Cancer du sein métastatique surexprimant HER2 Y a-t-il un avenir

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cas clinique
Cancer du sein métastatique
surexprimant HER2
Y a-t-il un avenir
après l’association lapatinib, capécitabine ?
Metastatic breast cancer overexpressing HER2.
Is there anything to do after lapatinib plus capecitabine?
P. Beuzeboc*, G. Roubaud*
L’
association lapatinib/capécitabine vient à peine d’obtenir
son autorisation de mise sur le marché (AMM) dans les
cancers du sein métastatiques surexprimant HER2 (1) que,
déjà, le problème se pose de savoir ce qu’il faut faire au décours.
Continuer en cas d’échec à cibler HER2 à ce stade a-t-il encore
un sens clinique et économique ?
Ces deux observations à partir de l’expérience découlant des
patientes traitées dans le cadre de l’autorisation transitoire d’utilisation (ATU) ne tirent pas leur intérêt de leur singularité mais
de la réflexion qu’elles suscitent autour du concept de maintien
du blocage du récepteur HER2 avec la reprise d’un traitement
cytotoxique non spécifique.
P r e m i è r e o b s e r v a t i o n Mme D., âgée de 56 ans, a été opérée en juin 2001 par tumorectomie et curage axillaire d’une tumeur de 2 cm du sein droit.
Selon l’histologie, il s’agissait d’un carcinome canalaire infiltrant
SBRII, RO– RP–, très proliférant, avec un KI 67 de 50 % et 8 N+.
Immédiatement à la fin du sixième cycle de fluoro-uracile, épirubicine, cyclophosphamide (FEC) 100, une tumeur du sein droit
(17 mm x 10 mm) est apparue, avec deux lésions du prolongement
axillaire, justifiant une mastectomie. Le bilan d’extension était par
ailleurs resté normal. En raison d’une surexpression d’HER2 3+, un
traitement par docétaxel (6 cycles) et trastuzumab a été instauré,
* Département d’oncologie médicale, Institut Curie, Paris.
et suivi d’une radiothérapie. Le trastuzumab a ensuite été poursuivi en entretien toutes les 3 semaines jusqu’en avril 2006. Des
lésions secondaires médiastino-pulmonaires ont alors été mises en
évidence, qui ont été traitées par vinorelbine et trastuzumab.
Du fait d’une nouvelle reprise évolutive, sous la forme d’une
progression pulmonaire, un traitement par lapatinib (1 250 mg/­j)
et capécitabine (3 000 mg/j 2 semaines sur 3) a été instauré
dans le cadre d’une autorisation transitoire d’utilisation (ATU)
en juillet 2007. La tolérance a été acceptable, en dehors d’un
syndrome palmo-plantaire de grade III et d’une éruption cutanée
des avant-bras. En mars 2008, une importante évolution pulmonaire, pleurale, sous-cutanée sous-claviculaire droite et osseuse,
a conduit à décider de la reprise d’une chimiothérapie, par docétaxel et trastuzumab, qui a permis d’obtenir très rapidement
une réponse clinique lui permettant de reprendre son jogging.
En septembre 2008, alors qu’à l’examen clinique, il existe une
réponse majeure au niveau des nodules sous-cutanés de la paroi
thoracique droite, le scanner toraco-abdominal montre une stabilisation à 6 mois des lésions médiastino-pulmonaires et pleurales
sans lésions hépatiques.
D e u x i è m e o b s e r v a t i o n Mme C., âgée de 68 ans, présentait en octobre 2003 une tumeur
centrale du sein droit de 6 x 4 cm avec rétraction et maladie de
Paget du mamelon justifiant une mastectomie avec curage axillaire. L’analyse anatomopathologique a retrouvé un carcinome
canalaire infiltrant SBRIII, RO+ RP– HER2 3+, sur plus de 60 %
des cellules. La patiente a été traitée en adjuvant par 6 cycles
La Lettre du Cancérologue • Vol. XVII - n° 8 - octobre 2008 | 405
cas clinique
de FEC 100 suivis d’une radiothérapie locorégionale et d’une
hormonothérapie par tamoxifène. En janvier 2005, un relais par
anastrozole a été instauré après l’exérèse d’une récidive nodulaire sous-cutanée. Dès avril 2005, une efflorescence de nodules
est apparue au niveau de la paroi thoracique gauche. Le bilan
d’extension était par ailleurs normal. La biopsie d’une lésion a
retrouvé un marquage fort 3+ sur 100 % des cellules. La patiente
a été incluse dans le protocole de vaccination HER2-AS15-003,
qu’elle a rapidement arrêté en raison d’une progression sous la
forme d’une lymphangite de paroi. L’instauration en août 2005
d’un traitement par docétaxel (6 cycles) et trastuzumab poursuivi
en relais a permis d’obtenir une réponse presque complète. En
octobre 2006, la réapparition rapide de la lymphangite pariétale
gauche, avec extension au sein droit, a été traitée par vinorelbine
toujours associée au trastuzumab, avec, de nouveau, une réponse
incomplète. Une nouvelle progression, toujours exclusivement
cutanée, a justifié la mise en route, en juillet 2007, d’un traitement
par lapatinib (1 250 mg/j) et capécitabine (3 000 mg/j 2 semaines
sur 3), d’efficacité transitoire, suspendu à plusieurs reprises à cause
de la survenue d’épisodes de diarrhée importante. En janvier,
le traitement par trastuzumab (580 mg tous les 21 jours) a été
repris, associé à une nouvelle chimiothérapie, par gemcitabine
(2 000 mg à J1 et J8), qui a permis une réponse majeure, avec la
quasi-disparition de toutes les lésions sous-cutanées au niveau
des parois droites et du sein gauche, observée lors du dernier
contrôle, en septembre 2008.
D i s c u s s i o n Ces deux observations montrent qu’il est possible d’obtenir de
nouveau une réponse durable par une reprise du trastuzumab,
associé à un cytotoxique, après l’association lapatinib/capécitabine, ce qui témoigne de l’utilité potentielle de la poursuite du
blocage de la voie d’HER2.
Après l’échec d’une première ligne de trastuzumab, cette notion
semble aujourd’hui acquise à partir des diverses expériences rétrospectives internationales comme celle de l’Hellenic Cooperative
Oncology Group (2) [médiane de survie à partir du diagnostic
de maladie avancée de 43,4 mois, et médiane de survie après
progression de 22,2 mois] et celles des observatoires français (étude Hermine) et italien (étude Demetra) rapportées à
l’ASCO 2008 (3).
Dans la même logique, l’association du trastuzumab à d’autres
traitements ciblés s’est elle aussi montrée efficace. L’association
avec le bévacizumab, qui repose sur le fait qu’une coamplification de VEGF est souvent associée à l’amplification d’HER2, s’est
révélée très prometteuse (4). L’actualisation de l’essai de phase II
d’association du trastuzumab et du pertuzumab (premier anticorps
monoclonal humanisé bloquant à la fois des sites d’homo- et
d’hétérodimérisation d’HER2) chez 66 patientes présentant un
cancer du sein métastatique surexprimant HER2 en progression
sous trastuzumab (5) a permis de confirmer l’efficacité de la
combinaison, avec un taux de réponse de 24 % (8 % de réponses
complètes) et un bénéfice clinique retrouvé chez la moitié des
patientes, sans dégradation de la fonction cardiaque.
La combinaison trastuzumab/lapatinib s’est également montrée
plus active que le lapatinib seul dans une étude randomisée concernant des patientes polytraitées (6).
D’autres inhibiteurs de la signalisation HER2 devraient émerger
très prochainement, comme le HKI-272, un inhibiteur oral irréversible de tyrosine kinase du récepteur HER2 (mais qui inhibe
également la kinase d’EGFR).
Toutes ces données conduisent à réfléchir sur la “résistance au
trastuzumab”, qui ne s’apparente pas à l’évidence à une résistance
définitive (7). Elles incitent à continuer à la fois les recherches
précliniques, cliniques et translationnelles, et à chercher les voies
permettant aux tumeurs HER2+ de contourner le blocage du
récepteur HER2 pour pouvoir cibler précocement les voies de
signalisation permettant l’échappement tumoral.
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Références bibliographiques
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3. Ménard S, on behalf of the Demetra Group. Observational Demetra study: survival
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406 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XVII - n° 8 - octobre 2008 and bevacizumab as first line treatment of HER2-amplified breast cancer. Breast Cancer
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6. O’Shaughnessy J, Blacwell KL, Burstein et al. A randomized study of lapatinib alone
or in combination with tratuzumab in heavily pretreated HER2+ metastatic breast
cancer progressing on trastuzumab thearpy. J Clin Oncol 2008;26(Suppl.15): abstract
1015.
7. Dieras V, Vincent-Salomon A, Degeorges A et al. Trastuzumab (Herceptin®) et cancer
du sein. Mécanismes de résistance. Bull Cancer 2007;94(3):259-66.
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