C Quoi de neuf dans le cancer du côlon ? DOSSIER THÉMATIQUE

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DOSSIER THÉMATIQUE
Quoi de neuf
dans le cancer du côlon ?
What’s new in colon cancer?
M. Ducreux*
C
omme toujours, l’année 2009 a vu la parution
ou la présentation en congrès de nombreuses
études dans le cancer colorectal. Ces publications et présentations en congrès ont un impact
sur la pratique clinique sans véritablement la révolutionner.
La chimiothérapie des cancers
colorectaux
Plus est parfois trop !
Deux études ont été publiées montrant que la combinaison de deux biothérapies (un antiangiogénique,
le bévacizumab, et un anti-EGFR [Epidermal Growth
Factor Receptor]) à la chimiothérapie conventionnelle du cancer colorectal n’améliorait pas les résultats en termes de survie sans progression (SSP) ou
de survie globale (SG). Les résultats étaient même
inférieurs dans l’essai CAIRO 2 (1) avec capécitabine,
oxaliplatine (XELOX), bévacizumab ± cétuximab, et
montraient une SSP inférieure en cas de bibiothérapie (755 patients, p = 0,01). En revanche, la SG
n’était pas diminuée dans le groupe bibiothérapie.
Dans l’essai PACCE (2), la combinaison 5-FU + acide folinique + oxaliplatine (FOLFOX) + bévacizumab + panitumumab était inférieure en SSP et en SG (825 patients,
médiane de survie 19,4 versus 24,5 mois).
Le cétuximab améliore la survie globale
des patients ayant un cancer colorectal
métastasé
À l’édition 2009 du congrès de l’European Society
of Medical Oncology à Berlin, une analyse de SG
de l’essai CRYSTAL (3) a été présentée, montrant
une différence significative en faveur du bras expérimental associant FOLFIRI et cétuximab. Cette
analyse a porté sur 1 063 tumeurs pour lesquelles
le statut Kras non muté était disponible. Alors qu’il
était déjà connu que la SSP était améliorée par l’adjonction de cétuximab au schéma FOLFIRI, cette
analyse suggère que cet avantage (chez les patients
ayant une tumeur avec un gène Kras non muté) se
transforme en une amélioration de la SG dont la
médiane passe de 20 à 23,5 mois (p = 0,0094) [4].
Toutes les études ne sont pas positives
Au même congrès européen, à Berlin, en septembre
2009, ont été présentés les résultats de l’étude
COIN (5). Cette étude britannique comportait trois
groupes randomisés : un avec de la chimiothérapie
intermittente, un avec du FOLFOX ou l’association capécitabine + oxaliplatine (XELOX), et le
troisième avec la même chimiothérapie à laquelle
était ajoutée du cétuximab (sans sélection sur le
caractère muté ou non de Kras). Les résultats sont
totalement négatifs, à savoir que, même en n’évaluant que les patients ayant une tumeur avec un
gène Kras non muté, la SSP et la SG ne montraient
pas de différence en faveur du groupe cétuximab. Il
faut préciser que la médiane de survie était assez
courte et que l’une des explications de la négativité pourrait venir de la toxicité du schéma XELOX
+ cétuximab. Une diminution protocolaire des
doses, de nombreux arrêts prématurés de traitement et une courte exposition au traitement ont
été observés chez ces patients qui représentaient
près des deux tiers de l’effectif global. Une analyse
plus précise des résultats de cette étude s’avère
nécessaire.
* Département de médecine, Institut
Gustave-Roussy, département
d’hémato-cancérologie, hôpital
Paul-Brousse, Villejuif, et université
Paris-Sud 11.
La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue • Vol. XIII - n° 2 - mars-avril 2010 | 59
Résumé
Mots-clés
»» De multiples études ont été publiées en 2009 concernant le cancer du côlon métastatique. Aucune n’a
modifié fondamentalement les pratiques. L’apport des traitements par anti-EGFR dès la première ligne de
chimiothérapie a été précisé.
Cancer du côlon
Métastases
Highlights
Numerous studies have been
published concerning metastatic colorectal cancer. None
of them deeply modified the
standard. The benefit of antiEGFR treatment from the first
line of chemotherapy has been
precised.
Keywords
Colon cancer
Metastases
Panitumumab et chimiothérapie,
ça marche…
Le cétuximab n’est plus le seul anticorps anti-EGFR.
Il était déjà possible d’utiliser le panitumumab en
monothérapie après échec des chimiothérapies
conventionnelles et chez les patients ayant une
tumeur avec un gène Kras non muté. Des résultats de combinaison du panitumumab avec le
FOLFOX en première ligne de chimiothérapie des
cancers colorectaux métastasés et avec le FOLFIRI
en seconde ligne ont été présentés à Berlin. Ces
études ont été réalisées avec une détermination
du statut Kras prospective chez pratiquement 100 %
de patients. Il a ainsi été possible de présenter des
résultats de première ligne chez 656 patients ayant
une tumeur avec un gène Kras non muté : l’adjonction de panitumumab au FOLFOX améliorait la SSP,
qui passait en médiane de 8 à 9,6 mois (p = 0,02), et
la SG était augmentée de manière non significative
(6). En seconde ligne, un effet positif était observé, le
panitumumab améliorant la SSP de manière significative en la faisant passer de 3,9 à 5,9 mois, avec, là
encore, un effet non significatif sur la SG (médiane
passant de 12,5 à 14,5 mois) [7].
Quelques nouvelles du bévacizumab
Au même congrès étaient présentés les résultats
de l’étude ACCORD13 (8), étude randomisée de
phase II comportant un groupe traité par FOLFIRI +
bévacizumab et un groupe traité par XELIRI + bévacizumab : ce dernier groupe avait une médiane de SSP
de 9,3 mois et une SG de 23 mois, ce qui fait de ce
schéma thérapeutique une option supplémentaire
de traitement de première ligne.
Les métastases potentiellement
résécables
Dans le domaine des métastases hépatiques potentiellement résécables, l’étude CELIM a été publiée
(9). Cette étude randomisée de phase II, qui a inclus
106 patients, évaluait l’efficacité de la chimiothérapie par FOLFOX ou FOLFIRI associée ou non à du
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cétuximab dans cette situation spécifique de patients
ayant des métastases potentiellement accessibles à
une résection chirurgicale en cas de bonne réponse à
la chimiothérapie. Les taux de réponse observés chez
les patients ayant une tumeur avec un gène Kras non
muté étaient de 70 %, ce qui paraît intéressant par
rapport aux taux observés avec chimiothérapie seule
(plutôt proches de 50 %), sauf en ce qui concerne
la trithérapie par FOLFIRINOX. Il été possible de
réaliser une résection à but curatif chez 36 % de ces
patients. La chimiothérapie intra-artérielle hépatique
permet également d’envisager des taux de résection
seconde élevés. Une étude, publiée comme souvent
dans le domaine de la chimiothérapie intra-artérielle
hépatique par l’équipe de N.E. Kemeny du Memorial Sloan Kettering à New York (10), a trouvé chez
55 patients, dont 49 traités par l’association floxuridine en intra-artériel + oxaliplatine et irinotécan
en intraveineux, un taux de réponse de 92 % et un
taux de résection seconde de 39 %.
Faut-il enlever la tumeur
primitive en cas de métastases
synchrones ?
À cette question fréquemment posée, l’équipe du
Memorial Sloan Kettering a répondu par la négative (11). Cette équipe a repris l’ensemble de son
expérience incluant 233 patients. L’attitude choisie
a été de ne pas réséquer le primitif dans le traitement de routine de ces patients. Chez 89 % d’entre
eux, cette attitude résolument non chirurgicale n’a
pas entraîné de conséquence. Chez 26 patients, il a
été nécessaire d’intervenir sur la tumeur primitive
par des techniques non chirurgicales dans 10 cas
(prothèse ou radiothérapie). Dans 16 cas, il a été
nécessaire d’opérer.
Le principe de la minichimiohyperthermie intrapéritonéale
L’année 2009 a été l’occasion pour l’équipe de l’Institut Gustave-Roussy de présenter le principe de
l’essai évaluant l’intérêt de la minichimio-hyperthermie intrapéritonéale (CHIP) [12]. Des patients
DOSSIER THÉMATIQUE
à haut risque de carcinose péritonéale seront randomisés entre traitement conventionnel par chimiothérapie postopératoire ou chimiothérapie adjuvante
suivie d’une réintervention pour exploration péritonéale suivie de chimio-hyperthermie intrapéritonéale
s’il existe une carcinose. Chez les patients ayant
une carcinose minime réséquée totalement lors de
l’ablation du primitif ou de métastases ovariennes,
ou en cas de tumeur perforée, et qui font l’objet de
cette étude, le risque de carcinose était de 55 %
chez 29 patients traités par CHIP et sa mortalité
a été nulle, justifiant pleinement la réalisation de
cette étude.
L’imagerie, une place de plus
en plus importante dans
l’évaluation des traitements
Pour la première fois, une évaluation systématique par l’imagerie de l’efficacité des traitements
antiangiogéniques a été présentée par l’équipe du
MD Anderson (13). Il a été trouvé dans cette étude
que l’efficacité de la chimiothérapie comportant
du bévacizumab était moins fidèlement évaluée
par les classiques critères RECIST que par une
évaluation scanographique spécifique. Les images
étaient classées en aveugle par trois radiologues
indépendants en réponse ou non-réponse radiologique. La détermination radiologique spécifique de la réponse était capable d’identifier un
groupe de patients ayant une espérance de survie
meilleure, ce que ne parvenaient pas à faire les
critères RECIST.
Conclusion
L’année 2009 s’est révélée un bon cru en ce qui
concerne le traitement du cancer colorectal métastasé. L’ensemble des études présentées ou publiées
apportent des informations précieuses quant à la
prise en charge des patients, en particulier en ce
qui concerne l’avantage de survie conféré par l’adjonction de cétuximab au FOLFIRI en première ligne,
les résultats très prometteurs du panitumumab en
première et seconde lignes et les nouveautés concernant le bévacizumab…
■
Références bibliographiques
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