. É ditorial Effets secondaires des agents anti-cancéreux Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Side effects of anti-cancer medications Jean-Marc Phelip CHU de Saint Etienne, Service d’HGE et d’Oncologie digestive, 42055 St Etienne Cedex 2, France doi: 10.1684/hpg.2009.0380 e-mail : <[email protected]> a toxicité des agents anticancéreux cytotoxiques, qu’elle soit spécifique ou commune, attendue ou non, joue un rôle majeur dans la dégradation de la qualité de vie des patients et en limite l’efficacité antitumorale. Ces traitements agissent en effet sur les cellules tumorales mais également sur les cellules saines de l’organisme. Leur index thérapeutique, c’est-à-dire leur action « positive », différence entre l’effet anticancéreux et l’effet toxique, est souvent réduit. Les modalités de délivrance (association, doses et rythme) visent à réduire ces effets toxiques tout en conservant le maximum d’effet anti-néoplasique. Malgré tout, la toxicité même résiduelle impose un recours fréquent aux thérapeutiques de support telles que les antiémétiques, les facteurs de croissance ou encore les ralentisseurs du transit. Ces traitements que l’on pourrait nommer « adjuvants » à la chimiothérapie ont eu ces dernières années un essor considérable car ils ont montré qu’ils permettaient de conserver voire d’augmenter l’effet dose-intensité de la chimiothérapie, tout en améliorant significativement la qualité de vie de nos patients. Ils sont donc passés d’un statut de second plan à celui de véritables traitements intégrés dans la stratégie antitumorale. Il en est ainsi de l’utilisation des G-CSF dans le cancer gastrique avancé traité par Taxotère® (+ cisplatine + 5 fluoro-uracil) avec un risque de neutropénie de grade 3-4 proche de 80 % [1], ou encore dans les métastases hépatiques des cancers colorectaux potentiellement résécables avec l’intensification de la chimiothérapie cytotoxique [2]. Les facteurs de croissance érythropoïétiques ont quant à eux un impact clair sur la qualité de vie des patients [3]. L’avènement des biothérapies (anticorps anti-EGFR, anticorps anti-angiogéniques et inhibiteurs de tyrosine kinase) a quelque peu modifié ces schémas. On a cru à leur quasi-innocuité tant ils étaient capables de cibler la cellule tumorale ou son environnement immédiat. En réalité, ils sont dotés d’une toxicité propre parfois difficile à rationaliser, qui a nécessité une modification rapide de nos habitudes de surveillance et de gestion des effets toxiques. Il s’agit principalement d’éruptions cutanées acnéiformes des anti-EGFR qui pour la première fois mettent en évidence une toxicité corrélée à l’efficacité d’une chimiothérapie. Cunningham et al. rapportent 26 % de réponses tumorales à une chimiothérapie (irinotécan) associée à un anti-EGFR (cetuximab) chez les patients présentant une éruption maculo-papuleuse contre 6 % chez ceux sans réaction cutanée [4]. Ces éruptions sont fréquentes, parfois sévères et concernent jusqu’à 50 % des patients traités par anti-EGFR ou inhibiteurs de tyrosine kinase [5]. Elles ont un impact négatif très fort sur l’image de soi et donc sur la qualité de vie. Leur prise en charge fait appel aux dermocorticoïdes ou à l’antibiothérapie locale ou systémique (macrolides ou cyclines). On pourrait également citer l’HTA, les hémorragies, les thromboses vasculaires ou encore les perforations survenant sous traitements antiangiogéniques. Hurwitz et al. ont décrit 11 % d’hypertension artérielle de grade 3 ou plus sous L HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive vol. 17 n° spécial, avril 2010 3 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. bevacizumab associé à une chimiothérapie à base d’irinotécan chez des patients traités en première ligne pour un cancer colorectal métastatique [6]. Ces données ont été confirmées par l’observatoire américain BRITE sur une base de 1 953 patients traités par bevacizumab pour un cancer colorectal métastatique : 1,8 % d’HTA, 2,4 % d’hémorragies et 1,8 % de perforations [7]. Ces quelques exemples montrent la nécessité d’évoluer en permanence dans la prise en charge de ces effets toxiques parallèlement à l’évolution et aux innovations des agents anticancéreux. La qualité de vie des patients est aujourd’hui au centre de la préoccupation des soignants et fait l’objet d’une attention plus que jamais soutenue comme en témoigne son intégration constante comme critère d’évaluation dans les essais thérapeutiques. Elle nécessite de connaître la toxicité souvent attendue, parfois exceptionnelle, des chimiothérapies afin de la prévenir ou d’en limiter l’intensité. Ce numéro spécial vous démontrera s’il en était besoin la grande variété de ces effets toxiques ainsi que la richesse et l’impact direct des traitements de support sur la réussite de nos projets thérapeutiques. Bonne n lecture. Références 1. Van Cutsem, et al. Phase III Study of docetaxel and cisplatin plus fluorouracil compared with cisplatin and fluorouracil as first-line therapy for advanced gastric cancer : A Report of the V325 Study Group. J Clin Oncol 2006 ; 24 : 4991-7. 2. Ychou M, et al. Tritherapy with fluorouracil/leucovorin, irinotecan and oxaliplatin (FOLFIRINOX) : a phase II study in colorectal cancer patients with non-resectable liver metastases. Cancer Chemother Pharmacol 2008 ; 62 : 195-201. 3. Crawford J, et al. Relationship between changes in hemoglobin level and quality of life during chemotherapy in anemic cancer patients receiving epoetin alfa therapy. Cancer 2002 ; 95 : 888-95. 4 4. Cunningham D, et al. Cetuximab monotherapy and cetuximab plus irinotecan in irinotecan-refractory metastatic colorectal cancer. N Engl J Med 2004 ; 351 : 337-45. 5. Lacouture ME, et al. Cutaneous reactions to anticancer agents targeting the epidermal growth factor receptor : a dermatology-oncology perspective. Skin Therapy Lett 2007 ; 12 : 1-5. 6. Hurwitz H, et al. Bevacizumab plus irinotecan, fluorouracil, and leucovorin for metastatic colorectal cancer. N Engl J Med 2004 ; 350 : 2335-42. 7. Grothey A, et al. Bevacizumab beyong first progression is associated with prolonged overall survival in metastatic colorectal cancer : result from a large observational cohort study (BRiTE). J Clin Oncol 2008 ; 26 : 5326-34. HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive vol. 17 n° spécial, avril 2010