Localisation métastatique cérébrale, une brèche dans le sanctuaire :

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CAS CLINIQUE
Mots-clés
Lapatinib – Cancer du sein – Métastase cérébrale.
Keywords
Lapatinib – Breast cancer – Brain metastasis.
Localisation métastatique cérébrale,
une brèche dans le sanctuaire :
à propos d’une réponse majeure
sous lapatinib et capécitabine
A new breakthrough in the treatment of brain metastases:
a major role for lapatinib combined with capecitabine
S. Catala 1
N
ous rapportons ici le cas d’une patiente atteinte d’un
cancer du sein HER2 positif, en progression précoce après
un traitement à base de trastuzumab en adjuvant, développant des métastases cérébrales isolées, traitées et mises en
rémission complète avec l’association lapatinib/capécitabine.
O b s e r v a t i o n Madame P, âgée de 45 ans, présente un carcinome lobulaire
infiltrant du sein droit (6-7 cm, T3N1Mx, 10N+/14 sans RC,
grade SBR II, RH–, HER2 3+ [IHC]), pour lequel elle est opérée
en août 2006. Elle bénéficie d’une mastectomie et d’un curage
du sein droit, ainsi que d’une tumorectomie du sein gauche.
L’examen anatomopathologique du sein gauche révèle une
néoplasie lobulaire in situ. La tumeur du sein droit est classée
pT3pN3. Le bilan d’extension ne montre pas de métastases. La
patiente reçoit alors 4 cycles de FEC 100 et 4 cycles de docétaxel,
ainsi que du trastuzumab pendant 1 an (patiente incluse dans
l’étude PHARE). La dernière cure de trastuzumab est réalisée le
5 novembre 2007.
Le 24 juin 2008, elle est adressée en consultation d’oncologie pour
troubles de la cognition et du langage. Une IRM réalisée en urgence
le jour même révèle une atteinte secondaire multi-nodulaire
supra- et infra-tentorielle, sans signe d’engagement, avec œdème
périlésionnel prédominant au niveau d’un volumineux nodule cérébelleux droit. Le reste du bilan montre une scintigraphie osseuse
négative, un ACE à 2,3 ng/ml, un CA 15-3 à 9 U/­ml, ainsi qu’une
tomodensitométrie (TDM) thoraco-abdomino-pelvienne et une
mammographie négatives. Il est alors décidé de réaliser immédiatement une irradiation encéphalique de 30 Gy en 10 séances,
associée à une corticothérapie.
Le 31 juillet 2008, une nouvelle IRM révèle 13 lésions encéphaliques identifiées, dont 1 nodule cérébelleux gauche de 20 mm
et 2 nodules cérébelleux droits de 26 mm et 23 mm (figure 1).
Les autres lésions sont situées au niveau de la tente du cervelet,
du lobe temporal droit, du lobe temporal gauche, du carrefour
droit, du lobe occipital gauche, du centre hémisphérique droit,
du lobe occipital droit et du lobe frontal (3 lésions).
1 Centre catalan d’oncologie, Perpignan.
498 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XVIII - n° 9 - novembre 2009
Figure 1. L’IRM du 31 juillet 2008 révèle 13 lésions encéphaliques identifiées, dont 1 nodule cérébelleux gauche de 20 mm
et 2 nodules cérébelleux droits de 26 mm et 23 mm.
CAS CLINIQUE
Figure 2. Absence de lésion encéphalique visible à l’IRM
du 24 novembre 2008.
Le 13 août 2008, à la suite de la réunion de concertation pluri­
disciplinaire, la décision est prise de mettre la patiente sous lapatinib 1 250 mg/j + capécitabine 2 000 mg/j.
La patiente est revue en consultation le 14 octobre 2008, et il
est constaté une très nette amélioration de son état général ainsi
que de son état neurologique. Seuls des épisodes de diarrhées de
grade I sont rapportés par la patiente.
Une nouvelle IRM est réalisée le 24 novembre 2008, ne montrant
plus aucune lésion encéphalique visible. Il est conclu dans le
compte-rendu radiologique à une restitution ad integrum (figure 2).
La survenue d’un syndrome mains-pieds de grade III conduit à
l’arrêt de la capécitabine en mars 2009. Le lapatinib est maintenu
en monothérapie.
Une IRM encéphalique de contrôle réalisée le 6 mars 2009 ne
montre aucun signe évolutif. Le reste du bilan (radiographie pulmonaire, mammographie et échographie abdominale) réalisé le même
mois est normal.
La patiente est revue pour la dernière fois en consultation fin
août. Son état général est satisfaisant et elle a repris ses activités
professionnelles.
D i s c u s s i o n Dans le cancer du sein, il est aujourd’hui prouvé que la surexpression du récepteur HER2 est impliquée dans la prolifération,
la migration et la survie des cellules tumorales. HER2 est ainsi
surexprimé dans 25 à 30 % des carcinomes mammaires dans les
séries historiques. En pratique, on constate une diminution de ce
pourcentage de surexpression d’HER2. Cependant, cette caractéristique reste associée à un pronostic défavorable et à un phénotype
agressif (1, 2). Le pronostic des patientes présentant un cancer du
sein surexprimant HER2 a cependant considérablement évolué avec
l’avènement des thérapies ciblées. Le trastuzumab, anticorps monoclonal humanisé se liant spécifiquement au domaine extracellulaire
d’HER2, occupe, depuis son développement dans les années 1990,
une place primordiale dans la prise en charge du cancer du sein
HER2 positif. Son administration durant 1 an est devenue partie
intégrante du traitement adjuvant de ces patientes. Cependant,
des métastases cérébrales vont apparaître chez environ un tiers des
patientes au décours de leur maladie (3, 4). Ce phénomène peut
être la conséquence de plusieurs mécanismes. Les cellules tumorales surexprimant HER2 ont une affinité accrue pour le système
nerveux central. En allongeant la durée de vie des patientes, on
constate une augmentation de l’incidence des métastases céré-
brales, un événement survenant tardivement dans l’évolution de
la maladie métastatique. Enfin, les molécules de poids moléculaire élevé telles que les anticorps monoclonaux ne semblent pas
passer la barrière hémato-encéphalique, tout du moins en quantité
suffisante pour exercer un effet thérapeutique (5, 6).
Pour faire face à ces limites, de nouvelles molécules de petite taille,
ciblant la famille des récepteurs HER, ont été développées. Parmi
elles, le lapatinib, inhibiteur de la tyrosine kinase des récepteurs
EGFR et HER2, a démontré son efficacité en association avec la
capécitabine dans la prise en charge du cancer du sein HER2 positif
avancé ou métastatique réfractaire (7, 8). Des études ont mis en
évidence une régression des métastases cérébrales sous lapatinib, en
monothérapie ou en association, chez des patientes ayant progressé
malgré un traitement par trastuzumab et radiothérapie (9, 10).
La rechute relativement précoce, 7 mois après la dernière cure de
trastuzumab en adjuvant, a fait poser la question de sa réintroduction. Au vu des données médico-scientifiques récentes (7, 8), le choix
du lapatinib en association avec la capécitabine a été privilégié.
Ce traitement a permis l’obtention de résultats tout à fait remarquables sur les métastases cérébrales, avec aujourd’hui un recul de
12 mois et l’absence de toute lésion parenchymateuse à l’examen
tomodensitométrique.
Conclusion
Le cas clinique présenté ici montre tout l’intérêt du changement
de thérapie ciblée en cas d’échec, notamment du fait de l’absence
de résistance croisée. L’introduction du lapatinib, molécule de
faible poids moléculaire, associé à la capécitabine, favoriserait un
meilleur passage de la barrière hémato-encéphalique.
Des études évaluant le potentiel du lapatinib à des stades plus
précoces sont en cours.
■
Références bibliographiques
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patients with HER2-positive breast cancer. J Clin Oncol 2008;26:1993-9.
La Lettre du Cancérologue • Vol. XVIII - n° 9 - novembre 2009 | 499
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