CAS CLINIQUE
406 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XVII - n° 8 - octobre 2008
de FEC 100 suivis d’une radiothérapie locorégionale et d’une
hormonothérapie par tamoxifène. En janvier 2005, un relais par
anastrozole a été instauré après l’exérèse d’une récidive nodu-
laire sous-cutanée. Dès avril 2005, une efflorescence de nodules
est apparue au niveau de la paroi thoracique gauche. Le bilan
d’extension était par ailleurs normal. La biopsie d’une lésion a
retrouvé un marquage fort 3+ sur 100 % des cellules. La patiente
a été incluse dans le protocole de vaccination HER2-AS15-003,
qu’elle a rapidement arrêté en raison d’une progression sous la
forme d’une lymphangite de paroi. L’instauration en août 2005
d’un traitement par docétaxel (6 cycles) et trastuzumab poursuivi
en relais a permis d’obtenir une réponse presque complète. En
octobre 2006, la réapparition rapide de la lymphangite pariétale
gauche, avec extension au sein droit, a été traitée par vinorelbine
toujours associée au trastuzumab, avec, de nouveau, une réponse
incomplète. Une nouvelle progression, toujours exclusivement
cutanée, a justifié la mise en route, en juillet 2007, d’un traitement
par lapatinib (1 250 mg/j) et capécitabine (3 000 mg/j 2 semaines
sur 3), d’efficacité transitoire, suspendu à plusieurs reprises à cause
de la survenue d’épisodes de diarrhée importante. En janvier,
le traitement par trastuzumab (580 mg tous les 21 jours) a été
repris, associé à une nouvelle chimiothérapie, par gemcitabine
(2 000 mg à J1 et J8), qui a permis une réponse majeure, avec la
quasi-disparition de toutes les lésions sous-cutanées au niveau
des parois droites et du sein gauche, observée lors du dernier
contrôle, en septembre 2008.
Discussion
Ces deux observations montrent qu’il est possible d’obtenir de
nouveau une réponse durable par une reprise du trastuzumab,
associé à un cytotoxique, après l’association lapatinib/capécita-
bine, ce qui témoigne de l’utilité potentielle de la poursuite du
blocage de la voie d’HER2.
Après l’échec d’une première ligne de trastuzumab, cette notion
semble aujourd’hui acquise à partir des diverses expériences rétros-
pectives internationales comme celle de l’Hellenic Cooperative
Oncology Group (2) [médiane de survie à partir du diagnostic
de maladie avancée de 43,4 mois, et médiane de survie après
progression de 22,2 mois] et celles des observatoires fran-
çais (étude Hermine) et italien (étude Demetra) rapportées à
l’ASCO 2008 (3).
Dans la même logique, l’association du trastuzumab à d’autres
traitements ciblés s’est elle aussi montrée efficace. L’association
avec le bévacizumab, qui repose sur le fait qu’une coamplifica-
tion de VEGF est souvent associée à l’amplification d’HER2, s’est
révélée très prometteuse (4). L’actualisation de l’essai de phase II
d’association du trastuzumab et du pertuzumab (premier anticorps
monoclonal humanisé bloquant à la fois des sites d’homo- et
d’hétérodimérisation d’HER2) chez 66 patientes présentant un
cancer du sein métastatique surexprimant HER2 en progression
sous trastuzumab (5) a permis de confirmer l’efficacité de la
combinaison, avec un taux de réponse de 24 % (8 % de réponses
complètes) et un bénéfice clinique retrouvé chez la moitié des
patientes, sans dégradation de la fonction cardiaque.
La combinaison trastuzumab/lapatinib s’est également montrée
plus active que le lapatinib seul dans une étude randomisée concer-
nant des patientes polytraitées (6).
D’autres inhibiteurs de la signalisation HER2 devraient émerger
très prochainement, comme le HKI-272, un inhibiteur oral irré-
versible de tyrosine kinase du récepteur HER2 (mais qui inhibe
également la kinase d’EGFR).
Toutes ces données conduisent à réfléchir sur la “résistance au
trastuzumab”, qui ne s’apparente pas à l’évidence à une résistance
définitive (7). Elles incitent à continuer à la fois les recherches
précliniques, cliniques et translationnelles, et à chercher les voies
permettant aux tumeurs HER2+ de contourner le blocage du
récepteur HER2 pour pouvoir cibler précocement les voies de
signalisation permettant l’échappement tumoral. ■
1. Geyer CE, Forster J, Lindquist D et al. Lapatinib plus capecitabine for HER2-positive
advanced breast cancer. N Engl J Med 2006;355(26):2733-43.
2. Fountzilas G, Razis E, Tsavdaridis D et al. Continuation of trastuzumab beyond disease
progression is feasible and safe in patients with metastatic breast cancer: a retrospective
analysis of 80 cases by the Hellenic Cooperative Oncology Group. Clin Breast Cancer
2003;4(2):120-5.
3. Ménard S, on behalf of the Demetra Group. Observational Demetra study: survival
of metastatic breast carcinoma patients after treatment with trastuzumab. J Clin Oncol
2008;26(Suppl.15): abstract 1062.
4. Pegram M, Chan, Dichmann RA et al. Phase II combined biological therapy targeting
the HER2 proto-oncogene and the vascular endothelial growth factor using trastuzumab
and bevacizumab as first line treatment of HER2-amplified breast cancer. Breast Cancer
Res Treat 2006;S28:301.
5. Gelmon KA, Fumoleau P, Verma S et al. Results of a phase II trial of trastuzumab and
pertuzumab in patients with HER2-positive metastatic breast cancer who had progressed
during trastuzumab therapy. J Clin Oncol 2008;26(Suppl.15): abstract 1026.
6. O’Shaughnessy J, Blacwell KL, Burstein et al. A randomized study of lapatinib alone
or in combination with tratuzumab in heavily pretreated HER2+ metastatic breast
cancer progressing on trastuzumab thearpy. J Clin Oncol 2008;26(Suppl.15): abstract
1015.
7. Dieras V, Vincent-Salomon A, Degeorges A et al. Trastuzumab (Herceptin®) et cancer
du sein. Mécanismes de résistance. Bull Cancer 2007;94(3):259-66.
Références bibliographiques