CAS CLINIQUE
Figure 2. Absence de lésion encéphalique visible à l’IRM
du 24 novembre 2008.
La Lettre du Cancérologue • Vol. XVIII - n° 9 - novembre 2009 | 499
Le 13 août 2008, à la suite de la réunion de concertation pluri-
disciplinaire, la décision est prise de mettre la patiente sous lapa-
tinib 1 250 mg/j + capécitabine 2 000 mg/j.
La patiente est revue en consultation le 14 octobre 2008, et il
est constaté une très nette amélioration de son état général ainsi
que de son état neurologique. Seuls des épisodes de diarrhées de
grade I sont rapportés par la patiente.
Une nouvelle IRM est réalisée le 24 novembre 2008, ne montrant
plus aucune lésion encéphalique visible. Il est conclu dans le
compte-rendu radiologique à une restitution ad integrum (figure◆2).
La survenue d’un syndrome mains-pieds de grade III conduit à
l’arrêt de la capécitabine en mars 2009. Le lapatinib est maintenu
en monothérapie.
Une IRM encéphalique de contrôle réalisée le 6 mars 2009 ne
montre aucun signe évolutif. Le reste du bilan (radiographie pulmo-
naire, mammographie et échographie abdominale) réalisé le même
mois est normal.
La patiente est revue pour la dernière fois en consultation fin
août. Son état général est satisfaisant et elle a repris ses activités
professionnelles.
Discussion
Dans le cancer du sein, il est aujourd’hui prouvé que la surex-
pression du récepteur HER2 est impliquée dans la prolifération,
la migration et la survie des cellules tumorales. HER2 est ainsi
surexprimé dans 25 à 30 % des carcinomes mammaires dans les
séries historiques. En pratique, on constate une diminution de ce
pourcentage de surexpression d’HER2. Cependant, cette caractéris-
tique reste associée à un pronostic défavorable et à un phénotype
agressif (1, 2). Le pronostic des patientes présentant un cancer du
sein surexprimant HER2 a cependant considérablement évolué avec
l’avènement des thérapies ciblées. Le trastuzumab, anticorps mono-
clonal humanisé se liant spécifiquement au domaine extracellulaire
d’HER2, occupe, depuis son développement dans les années 1990,
une place primordiale dans la prise en charge du cancer du sein
HER2 positif. Son administration durant 1 an est devenue partie
intégrante du traitement adjuvant de ces patientes. Cependant,
des métastases cérébrales vont apparaître chez environ un tiers des
patientes au décours de leur maladie (3, 4). Ce phénomène peut
être la conséquence de plusieurs mécanismes. Les cellules tumo-
rales surexprimant HER2 ont une affinité accrue pour le système
nerveux central. En allongeant la durée de vie des patientes, on
constate une augmentation de l’incidence des métastases céré-
brales, un événement survenant tardivement dans l’évolution de
la maladie métastatique. Enfin, les molécules de poids molécu-
laire élevé telles que les anticorps monoclonaux ne semblent pas
passer la barrière hémato-encéphalique, tout du moins en quantité
suffisante pour exercer un effet thérapeutique (5, 6).
Pour faire face à ces limites, de nouvelles molécules de petite taille,
ciblant la famille des récepteurs HER, ont été développées. Parmi
elles, le lapatinib, inhibiteur de la tyrosine kinase des récepteurs
EGFR et HER2, a démontré son efficacité en association avec la
capécitabine dans la prise en charge du cancer du sein HER2 positif
avancé ou métastatique réfractaire (7, 8). Des études ont mis en
évidence une régression des métastases cérébrales sous lapatinib, en
monothérapie ou en association, chez des patientes ayant progressé
malgré un traitement par trastuzumab et radiothérapie (9, 10).
La rechute relativement précoce, 7 mois après la dernière cure de
trastuzumab en adjuvant, a fait poser la question de sa réintroduc-
tion. Au vu des données médico-scientifiques récentes (7, 8), le choix
du lapatinib en association avec la capécitabine a été privilégié.
Ce traitement a permis l’obtention de résultats tout à fait remar-
quables sur les métastases cérébrales, avec aujourd’hui un recul de
12 mois et l’absence de toute lésion parenchymateuse à l’examen
tomodensitométrique.
Conclusion
Le cas clinique présenté ici montre tout l’intérêt du changement
de thérapie ciblée en cas d’échec, notamment du fait de l’absence
de résistance croisée. L’introduction du lapatinib, molécule de
faible poids moléculaire, associé à la capécitabine, favoriserait un
meilleur passage de la barrière hémato-encéphalique.
Des études évaluant le potentiel du lapatinib à des stades plus
précoces sont en cours. ■
1.◆
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Références bibliographiques