Effets secondaires des agents
anti-cancéreux
Side effects of anti-cancer medications
Jean-Marc Phelip
CHU de Saint Etienne,
Service dHGE et dOncologie digestive,
42055 St Etienne Cedex 2, France
e-mail : <j.marc.phelip@chu-st-etienne.fr>
La toxicité des agents anticancéreux cytotoxiques, quelle soit spécifique ou
commune, attendue ou non, joue un rôle majeur dans la dégradation de la
qualité de vie des patients et en limite lefficacité antitumorale. Ces traitements
agissent en effet sur les cellules tumorales mais également sur les cellules saines
de lorganisme. Leur index thérapeutique, cest-à-dire leur action « positive »,
différence entre leffet anticancéreux et leffet toxique, est souvent réduit.
Les modalités de délivrance (association, doses et rythme) visent à réduire ces
effets toxiques tout en conservant le maximum deffet anti-néoplasique. Malgré
tout, la toxicité même résiduelle impose un recours fréquent aux thérapeutiques
de support telles que les antiémétiques, les facteurs de croissance ou encore les
ralentisseurs du transit. Ces traitements que lon pourrait nommer « adjuvants »
à la chimiothérapie ont eu ces dernières années un essor considérable car ils ont
montré quils permettaient de conserver voire daugmenter leffet dose-intensité
de la chimiothérapie, tout en améliorant significativement la qualité de vie de
nos patients. Ils sont donc passés dun statut de second plan à celui de véritables
traitements intégrés dans la stratégie antitumorale. Il en est ainsi de lutilisation
des G-CSF dans le cancer gastrique avancé traité par Taxotère® (+ cisplatine +
5 fluoro-uracil) avec un risque de neutropénie de grade 3-4 proche de 80 %
[1], ou encore dans les métastases hépatiques des cancers colorectaux potentiel-
lement résécables avec lintensification de la chimiothérapie cytotoxique [2].
Les facteurs de croissance érythropoïétiques ont quant à eux un impact clair sur
la qualité de vie des patients [3].
Lavènement des biothérapies (anticorps anti-EGFR, anticorps anti-angiogéniques
et inhibiteurs de tyrosine kinase) a quelque peu modifié ces schémas. On a cru à
leur quasi-innocuité tant ils étaient capables de cibler la cellule tumorale ou son
environnement immédiat. En réalité, ils sont dotés dune toxicité propre parfois
difficile à rationaliser, qui a nécessité une modification rapide de nos habitudes de
surveillance et de gestion des effets toxiques. Il sagit principalement déruptions
cutanées acnéiformes des anti-EGFR qui pour la première fois mettent en évidence
une toxicité corrélée à lefficacité dune chimiothérapie. Cunningham et al. rappor-
tent 26 % de réponses tumorales à une chimiothérapie (irinotécan) associée à un
anti-EGFR (cetuximab) chez les patients présentant une éruption maculo-papuleuse
contre 6 % chez ceux sans réaction cutanée [4]. Ces éruptions sont fréquentes,
parfois sévères et concernent jusquà 50 % des patients traités par anti-EGFR ou
inhibiteurs de tyrosine kinase [5]. Elles ont un impact négatif très fort sur limage
de soi et donc sur la qualité de vie. Leur prise en charge fait appel aux dermo-
corticoïdes ou à lantibiothérapie locale ou systémique (macrolides ou cyclines).
On pourrait également citer lHTA, les hémorragies, les thromboses vasculaires
ou encore les perforations survenant sous traitements antiangiogéniques.
Hurwitz et al. ont décrit 11 % dhypertension artérielle de grade 3 ou plus sous
3
HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive
.Éditorial
doi: 10.1684/hpg.2009.0380
vol. 17 n° spécial, avril 2010
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bevacizumab associé à une chimiothérapie à base dirinotécan chez des patients
traités en première ligne pour un cancer colorectal métastatique [6]. Ces données
ont été confirmées par lobservatoire américain BRITE sur une base de
1 953 patients traités par bevacizumab pour un cancer colorectal métastatique :
1,8 % dHTA, 2,4 % dhémorragies et 1,8 % de perforations [7].
Ces quelques exemples montrent la nécessité dévoluer en permanence dans la
prise en charge de ces effets toxiques parallèlement à lévolution et aux innova-
tions des agents anticancéreux. La qualité de vie des patients est aujourdhui au
centre de la préoccupation des soignants et fait lobjet dune attention plus que
jamais soutenue comme en témoigne son intégration constante comme critère
dévaluation dans les essais thérapeutiques. Elle nécessite de connaître la toxicité
souvent attendue, parfois exceptionnelle, des chimiothérapies afin de la prévenir
ou den limiter lintensité. Ce numéro spécial vous démontrera sil en était besoin
la grande variété de ces effets toxiques ainsi que la richesse et limpact direct des
traitements de support sur la réussite de nos projets thérapeutiques. Bonne
lecture. n
Références
1. Van Cutsem, et al. Phase III Study of docetaxel and cisplatin plus fluo-
rouracil compared with cisplatin and fluorouracil as first-line therapy for
advanced gastric cancer : A Report of the V325 Study Group. J Clin
Oncol 2006 ; 24 : 4991-7.
2. Ychou M, et al. Tritherapy with fluorouracil/leucovorin, irinotecan and
oxaliplatin (FOLFIRINOX) : a phase II study in colorectal cancer patients
with non-resectable liver metastases. Cancer Chemother Pharmacol
2008 ; 62 : 195-201.
3. Crawford J, et al. Relationship between changes in hemoglobin level
and quality of life during chemotherapy in anemic cancer patients recei-
ving epoetin alfa therapy. Cancer 2002 ; 95 : 888-95.
4. Cunningham D, et al. Cetuximab monotherapy and cetuximab plus iri-
notecan in irinotecan-refractory metastatic colorectal cancer. N Engl
J Med 2004 ; 351 : 337-45.
5. Lacouture ME, et al. Cutaneous reactions to anticancer agents targe-
ting the epidermal growth factor receptor : a dermatology-oncology pers-
pective. Skin Therapy Lett 2007 ; 12 : 1-5.
6. Hurwitz H, et al. Bevacizumab plus irinotecan, fluorouracil, and
leucovorin for metastatic colorectal cancer. N Engl J Med 2004 ; 350 :
2335-42.
7. Grothey A, et al. Bevacizumab beyong first progression is associated
with prolonged overall survival in metastatic colorectal cancer : result
from a large observational cohort study (BRiTE). J Clin Oncol 2008 ; 26 :
5326-34.
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