Actualités à la 25e JFCD Top 5 des études de 2013 portant sur les cancers colorectaux Top five studies in colorectal cancers in 2013 C. Tournigand*, H. Boussion* Actualisation de l’étude PRIME : rechercher les mutations de KRAS et de NRAS avant de commencer un traitement par anti-EGFR est nécessaire La mutation de KRAS initialement recherchée était celle de l’exon 2. Il a été démontré qu’elle entraîne un effet délétère du traitement par antiEGFR sur la survie par rapport à une chimiothérapie seule. L’impact des autres mutations de KRAS (exons 3 et 4), des mutations de NRAS (exons 2, 3 et 4) et de celle de BRAF (exon 15) a été recherché dans l’étude PRIME (1). Parmi les 512 patients initialement inclus dans l’étude (FOLFOX associé ou non au panitumumab en première ligne métastatique), 108 (17 %) présentaient une mutation de RAS autre que celle de l’exon 2. Dans ce sous-groupe, la survie globale (SG) était de 18,3 versus 17,1 mois, respectivement dans les groupes FOLFOX et FOLFOX + panitumumab. Il devient donc nécessaire de rechercher l’ensemble de ces mutations avant de commencer un traitement par anti-EGFR. Étude CORRECT : validation d’une nouvelle ligne thérapeutique Le régorafénib est un inhibiteur de tyrosine kinase (ITK) multisites inhibant des protéines kinases impliquées dans l’angiogenèse (VEGFR), le microenvironnement tumoral (PDGRF, FGFR) et l’oncogenèse (KIT, BRAF, RET). Des résultats prometteurs en phase IB retrouvaient, sous régorafénib, un taux de contrôle de la maladie tumorale de 70 % chez des patients lourdement prétraités. L’étude CORRECT est une étude de phase III multicentrique, internationale, randomisée (2:1) contre placebo. Entre avril 2010 et mars 2011, 760 patients présentant un cancer colorectal métastatique en progression après avoir reçu l’ensemble des traitements standard (chimiothérapie, bévacizumab et/ou anti-EGFR) ont été inclus (2). Les patients devaient être en bon état général (OMS 0 ou 1). Ils recevaient, en double aveugle, soit un placebo soit 160 mg/j de régorafénib, 3 semaines sur 4. L’objectif principal de l’étude était la SG. Cette étude est positive, avec une SG médiane de 6,4 versus 5 mois dans les bras régorafénib et placebo respectivement (HR = 0,77 ; IC95 : 0,64-0,94 ; p = 0,0052). Malgré un taux élevé d’effets indésirables (respectivement 93 versus 61 %), la qualité de vie restait similaire dans les 2 groupes. Les principaux effets indésirables observés étaient les syndromes mains-pieds, l’hypertension artérielle, les diarrhées et l’asthénie. Le régorafénib devient donc une nouvelle alternative thérapeutique pour les patients multitraités mais restant en bon état général. C. Tournigand Étude ML18147 : intérêt de la poursuite de l’antiangiogénique en deuxième ligne L’utilisation du bévacizumab en association avec une chimiothérapie est actuellement validée en première ligne métastatique et en deuxième ligne uniquement chez les patients naïfs. Plusieurs études observationnelles (BriTE, ARIES) semblaient montrer l’intérêt de la poursuite de l’inhibition du VEGF en deuxième ligne. Ces résultats sont confirmés dans l’étude multicentrique randomisée (1:1) ML18147, menée entre février 2006 et janvier 2011 chez * Service d’oncologie médicale, hôpital Henri-Mondor ; université Paris-Est Créteil Val-de-Marne. La Lettre du Cancérologue • Vol. XXIII - n° 5 - mai 2014 | 183 Mots-clés Résumé Cancer colorectal métastatique Parmi les nombreuses publications sur le traitement du cancer colorectal métastatique, nous en avons retenu 5, dont 3 constituent des avancées qui sont d’ores et déjà appliquées en pratique courante. Le regorafenib, en démontrant son efficacité chez les patients ayant reçu l’ensemble des chimiothérapies et thérapies ciblées actives, offre une solution lorsque l’état général est satisfaisant. En deuxième ligne, chez des patients prétraités par une chimiothérapie avec du bévacizumab, le fait de poursuivre le bévacizumab en changeant de chimiothérapie permet un allongement de la survie globale, et enfin, les dernières analyses des différentes mutations de ras permet de mieux cerner les patients les plus à même de tirer un bénéfice du panitumumab en première ligne en association avec une chimiothérapie. Panitumumab Oxaliplatine Bévacizumab Ras Braf Summary Among the many publications on the treatment of metastatic colorectal cancer, we selected five of which 3 are steps that are already applied in practice. Regorafenib, demonstrating its effectiveness in patients who received all active chemotherapy and targeted therapies, can be proposed when the general condition is satisfactory. In patients pre-treated with chemotherapy with bevacizumab, a bevacizumabbased combiantion allows a prolonged overall survival, and finally, the latest analysis of the various mutations of ras helps identify patients most likely to derive a benefit of panitumumab in combination with first-line chemotherapy. Keywords Metastatic colorectal cancer Panitumumab Oxaliplatin Bevacizumab Ras Braf C. Tournigand déclare avoir des liens d’intérêts avec Amgen, Bayer, Merck, Roche et Sanofi.. 820 patients (3). Après une première ligne comprenant du bévacizumab, les patients recevaient une deuxième ligne standard associée ou non à du bévacizumab à une dose équivalente à 2,5 mg/kg/sem. L’objectif principal a été atteint avec une augmentation significative de la SG – 11,2 versus 9,8 mois (HR = 0,81 ; IC95 : 0,69-0,94 ; p = 0,0062) – et une tolérance similaire à celle observée en première ligne. Étude EORTC 40983 : pas d’impact sur la survie globale du FOLFOX périopératoire dans les métastases hépatiques Cette étude de phase III randomisée (1:1), multicentrique, avait fait l’objet d’une première publication en 2008 concernant la survie sans progression (SSP), qui était l’objectif principal. Au total, 364 patients atteints d’un cancer colorectal avec 1 à 4 métastases hépatiques d’emblée résécables avaient été inclus. Une chimiothérapie périopératoire par FOLFOX4 (6 cycles avant et après la chirurgie) montrait une augmentation absolue de la SSP à 3 ans de 8,1 % (HR = 0,77 ; IC95 : 0,60-1,00 ; p = 0,041) [4]. Les résultats en termes de SG à 5 ans sont en revanche non significatifs : 51,2 % dans le groupe chimiothérapie versus 47,8 % (HR = 0,88 ; IC95 : 0,68-1,14 ; p = 0,34). L’absence de différence observée pourrait s’expliquer, d’une part, par le manque de puissance de l’étude (hypothèses statis- tiques établies pour montrer une différence en SSP) et, d’autre part, par une SSP plus longue que prévu dans le groupe chirurgie seule. FOLFOXIRI + bévacizumab : une première ligne prometteuse dans les cancers colorectaux BRAF muté La présence d’une mutation de BRAF (5 à 10 % des cas) est un facteur indépendant de mauvais pronostic dans les cancers colorectaux. La SSP en première ligne dépasse rarement les 6 mois, et la survie médiane est de l’ordre de l’année. Dans cette étude de phase II, F. Loupakis et al. (5) ont étudié, pour cette population, l’intérêt d’une chimiothérapie intensive par FOLFOXIRI (5-FU, acide folinique, oxaliplatine, irinotécan) + bévacizumab en première ligne avec entretien par LV5FU2 + bévacizumab après un maximum de 12 cycles. Au total, 50 patients provenant de 2 centres italiens ont été inclus. La SSP était de 9,2 mois, et la SG, de 24,1 mois. Les principaux effets indésirables observés étaient la neutropénie (40 % de grade 3-4), la mucite (20 % de grade 3-4) et la diarrhée (13 % de grade 3-4). Ces résultats prometteurs semblent se confirmer dans l’étude de phase III TRIBE qui compare FOLFOXIRI + bévacizumab à FOLFIRI (5-FU, acide folinique, irinotécan) + bévacizumab en première ligne métastatique chez 508 patients, dont 28 porteurs d’une mutation de ■ BRAF muté. Références bibliographiques 1. Douillard JY, Oliner KS, Siena S et al. Panitumumab-FOLFOX4 treatment and RAS mutations in colorectal cancer. N Engl J Med 2013;369(11):1023-34. (CORRECT): an international, multicentre, randomised, placebo-controlled, phase 3 trial. Lancet 2013;381(9863): 303-12. 2. Grothey A, Van Cutsem E, Sobrero A et al. Regorafenib monotherapy for previously treated metastatic colorectal cancer 3. Bennouna J, Sastre J, Arnold D et al. Continuation of bevacizumab after first progression in metastatic colorectal cancer 184 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XXIII - n° 5 - mai 2014 (ML18147): a randomised phase 3 trial. Lancet Oncol 2013;14(1):29-37. randomised, controlled, phase 3 trial. Lancet Oncol 2013;14(12):1208-15. 4. Nordlinger B, Sorbye H, Glimelius B et al. Perioperative FOLFOX4 chemotherapy and surgery versus surgery alone for resectable liver metastases from colorectal cancer (EORTC 40983): long-term results of a 5. Loupakis F, Cremolini C, Salvatore L et al. FOLFOXIRI plus bevacizumab as first-line treatment in BRAF mutant metastatic colorectal cancer. Eur J Cancer 2014;50(1):57-63.