = 0,048) n’était plus statistiquement significative après ajustement en fonction des analyses intermédiaires. La fréquence d’événements indésirables attribuables à l’un des deux traitements était comparable dans les deux groupes (bien que de nature différente). Conclusion. Bien que cette étude porte sur un petit effectif de sujets et n’ait pas la puissance suffisante pour montrer une différence statistiquement significative entre les deux groupes, elle soulève néanmoins de grandes interrogations sur la place de la cardiologie interventionnelle chez ce type de patients dans les indications de l’essai face au traitement médicamenteux hypolipémiant à fortes doses. ! Un nouveau traitement de l’insuffisance cardiaque : la spironolactone Il s’agit de l’étude RALES (Randomized Aldactone Evaluation Study), publiée dans le numéro du 2 septembre 1999 (341 : 709-17). C’est un essai Deux grands essais cliniques publiés dans le New England Journal of Medicine ont particulièrement attiré notre attention cet été. multicentrique comprenant 195 centres de quinze pays sur cinq continents, randomisé en double aveugle, comparant les effets de la spironolactone à un placebo chez des patients atteints d’insuffisance cardiaque grave (stades III et IV de la NYHA et fraction d’éjection inférieure à 35 %). Mille six cent soixante-trois patients ont été inclus, 822 recevant la spironolactone (25 mg/j), 841 le placebo ; tous les patients recevaient par ailleurs un IEC et un diurétique de l’anse ; la digoxine était autorisée (75 % des patients des deux groupes) ainsi que les bêtabloquants (10 % dans les deux groupes). Cinquante-cinq pour cent des patients des deux groupes avaient une insuffisance cardiaque d’origine ischémique. Dans les critères de non-inclusion figuraient, entre autres, une insuffisance rénale (créatininémie plasmatique > 221 µmoles/l) et une kaliémie > 5 meq/l. Le critère principal d’analyse était la mortalité toutes causes confondues, les critères secondaires la mortalité d’origine cardiaque, les hospitalisations et les modifications de symptomatologie clinique de l’insuffisance cardiaque. L’analyse était faite en intention de traiter avec des courbes de survie de type Kaplan-Meier comparées par un test de log-rank. L’arrêt de l’étude était prévu en décembre 1999, mais l’essai a été interrompu précocement à la cinquième analyse intermédiaire en août 1998 après un suivi moyen de 24 mois en raison de la supériorité du traitement par spironolactone comparé au placebo. On comptait 386 décès toutes causes confondues dans le groupe placebo contre 284 dans le groupe spironolactone (RR : 0,70 ; IC95 0,6 à 0,82, p < 0,001). Ce résultat en faveur de la spironolactone pouvait être attribué à une réduction de la mortalité d’origine cardiaque. On observait une réduction de 35 % des hospitalisations pour aggravation de l’insuffisance cardiaque et une amélioration de la symptomatologie clinique de l’insuffisance cardiaque dans le groupe spironolactone. La tolérance était globalement bonne, avec néanmoins 10 % de gynécomasties, une élévation modérée des chiffres de créatininémie et de kaliémie. Le nombre d’arrêts de traitement était comparable dans les deux groupes. Conclusion. La spironolactone diminue de 30 % le risque de décès chez les patients souffrant d’insuffisance cardiaque grave. Il reste maintenant à définir la place de la trithérapie IEC + bêtabloquants + spironolactone versus les bithérapies IEC + bêtabloquants ou IEC + spironolactone. * Unité de pharmacologie clinique, CHU Saint-Antoine, 75012 Paris. La Lettre du Pharmacologue - Volume 13 - n° 8 - octobre 1999