DOSSIER THÉMATIQUE XXIe Journée scientifique FFCD-PRODIGE Quoi de neuf dans le cancer du côlon ? What’s new in colon cancer? M. Ducreux* C omme toujours, l’année 2009 a vu la parution ou la présentation en congrès de nombreuses études dans le cancer colorectal. Ces publications et présentations en congrès ont un impact sur la pratique clinique sans véritablement la révolutionner. La chimiothérapie des cancers colorectaux Plus est parfois trop ! Deux études ont été publiées montrant que la combinaison de deux biothérapies (un antiangiogénique, le bévacizumab, et un anti-EGFR [Epidermal Growth Factor Receptor]) à la chimiothérapie conventionnelle du cancer colorectal n’améliorait pas les résultats en termes de survie sans progression (SSP) ou de survie globale (SG). Les résultats étaient même inférieurs dans l’essai CAIRO 2 (1) avec capécitabine, oxaliplatine (XELOX), bévacizumab ± cétuximab, et montraient une SSP inférieure en cas de bibiothérapie (755 patients, p = 0,01). En revanche, la SG n’était pas diminuée dans le groupe bibiothérapie. Dans l’essai PACCE (2), la combinaison 5-FU + acide folinique + oxaliplatine (FOLFOX) + bévacizumab + panitumumab était inférieure en SSP et en SG (825 patients, médiane de survie 19,4 versus 24,5 mois). * Département de médecine, Institut Gustave-Roussy, département d’hémato-cancérologie, hôpital Paul-Brousse, Villejuif, et université Paris-Sud 11. Le cétuximab améliore la survie globale des patients ayant un cancer colorectal métastasé À l’édition 2009 du congrès de l’European Society of Medical Oncology à Berlin, une analyse de SG 266 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XIX - n° 4 - avril 2010 de l’essai CRYSTAL (3) a été présentée, montrant une différence significative en faveur du bras expérimental associant FOLFIRI et cétuximab. Cette analyse a porté sur 1 063 tumeurs pour lesquelles le statut Kras non muté était disponible. Alors qu’il était déjà connu que la SSP était améliorée par l’adjonction de cétuximab au schéma FOLFIRI, cette analyse suggère que cet avantage (chez les patients ayant une tumeur avec un gène Kras non muté) se transforme en une amélioration de la SG dont la médiane passe de 20 à 23,5 mois (p = 0,0094) [4]. Toutes les études ne sont pas positives Au même congrès européen, à Berlin, en septembre 2009, ont été présentés les résultats de l’étude COIN (5). Cette étude britannique comportait trois groupes randomisés : un avec de la chimiothérapie intermittente, un avec du FOLFOX ou l’association capécitabine + oxaliplatine (XELOX), et le troisième avec la même chimiothérapie à laquelle était ajoutée du cétuximab (sans sélection sur le caractère muté ou non de Kras). Les résultats sont totalement négatifs, à savoir que, même en n’évaluant que les patients ayant une tumeur avec un gène Kras non muté, la SSP et la SG ne montraient pas de différence en faveur du groupe cétuximab. Il faut préciser que la médiane de survie était assez courte et que l’une des explications de la négativité pourrait venir de la toxicité du schéma XELOX + cétuximab. Une diminution protocolaire des doses, de nombreux arrêts prématurés de traitement et une courte exposition au traitement ont été observés chez ces patients qui représentaient près des deux tiers de l’effectif global. Une analyse plus précise des résultats de cette étude s’avère nécessaire. Résumé De multiples études ont été publiées en 2009 concernant le cancer du côlon métastatique. Aucune n’a modifié fondamentalement les pratiques. L’apport des traitements par anti-EGFR dès la première ligne de chimiothérapie a été précisé. Mots-clés Cancer du côlon Métastases Panitumumab et chimiothérapie, ça marche… Le cétuximab n’est plus le seul anticorps anti-EGFR. Il était déjà possible d’utiliser le panitumumab en monothérapie après échec des chimiothérapies conventionnelles et chez les patients ayant une tumeur avec un gène Kras non muté. Des résultats de combinaison du panitumumab avec le FOLFOX en première ligne de chimiothérapie des cancers colorectaux métastasés et avec le FOLFIRI en seconde ligne ont été présentés à Berlin. Ces études ont été réalisées avec une détermination du statut Kras prospective chez pratiquement 100 % de patients. Il a ainsi été possible de présenter des résultats de première ligne chez 656 patients ayant une tumeur avec un gène Kras non muté : l’adjonction de panitumumab au FOLFOX améliorait la SSP, qui passait en médiane de 8 à 9,6 mois (p = 0,02), et la SG était augmentée de manière non significative (6). En seconde ligne, un effet positif était observé, le panitumumab améliorant la SSP de manière significative en la faisant passer de 3,9 à 5,9 mois, avec, là encore, un effet non significatif sur la SG (médiane passant de 12,5 à 14,5 mois) [7]. Quelques nouvelles du bévacizumab Au même congrès étaient présentés les résultats de l’étude ACCORD13 (8), étude randomisée de phase II comportant un groupe traité par FOLFIRI + bévacizumab et un groupe traité par XELIRI + bévacizumab : ce dernier groupe avait une médiane de SSP de 9,3 mois et une SG de 23 mois, ce qui fait de ce schéma thérapeutique une option supplémentaire de traitement de première ligne. Les métastases potentiellement résécables Dans le domaine des métastases hépatiques potentiellement résécables, l’étude CELIM a été publiée (9). Cette étude randomisée de phase II, qui a inclus 106 patients, évaluait l’efficacité de la chimiothérapie par FOLFOX ou FOLFIRI associée ou non à du cétuximab dans cette situation spécifique de patients ayant des métastases potentiellement accessibles à une résection chirurgicale en cas de bonne réponse à la chimiothérapie. Les taux de réponse observés chez les patients ayant une tumeur avec un gène Kras non muté étaient de 70 %, ce qui paraît intéressant par rapport aux taux observés avec chimiothérapie seule (plutôt proches de 50 %), sauf en ce qui concerne la trithérapie par FOLFIRINOX. Il été possible de réaliser une résection à but curatif chez 36 % de ces patients. La chimiothérapie intra-artérielle hépatique permet également d’envisager des taux de résection seconde élevés. Une étude, publiée comme souvent dans le domaine de la chimiothérapie intra-artérielle hépatique par l’équipe de N.E. Kemeny du Memorial Sloan Kettering à New York (10), a trouvé chez 55 patients, dont 49 traités par l’association floxuridine en intra-artériel + oxaliplatine et irinotécan en intraveineux, un taux de réponse de 92 % et un taux de résection seconde de 39 %. Highlights Numerous studies have been published concerning metastatic colorectal cancer. None of them deeply modified the standard. The benefit of antiEGFR treatment from the first line of chemotherapy has been precised. Keywords Colon cancer Metastases Faut-il enlever la tumeur primitive en cas de métastases synchrones ? À cette question fréquemment posée, l’équipe du Memorial Sloan Kettering a répondu par la négative (11). Cette équipe a repris l’ensemble de son expérience incluant 233 patients. L’attitude choisie a été de ne pas réséquer le primitif dans le traitement de routine de ces patients. Chez 89 % d’entre eux, cette attitude résolument non chirurgicale n’a pas entraîné de conséquence. Chez 26 patients, il a été nécessaire d’intervenir sur la tumeur primitive par des techniques non chirurgicales dans 10 cas (prothèse ou radiothérapie). Dans 16 cas, il a été nécessaire d’opérer. Le principe de la minichimiohyperthermie intrapéritonéale L’année 2009 a été l’occasion pour l’équipe de l’Institut Gustave-Roussy de présenter le principe de l’essai évaluant l’intérêt de la minichimio-hyperLa Lettre du Cancérologue • Vol. XIX - n° 4 - avril 2010 | 267 DOSSIER THÉMATIQUE XXIe Journée scientifique FFCD-PRODIGE Quoi de neuf dans le cancer du côlon ? thermie intrapéritonéale (CHIP) [12]. Des patients à haut risque de carcinose péritonéale seront randomisés entre traitement conventionnel par chimiothérapie postopératoire ou chimiothérapie adjuvante suivie d’une réintervention pour exploration péritonéale suivie de chimio-hyperthermie intrapéritonéale s’il existe une carcinose. Chez les patients ayant une carcinose minime réséquée totalement lors de l’ablation du primitif ou de métastases ovariennes, ou en cas de tumeur perforée, et qui font l’objet de cette étude, le risque de carcinose était de 55 % chez 29 patients traités par CHIP et sa mortalité a été nulle, justifiant pleinement la réalisation de cette étude. L’imagerie, une place de plus en plus importante dans l’évaluation des traitements Pour la première fois, une évaluation systématique par l’imagerie de l’efficacité des traitements antiangiogéniques a été présentée par l’équipe du MD Anderson (13). Il a été trouvé dans cette étude que l’efficacité de la chimiothérapie comportant du bévacizumab était moins fidèlement évaluée par les classiques critères RECIST que par une évaluation scanographique spécifique. Les images étaient classées en aveugle par trois radiologues indépendants en réponse ou non-réponse radiologique. La détermination radiologique spécifique de la réponse était capable d’identifier un groupe de patients ayant une espérance de survie meilleure, ce que ne parvenaient pas à faire les critères RECIST. Conclusion L’année 2009 s’est révélée un bon cru en ce qui concerne le traitement du cancer colorectal métastasé. L’ensemble des études présentées ou publiées apportent des informations précieuses quant à la prise en charge des patients, en particulier en ce qui concerne l’avantage de survie conféré par l’adjonction de cétuximab au FOLFIRI en première ligne, les résultats très prometteurs du panitumumab en première et seconde lignes et les nouveautés concernant le bévacizumab… ■ Références bibliographiques 1. Tol J, Koopman M, Cats A, Rodenburg CJ et al. Chemotherapy, bevacizumab, and cetuximab in metastatic colorectal cancer. N Engl J Med 2009;360(6):563-72. 2. Hecht JR, Mitchell E, Chidiac T et al. 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Lancet Oncol 2010;11:38-47. 268 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XIX - n° 4 - avril 2010 10. Kemeny NE, Melendez FD, Capanu M et al. Conversion to resectability using hepatic artery infusion plus systemic chemotherapy for the treatment of unresectable liver metastases from colorectal carcinoma. J Clin Oncol 2009;27(21):3465-71. 11. Kemeny NE, Poultsides GA, Servais EL et al. Outcome of primary tumor in patients with synchronous stage IV colorectal cancer receiving combination chemotherapy without surgery as initial treatment. J Clin Oncol 2009;27(20):3379-84. 12. Lefevre JH, Elias DM. Cytoreductive surgery plus intraperitoneal chemohyperthermia in patients with colorectal cancer at high risk for local-regional recurrence. Cancer J 2009;15(3):200-3. 13. Chun YS, Vauthey JN, Boonsirikamchai P et al. Association of computed tomography morphologic criteria with pathologic response and survival in patients treated with bevacizumab for colorectal liver metastases. 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